LE SAES FAIT UN DIAGNOSTIC SANS COMPLAISANCE DE L’UNIVERSITÉ SÉNÉGALAISE
Même si les établissements publics d’enseignement supérieur ont été multipliés dans la dernière décennie, aujourd’hui, le constat est que la plupart d’entre eux portent uniquement le nom d’université

Le syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) organise depuis hier, au bénéfice de la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS),un atelier sur les universités publiques sénégalaises. Une occasion pour faire un diagnostic sans complaisance sur la situation dans les établissements publics d’enseignement supérieur, en particulier dans les Universités de Thiès, de Ziguinchor et de Bambey.
L’Université sénégalaise est loin d’être dans les conditions idoines pour dispenser les meilleurs enseignements. Même si les établissements publics d’enseignement supérieur ont été multipliés dans la dernière décennie, aujourd’hui, le constat est que la plupart d’entre eux portent uniquement le nom d’université. Et lors de l’atelier co-organisé hier avec le CJRS sur la situation des universités, le Saes a fait un diagnostic sans complaisance de l’existant.
UNIVERSITE THIES : 5 RECTEURS EN 12 ANS
Pour l’Université de Thiès par exemple qui a été créée en 2008, il a été révélé qu’elle connaît un sérieux problème d’instabilité dans la gouvernance. A en croire le Secrétaire général adjoint du Saes, Mamadou Babacar Ndiaye, cet établissement a connu en 12 ans 5 recteurs. Monsieur Ndiaye, qui est également le coordinateur de la section Saes de Thiès, relève que ceci n’est que la partie visible de l’iceberg. Et que les problèmes d’infrastructures sont plus préoccupants. Mamadou Babacar Ndiaye informe ainsi que 17 bâtiments ont été loués par l’université au départ. Même s’il reconnaît que le nombre a baissé aujourd’hui, il s’avère toujours, à l’en croire, que des services importants comme la bibliothèque centrale, le rectorat et l’agence comptable sont toujours dans des bâtiments en location. Pour l’heure, fait-il savoir, l’université qui devait accueillir 22 000 étudiants en 2020 étouffe actuellement avec 6 000 étudiants. Il s’y ajoute, dit-il, que 25% seulement des enseignants sont des permanents, contre 75% de vacataires. Tout ceci fait dire en définitive au coordinateur de la section Saes de Thiès que l’Université de Thiès est une université virtuelle.
UNIVERSITE DE ZIGUINCHOR : «DES CHAMBRES ET DES CUISINES TRANSFORMEES EN BUREAU ET SALLES DE COURS»
A l’Université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz), c’est pratiquement le même problème. Selon Ndiémé Sow de la section Saes de l’Uasz, cet établissement n’a pas été pensé avant sa réalisation. «Après le Joola, il y a eu un empressement de l’Etat pour créer une université à Ziguinchor», affirme-t-elle. Aujourd’hui, elle estime que le déficit infrastructurel est aussi criard qu’on ne le pense. «Une des Unités de formation et de recherche (Ufr) est abritée par un bâtiment qui, à l’origine, était destiné à un logement de fonction. Ce sont les salons, les chambres et les cuisines qui sont transformés en bureau et salles de cours », laisse entendre Ndiémé Sow. La chargée de communication du bureau national du Saes d’ajouter que le peu de bâtiments qui existe est en état de délabrement avancé. Selon elle, tout ceci est dû à un manque de volonté de la part des autorités.
La preuve, dit-elle, l’abandon des travaux d’un amphithéâtre de 150 places depuis 2016, alors qu’il ne manque que les portes et la peinture. Aujourd’hui, à en croire Ndiémé Sow, le déficit en infrastructures est tel que le recteur s’est tourné du côté des écoles primaires pour trouver une solution. «Cette option a permis à l’université de disposer de 71 salles de classe. Or, la section Droit à elle seule a besoin de 73 salles pour les travaux dirigés », fait savoir Madame Sow. Outre les infrastructures, il y a aussi les problèmes liés à la sécurité. Toujours, d’après Mme Sow, à chaque fois que l’hivernage s’installe, la communauté universitaire cohabite avec des serpents et des scorpions. « A Ziguinchor, en fin juin, quand il commence à pleuvoir, il n’est plus possible de faire des cours », regrette-t-elle.
Revenant sur la décision de l’Etat du Sénégal d’orienter cette année tous les nouveaux bacheliers dans les universités publiques, elle déplore l’absence de mesures d’accompagnement. «Faute de pouvoir livrer tous les chantiers en cours, le Ministère de l’Enseignement supérieur avait promis de construire des abris provisoires. Les chapiteaux devaient être livrés en décembre. Ensuite, la date a été repoussée à début février. Là, nous sommes en mi-février et presque rien n’a été réalisé. Ce qui est plus inquiétant, c’est qu’il n’y a plus d’ouvriers sur le chantier depuis que le Saes a levé son mot d’ordre », a fait constater Ndiémé Sow de la section Saes de Ziguinchor. Il a été également relevé une pléthore d’étudiants passant de 7500 à 8000 étudiants en 2019 pour une bibliothèque de 150 places ; un campus social de 450 lits ; un déficit de 75 salles malgré l’usage des salles des écoles connexes.
UNIVERSITE DE BAMBEY : UN DEFICIT DU BUDGET DE L’ORDRE DE 360 000 000 F CFA
En ce qui concerne l’université Alioune Diop de Bambey (UADB), le coordonnateur du Saes-UADB, Mouhamadou Ngom et le chargé de communication du SAESUADB, Abdou Aziz Fall, ont présenté hier un document contenant tous les maux dont souffre l’établissement. D’abord, pour ce qui est de la capacité d’accueil pédagogique, les trois sites (Bambey, Ngoundiane et Diourbel) accueillant 4910 étudiants en 2018-2019 doivent en rajouter 3000 pour l’année 2019-2020, soit une augmentation 61%. Ils soutiennent d’ailleurs que le chiffre imposé par les autorités est encore non validé par les instances. «Un seul amphithéâtre de 500 places pour accueillir les premières années des formations Ingénierie Juridique (794 étudiants) ; Mathématiques Physique Chimie Informatique (840 étudiants) », laissent-ils entendre. Ils déclarent également que les travaux dirigés sont programmés en dehors de l’université. «Le lycée de Bambey et les écoles environnantes nous prêtent des salles de cours à partir de 15h », confient-ils. Ajouté à cela, il a été relevé des problèmes de bureau pour les enseignants ; un problème de logement pour les étudiants ; non sans déplorer une promesse non tenue d’un restaurant de 500 places. En définitive, il a été souligné un déficit du budget de l’ordre de 360 000 000 F CFA. Et d’informer qu’un réaménagement du budget et les crédits des UFR et Instituts ont été réaffectés au rectorat pour payer les salaires des mois de novembre et décembre 2019. Ce qui n’est pas sans un impact négatif sur le budget 2020, disent-ils.