LE SÉNÉGAL DÉGRADÉ ENCORE
Pour la deuxième fois en cinq mois, l'agence Standard & Poor's a dégradé la note de crédit du Sénégal, ramenant le pays à son plus bas niveau depuis 2000. Les obligations atteignent des rendements proches de records historiques

(SenePlus) - L'agence de notation Standard & Poor's a abaissé pour la deuxième fois en cinq mois la note de crédit du Sénégal, enfonçant davantage le pays dans la catégorie des investissements spéculatifs. Cette nouvelle dégradation, annoncée lundi, illustre l'ampleur de la crise financière qui secoue la nation dirigée par le président Bassirou Diomaye Faye.
La note de la dette à long terme en devise étrangère du Sénégal a été ramenée de B à B-, soit le niveau le plus bas depuis que l'agence a commencé à évaluer le pays en 2000, selon Bloomberg. Cette seconde réduction depuis février témoigne de la détérioration rapide de la situation budgétaire nationale.
L'origine de cette crise remonte aux révélations de l'audit des finances publiques mené par l'administration du président Faye. Cette enquête a mis au jour que le gouvernement de l'ancien président Macky Sall avait dissimulé l'ampleur réelle de l'endettement du pays. Selon un rapport de Barclays cité par Bloomberg, la dette a bondi de manière inattendue à 119% du produit intérieur brut l'année dernière, bien au-dessus des 99,7% pour 2023 indiqués dans l'audit récent des finances nationales.
Cette explosion de l'endettement contraste fortement avec les perspectives économiques du pays. "Malgré des perspectives de croissance économique encore solides, nous considérons maintenant que la position budgétaire du Sénégal est plus contrainte, laissant les finances publiques du pays plus vulnérables aux chocs économiques et financiers défavorables potentiels à l'avenir", a déclaré S&P dans un communiqué publié lundi.
L'agence de notation estime désormais que la dette représente 118% du PIB en 2024, confirmant l'ampleur du défi financier auquel fait face le nouveau gouvernement.
Les investisseurs ont immédiatement réagi à cette annonce. Le rendement des euro-obligations sénégalaises de 6,25% arrivant à échéance en 2033 a grimpé de 10 points de base lundi pour clôturer à 13,82%, proche d'un record historique selon Bloomberg. Cette hausse reflète la méfiance croissante des marchés financiers envers la capacité du Sénégal à honorer ses engagements.
Cette dégradation s'inscrit dans une série de difficultés financières qui ont secoué le pays ces derniers mois. Les obligations en dollars du Sénégal avaient déjà chuté suite à des rapports soulevant de nouvelles craintes concernant la dette, forçant le gouvernement à clarifier un écart budgétaire de 7 milliards de dollars avant les négociations avec le Fonds monétaire international.
Pour le président Bassirou Diomaye Faye, arrivé au pouvoir avec la promesse de transparence et de bonne gouvernance, ces révélations constituent un défi majeur. L'audit des finances publiques, censé marquer une rupture avec les pratiques de l'ancien régime, a finalement révélé une situation bien plus grave que prévu.
Cette crise financière intervient dans un contexte où le nouveau gouvernement doit également gérer les tensions politiques internes, notamment les divergences apparues entre le président et son Premier ministre Ousmane Sonko. La combinaison de ces défis internes et externes teste la capacité de la nouvelle administration à tenir ses promesses de changement.
L'impact de cette dégradation dépasse le cadre purement financier. Elle affecte la crédibilité internationale du Sénégal et pourrait compliquer l'accès aux financements internationaux nécessaires pour soutenir les projets de développement du pays. Dans un contexte où les investisseurs internationaux scrutent de plus en plus attentivement la soutenabilité de la dette africaine, cette nouvelle dégradation place le Sénégal dans une position particulièrement délicate.