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19 juillet 2025
POURQUOI IL FAUT EN FINIR AVEC L'EXPRESSION "RACISME ANTI-BLANCS"
Qu'est-ce que sous-entend en réalité l'expression “racisme anti-Blancs” ? L'essayiste et journaliste Rokhaya Diallo décrypte cette (fausse) idée, et avance quelques pistes de réflexion
"Racisme anti-Blancs." D'un point de vue sociologique, l'expression apparaît comme une fiction, une aberration. Pourtant, sa récupération politique n'a rien de virtuel. Et pour cause. Depuis quelques jours, l'ancien joueur de football Lilian Thuram est accusé d'alimenter un supposé "racisme anti-Blancs".
La raison ? Dans une interview parue le 4 septembre dernier dans le journal italien le Corriere dello Sport, il a répondu à une question sur les insultes racistes visant les joueurs noirs dans les stades.
"Il faut prendre conscience que le monde du foot n’est pas raciste, mais qu’il y a du racisme dans la culture italienne, française, européenne et plus généralement dans la culture blanche. Il est nécessaire d’avoir le courage de dire que les Blancs pensent être supérieurs et qu’ils croient l’être", a-t-il dit. Et c'est l'expression "les Blancs", qui n'est visiblement pas passée pour beaucoup. A tel point que la Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme (Licra) s'est fendue d'un communiqué pour dénoncer les "risques d’une dérive du combat antiraciste".
Dans la foulée, rebondissant à la polémique autour de Lilian Thuram, le consultant Pierre Ménès s'est attiré de nombreuses critiques après avoir déclaré sur le plateau de CNews que "le vrai problème, en France, dans le foot en tout cas, c’est le racisme anti-Blanc.” Et ce en arguant même que son fils, "nul au foot", en a été victime dans son club. Avant de s'en excuser. Trop tard : comme le souligne l'Obs, Pierre Ménès avait déjà été érigé en héros, malgré lui, de la fachosphère. La journaliste et essayiste Rokhaya Diallo, qui publiera le 2 octobre La France tu l'aimes ou tu la fermes (éd. Textuel), décrypte pour nous ce qui se joue derrière l'expression "racisme anti-Blancs".
Lilian Thuram est au cœur d'une polémique depuis plusieurs jours, accusé de faire du “racisme anti-Blancs”, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Rokhaya Diallo - J’ai créé mon association anti-raciste en 2006, et avec toutes les questions sur lesquelles j’ai travaillé, j’ai l’impression que de nombreuses personnes sont davantage mobilisées pour dénoncer un supposé racisme anti-Blancs que pour agir contre le racisme, qui produit des effets quotidiens. C’est vraiment ce qui me choque le plus : cette disproportion entre l'indifférence par rapport à ce que subissent les personnes minoritaires au quotidien, et la solidarité qui s’est formée pour dénoncer Lilian Thuram.
Traiter quelqu’un de "sale blanc" ou de "sale noir", est-ce vraiment la même chose ?
Ce n’est pas la même chose, parce que cela ne fait pas appel au même imaginaire. Ce n’est pas la même chose de se moquer du premier de la classe que du dernier. Si on dit à quelqu'un "sale premier de la classe", ce n’est pas la même chose que de traiter quelqu’un de "sale cancre". Le dommage psychologique n’est pas le même. Le premier de la classe, quoi qu'il arrive, est le premier.
N’est-ce pas ici significatif de l’impossibilité de penser le racisme comme un tout, un système ?
Oui, cette réaction est aussi symptomatique de ce que l’on appelle "la fragilité blanche" ("white fragility"). Ce concept a été créé en 2011 par l'universitaire américaine Robin DiAngelo et dénonce le fait que les personnes blanches ont grandi dans des sociétés qui les protègent de tout stress lié à leur couleur de peau. Elle explique comment un minimum de stress racial devient alors pour celles-ci intolérables. Il en résulte bien souvent des réactions de défense, comme de la colère ou de l'opposition.
La polémique déclenchée par les propos de Lilian Thuram est pour moi révélatrice d'un mécanisme de défense par rapport à la remise en question d'un petit privilège. Quand je vois que Thomas Legrand (chroniqueur politique sur France Inter, ndlr) s’allie à Eugénie Bastié (essayiste conservatrice et journaliste au Figaro, ndlr) pour expliquer le racisme anti-Blancs, pour moi, c’est un grand écart. Le seul point commun qu’il y a entre ces deux personnes est la volonté de dénoncer le sentiment de stigmatisation d'une personne blanche.
Mais si le “racisme anti-Blancs” est une fiction d'un point de vue sociologique, la récupération politique de cette expression est bien réelle...
Oui, et elle n’est pas nouvelle. Seulement, cette récupération politique prend vraiment bien racine depuis quelques années. Dans les années 80 déjà, le Front national parlait de racisme "anti-Français". L'idée a été réinvestie ensuite en 2005, en marge des manifestations anti-CPE, à Paris. A l'époque, une tribune dénonçant des "ratonnades anti-Blancs" avait été signée par des intellectuels comme le philosophe Alain Finkielkraut, ou le journaliste de gauche Jacques Julliard.
Encore une fois, on assistait alors à une volonté de relativiser le racisme. L'idée pointe régulièrement son nez dans le discours politique, mais c'est aujourd'hui devenu un véritable argument pour répondre à des victoires qui sont obtenues par des minorités. Et forcément, il y a une opposition, une résistance, qui s'incarne dans le fait de dire : "Mais nous aussi on souffre." Et ainsi, cela permet de relativiser d'une certaine manière le racisme systémique français.
Pourquoi est-ce que l’on a autant de mal en France à parler de ces questions-là ? Le modèle d’intégration français empêche-t-il de s'y pencher ?
Je pense que le problème vient de la culture française. La France se vit comme un pays très à part, comme un pays dont les valeurs sont supérieures aux autres. C'est le pays qui est à l'origine de nombreux droits humains, le pays des Lumières, et donc aux valeurs morales exceptionnelles. Et la remise en question de ces fondements est très difficile.
La République est invoquée comme étant une entité supérieure, et pourtant, il faut rappeler que son instauration est aussi concomitante avec l'extension coloniale. La culture politique française sacralise un certain nombre de valeurs et d'institutions, et empêche toute remise en question d'effets institutionnels qui sont parfois injustes. Lorsqu'une personne comme moi, minoritaire, questionne l'égalité, la réponse qu'on lui donne c'est : "Vous n'aimez pas la France." Dès lors qu'on tente d'ouvrir une discussion rationnelle, on y introduit une réponse irrationnelle. Et c'est quelque chose qui est très présent dans le discours politique.
C’est d’ailleurs ce qu’essayait d’expliquer Lilian Thuram dans son interview au Corriere dello sport…
Tout à fait. Il est important de dire que ce qui caractérise la culture et l’histoire moderne, c’est la structuration du monde entre les Occidentaux et les pays exploités par l’Occident. On ne peut pas ne pas se dire que l’on jouit aujourd’hui d’un passé, sans penser à ce que cela a coûté à d’autres.
En quoi les mots "blanchité " et "racisé" sont-ils importants selon vous ?
Il est très important de nommer les dynamiques de pouvoir. Pour moi, les mots les plus importants qui ont émergé dans le débat sont "Blanc" et "blanchité". En France, on parle toujours du débat anti-raciste en ne parlant que des "minorités visibles", mais jamais de la "majorité invisible". La position blanche est vécue comme un point neutre à partir duquel tous les autres sont définis. C’est pourquoi il est important de dire qu’être Blanc est tout autant une construction politique que d’être Noir ou Arabe.
Et questionner cette position dominante est essentiel, car il ne s'agit pas de questionner des individualités, mais au contraire des positions et ce qui en découle en termes de poids et de privilèges. Ce qu'a fait Lilian Thuram, même s'il l'a fait au prix d'une forte polémique, est profondément salutaire. Placer les Blancs au centre du débat sur la question raciale, c'est capital, car ce sont ces positions dominantes qui sont à questionner. Quand on parle de la question noire ou arabe, on pense finalement que cela ne concerne que les Noirs ou que les Musulmans. Alors que, lorsque l'on parle de blanchité, cela engage davantage la responsabilité collective, et on déplace le débat.
Quand en 2016 Laurence Rossignol - à l'époque ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes - a utilisé le mot "nègre" cela n’a pas fait un tel débat, alors que c’est un terme injurieux reconnu comme étant raciste. Et je suis étonnée de me rendre compte qu’une ministre peut parler de "nègres" sans aucune conséquence... Mais trois ans plus tard, lorsqu'un homme noir parle des "Blancs" il se retrouve au centre d’une polémique incroyable, qui unit toutes sortes de personnes.
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LA FOLIE DU TRAMADOL
Le Tramadol, médicament antidouleur, officiellement classé comme un opioïde «faible», fait des ravages dans de nombreux pays africains. Détourné de son usage, il est utilisé pour surmonter la fatigue et pour mieux résister à un travail pénible
Le Tramadol, médicament antidouleur, officiellement classé comme un opioïde «faible», fait des ravages au Togo comme dans de nombreux pays africains. Détourné de son usage, il est utilisé pour surmonter la fatigue et pour mieux résister à un travail pénible. Par manque d’information et de prévention, ses consommateurs découvrent trop tard combien il est addictif…
"LE CAMEROUN, C'EST LE BRÉSIL DE L'AFRIQUE"
Samuel Eto’o qui vient de mettre un terme à sa carrière a donné un entretien à RFI. Il parle entre autres de son parcours et du foot africain. Il évoque la suite et pourrait rester dans le milieu du ballon rond, pourquoi pas comme entraîneur
« J’ai parcouru le monde en tant que footballeur, il est temps pour moi de passer à autre chose », lâche Samuel Eto’o dans cet entretien.
L’ancien international camerounais, 38 ans, qui avoue avoir connu des « beaux moments », retient surtout la Coupe d’Afrique 2000 au Ghana et Nigeria qu’il a remporté. « C’était un moment unique pour moi. J’étais le plus jeune et je m’étais battu pour être incontournable. Je sentais que l’on allait gagner. »
« Le Cameroun doit gagner plus»
Samuel Eto’o se remémore aussi sa victoire lors de la Coupe du Roi avec Majorque. « Pour nous, cela représentait beaucoup de choses », dit-il. Eto’o se rappelle aussi de ce Cameroun-Brésil où sa mère avait fait pour la première fois le déplacement en Europe et où il estime avoir inscrit le plus beau but de sa carrière. « Avant la rencontre, j’avais demandé un tee-shirt avec "merci, maman" ».
En 2004, Samuel Eto’o se souvient aussi du déclin du Cameroun en 2004 après avoir remporté deux Coupes d'Afrique des nations. « On avait la possibilité de gagner la Coupe du monde en 2010 en Afrique du Sud. Mais quand vous croyez à quelque chose, les autres n'y croient pas », se désole-t-il tout en reconnaissant une part de responsabilité dans le climat délétère qu’il y avait à l’époque dans l’équipe nationale.
En 2019, le Cameroun, tenant du titre, passe à côté de sa CAN en Égypte sous la houlette de Clarence Seedorf. « Le Cameroun doit gagner plus. Le Cameroun, c’est le Brésil de l’Afrique », avance l’ancien joueur du Barça.
Lui donner une place
En ce qui concerne la CAN 2019 qui ne s’est pas déroulée au Cameroun comme prévu, Samuel Eto’o avoue s’être senti « très mal ». « J’ai tout fait pour que les relations entre l’État du Cameroun et la Confédération africaine de football s’améliorent. J’ai terminé ma mission en faisant en sorte que le Cameroun ne perde pas sa CAN et qu’elle soit repoussée. »
« Je suis un joueur unique. On doit me donner ma place. Je suis le meilleur en Afrique. Je l’ai gagné dans les stades, c’est un fait. Les autres le savent et doivent l’accepter. Quelqu’un d’autre viendra et fera mieux que moi. Je sais que je ne suis pas éternel », raconte Samuel Eto’o à son propos.
« Nous ne sommes que bons à dénigrer nos propres frères »
A propose du Ballon d’or, l'ancien attaquant n’a « aucune frustration » de ne jamais l’avoir obtenu, il en veut à son continent : « Nous ne sommes que bons à dénigrer nos propres frères ». Il poursuit « nous ne sommes pas respectés. On ne peut pas m’expliquer que Mané, Salah ou encore Aubameyang ne peuvent pas être dans les 5 premiers. Lionel Messi et Cristiano Ronaldo sont très forts, mais cette saison, c’est Mané et Salah. »
« Je voulais avoir plusieurs portes ouvertes à la fin de ma carrière. Je ne serai pas loin du foot. Je ne ferai que des choses qui m’épanouissent. Et même si les gens m’aiment, je ne pense pas me lancer en politique », raconte l'ancien milanais qui pourrait embrasser une « carrière d’entraîneur ».
« Je vais me reposer, j’ai besoin de vacances. Je vais voyager avec ma charmante épouse », conclut Eto’o.
Propos recueillis par Alain Foka
UNE NOUVELLE RENTRÉE RATÉE POUR LES ÉCOLES YAVUZ SELIM
Le réseau d’éducation, privé d’autorisation d’enseigner depuis 2017 sur demande de l’Etat turc, ambitionne de rouvrir ses établissements d’excellence sur le modèle français
Le Monde Afrique |
Matteo Maillard |
Publication 10/09/2019
Les grilles des huit écoles Yavuz Selim au Sénégal restent encore closes en cette rentrée 2019. Trois ans déjà que l’Etat sénégalais a retiré l’autorisation d’enseigner à ce groupe scolaire formant les élites de la nation.
Malgré la fermeture de ses écoles, Madiambal Diagne, le président du conseil d’administration de Yavuz Selim ne désarme pas et envisage même un nouveau projet éducatif qu’il nomme Concorde. Des écoles, de la maternelle au bac, qui suivraient le cursus français. Il y a « une forte demande de l’intelligentsia sénégalaise, dit-il, etles écoles françaises sont toutes complètes ». Le projet sera financé sur ses deniers personnels, sans investisseurs étrangers. « Pas question d’être encore victimes de tractations diplomatiques ou de guerres internes à d’autres pays », tempête-t-il, se remémorant l’aventure de ses écoles turques, les précédentes.
En octobre 2017, le ministère de l’intérieur sénégalais avait déployé un cordon de policiers empêchant les élèves d’accéder à leur classe. Le geste avait suscité une grande indignation, puis été suivi d’explications confuses, qui se sont éclaircies lorsque le gouvernement a demandé que les écoles Yavuz Selim soient transférées sous l’administration de la fondation Maarif, propriété de l’Etat turc.
« Chasser les terroristes »
Fondé en 1997, le groupe scolaire Yavuz Selim fait partie de l’Hizmet, le vaste réseau éducatif et humanitaire du prédicateur turc Fethullah Gülen. Cet ancien allié, devenu ennemi juré, du président Recep Tayyip Erdogan est accusé par ce dernier d’avoir fomenté la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016 en Turquie. En représailles, le président turc a lancé une entreprise mondiale de démantèlement des réseaux de la confrérie Gülen, et c’est en Afrique que cette traque est la plus intense.
Alors, depuis trois ans, le président Erdogan multiplie les visites diplomatiques et les tractations commerciales durant lesquelles il exige des gouvernements africains de l’aider à « chasser les terroristes gülénistes » en fermant les écoles et les ONG affiliées à l’Hizmet, puis en les rouvrant sous l’égide de la fondation gouvernementale Maarif. Une stratégie payante dans la plupart des pays du continent, où les investissements turcs sont un appui précieux au développement. Ainsi, l’Etat turc a réussi à récupérer des écoles « gülénistes » au Cameroun, au Niger, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Maroc, en Guinée, au Soudan du Sud, en Somalie, au Tchad et en Guinée équatoriale.
Au Sénégal, si Ankara a obtenu la fermeture des écoles, elle n’a pas pu en récupérer les locaux pour y installer ses professeurs. En 2018, Yavuz Selim a gagné son procès contre l’Etat et « pu empêcher que les écoles soit mises sous l’administration provisoire sénégalaise, contrairement au Mali ou à la Guinée », explique Me Moussa Sarr, son avocat. Si les bâtiments ont été préservés, le groupe scolaire n’a pas récupéré son autorisation d’exercer. Les classes sont vides et risquent de le rester encore longtemps. « Nous avons gagné cette bataille judiciaire, mais les élèves ont dû s’inscrire ailleurs ». A regret.
Echanges économiques au beau fixe
L’élite sénégalaise était très attachée à ces écoles d’excellence qui affichaient régulièrement les meilleurs taux de réussite au brevet et au bac. La fondation Maarif a bien ouvert des établissements à Dakar, Thiès et Saint-Louis, mais « leurs classes sont vides, car les parents ne croient pas en leur projet éducatif, alors que notre école était considérée comme la meilleure de la place », affirme Madiambal Diagne.
Le discours rôdé du président Erdogan accusant les professeurs des écoles du réseau Hizmet de propager une idéologie islamiste dangereuse, prosélyte, et de former les têtes pensantes d’un gouvernement de l’ombre, n’a pas pris au Sénégal. Parmi les 3 600 élèves des écoles Yavuz Selim, nombreux étaient les enfants de membres du gouvernement. Ceux d’Abdou Mbow, vice-président de l’Assemblée nationale par exemple ou, plus étonnant, la fille de Serigne Mbaye Thiam, alors ministre de l’éducation nationale.
« Nos enfants n’ont jamais été radicalisés, contrairement à ce que le gouvernement turc dit, il n’y avait pas de manipulation idéologique, assure Bassirou Kébé, président de l’Association des parents d’élèves de Yavuz Selim. Les professeurs et le cadre d’enseignement étaient excellents, les classes ne dépassaient pas vingt-quatre élèves. A part l’apprentissage du turc, qui n’était pas obligatoire, les cours suivaient le curriculum sénégalais. » A l’annonce de la fermeture de l’école, Bassirou Kébé et les autres parents ont dû se démener pour trouver aux milliers d’élèves des places vacantes dans des classes, alors que la rentrée venait de démarrer.
Pour l’Etat sénégalais, le pari s’est avéré gagnant. Après avoir fermé les écoles Yavuz Selim, Macky Sall a inauguré en décembre 2017 le nouvel aéroport international Blaise-Diagne dont les travaux ont été achevés par les sociétés turques Summa et Limak. Puis, en janvier 2019, un mois avant sa réélection, il a coupé les rubans du marché international et de la gare des gros-porteurs de Diamniadio construits par la société stambouliote DM. Entre la Turquie et le Sénégal, les échanges économiques sont au beau fixe. De 2004 à 2014, leur volume a été multiplié par dix, atteignant 144 millions d’euros et devrait atteindre 1,8 milliard d’euros d’ici à 2023.
UNE DOUZAINE D’ARRESTATIONS ET UN MINISTRE MOUILLÉ DANS UN TRAFIC DE PASSEPORTS DIPLOMATIQUES
Dans un communiqué publié ce lundi, le porte-parole du gouvernement gambien fait état de l’arrestation d’une douzaine de personnes à travers le pays et à l’étranger, en lien avec le trafic de passeports diplomatiques.
Dans un communiqué publié ce lundi, le porte-parole du gouvernement gambien fait état de l’arrestation d’une douzaine de personnes à travers le pays et à l’étranger, en lien avec le trafic de passeports diplomatiques. Cela fait suite au démantèlement d’un vaste réseau qui délivrait des passeports diplomatiques. Par ailleurs, une lettre du ministre de la Justice dans laquelle il formule une demande de passeports diplomatiques pour des membres de sa famille, a fuité et circule actuellement sur les réseaux sociaux. Suscitant une vive controverse parmi les internautes gambiens qui dénoncent la gestion de la délivrance de ce précieux document.
BANJUL - Selon le communiqué du gouvernement rendu public ce lundi, la présidence de la République est actuellement en train de diligenter une enquête approfondie pour faire la lumière sur cette affaire qui alimente une vive polémique en Gambie.
Une mesure pour rassurer l’opinion suite au démantèlement de ce réseau de trafic de passeports diplomatiques impliquant de hauts fonctionnaires accusés d’avoir frauduleusement aidé des personnes à acquérir ces précieux documents. A en croire Ebrima Sankaré, le porte-parole du gouvernement, une tolérance zéro sera appliquée sur cette affaire et le gouvernement entend protéger personne. Pour Banjul donc, il y va de l’image du pays à préserver. Affirmant être « conscient de la gravité de la situation et de ses conséquences, le ministère des Affaires étrangères convoquera prochainement une réunion avec les représentations diplomatiques.
UNE CONTROVERSE QUI MOUILLE LE MINISTRE DE LA JUSTICE
Mais, malheureusement pour le gouvernement, une lettre de commande de passeports diplomatiques du ministre gambien de la Justice circule depuis ce week-end sur les réseaux sociaux. Dans cette missive, Abubacar Tambadou exprime une demande de passeports diplomatiques pour plusieurs membres de sa famille. Une affaire qui a choqué les internautes gambiens qui réclament que cette affaire soit tirée au clair. Parmi les personnes arrêtées figurent des fonctionnaires de la Présidence, du ministère des affaires étrangères et d’autres Gambiens vivant en Allemagne.
À la suite d’intenses enquêtes sur des allégations d’acquisition frauduleuse de passeports diplomatiques, le gouvernement gambien, qui collabore avec nos partenaires internationaux, est heureux de signaler l’arrestation de plusieurs personnes en Allemagne qui fournissent actuellement des informations essentielles aux autorités. Des arrestations similaires en Gambie ont également ouvert la voie à ce vaste réseau criminel.
Depuis que les informations concernant les passeports diplomatiques ont été diffusées, le gouvernement a rapidement constitué un groupe de travail composé de responsables des forces de police gambiennes, du département de l’immigration et du service de renseignement de l’État (SIS), chargé d’enquêter de manière adéquate et de poursuivre en justice tous ceux qui se seraient rendus complices de la vente, de la passation des marchés, fabrication et acquisition illégale de passeports diplomatiques gambiens. Le groupe de travail procédera également à un inventaire complet de tous les passeports diplomatiques délivrés depuis 2016 avec des vérifications de tous les profils de leurs détenteurs.
UN GROUPE DE TRAVAIL À PIED D’ŒUVRE
Jusqu’à présent, plus d’une douzaine de citoyens et d’étrangers ont été appréhendés. À mesure que les enquêtes s’élargissent, de nombreux autres suspects peuvent être arrêtés ou interrogés. Le public est prié de coopérer pleinement avec les enquêteurs et, dans la mesure du possible, de fournir des informations cruciales pouvant être utiles au groupe de travail.
En droit gambien, la délivrance des passeports diplomatiques incombe exclusivement à la Présidence et les personnes qui ont obtenu leur passeport légitimement en utilisant les voies procédurales établies ne font pas l’objet de la présente enquête pénale qui vise les personnes qui ont sciemment agi illégalement, en falsifiant des documents, en aidant ou en encourageant la vente, l’achat et l’acquisition de ce précieux document national.
ADAMA BARROW PROMET DE NE PROTÉGER PERSONNE
Le Président Adama Barrow, en sa qualité d’autorité unique chargée de l’approbation des passeports diplomatiques, a demandé une enquête exhaustive, rapide et efficace, soucieux qu’il est de la bonne image de la Gambie. M. Barrow a clairement déclaré qu’il « n’y aura pas de vaches sacrées ; personne ne sera épargnée dans ces enquêtes, quel que soit son poste, et tous ceux qui se trouveraient en manque, seront confrontés à toute la portée de la loi ».
Par conséquent, conscient de la gravité de la situation et de ses conséquences potentielles sur les obligations internationales de la Gambie en vertu des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, le ministère des Affaires étrangères (MOFA) organisera prochainement une réunion avec des membres du corps diplomatique et consulaire. pour aborder immédiatement cette question et des problèmes urgents similaires.
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TORRENT DE COLÈRE SUR MACKY ET SON GOUVERNEMENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Des routes impraticables, des voitures forcées à l'arrêt, plusieurs maisons envahies par les eaux et des populations lassées de vivre la même situation désastreuse à chaque période hivernale
Des routes impraticables, des voitures forcées à l'arrêt, plusieurs maisons envahies par les eaux et des populations essoufflées, fatiguées de vivre la même situation à chaque période hivernale. Les pluies de ce lundi ont encore fait des dégâts considérables. A Guédiawaye, Laye Dia et sa famille ont passé toute la journée à essayer d'évacuer les eaux de leur demeure. C'est le cas dans presque toutes les familles de la commune dont les populations accusent les autorités.
L'IRRÉSISTIBLE ASCENSION DE KARIM AU PDS
En quinze ans, Wade s’est séparé de tous ses dauphins à la tête du Parti qu'il a fondé. Tous, sauf un : son fils Karim, récemment devenu l'homme fort du parti libéral, que désertent aujourd’hui ses derniers cadres historiques
Jeune Afrique |
Marième Soumaré |
Publication 09/09/2019
Fondateur du Parti démocratique sénégalais (PDS), dont il reste le leader insubmersible depuis sa création, en 1974, Abdoulaye Wade a jeté par-dessus bord tous ceux qui s’approchaient un peu trop du gouvernail du navire libéral. Nombre de ses anciens protégés ont fait les frais de leurs ambitions insuffisamment dissimulées. Dans un impitoyable jeu de chaises musicales, Idrissa Seck, Macky Sall, Modou Diagne Fada, pour n’en citer que les plus emblématiques, se sont ainsi retrouvés privés de leur place – de choix – au sein du parti.
Dans le même temps, Karim Wade, le fils aîné de l’ancien président, n’a cessé de monter en puissance.
Successeurs sacrifiés
Premier sur la longue liste des possibles successeurs sacrifiés, Idrissa Seck a payé cher l’influence grandissante engrangée alors qu’il était le Premier ministre d’Abdoulaye Wade. Débarqué de son poste, emprisonné pour « atteinte à la sûreté nationale » – une affaire dont il ressortira blanchi -, celui qui fut pressenti pour prendre la suite de son mentor créera son propre parti, Rewmi. D’autres hauts responsables du PDS suivront son exemple, comme Macky Sall (Alliance pour la République), Abdoulaye Baldé (Union des centristes du Sénégal) ou Pape Diop (Bokk Gis Gis).
Lassés de voir Abdoulaye Wade s’accrocher à la direction du parti, quand ils ne furent pas brutalement poussés vers la sortie, ces anciens libéraux prendront, tour à tour, la décision de mettre en place leur propre formation politique.
« Karim ou rien ! »
Quelle influence a eu Karim Wade dans ces mises au ban successives de personnalités susceptibles de lui faire de l’ombre? Qu’ils soient tus ou affichés, la défiance de plusieurs cadres du PDS envers le « fils du chef » et leur agacement devant son emprise croissante sur le partiont joué un rôle clé dans ces vagues de départs, forcés ou spontanés. Dernier affront en date : l’entêtement d’Abdoulaye Wade à faire de son fils le seul présidentiable possible au sein du parti. Une obsession paternelle – « Karim ou rien ! » – qui a privé le parti d’un candidat lors de la dernière élection suprême, en février 2019.
Tiraillés entre leur loyauté envers leur mentor et leur refus de voir son fils Karim prendre sa place, les derniers cadres historiques qui ont accompagné Abdoulaye Wade dans son ascension vers la présidence, en 2000, ne comptent pas abandonner leur parti sans lutter. Certains doutent toutefois : où se décide aujourd’hui la ligne politique du PDS ? À Dakar, où est revenu s’installer provisoirement Abdoulaye Wade, après plusieurs années passées en France ? Ou à Doha, d’où Karim, exilé depuis 2016, exerce une influence que certains jugent illégitime ?
Magistrature suprême
En faisant de son propre fils, début août, le véritable homme fort du parti libéral, Abdoulaye Wade entérine une « dévolution monarchique du pouvoir » dont de nombreux Sénégalais lui prêtaient l’intention depuis la fin des années 2000.
Cela suffira-t-il à assurer un jour son élection à la magistrature suprême ?
LE JOUR OÙ ETO’O A JOUÉ LATÉRAL GAUCHE FACE AU BARÇA
Une Ligue des champions, une Serie A, une Coupe d’Italie, une Supercoupe d’Italie et une Coupe du monde des clubs avec l’Inter, le tout ponctué d’un Ballon d’or africain : l’année 2010 a sans doute été la plus belle de la carrière de Samuel Eto’o
Une Ligue des champions, une Serie A, une Coupe d’Italie, une Supercoupe d’Italie et une Coupe du monde des clubs avec l’Inter, le tout ponctué d’un Ballon d’or africain : l’année 2010 a sans doute été la plus belle de la carrière de Samuel Eto’o. Une année riche qui comporte une date inoubliable : celle du 28 avril 2010, jour de demi-finale retour de C1 à Barcelone, où Eto’o a joué latéral gauche pendant près d'une heure.
Michel Kaham n’est pas le genre d’homme qu’on amadoue facilement. Les succès, la gloire, les couronnes, l’ancien joueur du Quimper des années 1970 n’y goûte pas vraiment lorsque toutes les étoiles ne brillent pas de mille feux. Alors, au moment d’évoquer le rôle de Samuel Eto’o à l’Inter au cœur de l’été 2011, celui de la grande star camerounaise du moment, Kaham parle avec le cœur : « Ce que j’ai vu en finale de la Ligue des champions, sincèrement je ne suis pas d’accord. Qu’on utilise une star telle que Samuel Eto’o comme un porteur d’eau, je dis non, on lui doit un minimum de respect. (...) Si on continue à l‘utiliser comme latéral droit ou latéral gauche, on court le risque de perdre le grand goleador qu’est Samuel Eto’o. » Un risque qu’a pris Mourinho et qui a emmené son Inter sur le toit de l’Italie, de l’Europe, et même du monde (il le constatera depuis Madrid) au cours de cette même année 2010. Eto’o latéral ? Un choix osé, forcément, mais loin d’être surprenant venant d’un Special One au sommet de son art. Une trouvaille que le technicien portugais avait évidemment testée bien avant son coup de maître face à Barcelone en demi-finale retour de la Ligue des champions. Bien avant de réduire au silence tout un stade, toute une formation grâce à une organisation tactique qui avait fait cauchemarder les supporters blaugrana ce soir-là.
Né en Sicile
Que ce soit Marco Materrazzi au micro de RMC Sport, et surtout Eto’o lui-même, tous les Nerazzurri de l’époque parlent du 12 mars 2010 comme du jour de la prise de conscience. Un déplacement à Catane qui ne se passe pas comme prévu, à quelques jours d'un quart de finale retour de C1 à Stamford Bridge. En Sicile, ce jour-là, l’Inter prend une claque et Mourinho enrage contre Eto’o après la rencontre : « Après la lourde défaite à Catane, il me hurle dessus en me disant que je ne pense qu’à mon image. Et puis, la veille de Chelsea-Inter, il m’a dit que je lui ferais gagner le match. Je suis devenu latéral, car il m’a assuré que c’est en jouant comme ça que je serais champion d’Europe à nouveau. » Le Mou ne se trompe pas : Eto’o marque et refroidit le Bridge, avant que ce ne soit toute l’Inter qui fasse vaciller le Barça, à San Siro, lors de la manche aller, grâce à une rigueur et une intensité de tous les instants. 3-1, le score est flatteur et le Barça doit marquer deux fois pour renverser une Inter qui est prête à souffrir.
Le score du match aller explique évidemment une partie de la tactique de Mourinho lors de ce match retour. Mais pas seulement. Si dès le début de la rencontre, dans un Camp Nou plein comme un œuf, Eto’o est en soutien de Diego Milito en phase offensive, il glisse déjà au sein de la ligne de 4 au milieu lorsque son équipe joue dans ses 50 mètres. Un 4-4-1-1 qui voit donc Milito soutenu par Sneijder, Eto’o bloquer le couloir droit et Chivu le gauche. Un schéma tactique qui va être bousculé en long et en large à la 27e minute, alors que Thiago Motta met sa main dans le visage de Sergio Busquets. Carton rouge, l’Inter est à dix et va devoir tenir pendant près d’une heure. Et alors qu’une petite échauffourée éclate autour de Busquets, Mourinho est déjà en train de s’adresser à Eto’o. L’international camerounais sait ce qu’il a à faire, glisse quelques mots à l’oreille de Sneijder, et vient se placer dans le couloir gauche. L’objectif ? Conserver un milieu à deux axiaux en faisant coulisser Chivu, qui pouvait aussi jouer défenseur central, à la place de Motta et surtout conserver un joueur prêt à neutraliser l’influence de Dani Alves. Vrai casse-tête.
Soldat éternel
Mais c’est véritablement au retour des vestiaires qu’Eto’o est de plus en plus en vue dans le couloir gauche de l’Inter. En phase défensive, c’est davantage une défense à cinq qui se présente avec Zanetti qui vient épauler Samuel et Lúcio dans l’axe lorsque le Barça attaque. Lorsque les joueurs de Guardiola tentent de passer par la droite, Eto’o suit les appels de Dani Alves sur les jeux longs ou bloque Pedro et permet à Zanetti de sortir sur Alves pour l’empêcher de centrer lorsqu'il le peut, ou d’amener du surnombre dans la surface pour écarter le danger. Eto’o claque même quelques retours décisifs, à l’image d’un sauvetage devant Pedro au second poteau (77e) qui espérait pousser le cuir au fond. Vient alors la 81e minute : à bout de souffle, Milito laisse sa place à Córdoba. Le défenseur central colombien file récupérer le poste de Zanetti qui reprend son couloir gauche, Muntari enfile le costume de bloqueur d’Eto’o et redonne la possibilité à l’international camerounais d’aller seul en pointe. Eto'o en a encore sous la semelle, et il le prouve dès la première remise en jeu, en claquant un raid solitaire qui ne donnera finalement rien (82e). C’est les mains sur les hanches qu’Eto’o voit Piqué faire son festival et raviver l’espoir en ouvrant le score à six minutes du terme. Un pion qui sonne la fin pour Eto’o, remplacé par Mariga, qui n’aura pas pu marquer dans son ancien jardin. Il ne le sait alors pas encore, mais son sacrifice donnera raison à Mourinho : une nouvelle fois, Samuel Eto’o sera champion d’Europe. Et dans les instants qui suivront, Eto'o courra jusqu'au bout de la nuit sur cette pelouse du Camp Nou, torse nu, avec son coach à ses côtés.
par Marwane Ben Yahmed
LES HOMMES D'AFFAIRES FONT-ILS DE BONS POLITIQUES ?
Avec eux, le chef de l'État devient PDG, les Conseils des ministres prennent des allures de conseil d'administration. Efficacité avant tout ! Mais ne soyons pas naïfs. On peut rêver d'un Macron africain. Et se réveiller face avec un nouveau Berlusconi !
Jeune Afrique |
Marwane Ben Yahmed |
Publication 09/09/2019
Le Tunisien Nabil Karoui est un sacré personnage. Un concentré d'inépuisable énergie, toujours en mouvement, même en fumant ses célèbres cigares. Ce Zébulon très sûr de lui, parfois un peu trop, ne s'encombre pas de précautions oratoires. Il va droit au but, quitte à agacer ou à froisser ses interlocuteurs. L'auteur de ces lignes le connaît, assez bien, depuis une dizaine d'années. Et il reconnaît volontiers s'être trompé sur son compte. Début 2017, Nabil Karoui nous avait confidentiellement fait part de son intention de se lancer en politique. Lui, l'homme de médias, envisageait de sillonner le pays jusque dans ses villages les plus reculés afin d'établir un diagnostic aussi juste que possible. Son constat était sans appel : la classe politique tunisienne étant, selon lui, totalement incompétente, un boulevard s'ouvrait devant les gens audacieux, différents, porteurs de solutions novatrices. Lui, par exemple. Un nouveau monde était censé remplacer l'ancien. On l'aura compris: il se voyait comme une sorte d'Emmanuel Macron tunisien.
Karoui a subi un terrible traumatisme lors du décès de son fils dans un accident de la route. Ce drame a-t-il joué un rôle dans son évolution personnelle ? Le voyant à ce point pétri de certitudes, iconoclaste et presque arrogant, je m'étais dit à l'époque que son chagrin affectait sans doute sa lucidité, qu'il cherchait une échappatoire, un nouveau sens à sa vie. Et voici que, deux ans plus tard, son aventure fantasmatique prend forme (lire son interview p. 54). Certes, ce n'est pas parce qu'il est en tête dans certains sondages aux côtés de l'universitaire Kaïs Saied autre ovni de la politique tunisienne, que l'ancien patron de la chaîne maghrébine Nessma TV est assuré de conquérir le palais de Carthage. Mais le seul fait qu'il se retrouve dans une position aussi favorable à quelques mois de la présidentielle (et des législatives) en dit long sur la vertigineuse défiance des Tunisiens à l'égard de leur classe politique.
Fraîcheur
Le constat est d'ailleurs le même sous d'autres latitudes africaines. Dans de nombreux pays, les élites politiques traditionnelles sont contestées, rejetées, et de nouveaux personnages, souvent issus du monde de l'entreprise et du secteur privé, font leur apparition. Phénomène récent, cette irruption des hommes d'affaires sur la scène politique pose évidemment question. Les Patrice Talon et Sébastien Ajavon (Bénin), les Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina (Madagascar), les Eddie Komboïgo (Burkina), Moïse Katumbi (RD Congo) et Aliou Boubacar Diallo (Mali), pour ne citer que ceux-là, apparaissent aux yeux de beaucoup comme une séduisante alternative. On les suppose meilleurs gestionnaires, plus proches du terrain et de la réalité. Ils sont censés incarner la fraîcheur et le dynamisme face à l'inertie et aux idées plus ou moins rances de leurs prédécesseurs. Avec eux, le chef de l'État devient PDG, les Conseils des ministres prennent des allures de conseil d'administration. Efficacité avant tout ! Cerise sur le gâteau, ils passent pour financièrement « rassasiés », donc peu enclins à siphonner à leur profit les caisses de la nation. Attention quand même aux effets de mode et aux rêves éveillés ! Qui prouve que ces dirigeants d'un nouveau genre ne cherchent pas à s'emparer du pouvoir pour s'affranchir des règles au bénéfice de leurs entreprises plutôt que de l'État ? Est-on assuré qu'ils ne confondent pas vitesse et précipitation ? Souvent, ils se comportent en monarques peu habitués à rendre des comptes. Et nombre d'entre eux ne doivent leurs fortunes qu'aux faveurs et aux largesses des princes de l'ancien monde, que, dans le passé, ils soutinrent parfois financièrement. Leur grand mérite est de secouer le cocotier, de bousculer une classe politique en pleine léthargie. Mais ne soyons pas naïfs. On peut s'endormir et rêver d'un Emmanuel Macron africain. Et se réveiller face avec un nouveau Silvio Berlusconi !