DES ECONOMISTES INVITENT A CORRIGER CE QUI PEUT L’ETRE
Les mesures d’austérité prises continuellement par le président de la République, Macky Sall, depuis le début de son second et dernier mandat, trouvent échos favorable auprès des économistes sénégalais

Toutefois, ces derniers du moins n’ont pas manqué de fustiger son silence coupable, qui a conduit à cette situation longtemps décriée par les institutions de Bretton Woods et certains économistes.
La tension financière que connait le pays depuis des mois déjà, a amené le chef de l’Etat, Macky Sall, à prendre des mesures d’austérité relatives à la suppression du poste de Premier ministre, à la fermeture de certaines agences, à la baisse de la facture d’achat de véhicules, à la réduction des représentations diplomatiques, à la baisse de la facture téléphonique et à l’orientation des bacheliers de 2019 dans les universités publiques. Ces décisions prouvent à suffisance que le pays est mal géré. En effet, de l’avis des économistes, «cette situation était prévisible depuis fort longtemps, au regard de tout ce qui se tramait avant et pendant la présidentielle du 24 février dernière.
La Banque mondiale (Bm), le Fonds monétaire international (Fmi), des économistes avaient fini d’alerter les autorités sénégalaises sur la nécessité de réduire son train de vie dispendieux. Mais les gouvernants parlaient d’un pays liquide, qui avait une bonne signature auprès des marchés financiers», fait remarquer l’économiste-chercheur Demba Moussa Dembélé, président de l'Africaine de recherche et de coopération pour le développement endogène (Arcade). Mieux, relève l’économiste, «l’on peut se demander légitimement pourquoi avoir attendu plus de 7 ans pour procéder à une telle cure d’austérité ? Pendant des années, on a fait croire aux Sénégalais que le pays était sur la voie de «l’émergence», avec des taux de croissance de plus de 6 ou 7%».
«LA VERITE EST QUE LE REGIME EST RATTRAPE PAR SES MENSONGES ET SES MANIPULATIONS DE CHIFFRES…»
«Alors, que s’est-il passé pour un tel réveil brutal ? », s’interroge-til. A le suivre, «la vérité est que le régime est rattrapé par ses mensonges et ses manipulations de chiffres, pour maquiller une réalité peu reluisante, dans le but de faire réélire Macky Sall à tout prix. Pour cet objectif, tous les moyens étaient bons, la propagande fonctionnait à plein régime. Le pouvoir dépensait sans compter, avec la complicité de ses partenaires au développement Pourvu que Macky Sall soit réélu pour continuer à mettre les ressources du pays sous le contrôle des multinationales occidentales, au détriment du secteur privé national», fulmine l’économiste. Pour le président de l’Arcade, «la vérité est que Macky Sall, étant théoriquement dans son dernier mandat, a été obligé de reconnaître l’échec de sa gouvernance. La gestion vertueuse et sobre qu’il avait promise s’est transformée en une gestion familiale et clanique, caractérisée par la corruption à tous les niveaux de l’Etat et le pillage des deniers publics. Les mesures annoncées pourront-elles aider à corriger une telle situation ?» Tout de même, il se veut réaliste en affirmant ceci: «le doute est permis».
307 MILLIARDS PAR AN POUR L’ACHAT DE VEHICULES, C’EST L’EQUIVALENT DE 10 UNIVERSITES, 15 HOPITAUX DE DERNIERS CRIS, DE 30 UNITES INDUSTRIELS
Dans le même ordre d’idée Thierno Thioune, maître de Conférences titulaire en économie, directeur des études du Centre de recherche et de formation pour le développement économique et social (Crefdes), admet que l’administration sénégalaise est dispendieuse. A l’en croire, «le caractère dispendieux de l’administration publique laisse apparaître un gaspillage du carburant, une utilisation abusive du service de téléphone et de l’eau, des achats de véhicules tous les deux ans». Il ajoute, pour s’en désolé, «figurez-vous, 307 milliards passent à la trappe tous les ans pour l’achat de véhicules dans l’administration publique. C’est l’équivalent de 10 universités, de 15 hôpitaux de dernières générations, de 30 unités de plateau industriel de transformations, source sure d’emploi des jeunes…». Désapprouvant l’administration Sénégalaise qu’il qualifie de couteuse et moins productive, le professeur Thioune note que «le tableau de la gestion des finances publiques demeure complexe, avec un peu plus de 2000 milliards de recettes sur un budget d’un peu plus 4000 milliards dont la masse salariale de plus de 1000 milliards représente 50% de ces ressources internes et 40% pour le paiement de dette et des services de la dette. D’où la faible marge de manœuvre pour le pays». Sous ce rapport, il dira: «je recommande la mise en place d’instrument de mesure de la productivité de l’agent public, par l’établissement d’un certain nombre de principes relativement aux fiches de postes, aux objectifs fixés, aux moyens usités et aux résultats escomptés».
BATIR UNE VERITABLE ADMINISTRATION PUBLIQUE
Pour lui, «une administration de développement requiert un certain nombre de facteurs. On fait une administration de développement avec les femmes et les hommes, vecteurs de compétitivité et locomotives de performance. Au refus d’en faire de vains mots, la culture de l’Etat, de l’éthique et de la déontologie par la culture de l’exemplarité sont une exigence». Ceci lui fera dire que «bâtir une véritable administration publique d’un niveau de fonctionnement irréprochable, gage d’une utilité optimale des concitoyens, repose sur la plénitude de l’action des Corps de Contrôle (OFNAC, IGE…). Tout ceci, renforcé par les CDP (Contrats de Performances), milite en faveur de la réduction du niveau de corruption». L’économiste et professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) se voulant convaincant, ajoute ceci: «le Canada peut être cité en exemple dans le sens où le service public en ligne permet de recevoir un extrait de naissance chez soi, sans pour autant se déplacer ni être en contact avec l’agent public, réduisant de facto les possibilités de corruption». Il poursuit: «aussi, au Rwanda, le président Kagamé, dans le souci de moderniser l’administration publique, a mis dans un grand stade de la capitale Kigali tous les véhicules qu’il a vendu aux plus offrants. Les ressources amassées sont versées dans la production de services publics profitables directement aux couches les plus vulnérables. Et, avec la contribution du secteur financier sur liquide, il permet la souscription à des prêts concessionnels aux fonctionnaires pour l’acquisition de véhicule personnel, servant à la fois de véhicule de service».
EMPECHER LA PANADE EN VEILLANT A LA RATIONALISATION ET A L’OPTIMISATION DES DEPENSES PUBLIQUES
En réalité, poursuit Thierno Thioune, «au vu de ces exemples, une grande part de la maestria de l’administration publique se trouve dans sa manière de se muer en administration de développement, grand chantier aujourd’hui du Programme d'appui à la modernisation de l'administration (Pama)». Enfin M. Thioune donne des conseils. «Cette volonté d’une administration de production de service public de qualité est une exigence au regard du nombre de gens appauvris, de l’effritement de la classe moyenne, du lourd fardeau de la dette dans les finances publiques, de la sauvegarde du pouvoir d’achat des travailleurs et de leur emploi, de l’efficacité des institutions, de l’abondance des infrastructures… . Si l’on veut éviter que tous ces éléments se détériorent et que les valeurs intangibles de la communauté ne succombent, il nous faudra empêcher la panade en veillant à la rationalisation et à l’optimisation des dépenses publiques, vœux pieux du chef de l’État….».