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20 juillet 2025
APPEL À UN SOMMET D'URGENCE SUR LA SITUATION EN AFRIQUE DU SUD
Comment des Africains qui vivent les pires souffrances humaines depuis cinq siècles peuvent-ils se retourner contre d’autres Africains et les massacrer sur la base d’arguments simplistes et populistes ? DÉCLARATION DU MPCL – LUY JOT JOTNA
SenePlus publie ci-dessous, la déclaration du MPCL Luy-Jot Jotna, datée du 6 septembre 2019, condamnant les attaques xénophobes en cours en Afrique du Sud depuis plusieurs jours.
« Comme tous nos compatriotes africains, les membres et sympathisants du MPCL (Mouvement Panafricain et Citoyen – Luy jot jotna), ont suivi avec une profonde consternation et une immense tristesse les tragiques évènements en Afrique du Sud qui ont occasionné l’assassinat de sang froid et au grand jour d’Africains innocents par d’autres Africains en terre africaine de l’Afrique du Sud.
Au vu de ses images insupportables d’Africains brûlés vifs ou lapidés à mort, sans aucune pitié ni humanité, pour le seul motif qu’ils sont « des étrangers », « de pseudo envahisseurs » et « de pseudo voleurs des emplois des autochtones », le sentiment de honte ne peut que le disputer dans nos cœurs meurtris avec le sentiment de désespoir et de révulsion par rapport à l’état global du continent africain humilié dans ce cas par ses propres enfants.
Comment des Africains qui vivent les pires souffrances humaines depuis cinq siècles (le génocide de l’esclavage et la déportation brutale et meurtrière de nos ancêtres, la colonisation et le pillage organisé de nos ressources naturelles, l’apartheid et la confiscation de nos territoires et de nos îles, le génocide au Rwanda et les actes de génocide au Darfour ou contre des communautés ciblées, la balkanisation d’un continent potentiellement le plus riche du monde et de 30 millions de km2 en 54 états nains, faibles et structurellement affaiblis…), comment ces Africains peuvent-ils se retourner contre d’autres Africains et les massacrer sur la base d’arguments simplistes et populistes !
L’apport de tous les Africains à la libération de l’Afrique du Sud de l’oppression coloniale et spoliatrice du fameux système de l’Apartheid (de sinistre mémoire) est encore frais dans tous les esprits des Sud-Africains honnêtes comme le frère panafricaniste Jullius Maléma et bien d’autres leaders de ce pays frère que Nelson Mandéla, Winnie Mandéla et Steve Biko en particulier nous ont fait aimer tant et plus !
Notre parti salue les efforts de tous les pays africains qui ont immédiatement appelé à l’arrêt de la folie meurtrière et au sens de la responsabilité des autorités sud-africaines dont le discours trop modéré a surpris et déçu des millions d’Africains du continent et de la Diaspora. L'appel à éviter la logique symétrique de la vengeance honore les pays d'Afrique et constitue une désescalade salutaire.
Un Sommet extraordinaire de la SADC avec la participation de la Commission de l’Union africaine et de tous les présidents des quatre communautés régionales devrait être convoqués dare dare pour que l’Afrique se donne les moyens de dire « plus jamais ça ! ». Plus que « dire » il faudra pratiquer le « plus jamais ça » par des mesures préventives et des décisions fortes comme la suspension immédiate de toutes les instances et activités africaines du prochain pays qui serait coupable d’une tragédie aussi humiliante pour l’Afrique que celle survenue en Afrique du Sud.
Que ceux (Africains ou non) qui veulent profiter de ces évènements horribles pour chanter la nième oraison funèbre du Panafricanisme et des États Unis d’Afrique déchantent très vite ! L’Unité de l’Afrique par des Unions politiques régionales vers les États Unis d’Afrique n’est plus un choix mais une obligation pour la survie et la Renaissance du continent assailli de toutes parts et sous les coups de butoir du Terrorisme international.
Notre seul et notre meilleur bouclier contre la récurrence de massacres inter-africains est précisément le triomphe de la vision de Nkrumah, Cheikh Anta, Garvey entre autres : Une Afrique politiquement unie et économiquement forte qui rejoint sa juste place parmi les « World global payers » comme la Chine, l’Inde, les États Unis et l’Europe (si elle accepte de s’unir)!
Que Dieu bénisse l’Afrique ! »
LE DELTA DU SALOUM MENACÉ D’EXPULSION DU CLUB DES PLUS BELLES BAIES DU MONDE
Le président du Syndicat d’Initiative et de Promotion du tourisme (Sipt) de Fatick, en a fait l’annonce jeudi dernier
Le Delta du Sine Saloum risque d’être exclu du club des plus belles baies du monde. Motif ? Il ne s’est pas acquitté de ses cotisations estimées à 4.400.000 Fcfa. Le président du Syndicat d’Initiative et de Promotion du tourisme (Sipt) de Fatick, qui en a fait l’annonce jeudi dernier au cours d’une réunion du comité régional de développement, a invité les collectivités territoriales concernées à payer les arriérés d’ici le prochain congrès.
Le gouverneur de Fatick a convoqué jeudi dernier le Comité Régional de Développement (Crd) pour discuter des opportunités et obligations des membres du Club des plus belles baies du monde. A cette occasion, le président du Sipt de Fatick, Issa Barro, a déploré la menace d’exclusion du Club qui pèse sur le Delta du Saloum, pour défaut de cotisation. «Nous avons une mise en demeure verbale», souligne-t-il en précisant que le Delta n’a pas respecté les clauses de son maintien au club.
D’après ces critères, il doit participer aux différents colloques et congrès internationaux, et s’acquitter d’une cotisation annuelle de 6.700 euros soit 4.400.000 Fcfa. C’est pourquoi, Issa Barro invite les collectivités territoriales concernées à faire des efforts pour éponger la dette. «Ceux sont 12 communes pour une cotisation annuelle de 1.000 euros, soit 60.000 Fcfa par commune et par an», assure le président du Sipt. Ce dernier se désole du fait que non seulement les communes ne cotisent, mais aussi elles ne se servent pas du label d’appartenir au Club des plus belles baies du monde. D’où leur manque de visibilité en dépit des opportunités énormes dont regorge la zone. Ce qui dénote le problème réel que connaît le tourisme.
Sur le plan local, ce secteur est aujourd’hui confronté à d’énormes difficultés qui rendent faible le taux de remplissage des hôtels et campements. L’absence d’eau potable, de ressources humaines qualifiées, le problème d’accès, le faible réseau téléphonique, l’insécurité, l’insalubrité et l’éclairage public, la valorisation du patrimoine et la mauvaise commercialisation du patrimoine historique et culturel sont les véritables maux qui gangrènent le tourisme dans la région de Fatick.
D’ANCIENS DETENUS MARCHENT POUR EXIGER DE NOUVELLES PRISONS
Hier, à la Place de l’Obélisque qui a l’habitude d’accueillir des politiciens et d’autres syndicalistes, ce sont d’anciens détenus qui ont investi les lieux
D’anciens détenus ont initié une marche hier à Dakar pour exiger l’amélioration des conditions de vie des prisonniers en détention dans les maisons d’arrêt et correction du Sénégal. D’autres mouvements et associations ont pris part à cette marche au cours de laquelle les conditions inhumaines de traitement ont été dénoncées par les participants dont des hommes politiques et anciens détenus à l’image de Barthélémy Dias.
Hier, à la Place de l’Obélisque qui a l’habitude d’accueillir des politiciens et d’autres syndicalistes, ce sont d’anciens détenus qui ont investi les lieux. Ils étaient accompagnés de différents leaders de mouvements qui se sont joints à eux pour dénoncer les traitements inhumains que subissent les détenus notamment à la maison d’Arrêt et de Correction de Rebeuss. En sursis, en liberté provisoire ou totale, d’anciens pensionnaires de la plus grande prison du Sénégal avaient tous effectué le déplacement à la Place de la Nation. A 15 heures déjà, les initiateurs de la marche étaient sur les lieux. Chacun s’est mis sous un arbre pour bénéficier de l’ombre en attendant le début de la marche. En face de ce petit monde, des policiers en grand nombre attendaient le début de la marche pour l’encadrer.
De l’autre côté, la sono venant d’un camion distille un son dans lequel le rappeur Fou Malade parle des conditions inhumaines de vie des prisonniers. Habillé d’une chemise rouge, Bentaleb Sow, un jeune homme de petite taille, n’a pas duré longtemps à la prison de Rebeuss, mais soutient y avoir vécu les jours les plus longs de sa vie. « Les cinq jours que j’ai passés en prison équivalent à cinq siècles, car les conditions de vie étaient inhumaines. Nous étions 180 dans la chambre 12 et l’odeur était insupportable», a dit le jeune activiste et membre du mouvement Frapp France Dégage arrêté en 2017 en même temps que Kémi Séba. Cet infographe et camarade de Guy Marius Sagna propose comme solution à cette population carcérale la mise en place de peines alternatives à la prison en réduisant les mandats de dépôt qui, selon lui, sont faits à la hâte. « Le doyen de notre chambre est resté 9 ans sans être jugé », soutient-il.
Peu avant 16 heures, les marcheurs quittent l’ombre des arbres pour se mettre dans le rang et marcher sur les Allées du Centenaire. Anciens détenus, parents, leaders de mouvement ou autres activistes n’ont cessé de répéter avec le rappeur Fou Malade des slogans comme « Toute personne peut se retrouver en prison un jour », ou encore « le prisonnier n’est pas un animal ». « Nous sommes ici pour dénoncer les longues détentions préventives et les difficiles conditions de vie des prisonniers », a déclaré l’ancien détenu Fou Malade et membre du mouvement Y en a marre. Il soutient que le code pénal a prévu des peines alternatives, mais qui ne sont pas appliquées de même que d’autres dispositions allant dans le sens de réduire le nombre de prisonniers. « Nous voulons dire aux autorités d’agir très vite avant qu’on en arrive à une mutinerie dans les prisons », alerte le rappeur.
BRACELETS ELECTRONIQUES
En plus des maux décriés en chœur, des pancartes étaient aussi brandies par les marcheurs. Sur ces dernières, on pouvait lire : «Le Sénégal maltraite les prisonniers, les prisonniers ont des droits, respect du nombre de détenus dans les prisons». Ancien détenu, l’homme politique Barthélémy Dias tire sur le ministre de la Justice, Grade des Sceaux. « Ce qu’il dit est contraire à ce qui se passe dans les maisons d’arrêt et de correction. Les conditions de vie y sont déplorables, et elles sont dues au surpeuplement carcéral. Le maire de la commune de Sicap-Sacré-Cœur-Mermoz rappelle au Ministre, Me Malick Sall, que les chambres 1, 2, 3, 4 font entre 40 et 50 m2 avec un minimum de 180 à 200 personnes.
Et pour mettre fin à tout cela, il invite le gouvernement à initier le programme des bracelets électroniques pour pouvoir décongestionner les prisons du Sénégal. « Nous voulons que le juge d’application des peines puisse avoir les pouvoirs réels et que le Procureur n’ait pas un droit de vie et de mort sur n’importe quel citoyen sénégalais », a déclaré celui qui a séjourné dans les prisons de Rebeuss, du Camp pénal, de Tambacounda, sans compter ses gardes-à-vue dans les commissariats de police et brigades de gendarmerie de Dakar. Un autre habitué de Rebeuss et des commissariats de police, l’activiste Guy Marius Sagna considère que la question de détenus fait partie de celles qui sont négligées par les gouvernants. « Il n’existe pas de budget pour l’amélioration des conditions sociales des détenus. Nous avons au Sénégal 37 prisons dont les 36 sont pleines », dit-il.
Dans leur déclaration finale, les organisateurs ont demandé à l’Etat de prendre des mesures urgentes pour construire de nouveaux établissements pénitentiaires et réhabiliter ceux qui sont en état de dégradation avancée. Ils ont également exigé la résolution immédiate de la question des longues détentions provisoires par le recrutement de magistrats en nombre suffisant ainsi que l’adoption des peines alternatives à l’emprisonnement pour certains détenus condamnés. A noter que 10 mouvements et associations ont pris part à cette marche qui a pris fin au rond-point de la RTS.
Par Professeur Gorgui DIENG
LA FAILLITE DES DIRIGEANTS POLITIQUES!
Le monde entier est grandement choqué et incrédule face à la furie des jeunes Sud-africains qui s'en sont pris avec des machettes, des couteaux, des barres de fer et des briques, à d'autres Africains avec une bestialité inouïe
Le monde entier est grandement choqué et incrédule face à la furie des jeunes Sud-africains qui s'en sont pris avec des machettes, des couteaux, des barres de fer et des briques, à d'autres Africains avec une bestialité inouïe. Cependant, après les fortes émotions et les condamnations qui ont fusé de partout, il convient de jeter un regard critique sur le phénomène récurrent depuis 2007 au moins, pour tenter de le comprendre, et d'y trouver une solution. Ce déferlement de violence aveugle contre les étrangers en Afrique du Sud est l'une des conséquences de la faillite des leaders politiques depuis la fin de l'apartheid en 1994.
Aucun des quatre présidents qui se sont succédé à la tête du pays, y compris le très charismatique Mandela, n'a réussi à apporter les grands changements attendus par une population noire qui constate, chaque jour, la précarité de sa situation économique s'aggraver avec un chômage qui touche plus d'un Noir sur deux. Depuis vingt-cinq ans donc, ces Noirs attendent et ne voient rien! Leur avenir semble hermétiquement bouché, hypothéqué...
Le contrôle du pouvoir politique par la majorité noire ne s'est pas traduit par un contrôle du pouvoir économique qui reste toujours jalousement et quelquefois de façon malsaine, sous la botte de la minorité blanche qui tire les ficelles de l'emploi, du chômage, et par conséquent de la pauvreté et de l'opulence en Afrique du Sud. Il faut reconnaître que, très mal formés dans leur écrasante majorité et victimes d'ostracisme de la part des employeurs blancs qui les snobent au profit des étrangers moins exigeants, les jeunes Sud-africains ont été poussés jusque dans leurs derniers retranchements vitaux... Ce qui les a transformés en véritables fauves que nous avons vus sur les écrans de télévisions, machettes et couteaux à la main...
Pour éradiquer le phénomène de la xénophobie meurtrière, le gouvernement sud-africain doit avoir le courage de s'attaquer à la racine du mal: le pouvoir économique doit être équitablement partagé entre tous les enfants du pays, comme l'est le pouvoir politique, et non pas laissé entre les mains d'une minorité blanche qui tire les ficelles comme bon lui semble pour maintenir la majorité noire dans la pauvreté et le déshonneur sur ses propres terres. Sans des décisions courageuses dans ce sens, sans pour autant reprendre la méthode trop radicale de Mugabe qui a plombé l’économie du Zimbabwe, la xénophobie aura de beaux jours devant elle dans le pays de Madiba.
En effet, face à une Police redoutable et redoutée, les jeunes se tourneront toujours vers les étrangers désarmés, boucs émissaires idéaux... Pour trouver leur place au soleil... sous l'Arc-en-ciel.
Professeur Gorgui DIENG
Etudes Africaines et Postcoloniales UCAD
"EN AFRIQUE DU SUD, UNE IDÉOLOGIE DE LA HAINE EN TRAIN DE S’ANCRER"
Membre de l'équipe du Wits Institute for Social & Economic Research de l'université du Witwatersrand de Johannesburg en Afrique du Sud, Achille Mbembe s'insurge contre les violences xénophones en Afrique du Sud sur les antennes de RFI
Au moins sept morts et 5 000 déplacés. C’est le bilan des violences xénophobes qui ont secoué l'Afrique du Sud ces dernières semaines et qui visent des étrangers africains. La pression diplomatique s'accentue pour éviter une répétition du scénario de 2008, lorsque des violences similaires avaient fait 62 morts. Dans une tribune initialement publiée sur les réseaux sociaux, Achille Mbembe, historien et philosophe camerounais, professeur à l’université de Wits à Johannesburg, s’insurge contre ce qu'il qualifie de véritable « chasse » aux étrangers et tente de comprendre l'origine de cette haine.
RFI : Des Sud-Africains noirs qui brûlent et tuent des immigrés africains dans le pays de Nelson Mandela, que ressentez-vous face à ces violences ?
Achille Mbembe : Une énorme honte à la fois pour l’Afrique du Sud et pour l’Afrique en générale. Beaucoup de honte, parce qu’on fond petit à petit, une idéologie de la haine est en train de s’ancrer dans la mentalité sud-africaine. Et il sera assez difficile de déraciner cette idéologie.
Comment expliquez-vous cette évolution ?
La communauté noire ne forme plus un seul bloc comme elle avait tendance à le faire à l’époque de l’apartheid. Les inégalités se sont largement accrues, l’isolation de l’Afrique du Sud en terme culturel également et le niveau d’ignorance que les Sud-Africains entretiennent à l’égard du monde en général, et du continent en particulier, ces niveaux d’ignorance sont allés croissants.
Cinquante années d’apartheid n’ont pas immunisé l’Afrique du Sud contre les violences xénophobes ?
Il est du propre des situations racistes de produire une haine de soi, que les victimes ont très vite fait de reporter à qui leur ressemble. On voit très bien ce mécanisme à l’œuvre dans les pogromes anti-africains en ce moment. Cette espèce de colère aveugle qui relève, je le dois dire, de la sauvagerie.
C’est en quelque sorte un héritage de cette violence qu’a connue le pays pendant l’apartheid ?
Disons que les chaînes structurantes de cette violence, il faut les chercher justement dans les expériences de déshumanisation qu’ont vécues les Noirs en Afrique du Sud. Mais l’héritage n’explique pas tout. Il existe des conditions présentes pour cet apartheid qui ont envenimé les situations, dans la mesure où beaucoup de Noirs sud-africains ne jouissent pas du tout des opportunités que la fin de l’apartheid a pu créer. L’actuel régime politique est directement responsable de la condition des Noirs subalternes dans ce pays.
Le pouvoir est accusé de passivité, de tenir un discours ambivalent. Est-ce que c’est votre sentiment également ?
Le régime actuel ne veut rien faire. Crise de l’électricité, crise du chômage, toutes sortes de crises ne font que s’empiler. L’Afrique du Sud a besoin en ce moment d’une réaction forte.
Jacob Zuma a mis plusieurs jours à se démarquer de ces violences et à les dénoncer. Est-ce qu’il y a une forme de caution implicite de la part du pouvoir sud-africain ?
Il suffit de parler aux gens de l’ANC. Moi je vis ici depuis 15 ans, j’en connais un certain nombre. J’ai vu cette évolution. J’ai vu, y compris des gens très sérieux, progressivement, justifier des choses qui ne sont absolument pas justifiables. Il faut ajouter à tout cela, pour ce qui est de cette nouvelle chasse aux Africains, l’allumette a été allumée par le roi des Zoulous. Et donc il y a une dimension assez ethnique dans la lutte hégémonique au sein de l’Afrique du Sud qui est en jeu ici.
Vous voulez dire qu’on assiste à une résurgence d’une logique tribale en Afrique du Sud ?
Oui, il ne faut pas avoir froid aux yeux. Il y a une réémergence du sentiment ethnique qui est favorisée par toute sorte d’acteurs politiques et des choses extrêmement complexes. Et le gouvernement a besoin de se réveiller pour les résoudre.
Le gouvernement a également durci ces derniers temps sa politique vis-à-vis des immigrés. Vous pensez que ça a joué un rôle ?
Ça a joué un énorme rôle. Ils utilisent des expédients pour résoudre les contradictions qui sont devenues petit à petit insurmontables. C’est le cas par exemple de l’absence de réformes agraires. Donc, ils ont édicté une loi qui interdit aux étrangers d’acheter de la terre ici. Ils font la même chose avec l’immigration. Cette fois-ci, comme bouée de sauvetage, par rapport à la clameur qui monte de leurs gens qui veulent qu’ils ferment les frontières. Si vous regardez la loi anti-migration, elle est appliquée, disons, au faciès et donc il y a un retour aux chaînes qui étaient en place à l’époque de l’apartheid, mais cette fois-ci déployées par un gouvernement noir. Au moment même où la puissance sud-africaine prétend être responsable de l’avenir du continent. Ce n’est pas tenable.
Qu’avez-vous envie de dire aujourd’hui aux auteurs de ces violences ?
Il faut dire d’une voix forte qu’aucun Africain n’est étranger sur ce continent. Si ce continent veut se mettre debout par lui-même, il faut qu’il s’ouvre sur lui-même.
Entretien réalisé en 2015.
LES MISERES DE YOUNOUSSE SANKHARE EN GIRONDE
Ecarté dans un premier temps du groupe, l’international sénégalais est constamment poussé vers la sortie
L’arrivée au Paolo Souza comme entraineur des Girondins de Bordeaux ne fait pas les affaires de Younouse Sankharé. Ecarté dans un premier temps du groupe, l’international sénégalais est constamment poussé vers la sortie. Le comble, sa mise à pied hier, à titre conservatoire. Autant de faits qui plombent la carrière de ce talentueux milieu de terrain.
Bordeaux a réintégré ses « indésirables ». Avec la fermeture du mercato et n’ayant pas trouvé preneur à temps, le club français a décidé de faire revenir dans son groupe professionnel quelques joueurs écartés depuis plusieurs mois. Paul Baysse (31 ans), Thomas Carrique (20 ans), Jonathan Cafu (28 ans) et Younousse Sankharé (29 ans) sont les quatre joueurs dont les dirigeants voulaient se débarrasser. Et depuis la reprise au mois de juillet, ces derniers s'entraînaient à part. Et c’est à travers un simple communiqué que Bordeaux a levé leur « sanction ». « Au terme du mercato, et comme le prévoit la Charte du football professionnel, la Direction du Football des Girondins de Bordeaux a pris la décision de réintégrer dans le groupe mis à la disposition de Paulo Sousa les joueurs qui devaient être transférés et ne l’ont pas été », indique le club.
Alors que le club a officiellement annoncé la réintégration de ces joueurs, Younousse Sankharé lui n’y figure pas. L’international sénégalais est tout simplement mis à pied, à titre conservatoire. Selon la presse française, cette mesure ne concerne que le Sénégalais. « Après avoir été convoqué par le président Frederic Longuépée, il a été informé. Le club lui a reproché son manque de professionnalisme ainsi que le fait d'avoir manqué plusieurs séances d'entraînement », rapporte un site spécialisé que nous avons visité.
RELATIONS TENDUES AVEC PAULO SOUSA
Arrivé à Bordeaux en 2017, Younousse Sankharé avait gagné sa place sous les ordres de Jocelin Gourvenec, son ancien coach à Guingamp. Mais depuis le départ de ce dernier et l’arrivée du Portugais Paulo Souza, la situation n’est plus la même. Rapidement, le nouveau technicien a délimité son territoire. Le Sénégalais qui avait quelques bouts de matchs disparaît petit à petit des notes du Portugais. Son dernier match avec les Girondins remonte à la fin de la saison dernière contre Caen. Et depuis, il cire le banc. « Le coach m'a clairement fait savoir qu'il ne comptait pas sur moi, qu'il fallait que je trouve une porte de sortie. O.K ! Mais je ne partirai pas n'importe où, ni n'importe comment, avait-il prévenu, dans un entretien avec la presse française.
Annoncé officiellement sur le marché, l’international sénégalais a eu des contacts venant d’Espagne. Leganés a tenté de le faire signer, mais faute d’accord salarial, le joueur formé au PSG a préféré ne pas donner suite aux négociations. « Ils veulent régler mon cas au plus vite, mais il faut aussi me respecter un minimum [...] Que tu ne veuilles pas me mettre titulaire, O.K. Mais ne même pas me prendre dans le groupe pour les stages... Qu'est-ce que j'ai fait pour subir ce traitement-là ? », se demandait le Sénégalais. La saison 2019-2020 s’annonce donc compliquée pour Younousse Sankharé. N’entrant plus dans les plans de son coach, l’international sénégalais devrait trouver un point de chute au prochain mercato. Ce qui pourrait lui offrir une opportunité de relancer sa carrière, mais surtout d’espérer un retour en équipe nationale du Sénégal.
LA LIGUE 1 S'ENFLAMME POUR GANA GUEYE
Avec seulement deux matchs pleins en championnat, le nouveau parisien a séduit tout son monde. Combatif, efficace, simple, l’international sénégalais semble gagner sa place dans l’équipe de Thomas Tuchel
Avec seulement deux matchs pleins en championnat, Idrissa Gana Guéye a séduit tout son monde. combatif, efficace, simple, l’international sénégalais semble gagner sa place dans l’équipe de Thomas Tuchel. A l’image du coach allemand, le joueur de 29ans est adoubé par ses coéquipiers, mais aussi par des spécialistes du ballon rond.
Idrissa Gana Guèye ne pouvait pas rêver mieux. Arrivé au PSG lors du dernier mercato contre environs 32 millions d’euros, l’international sénégalais n’a pas tardé à faire parler de lui. Aligné contre Toulouse (4-0) lors de la 3ème journée de Ligue 1, le joueur formé à Diambars avait livré un match correct.
TUCHEL SE FROTTE LES MAINS
Contre Toulouse, Gana a été l’un des hommes forts du milieu parisien. Associé à Verrati, il avait marqué de précieux points. Alliant simplicité dans le jeu et efficacité dans le ratissage, il avait séduit son coach. « Il court beaucoup, il ne s'arrête jamais. Il est toujours là pour fermer les espaces et pour aider. Si tu es un joueur et qu'Idrissa est proche, tu le sens bien parce que le gars est là. C'est exactement ce qu'on veut et il a été très bon. On a eu beaucoup de récupération dans les derniers mètres du terrain et c'est aussi grâce à lui. C'est une performance de l'équipe, mais il a été très bon », avait reconnu l'entraîneur parisien. Des propos flatteurs, mais qui ne semblent pas emballer l’international sénégalais qui préfère jouer la carte de l’humilité. «Quand on est entouré de grands joueurs, c'est plus facile, on s'intègre encore plus rapidement. Cela a été une bonne intégration pour moi. Les joueurs m'ont beaucoup aidé, beaucoup parlé et cela a facilité les choses. Je fais de mon mieux. Je suis là pour aider l'équipe et je travaille comme il faut. Après, on laisse tout entre les mains de Dieu et on verra comment cela va se passer », avait rétorqué l’ancien joueur d’Everton (D1 Angleterre).
MBAPPE ET THIAGO SILVA ADMIRATIFS
Au sein même du PSG, Idrissa Gana Guéye a eu droit à de belles déclarations. Coéquipier du Sénégalais, le capitaine Thiago Silva a loué les qualités du « Lion ». Invité dans Breaking foot, sur RMC, Mohamed Bouhafsi a révélé que Thiago Silva lui a confié, suite à leur interview de la semaine dernière, être impressionné par Idrissa Gueye. «Après l’interview, TS disait que Gueye était l’un des meilleurs joueurs qu’il avait rencontrés depuis plusieurs saisons à Paris. Dans l’investissement et le comportement, il est incroyable. Et il a vanté les mérites d’Idrissa Gueye », indiquait-il. Avant le défenseur brésilien, la pépite du PSG Kylian Mbappé avait déjà validé l’arrivée du Sénégalais. Lors d’une conférence de presse, il avait adressé un petit message à son coéquipier. « Idrissa Gueye est une très bonne recrue pour nous. C'est le club qui décide. On a un bon groupe, c'est certain », s’enflammait le natif de Bondy.
JOURNALISTES ET CHRONIQUEURS VALIDENT
S’il se faire petit à petit une place dans l’effectif de Thomas Tuchel, Idrissa Gana Guèye commence à justifier le choix du PSG de miser une si importante somme sur lui. Si au début certains spécialistes doutaient encore de l’apport que pourrait avoir le Sénégalais dans le jeu parisien, d’autres avaient dès le début validé le choix des dirigeants. « Outre ses qualités intrinsèques qui ne sont plus à prouver de l’autre côté de la Manche, sa volonté lancinante à rejoindre le club de la capitale ne fait que prouver son désir d’être au diapason des ambitions d’un club qui, lui aussi, à finalement tout à écrire. Sa combativité sur le terrain et sa discrétion en dehors semblent rentrer à merveille dans la nouvelle ligne de conduite du club, qui cherche des soldats de l’ombre. Viser moins clinquant, mais plus besogneux, c’est aussi le message envoyé par le premier mercato de Leonardo », indiquait Ambre Godillon, journaliste qui couvre l’actualité du PSG pour Yahoosport.
A l ‘image de Ambre Godillon, Hervé Penot de l’Equipe a été séduit par le Sénégalais, dès sa toute première sortie avec le PSG. « Idrissa Gueye a été vraiment intéressant pour sa première : sobre, bonne orientation du jeu, placement attendu. Quasiment aucun ballon perdu. Et même des têtes réussies... C’est pour ça qu’il a été acheté. Pas pour briller devant, mais pour équilibrer. A lui de poursuivre », avait-il posté sur son compte Twitter, juste après la démonstration parisienne (4-0) contre Toulouse. Connu pour ses positions tranchées, Pierre Ménès a fait les éloges de l’ancien joueur de Lille (D1 France). «L’enseignement à retenir de la sortie médiatique de Leonardo, c’est que le PSG ne sera pas ‘’bling-bling’’ cette année. Et le symbole de ce PSG ‘’pas bling-bling’’, c’est Gueye. Le Sénégalais n’est pas ‘’strass et paillettes’’, mais il est très utile, gratte beaucoup de ballons et soulage Verratti. Parmi les recrues parisiennes, il est sans doute le plus intéressant jusqu’ici », a détaillé l’éditorialiste sur son blog.
Avec seulement deux matchs dans les jambes (il a joué l’intégralité), Idrissa Gana Guèye a déjà répondu aux attentes. Un cap qu’il devra maintenir, dans un club aux ambitions débordantes. « Si Thomas Tuchel a tant insisté pour débaucher ce joueur, dont les qualités semblent répondre trait pour trait à ce qu’il imagine de son 11 changeant, c’est peutêtre qu’il en a les épaules. À lui, désormais, de prouver aussi que ses 29 ans au compteur ne seront pas un fardeau », a ajouté Ambre Godillon.
Adiara Sy est la première femme inspectrice d’académie de la région de Dakar - Cette enseignante de formation a une carrière faste dans ce monde de l’éducation qu’elle a intégré en 1987
Adiara Sy est la première femme inspectrice d’académie de la région de Dakar. Elle a pris fonction, en janvier dernier, et succède à Gana Sène. Elancée, cette enseignante de formation a une carrière faste dans ce monde de l’éducation qu’elle a intégré en 1987. Elle est de ces rares enseignants qui ne se plaignent jamais des conditions de leur métier.
Son milieu naturel, après les études universitaires, est le monde éducatif. Adiara Sy, enseignante de formation, inspectrice d’académie de Dakar, est la première femme à occuper ce poste. Cela peut être considéré comme une récompense de sa dévotion au métier. Depuis le bas-âge à l’école élémentaire, elle adorait ses maitres qui lui ont donné l’envie de devenir enseignante. Elle choisit donc cette vocation de manière naturelle, dès son entrée à l’université de Dakar devenue université Cheikh Anta Diop (Ucad). “Au moment où j’entrais dans l’enseignement, je ne voyais rien d’autre que cela. C’est peut-être dû au fait que j’ai été marquée par mes professeurs. Je n’ai pas pensé à autre chose. J’étais professeur d’anglais et j’avoue que, depuis le lycée, mes professeurs de langues m’ont toujours marquée. Aussi, à l’époque, les études en lettres menaient vers l’enseignement.
Naturellement, après la Maitrise, je me suis dit que je vais faire l’Ecole normale supérieure. Parce qu’en ce moment, l’enseignement était prestigieux’’, partage-telle. Ainsi, c’est après une Maitrise en 1987, au Département d’anglais, qu’elle tente le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure. Après sa formation, elle est affectée à SaintLouis, sa région natale, sur sa demande, pour rester auprès de ses parents. Ces derniers étaient d’un âge avancé, elle ne voulait se séparer d’eux, vu qu’ils n’avaient pas beaucoup d’enfants.
Fille unique, son jeune frère poursuivait ses études en Algérie. “J’ai eu la chance d’être orientée à Saint-Louis. J’y ai vécu jusqu’en 2019, l’année au cours de laquelle je suis nommée Inspectrice d’Académie de Dakar’’, fait-elle savoir. Pour cette dame, venir à Dakar n’a pas dû être évident. L’essentiel de sa vie, elle l’a passé dans la vieille ville. La cinquantaine révolue aujourd’hui, Adiara Sy a fait ses humanités à l’école élémentaire de son quartier sud à Saint-Louis, communément appelé “Petit lycée’’. C’est là qu’elle obtint son premier diplôme. Elle fut après orientée au lycée des jeunes filles Ameth Fall. Dans ce lycée, il y avait des internes et des externes ; Adiara Sy faisait partie des externes. “De la 6e à la terminale, je suis restée au lycée Ameth Fall. J’ai obtenu mon Baccalauréat en 1982’’, informe-t-elle.
A l’époque, avec la Coopération technique française, beaucoup de professeurs étaient des Français. Lors de son cursus moyen et secondaire, Adiara Sy n’a eu que des proviseurs français. C’est en 1983 que la dernière femme proviseure française a quitté le pays. Elle se rappelle que c’est en ce moment qu’elles ont eu la première Sénégalaise proviseure, Coura Ba Thiam. Elle a été ministre de la Culture du Sénégal et est d’ailleurs décédée cette semaine à Dakar. Elle a été enterrée à Kaolack, sa ville natale. Après le Bac et une Maitrise en anglais, retour donc à Saint-Louis. Jusqu’en 2006, Adiara Sy officiait au lycée Charles de Gaulle de Saint-Louis. Elle s’est retrouvée, en 2007, à l’inspection d’académie de la même région, comme chargée de bureau de l’enseignement moyen secondaire général et du bureau genre chargé de promouvoir l’éducation des filles.
Avant 2000, elle fut aussi la secrétaire exécutive régionale du cadre de coordination de toutes ces interventions pour l’éducation des filles qui a été mise place par le ministère de l’Education nationale. Elle se souvient qu’elle est restée à l’inspection d’académie jusqu’en 2014 où elle a été adjointe. “J’ai été pendant quelque temps secrétaire générale de l’Inspection d’académie de Saint-Louis, avant de postuler pour revenir au lycée Ameth Fall de Saint-Louis comme proviseure titulaire’’. Elle y restera jusqu’à sa nomination en 2019 au poste d’inspectrice d’académie de Dakar. “Là, j’ai répondu à un appel à candidatures et ça a marché. J’ai suivi tout le processus établi pour être nommée à ce poste, en janvier 2019’’, se réjouit-elle.
Le basket, sa seconde passion, après la lecture
Adiara Sy a été une fille studieuse. Son environnement familial le lui permettait. Elle dit avoir eu une enfance heureuse et riche en expériences entre l’école coranique et celle française. Ses parents n’avaient pas beaucoup de moyens, mais ils ont pu lui donner une excellente éducation. “Lorsque j’étais toute petite, mon père était dans l’Administration sénégalaise. Il bougeait beaucoup’’. Saint-Louisienne bon teint, sa mère est de Guet-Ndar et son père de Sindone. Elle a d’ailleurs vécu entre ces deux quartiers traditionnels séparés par le fleuve Sénégal. “Je ne garde que de bons souvenirs de mon enfance. Il n’y avait pas d’outils numériques à l’époque. On n’avait pas de smartphones. On ne faisait qu’étudier et nos moments de détente, on les passait à faire du sport’’. Adiara Sy a titillé le basket au lycée. Avec son 1m70, elle était un as de la balle orange. Elle n’a cependant pas pu faire carrière dans ce domaine, car son père tenait à ce qu’elle termine ses études. C’est ainsi qu’il lui a demandé d’arrêter le sport, alors que le lycée Ameth Fall était le grenier de l’équipe nationale féminine de basket du Sénégal. Le basket était donc sa passion avec la lecture. Elle passait le plus clair de son temps au centre culturel français de Saint-Louis. Elle était une habituée des lieux et avait presque toute la collection de la bibliothèque des petits, alors qu’elle était en classe de 5e. Ses lectures lui permettaient de parfaire son niveau de langue. Ce qui lui a permis de suivre un cursus assez brillant et de devenir professeur plus tard.
« Le système éducatif vit un changement »
Aujourd’hui, Adiara Sy a quitté les classes, certes, mais reste dans le milieu. De loin, elle observe et analyse les mutations. C’est ainsi qu’elle s’est rendu compte que beaucoup de choses ont changé, aujourd’hui, dans le monde, et le système éducatif n’échappe pas à cette règle. Elle admet que “plus qu’un changement, le monde vit un bouleversement’’. L’enfant peut, par exemple, rester à la maison et étudier, si les parents en ont les moyens. Il peut donc se passer d’aller à l’école. Les mutations concernent également l’enseignant. “L’on peut être enseignant et avoir un élève qui en sait plus que vous ou bien qui a vécu mieux que vous. Il y a des élèves qui voyagent, qui parlent anglais, qui ont eu la chance de faire des pays anglophones, alors que le professeur n’a jamais quitté son pays pour aller dans d’autres où ces langues sont des moyens de communication’’. Cela, rapporte-t-elle, est un état de fait. En plus de la facilité qu’ils ont à avoir accès aux outils numériques, lesquels certains professeurs ne disposent pas toujours. “Les enfants d’aujourd’hui ont une chance, parce qu’il y a les technologies qui facilitent les études. Mais aussi qui peuvent vous dévier de l’essentiel. Ça dépend de quel usage on en fait’’, soutient-elle. En outre, pour elle, pour changer la donne, l’enseignant doit être un éternel curieux. Il doit s’adapter au monde actuel et apprivoiser les technologies de l’information et de la communication. C’est impératif, car “quand l’élève en sait plus que l’enseignant, il ne peut pas le respecter’’, analyse-t-elle.
Artiste, peintre et collectionneur, Bara Diokhané est l’initiateur de la galerie Wuruss. Appelez-le également maître, car avant d’être tout ce qu’on vient de citer, il est d’abord avocat. Mais sa passion pour les arts le poursuit partout, même au barreau. Il est surnommé, au début des années 1990, par le journaliste Adama Gaye, “avocat des artistes’’. Un sobriquet qui le poursuit jusqu’à ce jour, même s’il réclame sa casquette de défenseur des droits humains. Ila été, dans une autre vie, manager, conseiller juridique, ami et disons “porte d’entrée’’ de Youssou Ndour. Il acheminé avec l’homme pendant près de 10 ans. Comme lui-même le dit, son compagnonnage avec You est fait de hauts, de bas, de moments forts ou tendus. Ils ont connu ensemble toutes les émotions. Il vous les raconte ici, dans le Grand’Place d’«EnQuête».
Comment êtes-vous passé de la robe noire au pinceau ?
J’ai prêté serment pour devenir avocat très jeune. C’était en 1977. Je crois que j’étais le plus jeune de la promotion constituée de 7 avocats. On m’appelait d’ailleurs le ‘benjamin du barreau’’. J’étais le plus jeune avocat du Sénégal, à l’époque. Après un stage de 3 ans auprès de Me Doudou Ndoye, ancien ministre de la Justice, j’ai eu l’insigne honneur d’être nommé premier secrétaire de la conférence du stage. Elle était une cérémonie qui clôturait la fin des stages. Le barreau organisait, à cette occasion, une sorte de procès fictif où on choisissait ceux qui étaient supposés être les deux meilleurs avocats de leur promotion. Autour d’un sujet, on demandait à l’un de défendre une thèse et l’autre devait plaider la thèse contraire. Ce sont ces avocats qu’on appelait les secrétaires de la conférence du stage. C’est un titre très peu connu, mais très prestigieux mais à l’interne. Il permet de distinguer les majors des promotions. J’ai fait mes études de droit à l’université de Dakar. Après mon stage d’avocat, je me suis inscrit au barreau et, depuis 1980, je me suis installé à mon compte. Je me rappelle avoir commencé à acheter des œuvres d’art, dès que j’ai commencé à avoir un salaire, en tant que jeune avocat. J’ai toujours une pièce qui date de 1977, d’un artiste sénégalais qui s’appelle Momar Guèye.
Est-ce à ce moment que votre intérêt pour l’art est né ?
Mon intérêt pour l’art a débuté quand j’étais étudiant en droit à l’université. Sur mon chemin, puisque j’habitais le Plateau, il y avait l’Ecole des arts et le Village des arts sur la Corniche. Je passais donc devant en allant à l’université sur ma mobylette. Très tôt, j’ai eu des amis qui étaient élèves à l’Ecole des arts. J’y allais pour les voir et les regarder travailler. C’est comme ça qu’a commencé ma passion pour la collection d’art, c’est-à-dire par d’abord le contact personnel, le vécu avec des artistes de mon âge, de ma génération. Je peux citer parmi eux El Hadj Sy, Aly Samb qui est à Orléans, Moussa Tine. Petit à petit, je me suis fait d’autres amis.
Vous n’avez jamais été tenté, à l’époque, d’intégrer l’Ecole des arts ?
Non, non ! J’étais intéressé par ce que faisaient les artistes. Je fréquentais leurs studios. Des fois, on sortait ensemble. J’allais souvent au Village des arts. La création de ce village était une merveilleuse expérience de la société sénégalaise, artistique à Dakar. C’est une belle histoire qui a malheureusement mal finie. Je ne pense pas qu’il y ait, après un foisonnement pareil, un tel dynamisme culturel et artistique de manière permanente au Sénégal que ceux notés à l’époque. Je ne pense pas, par exemple, que le nouveau village que certains appellent “Campement chinois’’ ait pu remplacer vraiment l’ancien village des arts. Il était mieux placé. Il était en centre-ville, donc plus accessible et il s’y passait beaucoup de choses. Il était ouvert. Cela s’expliquait peut-être par le fait qu’entre 1975, 1976 et 1977, c’était la fin du parti unique. L’ancien village des arts a joué son rôle dans la libre expression. C’était un lieu de rencontres de beaucoup de gens. Tout le monde y venait. C’était un lieu très intellectuel, mais aussi dynamique où se tenaient des conférences, des projections de films, etc. Il n’y avait pas que la peinture. On y trouvait beaucoup de choses. Il y avait des performances dans la cour. Un jour, après une soirée avec Joe Ouakam et d’autres artistes, en rentrant vers 5 h du matin, Joe a insisté pour qu’on fasse un tour au village des arts. Je n’y trouvais pas d’inconvénients. Mais une fois sur place, il a commencé à réveiller les gens sur place en leur disant “Sortez, il y a ici un avocat aujourd’hui. Il est certes votre ami, mais il est maintenant un avocat. Venez échanger avec lui’’. D’un coup, je me suis retrouvé autour d’un groupe d’artistes. Il me demandait ce que le droit a prévu pour eux. J’improvisais. Cette conférence n’était pas préparée.
Vous avez été avocat de ces artistes, quand ils ont été chassés du village. Comment êtes-vous venu à leur secours ?
C’est quelques mois après cette conférence improvisée que les artistes sont venus me voir à mon cabinet pour me demander de les défendre, parce qu’ils ont été expulsés et brutalisé par le nouveau régime d’Abdou Diouf. C’était en février ou mars 1982, je crois. A l’époque, on a beaucoup parlé de “désenghorisation’’. Avec le recul, l’on se rend compte que c’était un passage très difficile pour les arts et les artistes. Il y a non seulement cette expulsion des artistes du village des arts, mais il y a eu aussi la démolition de l’Ecole des arts qui était en face. Plus tard, il y a la fermeture du Musée dynamique et tout cela, ce sont des symboles forts senghoriens. On a parlé de la chasse aux barons, en parlant de la “désenghorisation’’, mais on n’a pas parlé de cette “désenghorisation culturelle’’ qui a fait beaucoup de torts et ce jusqu’à présent. Pendant 30 ans, il ne s’est rien passé au Sénégal, avant que la biennale n’arrive. Il y avait de bon et du moins bon. Je pense que cette agression, après le départ de Senghor, contre les arts et la culture, n’était pas bien. Il y a même eu une dépréciation du poste de ministre de la Culture qui était très prestigieux, à l’époque. Maintenant, tous les trois mois, vous entendez la nomination d’un nouveau ministre. On a eu ici un ministre sous Senghor qui s’appelait Alioune Sène. Il pouvait être à la hauteur d’un André Malraux, quand il visitait le Sénégal. Il pouvait tenir la conversation avec lui sur différents sujets.
Mais qu’est-ce qui avait mené à l’expulsion des artistes du village des arts ?
On a dit qu’un jour, au village des arts, il y a eu une pièce de théâtre, une performance de Joe Ouakam et Seydina Insa Wade. Ce dernier avait composé une chanson sur la mort ou l’assassinat, comme disent certains, d’Omar Blondin Diop. Et pour feu le sculpteur Moustapha Dimé, c’était cela le déclic qui explique l’intervention des forces de l’ordre. Cette histoire, je l’ai lu dans une interview de Moustapha Dimé parue dans un livre publié à New York. Il faut savoir qu’à l’époque, Omar Blondin Diop était un sujet tabou dans ce pays-là. C’est extraordinaire qu’en 2013 ou 2014, qu’on ait pu organiser à l’université Cheikh Anta Diop un hommage à Omar Blondin Diop. J’y ai assisté ainsi qu’un autre à l’île de Gorée où on a même pu accrocher sa photo dans sa cellule. Mais dans les années 1980, les artistes qui abordaient cette histoire était censurée. Seydina avait fait une chanson qui n’a jamais été passée. Et c’est cette musique qui a été utilisée pour la performance théâtrale, en hommage à Omar Blondin Diop. Par ailleurs, il y a un tableau qui matérialise ce qui c’était passé au village des arts. Il a été réalisé par Kalidou Sy, ancien directeur de l’Ecole des arts. On y voyait des bottes de gendarmes massacrant des cultures. C’était un tableau assez illustratif.
Quelle suite a été donnée au dossier, quand il a atterri sur la table du juge ?
Quand on m’a constitué en tant qu’avocat, je me suis dit que la première chose à faire est de constater les dégâts, d’évaluer les dommages. Pour cela, il y a une procédure d’urgence qui s’appelle le référé où le juge ne tranche pas le fond. Il prend juste des mesures provisoires. Donc, j’ai demandé au juge, sur la base de constat que j’ai fait faire par des huissiers, de désigner un expert pour qu’on puisse savoir ce qui s’est passé avant de voir qui a tort et qui n’a pas tort. On a gagné cette première bataille, parce que le juge a pris une ordonnance. J’avais assigné l’Etat du Sénégal devant le tribunal. Le juge a désigné à l’époque un expert, M. Dubosc. Il était un vieux Français qui avait un cabinet d’experts comptables à Dakar. A l’époque, il y avait beaucoup de Français dans les professions libérales, même chez les avocats. Moi, à l’époque, quand j’ai prêté serment, les plus gros cabinets n’étaient pas sénégalais. Il y avait deux problèmes. M. Dubosc était un expert judiciaire comptable. Il n’était pas un expert en art. Il ne pouvait pas estimer à sa juste valeur un tableau déchiré ou une sculpture brisée. On avait un problème de compétences dans ce pays. Et je crois que cela nous manque toujours. Pourtant, cela fait partie du marché de l’art. L’expertise en art est une discipline. La deuxième difficulté était que M. Dubosc réclamait une avance pour commencer à faire son travail. Il demandait beaucoup d’argent. Je ne me rappelle plus de la somme, mais je sais qu’on n’avait pas la somme demandée. On avait prévu de faire des ventes pour réunir la somme, mais cela n’a pu se faire. Finalement, une suite n’a pas été donnée à cette histoire.
Au-delà de ce dossier, vous en avez défendu d’autres pour des artistes ?
Dans ma carrière d’avocat, j’ai représenté Ben Diogoye Bèye dans une affaire entre Ben et la Snpc. J’ai écrit un texte qui est sorti sur Seneplus que j’ai intitulé “Thiaroye 44/ Camp de Thiaroye’’. C’est l’histoire de deux films. J’avais représenté Ben Diogoye Bèye, auteur et réalisateur de “Thiaroye 44’’ contre la Société nationale de promotion cinématographique (Snpc) dont Ousmane Sembène était le Pca. Ce dernier avait soumis son projet de film “Camp de Thiaroye’’, alors que “Thiaroye 44’’ était en pré production. Sembène a fait suspendre le projet de Ben et la Snpc a produit et financé le projet de “Camp de Thiaroye’’ de Sembène avec tout l’argent de la Snpc. On a porté plainte contre la Snpc pour rupture abusive de contrat. Je n’ai pas attaqué Sembène, mais la société. Sembène a été nommé par décret présidentiel. Avant lui, il y avait le cinéaste Mahamma Johnson Traoré. C’est sous la direction de ce dernier que la Snpc avait sélectionné le film de Ben, de manière officielle, après les recommandations du comité de lecture. Johnson Traoré a été viré rapidement et inélégamment. Tout le staff de la Snpc a été changé et Ousmane Sembène a été installé comme Pca.
C’est là que les problèmes ont commencé. C’est un épisode malheureux à plusieurs points de vue. “Camp de Thiaroye’’ est le seul film que la Snpc a financé avant de fermer. Il est également le seul film de Sembène qu’il n’a pas réalisé seul. Son coréalisateur est Thierno Faty Sow sur ce projet-là dont on ne se rappelle même plus d’ailleurs. Il était plus jeune, de la génération de Ben. D’aucuns l’ont pris comme un faire-valoir. Cette histoire a beaucoup peiné Ben qui était sur une pente ascendante. Il venait de remporter un prix au Fespaco avec “Sey, Seyati’’. “Thiaroye 44’’ était son projet majeur, qu’il avait coécrit avec Boubacar Boris Diop. L’histoire était basée sur une pièce de théâtre de ce dernier nommée “Thiaroye, terre rouge’’. C’est cela l’histoire de “Thiaroye 44’’. Ben avait commencé son repérage et même a embauché des acteurs. Il y avait des Algériens qui devaient jouer les rôles de Blancs. Il y avait un accord de coproduction avec la Tunisie. Tout était en place avant que quelqu’un ne décide que ce film ne devait se faire. Au tribunal, il a été facile de montrer qu’il y avait rupture de contrat. On a gagné le procès deux fois. Le tribunal a condamné la Snpc une première fois, je crois que c’était en 1989, à payer à Ben 10 ou 15 millions de F Cfa. La Snpc a trouvé que ce n’était pas normal. Moi, de mon côté, je trouvais la somme insuffisante. Toutes les deux parties ont fait appel. En appel, on a eu 20 millions. Mais ce n’était que de l’argent. Vingt millions ne pouvaient pas réparer tous les dégâts, ni faire un film. C’est ainsi qu’est mortné “Thiaroye 44’’.
Pensez-vous vraiment que quelqu’un ne voulait pas que ce film soit fait ?
Quand on réfléchit sur les causes profondes, il faut peut-être remonter aux contenus des deux textes. Il faut voir les différences et ce qui dérange. Sur ce qui s’est passé à Thiaroye, les gens se posent encore des questions et doutent des chiffres officiels délivrés par la France sur le nombre de morts. Ben décrivait un massacre dans son film. Il y a une thèse qui parle de 300 personnes tuées à Thiaroye et une autre qui parle de 35 personnes. Dans le film de Sembène, c’est le chiffre de 35 qui est repris. C’est peut-être cela qui dérangeait.
Vous assumez cette casquette d’avocat des artistes, comme on vous a surnommé ?
Vous savez, c’est votre collègue Adama Gaye qui m’avait collé ce sobriquet. J’ai encore l’article qu’il avait fait sur moi en 1991, je crois, dans “Jeune Afrique économie’’. Il avait intitulé son texte “L’avocat des artistes’’. Je suis allé le voir à Rebeuss, avant-hier. J’en parle, parce que, malgré mon étiquette “avocat des artistes’’, j’étais et je reste un avocat des droits humains. J’y tiens vraiment. C’est aussi important, sinon plus important. C’est un travail de fond que j’ai fait dans ce pays et ailleurs. Quand je suis allé rendre visite à Adama Gaye, cela m’a rappelé toutes ces obligations. J’organisais des visites dans toutes les prisons du Sénégal. J’étais, à l’époque, président de l’Association des jeunes avocats sénégalais. Avant, j’ai été secrétaire général de la même association. Je suis fier de dire que cette association a été l’une des deux ou trois premières associations des droits humains dans ce pays, avant toutes celles dont on parle actuellement et qui font du bon travail. C’est Amnesty International qui existait et qui s’occupait de liberté d’opinions. Il y avait une Association sénégalaise d’études et de recherches juridiques et l’Association des jeunes avocats sénégalais. J’avais l’annuaire de toutes les organisations des droits humains du monde. Au Sénégal, il n’y avait que ces trois-là qui y étaient inscrites à une époque. Je ne savais pas qu’on était connu. On avait déjà été remarqué. Alors, après une tournée d’Amnesty International sur les droits humains avec Youssou Ndour, j’ai pensé à une tournée au Sénégal et autour des droits humains. C’est comme ça que j’ai visité toutes les prisons du Sénégal. Au début, on était un groupe de cinq avocats. Des fois, il y avait des obstacles liés à la langue, parce qu’on voulait faire des conférences publiques sur les droits humains. Dans chaque région, on essayait d’identifier le problème de droit humain qui y est le plus récurrent pour échanger avec les populations autour de ça. On avait commencé par Tambacounda et le problème identifié à l’époque là-bas était l’état civil. Cela suscitait de l’intérêt, et plus on avançait, plus le groupe grossissait. On parlait de nous à la radio. Au-delà des conférences publiques, quand on arrivait dans une région, toutes les personnes qui devaient être jugées au cours de notre séjour, on plaidait pour elles gratuitement. Chaque fois qu’on passait dans une région, on libérait 30 ou 40 personnes qui dormaient dans les prisons. On appelait cela “Le tour juridique du Sénégal’’. Donc, chaque mois, on allait dans une région. Cela a attiré l’attention de la Fondation Ford. Ils ont voulu voir ce que nous faisions sur le terrain et nous sommes allés avec eux à Saint-Louis où on a été bien accueilli par feu Me Babacar Sèye, ancien membre du Conseil constitutionnel. On avait mangé du bon “cëbu jën’’ là-bas chez lui. Et le gars de la Fondation Ford, quand il a vu notre programme avec, en sus, les cliniques juridiques, il était impressionné. Ce programme était un grand succès national et international. La Fondation Ford a voulu nous aider. On leur a dit que la meilleure manière serait de nous aider à reproduire la même expérience dans les pays voisins. Pour l’étape finale à Dakar, on a invité des avocats du Mali, du Togo, du Bénin, etc. La Fondation Ford avait donné 75 mille dollars à cet effet. On a donc organisé ici une semaine des Droits de l’homme. On a invité les autres avocats à venir dans les prisons avec nous et plaider gratuitement pour des détenus. Nos invités sont rentrés chez eux et ont créé la même chose. Nul ne peut mesurer cet impact. Toute cette période correspond aux transitions démocratiques en Afrique. Ce fut notre contribution. Je veux aussi rappeler qu’aux Usa, j’avais défendu 14 jeunes Sénégalais qui avaient réussi la prouesse de traverser l’Atlantique sur un catamaran, après 47 jours de voyage, et qui s’étaient retrouvés en prison dans l’Etat de New Jersey. Après leur avoir rendu visite en prison, j’avais fait circuler une pétition en leur faveur et organisé un mouvement de soutien et de pression qui avait abouti à leur libération et rapatriement.
En tant que défenseur des droits humains, que pensez-vous de ce qui se passe au Sénégal, avec ces séries d’arrestations jugées arbitraires par certains dont celle d’Adama Gaye ?
Je déplore totalement l’arrestation d’Adama Gaye. Il est d’abord un ami de longue date. Nos familles se connaissaient bien avant notre naissance. Nous sommes liés par des rapports familiaux anciens. Ensuite, comme un militant des droits humains, je pense qu’arrêter un journaliste, sur la base d’écrits parus sur Facebook, relève d’une frilosité démocratique. Le Sénégal, le monde, a dépassé ces choses. Ce qu'Adama Gaye a écrit n’est rien par rapport à ce que certains chefs d’Etat entendent. Ils n’ont même pas le temps de lire ça pour réagir. Il faut qu’on arrête ça. Le crime de lèse-majesté n’existe pas dans une démocratie majeure. Je ne souhaite à personne de mettre les pieds dans cet endroit. Même le pire des criminels mérite un minimum légal dû à sa dignité humaine et à sa présomption d’innocence. Il ne faut pas oublier que Rebeuss est une maison d’arrêt et non un camp pénal. En principe, ce sont des gens qui n’ont pas encore été jugés qu’on met là-bas. Imaginez que certains meurent avant d’être jugés. On a tous entendu parler des conditions de détention et vu ce qui s’est passé dernièrement.
Vous avez vu Adama Gaye, vous lui avez parlé. Comment se porte-t-il ?
Il se porte très bien. Il était étonné qu’on dise qu’il est malade. Pour lui, c’est de la manipulation. Il m’a dit : “Regarde-moi. Ai-je l’air de quelqu’un qui est malade ?’’ Il y a deux jours (l’entretien est réalisé jeudi), il était en super forme. Il avait bon esprit. Il ne sait pas d’où vient cette information. De la même façon, il dit qu’une partie de son post Facebook n’est pas de lui. Ça aussi, il me l’a dit. Il dit être l’auteur d’une partie et que l’autre a été rajoutée.
Comment avez-vous connu Youssou Ndour ?
Je suis une fois sorti dans le journal “Le Soleil’’ accompagné des membres du célèbre groupe américain Kool and the Gang. J’étais leur contact au Sénégal, parce que je les avais rencontrés à New York. J’ai commencé très tôt à voyager. J’allais aux Usa ou en Europe très souvent. Quand ils sont arrivés ici, je les ai accueillis et j’avais fait en sorte qu’ils rencontrent le président Abdou Diouf et accueillent la rédaction du “Soleil’’. Je suis sorti dans la presse avec Kool. Quelques semaines après, l’ancien manager de Youssou au Sénégal, Latyr Diouf, m’a appelé. Je ne connaissais pas Youssou. C’est Latyr qui m’a approché pour me dire qu’il aimerait bien travailler avec moi. A l’époque, Youssou était sur le point de signer son contrat de premier album international. Je pense qu’il cherchait quelqu’un qui connaissait un peu le milieu de la musique et qui parlait anglais. On lui avait envoyé un document de 44 pages, tout en anglais. On est allé après ensemble à Londres pour finaliser le contrat avec Virgin. J’ai rempli plein de rôles à ses côtés. J’étais son conseiller. Je parlais à la presse ou lui arrangeait des interviews. J’ouvrais des portes sur l’international. Je l’assistais à fond, parce qu’il le méritait. Quand je le connaissais, il était connu ici et un peu en France, mais n’était pas encore star planétaire. Et même ici, son public était restreint au Miami, Balafon et Thiossane. Il m’arrivait d’amener des copains libanais, français ou américains au Thiossane juste pour leur faire découvrir la musique de Youssou Ndour. Quand il venait à New York, j’appelais mes amis. Donc, je mettais des ponts. Avec Youssou Ndour, on a une longue histoire avec des moments forts, tendus, des hauts et des bas. Pendant presque 10 ans, on était vraiment très proche jusqu’à l’obtention de son disque d’or. On se voyait tous les jours. Nos femmes se connaissaient. Quand il n’était pas là, quand il y avait un problème dans la famille, c’est moi qu’on appelait. J’étais là pour tout le monde. Quand il a monté Saprom, je l’ai accompagné dans ses relations avec les impôts, les banques. Il y avait un autre expert-comptable qui l’assistait beaucoup. C’était Aziz Dièye.
Qu’est-ce qui s’est passé après et qui a fait que vous n’avez pas continué votre collaboration ?
Tout allait bien jusqu’en 1995. Quand j’ai vu l’effet du succès après le disque d’or, je voyais quelqu’un d’autre. J’étais de moins en moins dans le bain. Dieu a fait qu’en 1996, j’ai quitté le Sénégal. Je n’ai pas eu le temps de terminer cela. Je l’avais quand même présenté à un avocat américain qui comprenait bien les droits liés à la musique, qui comprenait parfaitement le français et qui vivait à New York. Après, j’ai vu qu’ils faisaient tout ensemble. Ils m’ont écarté. Je suis allé en Amérique et je n’ai plus entendu parler d’eux. Il y a eu des concerts de Youssou au New York que je découvrais en même temps que tout le monde. Mais cela ne me dérangeait pas. Je n’avais pas de regrets, même si je me disais que c’était inélégant de terminer une relation comme ça. On n’avait donc plus aucune relation jusqu’au jour où quelqu’un m’appelle pour me dire qu’il m’a vu dans un film. Il m’a dit que c’était un film sur Youssou Ndour. Je me suis dit “Aah non, il ne peut me faire ça. Lui qui m’a mis écarté de son business sans même faire le point ne serait-ce que pour dire je te dois quoi ?’’. Avec ce film, je me suis dit, c’est une bonne occasion de lui rappeler que je ne suis pas mort. Je n’avais pas envie d’être dans ce film. J’ai saisi le réalisateur, le producteur et le distributeur du film. Je n’ai pas saisi Youssou. J’ai envoyé une mise en demeure à tous ces gens-là. Je leur ai dit que j’habitais à New York et que je ne voulais pas être dans ce film. Le thème du film était vicieux. Il racontait une histoire qui, pour moi, ne tient pas debout. Il dépeint les Sénégalais sous un jour qui me dérange. Le documentaire dit que quand Youssou Ndour a sorti l’album “Egypte’’, tout le monde a crié au blasphème. On l’a opprimé, menacé, traité de tous les noms. Après, il gagne le Grammy Awards et revient accueilli en star chez lui. Dans le film, ils utilisent même les images de l’attentat du 11 septembre. Qu’estce que cela à avoir avec l’islam du Sénégal ? Je n’ai pas aimé cela en sus des problèmes éthiques que j’avais avec You à cause de notre compagnonnage. Ils ont pris des vidéos de scène de liesse qui dataient de plus longtemps. C’était après que Youssou a gagné le disque d’or. Quand j’ai saisi les gens qui s’occupaient du business du film, Youssou m’a appelé alors que je suis resté 8 ou 10 ans sans nouvelles de lui. La procédure, en Amérique, était très complexe. Mais je suis arrivé à avoir mon jour d’audience. Chaque partie était représentée par un avocat. En Amérique, le juge demande d’abord aux parties d’essayer de régler leur différend à l’amiable. Quand on est sorti pour cela, je leur ai dit que je voulais qu’on enlève toutes les parties du film dans lesquelles on me voyait. Ils m’ont dit oui, on peut le faire. Je leur dis : vous m’avez causé un tort, je demande une compensation de 3 millions de dollars. Ils m’ont dit que c’était impossible, que c’était un film avec un budget d’un million 500 mille dollars. Je ne voulais rien entendre. On a plaidé après devant le juge. C’était très émotionnel. Le juge a, après, désigné un autre médiateur. J’ai fait cela par principe.
Et cette histoire avec Kabou Guèye dans laquelle vous avez joué un rôle important ?
Ça, c’est quand je suis revenu à Dakar. Kabou Guèye a été la première personne à m’avoir contactée. Il m’a dit qu’il a été exploité, depuis 30 ans, et qu’on a abusé de ses droits. Youssou et Thomas Rome étaient derrière. J’ai joué un rôle de médiateur dans cette affaire. On n’est pas allé au tribunal et Youssou n’a pas pris d’avocat. Je me suis dit que Kabou est venu me voir, parce que j’avais porté plainte avec l’affaire du film. J’ai demandé à Kabou pourquoi il n’avait jamais réagi, alors qu’il savait qu’il était exploité. Il m’a dit que c’est parce que je n’étais pas là et qu’il n’avait pas confiance en moi Il avait des droits sur plusieurs albums. De fausses déclarations ont été faites sur les chansons à l’international. Aujourd’hui, je suis encore médiateur dans une affaire de droits opposant encore Youssou Ndour et un autre auteur. Il s’agit d’Habib Faye. Il est venu avant son décès à New York me voir et m’a dit estimer que ses droits ont subi le même sort que ceux de Kabou Guèye. Il m’a chargé de le défendre. Après sa mort, j’ai vu avec sa veuve qui souhaite que j’entame une médiation.
Parlons de votre carrière de peintre. Quand avez-vous commencé à peindre ?
Il y a deux dates intéressantes. J’ai commencé à peindre avec l’avènement du nouveau millénaire. A New York, il y a de grands magasins de fournitures de matériels pour artistes. J’allais dans l’un d’entre eux et j’achetais des choses pour des amis artistes du Sénégal. Il y en a un ou deux qui, après l’étape du village des arts, étaient déprimés. Ils ne voulaient plus peindre. A chaque fois que j’allais dans ce magasin, il leur achetait des choses. Il s’agit d’Ibou Diouf et de Seydou Barry. En l’an 2000, je voulais faire autre chose pour accompagner le nouveau millénaire. Je suis allé au magasin habituel et pour une fois, j’ai acheté pour moi. Quand j’ai fait cela, j’ai senti des choses extraordinaires, mystérieuses, intéressantes. Pendant au moins deux ans, je créais tous les jours quelque chose. Cela a étonné. Quand je me suis retrouvé à New York, j’avais trouvé beaucoup d’amis artistes. Ils ont vu ce que je faisais et l’ont trouvé intéressant. Il y en a un qui venait tous les jours voir ce que je faisais. Je peignais pour les nouvelles sensations que cela me procurait. Cela correspondait à une fin de cycle chez moi. Je venais de quitter les Nations Unies où j’ai travaillé comme conseiller juridique au siège du Pnud à New York. En 2003, il y a eu un ami musicien qui vient chez moi et y trouve une de mes pièces. Il me dit qu’il y a un festival de Charlie Parker Jazz Festival. Il me fait savoir qu’il y a une galerie qui organise à chaque édition une exposition. J’avais un tableau en hommage à Charlie Parker. Il a proposé le tableau et ce fut ma première exposition. L’essentiel de mes expositions s’est tenu à New York. Il y a une autre date qui marque mes débuts. Un jour, j’ai reçu un mail d’une dame qui s’appelle Fabienne Kâ. Elle m’a dit qu’on était dans la même classe au lycée Van Vo en seconde. Elle venait de France et nous a rejoints cette année. Elle me dit, dans son mail, que quand les garçons la fatiguaient, je la protégeais et que pour la consoler, je lui ai offert un dessin. Il est signé et daté 1973. Elle m’en a fait une copie qu’elle m’a envoyée. J’y ai reconnu mon écriture et ma signature. C’est une caricature qui représente le président Nixon avec une colombe blanche dans sa bouche en sang. C’était l’époque de la guerre du Vietnam. Alors que je disais que j’ai commencé en l’an 2000, elle me dit que c’était bien avant.
Vous peignez toujours ?
Oui, je peins toujours. Moins quand je suis à Dakar. Je ne sais pas pourquoi. Ici, je fais beaucoup d’esquisses. J’ai un carnet et quand je ne peins pas, je dessine. Des fois, je prends beaucoup de photos. Elles me servent après de base.
Vous avez des artistes préférés ?
Oui, beaucoup ! Il faut savoir qu’au Sénégal, il y a beaucoup de générations d’artistes.
Votre collection vaut combien aujourd’hui ?
Une collection n’a pas de prix. Elle vaut zéro en ce moment, parce qu’elle n’est pas sur le marché. Elle n’est pas chez un galeriste. Ma collection n’est pas à vendre. Si je voulais la vendre aujourd’hui, il n’y a pas un expert qui peut estimer la valeur de ces tableaux. J’ai la plus grande collection d’œuvres de Mor Faye et je le promeus depuis 25 ans. J’ai travaillé sur la question des problèmes de la culture très longtemps. J’avais même trouvé des financements de la Banque mondiale qu’ils ont mal utilisés, sans même me payer mes commissions. Cet argent devait servir à restructurer, développer les ressources culturelles du Sénégal. C’est un dossier que j’ai personnellement défendu devant un panel d’experts de la Banque mondiale. C’était entre 1995 et 1998. Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, en 1998, une délégation de la Banque mondiale s’asseyait avec des gens du ministère de la Culture. La Banque mondiale ne traitait qu’avec le ministère de l’Economie. Quand Youssou Ndour a gagné son disque d’or, il m’a appelé pour qu’on aille ensemble chez le président Abdou Diouf qui devait le recevoir. En cours de route, il m’a dit que c’était moi qui devais prendre la parole. Il y avait lui, Habib Faye et le chef d’orchestre Pape Oumar Ngom, je crois. C’est là-bas que j’ai commencé à plaider pour les artistes et en disant au président toutes les chances que le Sénégal a, mais n’exploite pas. Je lui ai dit que Youssou a eu un disque d’or, mais le Sénégal n’en profitera pas parce que le producteur n’est pas sénégalais, etc. Je prends également le cas de Djibril Diop Mambety qui était sélectionné au festival de Cannes. Diouf m’a demandé de lui faire une note de tout cela. Je lui ai dit que je le ferai s’il me le demande officiellement. Plusieurs mois après, il m’a envoyé une lettre de mission. Son secrétaire m’a cherché une audience à la Banque mondiale où j’ai été reçu et je leur ai présenté un dossier. Je leur dis qu’on a la culture, mais on n’a pas une industrie derrière. Les gars étaient impressionnés. Ils sont venus au Sénégal. C’est de là qu’est venu le financement de la construction des centres culturels régionaux et bien d’autres choses. La Banque mondiale a donné 15 millions de dollars. Quand Wade est venu, je lui ai dit que j’ai bossé et je veux être payé. Il m’a demandé de le justifier. J’ai apporté toutes les preuves de cela. Mais ils ne m’ont pas payé.
Vous plaidez encore ?
La dernière affaire que j’ai eue, c’était ici, si je peux appeler cela ainsi. Je n’ai pas fait d’argumentation orale, mais c’était tout de même une affaire judiciaire. C’était pour le compte des habitants de la rue Mass Diokhané à Dakar-Plateau. C’était en 2014. Cette affaire me concernait directement parce que Mass Diokhané est mon père et mon cabinet était là-bas. Il était décidé de déguerpir le marché de Sandaga et la mairie de Dakar avait décidé d’envoyer les déguerpis dans un petit terrain de cette rue. J’ai recueilli des centaines de pétitions. J’ai fait faire des constats sur les lieux. J’ai utilisé une procédure qui je pense n’avait jamais été utilisée au Sénégal. C’est une disposition cachée dans la loi que beaucoup de gens ignorent. C’est grâce à cette dernière que j’ai pu obtenir gain de cause. C’est une jurisprudence. J’ai saisi la Cour suprême directement sans passer par le tribunal. Il fallait justifier cela. Il y a une disposition de la loi organique sur la Cour suprême où il est dit que lorsqu’un des droits fondamentaux risque d’être atteint de manière irréparable, on peut s’adresser à une section de la Cour suprême pour qu’elle désigne un expert. Ce qui a été fait afin d’évaluer l’impact social et environnement de l’installation sauvage de 400 marchands ambulants sur une rue d’à peine 200 m. J’ai mis en avant que la loi sur l’environnement exige que les lieux commerciaux doivent être à 500 m des habitations. Des avocats m’ont appelé après pour me demander comment j’ai fait, c’est quelle disposition j’ai évoquée. Ici, il y a un réel problème de lecture et d’exploitation des lois. Il y a une façon de lire les lois. On peut viser un article qui peut avoir des similitudes ou trouver son complément dans un autre article. J’ai gagné ce procès en 2014 et quand j’entends que c’est la Constitution de 2016 qui a établi le droit à l’environnement, je dis non.
LES RAISONS DU REFUS DE LA LIBERTÉ PROVISOIRE À ADAMA GAYE
"Ils disent que le trouble à l’ordre public est persistant. Il y a des risques de récidive, de soustraction à l’action de la justice. Voilà ce qu’ils ont retenu"
Son avocat, Me Khoureychi Ba, joint par “EnQuête’’, renseigne que le parquet s’y est opposé, dans son réquisitoire. Et dans le cas d’espèce, le juge a les mains “liées’’. “Le parquet ne peut plus expier de la raison tenant au fait qu’Adama Gaye n’a pas été entendu au fond. Cela est de gré, car il a été entendu au fond. Ils disent que le trouble à l’ordre public est persistant. Il y a des risques de récidive, de soustraction à l’action de la justice. Voilà ce qu’ils ont retenu. La chose qui explique leur motivation.’’
Ainsi, la robe noire dit attendre l’ordonnance du juge, puisqu’il y a le double degré de juridiction. A son avis, il y aura certainement le déferrement du dossier au juge de la chambre d’accusation. “La bataille va se poursuivre de plus belle. Il y a d’autres procédures qui nous permettront de suivre carrément l’annulation de la procédure et la mainlevée du mandat de dépôt. On peut contourner jusqu’à la libération de notre client’’, dit-il optimiste. Adama Gaye, 60 ans, a été arrêté, le 29 juillet 2019 à l’aube, chez lui.
Une arrestation qu’il a annoncée lui-même par trois posts lapidaires via son compte Facebook. Il est sous le coup des chefs d’‘‘offense au président de la République’’ et d’‘‘atteinte à la sûreté de l’État’’.
Dans une interview dans son ancien magazine “Jeune Afrique’’, son avocat Seydou Diagne dénonçait des accusations ‘‘fantaisistes’’ visant à faire taire ses critiques trop virulentes envers le président Macky Sall.