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19 juillet 2025
par Achille Mbembe
MANDELA RÉVEILLE-TOI, TON PEUPLE DEVIENT FOU !
“Afrophobie ?” “Xénophobie ?” “Racisme entre Noirs ?” - Pourquoi l'Afrique du Sud est-elle depuis si longtemps un “cercle mortel” pour tous les Africains et tout ce qui se rapporte à l’Afrique ?
Ce texte a d'abord été publié sur la page Facebook de son auteur en 2015. Nous le reproduisons à l'occasion de la résurgence des violences xénophobes en Afrique du Sud depuis quelques jours.
“Afrophobie ?” “Xénophobie ?” “Racisme entre Noirs ?” Un “Noir” déjà bien “noir” qui massacre un “étranger” sous prétexte qu’il aurait la peau trop sombre : la haine de soi par excellence ? Mais bien sûr, c’est tout cela en même temps !
Hier, j’ai demandé à un chauffeur de taxi : “Pourquoi faut-il qu’ils tuent ces ‘étrangers’ de cette façon ?” Sa réponse : “Parce que du temps de l’apartheid, le feu, c’était la seule arme que nous avions, nous, les Noirs. Nous n’avions pas de munitions, d’armes et tout ça. Avec le feu, on pouvait fabriquer des cocktails Molotov et les jeter sur l’ennemi à bonne distance.”
Aujourd’hui, la distance est superflue. Pour tuer “ces étrangers-là”, il nous faut être le plus près possible de leur corps, que nous entreprenons alors d’enflammer ou de disséquer, chaque coup ouvrant une énorme blessure impossible à soigner. Et si jamais elle venait à être soignée, elle est conçue pour laisser sur “ces étrangers-là” le genre de cicatrice qui ne s’efface jamais.
Une situation kafkaïenne
J’étais présent lors de la dernière flambée de violence dont “ces étrangers-là” ont été la cible. Depuis, le cancer a produit des métastases. La chasse dont les “étrangers” sont aujourd’hui la proie est le résultat d’une chaîne complexe de complicités — certaines déclarées sans ambiguïté, d’autres occultes.
Le gouvernement sud-africain a depuis peu durci le ton au sujet de l’immigration. De nouvelles mesures draconiennes ont été votées, et leurs effets sont dévastateurs pour les gens déjà installés ici en toute légalité. Il y a quelques semaines, j’ai assisté à une réunion du personnel “étranger” à l’université du Witswatersrand [à Johannesburg], et j’y ai entendu une succession de récits terrifiants. Les permis de travail ne sont pas renouvelés, les familles se voient refuser des visas, les enfants sont condamnés à un no man’s land scolaire. Une situation kafkaïenne qui touche aussi les étudiants entrés légalement dans le pays, dont les visas ont été régulièrement renouvelés, mais qui se trouvent maintenant pris au piège du flou juridique, dans l’impossibilité de s’inscrire et de toucher l’argent auquel ils ont droit, qui leur a été alloué par les institutions. Avec ses nouvelles mesures anti-immigration, le gouvernement est en train de transformer les immigrés jusque-là légaux en clandestins.
Une sorte de “national-chauvinisme”
La chaîne des complicités va plus loin. Les grandes entreprises sud-africaines se répandent dans tout le continent, reproduisant parfois ailleurs les pires formes de racisme qui étaient tolérées ici du temps de l’apartheid. Tandis qu’elles “dénationalisent” et “africanisent”, les Noirs pauvres d’Afrique du Sud et des pans de la classe moyenne se fédèrent en une sorte de “national-chauvinisme”. Le national-chauvinisme exhibe sa face hideuse dans presque tous les secteurs de la société sud-africaine. L’ennui, avec le national-chauvinisme, c’est qu’il a constamment besoin de boucs émissaires. Au début, ce sont ceux qui ne sont pas de chez nous. Puis, très vite, il devient fratricide. Il ne s’arrête pas à “ces étrangers”. Son ADN le pousse à terme à se retourner contre lui-même en un revirement dramatique.
J’étais en Afrique du Sud lors de la dernière “saison de la chasse”. La différence, cette fois, c’est l’apparition de rudiments “idéologiques”. Nous avons désormais droit à un semblant de discours qui a pour but de justifier les atrocités, ce pogrom rampant, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit en réalité. Et un pogrom qui ne peut qu’aller croissant. Le discours justificateur commence par l’évocation des stéréotypes habituels. Ils ont la peau plus sombre que nous ; ils volent nos emplois ; ils ne nous respectent pas ; les blancs se servent d’eux, ils préfèrent les embaucher plutôt que nous, ce qui leur permet de contourner les exigences de la discrimination positive.
Mais ce discours se fait de plus en plus agressif. On peut le résumer comme suit : l’Afrique du Sud n’a aucune dette morale envers le reste du continent. Et les années d’exil ? Mais non, il y avait moins de 30 000 Sud-Africains en exil (on m’a déjà asséné ce chiffre, et je ne sais absolument pas d’où il vient), et ils étaient éparpillés dans le monde entier – 4 000 au Ghana, 3 000 en Ethiopie, quelques-uns en Zambie, et beaucoup plus en Russie et en Europe de l’Est ! Donc, nous n’accepterons pas d’être soumis au chantage moral de “ces étrangers”.
La saison de la chasse aux étrangers
Il faut poser les questions qui dérangent. Pourquoi l’Afrique du Sud devient-elle un champ de la mort pour les Africains originaires d’autres pays (mais aussi pour les Bangladais, les Pakistanais, et sans doute d’autres bientôt) ? Pourquoi ce pays est-il depuis si longtemps un “cercle mortel” pour tous les Africains et tout ce qui se rapporte à l’Afrique ? Dans “Afrique du Sud”, que signifie donc “Afrique” à nos yeux ? Une idée, ou un pur accident géographique ? Faut-il maintenant chercher à chiffrer ce qu’ont sacrifié l’Angola, le Mozambique, le Zimbabwe, la Namibie, la Tanzanie, la Zambie et d’autres pendant la lutte pour l’émancipation ?
Combien d’argent le Comité de libération de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) a-t-il fourni aux mouvements de libération ? Combien de dollars l’Etat nigérian a-t-il mis dans la balance du combat sud-africain ? S’il fallait évaluer les destructions infligées par le régime de l’apartheid à l’économie et aux infrastructures des “Frontline States” [“Etats de la ligne de front”, en l’occurrence Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Swaziland, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe, qui à partir des années 1970 ont coordonné leur action contre le régime sud-africain et soutenu les mouvements de lutte, dont l’ANC], à combien cela équivaudrait-il ?
Et une fois cette somme quantifiée, ne devrions-nous pas présenter la facture au gouvernement de l’ANC qui a repris les rênes de l’Etat sud-africain et lui demander de rembourser ce qui a été dépensé au nom des Noirs opprimés en Afrique du Sud pendant toutes ces longues années ? Ne serions-nous pas en droit d’ajouter à tous ces dégâts et à toutes ces pertes le nombre de personnes tuées par les armées du régime de l’apartheid agissant en représailles parce que nous avions accueilli en notre sein des combattants sud-africains, le nombre de blessés, la longue chaîne de misère et de pauvreté infligée à cause de notre solidarité avec l’Afrique du Sud ? Puisque certains Sud-Africains noirs ne veulent pas entendre parler de dette morale, peut-être faut-il leur donner raison, leur présenter la facture et demander plutôt des réparations économiques.
Nous mesurons tous l’absurdité qu’il y a dans cette logique insulaire, qui fait à nouveau de ce pays un champ de la mort pour ceux qui ont la peau plus sombre, pour “ces étrangers-là”. Puisque le gouvernement sud-africain ne peut pas ou ne veut pas protéger de la fureur de son peuple ceux qui sont sur son sol, il n’y aurait en revanche rien d’absurde à en appeler à une plus haute autorité. L’Afrique du Sud est signataire de la plupart des conventions internationales, notamment du statut de la Cour pénale internationale de La Haye. Certains des instigateurs de la “saison de la chasse” qui a cours en ce moment sont bien connus. Certains ont tenu publiquement des propos incitant à la haine. Existe-t-il un moyen pour nous de les dénoncer à la CPI ? L’impunité nourrit l’impunité, et les atrocités. C’est le chemin le plus court vers le génocide. Si l’Etat sud-africain ne demande pas de comptes à ces criminels, n’est-il pas temps de confier leur sort à une plus haute juridiction ?
Un dernier mot sur les “étrangers” et les “immigrés”. Aucun Africain n’est un étranger en Afrique ! Aucun Africain n’est un immigré en Afrique ! Nous avons tous notre place en Afrique, et peu importent nos aberrantes frontières nationales. Et aucun national-chauvinisme, aussi effréné soit-il, n’y pourra rien. Et toutes les expulsions, aussi nombreuses soient-elles, n’y pourront rien. Au lieu de répandre du sang noir sur Pixley ka Seme Avenue, artère symbolique s’il en est [Pixley ka Seme était le fondateur de l’ANC], nous devrions tous nous atteler à la reconstruction de ce continent, et faire sortir l’Afrique de sa longue histoire douloureuse – pour en finir avec cette histoire qui depuis trop longtemps voudrait, quelle que soit l’époque, quel que soit l’endroit, qu’on ait tort d’être noir.
UN KA POUR DEMBA
Les cas de fraude se multiplient à l’Entreprise Demba Kâ (Edk)
E media |
Ndèye Fatou NIANG |
Publication 04/09/2019
Les cas de détournement sont devenus un Kâ pour Demba, propriétaire des stations Edk Oil. Il est confronté à une fraude interne depuis plusieurs mois. Le dernier cas est l’arrestation du chef de la station de Thiès pour détournement présumé d’un montant de 6 millions de F Cfa.
Les cas de fraude se multiplient à l’Entreprise Demba Kâ (Edk). Après les 16 personnes placées sous mandat de dépôt entre Thiès et Tivaouane en fin juillet à la suite d’une information judiciaire ouverte par le Parquet de Thiès dans le cadre de l’affaire de la fraude des recettes via Orange money visant Edk oil, le chef de la station Edk Thiès a été arrêté ce lundi pour détournement. Toumani Camara, qui a été interpellé chez lui par les pandores de la Brigade de recherches de la gendarmerie de Thiès, a été aussitôt placé en garde à vue, sa voiture a également été également saisie. Il lui est reproché d’avoir détourné 6 millions de F Cfa dans la station d’essence de la Cité du Rail qu’il dirige. Des mêmes faits qui ont valu l’arrestation en fin juillet à 16 personnes entre les stations Edk oil Thiès et Tivaouane
6 millions de F Cfa pompés à la station de Thiès
Ces personnes ont été placées sous mandat de dépôt dans le cadre de l’affaire de la fraude des recettes via Orange money visant Edk oil. Laquelle affaire a démarré avec des arrestations dans les stations Edk Tambacounda, Diourbel, Sindia et les gérants des stations EdK Colobane, Mbao, mais également un pompiste à Maristes. En effet, explique une source proche du dossier, Edk avait signé un partenariat avec la Sonatel pour la distribution d’unités de valeur Orange money et le paiement marchand de carburant. Des numéros marchands sont ainsi transmis aux pompistes et aux gérants de station pour l’encaissement de recettes via Orange money. Ces derniers, au lieu de transférer le solde vers le numéro du superviseur qui reçoit les fonds à la fin de chaque journée, modifiaient le reçu de transfert d’argent de façon à ce que le montant y afférent soit supérieur à celui du vrai reçu que doit générer le terminal de paiement électronique. Une fraude, dont le montant n’est pas encore estimé,a fait perdre beaucoup de millions au promoteur Demba Kâ. Pour l’heure, le dossier est en cours d’instruction.
OÙ SONT LES FEMMES DANS LES FORCES ARMÉES OUEST-AFRICAINES ?
Peu nombreuses, peu visibles, elles font face à des barrières persistantes. À Dakar, une conférence régionale réunit, depuis le mardi 3 et jusqu’au vendredi 6 septembre, des femmes des polices et gendarmeries d’Afrique de l’ouest
Peu nombreuses, peu visibles, elles font face à des barrières persistantes. À Dakar, au Sénégal, une conférence régionale réunit, depuis le mardi 3 et jusqu’au vendredi 6 septembre, des femmes des polices et gendarmeries d’Afrique de l’ouest : Sénégal, Burkina Faso, Niger et Mali, avec le soutien du département d’État américain. Objectif : féminiser les forces de défense et de sécurité
Elle en impose Mame Rokhaya Lo, du haut de son 1,87 m, 36 ans, capitaine au sein de la gendarmerie sénégalaise, première femme pilote de son pays. « Le problème qu'on a est peut-être culturel. Les gens n'ont pas l'habitude de voir les femmes en tenue, donc cela crée peut-être des barrières avec la famille pour que les femmes intégrent en nombre les forces de défense et de sécurité. On lutte vraiment pour atteindre au minimum 10% de femmes jusqu'à atteindre 20%. »
On en est loin selon Adjaratou Wakha Aïdara Ndiaye, directrice de l’ONG Partners West Africa Sénégal. « Les États africains sont à maximum 5%, surtout dans la zone Sahel, où actuellement il y a beaucoup de conflits. Plus il y aura de femmes au sein des forces de l'ordre, plus les gens, la population se sent en sécurité. »
Et, pour féminiser les forces de l’ordre, c’est aussi le regard des collègues masculins qui doit changer, selon Adiza Adamou, commissaire de police au Niger : « Surtout au niveau des unités opérationnelles, le maintien de l'ordre. Ils nous disent "les femmes, vous ne pouvez pas aller sur le terrain, vous ne pouvez pas aller au front" parce que, parce que, parce que... Ils nous regardent comme leurs filles, leurs femmes. » Mais là, c’est entre « sœurs », selon elle que se retrouvent les participantes, et surtout entre professionnelles.
L’ÉTAT PRÉVOIT UNE ÉCONOMIE DE PLUS DE 15 MILLIARDS PAR AN
Selon des sources proches du gouvernement, si la facture téléphonique atteignait régulièrement 1,5 milliard F CFA par mois, la somme payée pour le mois d’août à partir duquel la restriction est entrée en vigueur a drastiquement baissé
Dans sa volonté annoncée de rationaliser les dépenses liées au téléphone, l’Etat est passé à une étape supérieure. Selon des sources proches du Gouvernement, si la facture atteignait régulièrement un montant hallucinant de 1,5 milliard F CFA par mois, la somme payée pour le mois d’août à partir duquel la restriction est entrée en vigueur a drastiquement baissé. De dix fois moins !
En effet, selon nos informations, le montant payé pour le mois d’août est d’environ 120 millions F CFA. Projeté sur l’année, la note devrait ainsi passer de 18 milliards F CFA à 1,440 milliard F CFA.
Une baisse considérable qui soulève des interrogations sur l’utilisation de certains privilèges par les fonctionnaires de l’Etat, jusqu’au niveau le plus élevé de responsabilités. Toutefois, il reste désormais à voir si des services ne vont subir les contrecoups de ces mesures drastiques et voir ainsi leur efficacité mise à rude épreuve par la faute de ceux qui étaient dans le gaspillage manifeste.
DINDEFELO, UN GACHIS NATUREL
Trésor perdu dans la forêt et les montagnes de Kédougou, Dindéfélo, en cette période d’hivernage, est coupée du reste du monde.
Trésor perdu dans la forêt et les montagnes de Kédougou, Dindéfélo, en cette période d’hivernage, est coupée du reste du monde. La commune, confrontée également à un manque terrible en eau potable, compte sur le projet Energie de l’Omvg pour sortir au moins des ténèbres.
Devenue célèbre grâce à ses merveilleuses chutes d’eau, Dindéfélo se noie pourtant dans la douleur. Des routes, de l’électricité, de l’eau… C’est tout ce que demande cette population dépourvue presque de tout. Nous sommes à Ségou, un des 12 villages qui composent la commune, le plus impacté par le projet Energie de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie, dans la région de Kédougou. Et toutes les occasions semblent bonnes pour exprimer ces vieilles doléances. Hier, devant les autorités déconcentrées et la délégation de l’Omvg, la vieille Kadidia Diallo, teint clair, avec toute la discipline qui caractérise les gens de ce hameau situé à la frontière avec la Guinée, supplie : “En venant ici, vous vous êtes sûrement rendu compte de l’état délabré de la piste. Notre principal problème, c’est cette voie impraticable, surtout en période d’hivernage. Nous souhaiterions également que vous nous la réhabilitiez’’, dit-elle en s’adressant naïvement à la cheffe de la délégation de l’Omvg. Laquelle la réoriente gentiment vers les représentants de l’Etat à qui incombe cette mission. Sur place, c’est à se demander si des autorités passent de temps en temps dans cette zone pourtant pleine de potentialités. Avec ses cascades, sa réserve naturelle communautaire où l’on trouve même des chimpanzés, ses montagnes magnifiques, sa forêt dense, ainsi que ses nombreux cours d’eau.
Dindéfélo est ainsi une des attractions des visiteurs venus de tous les coins du Sénégal et du monde. Hélas, l’inaccessibilité constitue son principal frein sur le chemin de l’émergence. Le maire de la ville, Kikala Diallo, reconnait : “C’est vrai que c’est un réel problème. Nous essayons de prendre beaucoup d’initiatives pour booster le tourisme qui est une des caractéristiques de cette zone, mais c’est difficile, sans infrastructures routières.’’ Cela dit, M. Diallo a aussi tenté de rassurer ses administrés. A l’en croire, le gouvernement est bien conscient du problème et a promis de l’inscrire parmi ses priorités. Il précise, optimiste : “Le ministre Oumar Youm (ministre en charge des Transports terrestres et des Infrastructures routières) était de passage, il y a quelques jours, et il a réaffirmé cette volonté. Nous pensons que les travaux pourront être engagés bientôt.’’
Ravie, l’assistance, composée en majorité de femmes, applaudit. La bonne dame qui avait évoqué la lancinante question se lève de son banc, se dirige vers lui, courbe l’échine et lui caresse les pieds en guise de remerciements. Mais en attendant la délivrance, le calvaire continue. Pas plus tard que cette semaine, informe l’édile, six bus remplis de touristes ont été contraints de rebrousser chemin, ne pouvant accéder à la localité. Un manque à gagner énorme pour la municipalité, les hôteliers ainsi que la population toute entière. En fait, pour une distance longue seulement d’une trentaine de kilomètres, il faut faire plus d’une heure de temps à bord de 4 X 4 et de L200, se faufilant entre les arbres, bravant non pas des nids de poules, mais “d’éléphants’’ remplis d’eau de pluie, pour rallier Ségou, à quelques jets de la Guinée voisine. Un endroit paradisiaque, mais coupé du reste du monde.
LES AMIS D'ADAMA GAYE PRÊTS POUR SA LIBÉRATION
Le journaliste peut entrevoir la liberté. Car il sera finalement auditionné au fond ce mercredi
Et à l’issue, ses conseils vont déposer une demande de liberté provisoire. Ce qu’ils n’avaient pas pu faire jeudi dernier, puisque le Doyen des juges avait renvoyé l’audition sine die. D’ailleurs, le renvoi avait mis ses avocats dans tous leurs états. “Notre client Adama Gaye, prisonnier politique et d’opinion, a vu ce jour son droit d’être entendu et jugé dans un délai raisonnable, violé par la justice sénégalaise’’, fustigeait le collectif des avocats d’Adama Gaye. Il déplorait également “les violations flagrantes et récurrentes de son droit à être entendu et jugé dans un délai raisonnable par une juridiction indépendante et impartiale par la justice sénégalaise’’
“La volonté manifeste de l'État à anéantir Adama Gaye’’
Le Cercle des amis de Adama Gaye a abondé dans le même sens. Dans un communiqué daté d’hier, il fustige l’emprisonnement du journaliste “pour un délit mineur sur la base duquel on ne doit pas être poursuivi dans une démocratie majeure et dont il est loin d'être coupable’’. La structure dénonce le report soulignant que leur ami “a vu sa santé se détériorer, eu égard aux conditions de détention inacceptables’’. Et d’ajouter : “En sus de son état de santé qui n'est pas des meilleurs, Adama Gaye est d'un âge qui ne lui permet pas d'être confiné dans les geôles atroces d'un régime qui cherche coûte que coûte à affaiblir moralement et physiquement le lanceur d'alerte.’’ Compte tenu de cette situation, le cercle invite les autorités étatiques “à plus de raison et de bon sens dans cette affaire’’.
Tout en prenant “à témoin l'opinion nationale et internationale face à la volonté manifeste de l'État à anéantir Adama Gaye, intellectuel engagé au service de son peuple’’, le cercle tient également le gouvernement du Sénégal “pour responsable de tout ce qui pourrait arriver à Adama Gaye et des conséquences fâcheuses que cela engendrerait dans le pays’’. Fort de cette crainte, le cercle exhorte la société civile, les leaders d'opinion, les régulateurs sociaux “à faire entendre raison à Macky Sall, seul commanditaire de cette arrestation, avant que nous ne soyons dépassés par les événements’’. Par ailleurs, les amis du journaliste-activiste expriment leur “détermination sans faille pour qu’Adama Gaye recouvre sa liberté confisquée pour des raisons subjectives’’.
Et disent “n'écarter aucune forme de riposte face aux méthodes loin d'être conventionnelles dont use le régime pour humilier, éprouver et écraser des activistes et des lanceurs d'alerte’’. Car, à leurs yeux, Adama Gaye “ne saurait être sacrifié sur l'autel de la mal gouvernance minière et des prédateurs nationaux et internationaux’’. Et c’est pourquoi ils se disent “prêts à faire face à toute tentative de le maintenir en prison pour occulter la gestion nébuleuse des hydrocarbures’’
« SI DANSOKHO AVAIT L’AGILITÉ PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE... »
Camarade de route du défunt ex-secrétaire général du PIT, Alla Kane Kane a assisté à toutes les étapes importantes de la gauche - Il jette un regard rétrospectif, avec la disparition de cette grande figure marxiste
Camarade de route du défunt ex-secrétaire général du Pit, M. Kane a assisté à toutes les étapes importantes de la gauche, allant du PAI à Ndawi Askan Wi où il est présentement membre du Secrétariat politique, en passant par le Pit. Inspecteur des impôts et domaines à la retraite, il jette un regard rétrospectif, avec la disparition de cette grande figure marxiste.
Quel témoignage portez-vous sur le défunt combattant marxiste-léniniste Amath Dansokho ?
Ce qui me lie à Amath Dansokho n’est pas l’amitié, mais la camaraderie. Nous avons cheminé longuement, 24 ans, dans le militantisme politique, au sein de l’organisation qu’était le Parti africain de l’indépendance (Pai). Les trois années, c’était dans la légalité. Ce qui a permis de conscientiser les masses, de diffuser les idéaux de socialisme et de légalité, et de faire pénétrer l’idée d’indépendance dans le peuple sénégalais. Le parti s’était alors déployé avec énergie. Nous avons réalisé tout cela, parce que nous étions des camarades qui combattons le colonialisme. Nous ne l’aurions pas fait étant amis. Ce travail qu’on a fait, Dansokho, moi et d’autres, a permis de mettre ce pays dans l’orbite des indépendances, au moment où d’autres forces politiques n’avaient comme programme que la révision du Titre VIII de la Constitution de l’IVe République. Elles voulaient réviser, replâtrer et continuer. Nous avons obligé ces gens à rejoindre le mouvement général et...
Qui étaient-ils ?
C’était les Senghor, Mamadou Dia, Lamine Guèye, etc., qui n’ont jamais été pour l’indépendance. Le dada de Senghor était la révision du Titre VIII. Lui-même disait que si l’on trainait, la jeunesse que nous étions, allait forcer les choses et aller vers l’indépendance.
Et que s’est-il passé par la suite ?
Donc, de 1957 à 1960, nous étions dans la légalité, mais les 21 autres années, nous avons évolué dans la clandestinité. C’est en août 1960 que le Pai a été dissout. Mais, nous, jusqu’au 31 mai 1981, avons continué la lutte. Je pense que nous avons partagé ce mouvement, car il y a beaucoup de similitudes entre nous deux.
Dansokho est né à Kédougou en1937; moi, je suis né à Gatte un an plutôt, dans un village du département de Bambey. Nous sommes venus au monde dans une partie du pays où les gens étaient sous protectorat. C’est-à-dire que les gens qui étaient dans ces parties du Sénégal étaient des sujets français soumis au Code de l’indigénat par la puissance coloniale, contrairement aux résidents des quatre communes qui étaient des citoyens sénégalais. Ils appliquaient ici le fameux principe du diviser pour mieux régner. Pour un même peuple, il y avait des citoyens et des sujets. Dansokho et moi étions des sujets (rires). Les conditions de vie de ces populations ont forgé notre conscience de fils du peuple. Nous avons également eu la chance d’avoir fréquenté l’école. Mais c’était pour mieux affronter les colons avec leurs propres arguments. A nos 20 ans, nous étions dans les années 50 où le monde d’après-guerre connaissait des mutations profondes avec les luttes pour l’indépendance des peuples inspirées de la Libye, de l’Egypte, de la Tunisie, du Soudan, le Maroc, le Ghana, Dien Bien Phu, l’Upc au Cameroun ainsi que la guerre d’Algérie. Le hasard a voulu que j’aie fait mes premiers pas en tant qu’instituteur dans la région où est né Dansokho.
Les premières écoles que j’ai faites étaient Goudiry, Saraya puis Kidira. Quand je rejoignais mon poste à Saraya, j’ai marché de Kédougou à Saraya avec des porteurs pendant une journée pour une nuitée à Bembou et continuer le lendemain. Ce qui m’a renforcé dans ma conviction qu’il fallait faire quelque chose pour libérer nos peuples, vu les conditions de leur vie. C’est ce que j’ai partagé avec lui. Le jour où le manifeste du Pai est tombé entre mes mains, je me suis dit: ‘‘Voilà ce qu’il nous fallait. Je vais adhérer.’’ Dansokho, qui était à St-Louis, a adhéré en même temps. Quand il était à St-Louis, nous étions dans la clandestinité. Il y avait un principe fondamental qu’était le cloisonnement. Il n’y avait pas de liaisons directes avec les structures, par souci d’éviter que la répression ne vienne à bout du mouvement. Des camarades se sont exilés, comme le secrétaire général Majmouth Diop ou Ly Tidiane qui a rejoint Bamako. Nous, de notre côté, avons fait la prison, car après la dissolution, à chaque fois qu’on distribuait des tracts, on nous prenait. J’étais le premier secrétaire exécutif régional de Diourbel du Pai, dans la légalité comme dans la clandestinité. Suite à mon arrestation en 1961, on m’a radié de la Fonction publique devant une commission de discipline. L’année suivante, j’ai été arrêté et amené à Thiès. Dansokho aussi était dans la même situation à Dakar où il a été arrêté en 1964 pour activités clandestines avec son engagement à l’université de Dakar. Quand il a eu une liberté provisoire, il en a profité pour rejoindre les camarades à Bamako.
Pourquoi le choix de Bamako comme lieu d’exil ?
Parce qu’à la suite de l’éclatement de la Fédération du Mali, Modibo Keita a ouvert les portes au Pai qu’il connaissait très bien. Son parti est une section du Rda, donc un parti fortement ancré à gauche. C’est d’ailleurs cela le but de la manœuvre française pour éclater la Fédération du Mali : éloigner Senghor et les autres de Modibo. Dansokho est parti donc en 1964 et avait comme mission de faire des tâches de représentation du parti à l’étranger. Il a été le représentant du parti à Prague, de représenter le parti auprès des partis communistes frères d’Europe, la liaison des sections Pai à travers l’Europe, et il a aussi la mission de soigner l’image du parti avec les mouvements de libération, notamment lusophones comme le Frelimo, le Paigc, le Mpla. Ça lui a d’ailleurs valu un capital très riche de relations. Il est resté treize ans à l’étranger pour ne revenir qu’en 1977. Ceci dit, nous qui étions à l’intérieur étions fiers de nous battre dans la clandestinité, car c’était la même organisation.
Par la suite, un groupe de 33 camarades a été sélectionné pour aller faire la formation militaire à Cuba, dont je faisais partie. A notre retour, nous avions un grade de commandant et avions organisé le territoire en zones militaires pour lesquelles j’étais le commandant de la zone Ouest (Cap-Vert) chargé de la guérilla urbaine. Madické Wade était au Nord, Sadio Camara à l’Est, Bara Goudiaby pour la Casamance.
Ensuite, c’était la direction nationale que j’ai intégrée de 65 à 67 avec Seydou Sy Cissokho, Madické Wade et Babacar Tafewa-Balewa. On a dirigé le parti en ces périodes difficiles, car quand le gouvernement a été informé de nos intentions, il y est allé avec toute la force de la répression. Ce qui a affaibli le parti. C’est là que nous sommes allés à la Conférence nationale rectificative du 1er mai 1967 pour des correctifs, comme la suspension du camarade secrétaire général Maj’, la mise en place d’un nouveau Comité central... Bref, depuis le premier Congrès en 1962, j’ai assisté à tous les moments importants du parti. Cerise sur le gâteau, j’ai présidé la huitième et dernière session du Comité central, sous le sigle Pai,du31mai1981àOuakam,chez le camarade Ismaila Diagne. Ce jour, les 22 camarades ont pris deux décisions : dernière réunion sous le sigle Pai Sénégal et reprise de l’activité sous le sigle Pit. La deuxième décision était de fixer la date du Congrès constitutif du Pit aux 8 et 9 août1981.Ilsetrouvequequandjeprésidais cette réunion, j’étais encore stagiaire à l’Enam. En 1982, j’ai eu mon diplôme d’inspecteur des impôts et domaines. Les camarades ont décidé de m’accorder un statut spécial au lieu de m’afficher. J’avais le privilège de rester en contact direct avec le secrétaire général uniquement. Seuls lui et moi savions ce qui m’était confié comme tâches ou missions. Nous nous voyons mensuellement. Quand Seydou Sy Cissokho a quitté, j’ai travaillé avec le nouveau Sg, Dansokho, de 1981 à 1991. Il venait mensuellement à la maison, autour d’un plat de couscous que ma femme préparait, et ce sur sa commande. C’est en intégrant le gouvernement de majorité élargi que nous avions eu une longue discussion à deux et j’ai manifesté mon désaccord en lui disant : ‘‘Camarade, je m’arrête là. Que toute l’Afrique se lève et marche vers l’indépendance et le socialisme, disait-on dans le manifeste. Nous ne sommes ni indépendants ni socialistes. Ceux que vous rejoignez-là, incarnent un poids néocolonial. Je ne peux pas épouser cette position.’’
Vous aviez senti que le Pit avait renoncé à ses principes fondateurs ?
Oui ! C’est pour cela que nous avons coupé les relations sur le plan politique. J’ai cherché ailleurs. Après l’alternance 2000, avec le doyen Mamadou Dia, on a créé le Mouvement citoyen du soutien de l’Alternance Mcs/Alternance. Mais avec le référendum de 2001 et le maintien du régime présidentiel, ça a volé en éclats. Puis, c’était l’Observatoire souverain pour la démocratie et la souveraineté. Cette structure nous a permis les instances comme le Cpc, le front Siggil Senegaal, Benno Siggil Senegaal, l’Icr, les Assises nationales... Mais en reconsidérant la scène, j’ai vu un parti politique qui répondait à ma vision et qu’est Yoonu Askan Wi/Mouvement pour l’unicité populaire dirigé par Madièye Mbodj. Aujourd’hui, je suis membre du Secrétariat général permanent de ca parti. C’est là où l’on a créé Ndawi Askan Wi (Pastef, Rnd, pour les Législatives de 2017, avec Ousmane Sonko comme candidat. C’est encore là qu’on a créé la coalition Sonko Président pour la dernière Présidentielle. Et on travaille pour l’unification de toutes ces forces de la coalition de manière définitive. L’ironie de l’histoire fait que moi, militant au statut spécial du Pit, je me sois retrouvé frontalement contre le Pit, lors du dernier scrutin, puisqu’il était membre de Bby.
C’est symptomatique de la fin d’un pan de la gauche sénégalaise ?
Je me pose des questions. Amath que je connais, qui a été un feu de paille dans le gouvernement de majorité élargi en 1991 et dans le gouvernement d’après-Alternance, ne pouvait pas se compromettre justement, car l’environnement gouvernemental est différent de l’environnement de son peuple. ‘‘Je suis à l’écoute des populations pour savoir ce qu’elles pensent’’, avait-il l’habitude dire ; ou ‘‘en politique, la chaleur des relations fait partie des qualités requises. C’est le seul moyen de tâter le pouls du pays’’.
Il est fondamentalement resté un homme du peuple ?
Effectivement. Quand j’ai lu récemment l’actuel secrétaire général du Pit dire que ‘‘pendant trois ans, on ne l’a pas entendu sur les affaires qui agitent notre pays, sa santé était mauvaise. Il y a des moments où le retrait s’impose’’, c’est vrai. Il n’a jamais vraiment renoncé au programme de la Ca 2000 qui était le démantèlement du parti-Etat, ce qui n’est pas le cas ; de libérer le Sénégal d’une gestion de plus en plus calamiteuse du pays, ce qui n’est pas encore le cas ; et libérer l’énergie du secteur privé. On constate qu’il est plutôt asphyxié. La lutte contre la corruption, les rétro-commissions sans oublier les conclusions des Assises nationales ou les recommandations de la Cnri. C’est l’âge et la maladie qui ont eu raison de lui. S’il avait l’agilité physique et intellectuelle qu’il avait en 1991 ou en 2000, s’il avait le contact avec les gens comme à ses plus belles heures, je peux dire, et j’en mettrai ma main au feu, qu’aujourd’hui Dansokho serait dans Aar Li Nu Bokk. Il est né fils du peuple et est mort fils du peuple. A chaque fois qu’il a été dans les endroits cossus de la République, il n’y a pas duré, parce que le peuple était absent de là.
Est-ce qu’il aurait fait un bon président ?
Ça ne lui a jamais effleuré l’esprit comme il disait, mais oui. Je pense qu’il aurait fait un excellent président de la République, car il aurait été bien entouré. C’est un grand combattant qui est parti.
30 ANS SUR LES MURS
Le hip-hop ne se limite pas seulement au rap. Le graffiti est un de ses éléments dont la figure de proue, au Sénégal, est Docta.
Le hip-hop ne se limite pas seulement au rap. Le graffiti est un de ses éléments dont la figure de proue, au Sénégal, est Docta. Il a exposé, pendant deux mois, à la galerie Le Manège de l’Institut français de Dakar pour célébrer ses 30 ans de carrière. “EnQuête’’ y a fait un tour pour vous.
À l'entrée de la galerie Le Manège, deux canons y sont installés, l’un en face de l’autre. Ils attirent l’attention des visiteurs. Ils sont immanquables dans le décor plutôt sobre de la cour de la galerie. Mais, à l’intérieur, il est tout autre.
La galerie Le Manège reçoit depuis juillet une exposition du père du graffiti sénégalais, Docta, né Amadou Lamine Ngom. Le titre de l'exposition est “Bitti biir’’ (extérioriser l'intérieur). Elle marque les 30 ans de carrière de celui qui est l’un des pionniers de cet art au Sénégal et même en Afrique. “C’est la première exposition intégralement signée Docta. Depuis le début de ma carrière, j'ai toujours opté pour des expositions collectives, donc impliquant le maximum d'acteurs du secteur. Mais là, j'essaye de partager mes sensations avec mon entourage. J'étale mes ressentis, mes émotions, cela à travers ma passion de toujours, le graffiti. C'est comme l'indique le nom de l'expo, extérioriser l'intérieur, ce qui revient à l'extériorisation de Docta himself”, fait-il savoir.
A l’intérieur du lieu d’exposition, dans un coin, sont bien rangés pots de peinture et bombes aérosols, outils indispensables du graffeur. C'est également un autre monde riche en couleurs qui éblouissent le regard des visiteurs. Docta, l'homme qui, à sa façon, donne vie aux murs, est passé par là. Les couleurs explosent ici et transmettent différents messages.
Tout à fait à droite du local qui accueille l'exposition, est réalisée une œuvre…disons imposante. Elle recouvre entièrement le mur de long en large. Elle interpelle, tape à l’œil et s’impose aux visiteurs, même si, lors de notre passage, il n’y en avait que très peu. “C'est au tout début de l'exposition qu'on avait une grande affluence. Mais maintenant les visiteurs viennent au compte-gouttes”, explique un vigile. Il faut dire que cela fait deux mois que les toiles sont accrochées aux cimaises de Manège.
Pourtant, cette exhibition vaut bien le détour. En dehors de la toile qui semble être la pièce maitresse de cette exposition, il y en a plusieurs autres qui valent bien une visite. En dehors du mur entièrement recouvert, plusieurs autres tableaux de dimensions variées sont accrochés de part et d'autre, à l'intérieur de cet édifice. Il y est installé d’ailleurs deux cases superposées qui rappellent les fameuses “baraques” des bidonvilles.
L'artiste a tenu à y laisser son empreinte. Il y a, en quelque sorte, reconstruit sa maison de la Médina. Là où a commencé son histoire avec le graffiti. Une touche qui lui permet d’allier peinture et installation. A l'intérieur des “baraques’’, nattes et canaris constituent les éléments de décoration.
“Pour le choix des matériaux qui ont permis ces œuvres, j'ai voulu faire de la récupération, du recyclage, en d'autres termes. Par exemple, les sacs de riz typiques des années 1980-1990 m'ont servi de supports pour la majorité des fresques, car je ne suis pas de ceux qui soutiennent qu'il est impossible de faire du neuf avec du vieux. Ces sacs renferment également une certaine nostalgie. Aujourd'hui, encore plus qu'à l'époque, un sac de riz à la maison est synonyme de bonheur familial. Les récipients ainsi que les nattes entrent dans cette même logique de me replonger dans le passé. C'est également un clin d'œil à mon fief, la Médina. Une fois encore, ce sont mes émotions que ressortent les bombes aérosols”, indique Docta.
Docta est à sa troisième décennie de “mission’’, de dénonciation murale, car l'art qu'il pratique n'est pas que simplement esthétique. Il tente, à travers ses fresques, de joindre l’utile à l’agréable, en sensibilisant les populations.
En outre, Docta aurait aimé que ce projet, porté et financé par l’Institut français, soit soutenu par le ministère de la Culture et de la Communication du Sénégal. Il pense le mériter pour tout ce qu’il a fait pour cet art. “Trente ans, ce n'est guère trente jours. Cette longévité nous procure une certaine crédibilité, si je peux m'exprimer ainsi. Le ministère de tutelle aurait pu, ne serait-ce que prendre part à la célébration de mes 30 ans de carrière. Je profite de l’occasion pour remercier l'Institut français qui a toujours cru en notre art. La preuve, c'est dans l'une de ses entités, en l'occurrence la galerie Le Manège, que se tient l'exposition à l'allure de rétrospective. Je tiens juste à signaler que ce n'est guère dans une logique de revendication personnelle que je fais une telle déclaration, mais la hiérarchie a intérêt à être plus attentive vis-à-vis de toutes les activités culturelles, d'une façon générale”, fait-il savoir.
Seulement, il est à souligner que le directeur des Arts, Abdoulaye Koundoul, a pris part au vernissage de cette exposition de Docta. Par ailleurs, cette première exhibition individuelle est un véritable succès. Il est prévu de monter la même en Allemagne, en Espagne et en France. D’autres pays pourraient suivre, parce que l’ambition du graffeur est de la montrer partout où elle peut être présente.
par Yoro Dia
RENTRÉE ÉCONOMIQUE
Macky devrait se focaliser sur la place qu’il va occuper dans le grand livre de notre grande histoire. Et la seule façon de le faire est de donner un second souffle au marathon de l’émergence
La rentrée du gouvernement ne peut qu’être économique et sociale parce que dans notre charmant pays, la politique ne va jamais en vacances. On fait de la politique sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La preuve en est l’offensive politico-médiatique de Sonko et la riposte du gouvernement qui n’a pas attendu la fin des vacances pour réagir. Cette continuité de service politique, si nous l’avions dans le service public, notre pays aurait fait un grand bond en avant vers l’émergence. Cette rentrée du gouvernement intervient dans un contexte particulier.
C’est la première rentrée du dernier quinquennat de Macky Sall. Cette rentrée permettra aussi de tester si la suppression du poste de Premier ministre est une accélération du «fast track» ou si la suppression est une erreur politique. Il y a au moins une évidence. Deux ans avant les élections, le gouvernement semblait avoir atteint une sorte de vitesse de croisière, avec une croissance et des chantiers qui ont en grande partie contribué à la réélection de Macky Sall au premier tour. Depuis la réélection, nous avons l’impression que le pays est dans l’expectative, comme si le gouvernement s’est complètement essoufflé en dépensant toute son énergie pour la réélection. Ce sentiment latent que le pays est à l’arrêt, dans l’attente depuis l’élection, est un grand risque politique pour le pouvoir, car cela donne l’impression que la réélection était une fin en soi, l’objectif ultime, l’horizon indépassable pour le président.
Un président de deuxième mandat dépense son énergie pour l’histoire. Et pour l’histoire, il est préférable d’avoir l’attribut d’image du Président qui a rendu l’émergence irréversible, plutôt que celle d’un Président qui a eu simplement 2 mandats. Le Président qui a eu deux mandats sera catégorisé comme un grand politicien, alors que l’attribut «président qui a rendu l’émergence irréversible» aura une grande place dans l’histoire. Et malheureusement et c’est cruel, l’histoire ne donne qu’un attribut d’image à un homme d’Etat. L’attribut d’image historique de Senghor est celui qui a fait la Nation. Pour Diouf, c’est celui qui a renforcé l’Etat. Wade aura l’attribut de l’alternance. Pour Macky Sall, le seul attribut possible, c’est l’émergence, car les questions de la Nation, de l’Etat, de l’alternance, ont été réglées par ses prédécesseurs.
C’est pourquoi, à partir de cette première rentrée du deuxième et dernier mandat, il devrait se focaliser sur la place qu’il va occuper dans le grand livre de notre grande histoire. Et la seule façon de le faire est de donner un second souffle au marathon de l’émergence. L’émergence en particulier et le pays en général ont besoin d’un autre souffle, d’un autre élan ; d’où la nécessité d’une rentrée économique, car le pays n’a aucune urgence politique. Rien que des urgences économiques. L’avocat Me Mame Adama Guèye aime à rappeler que «la démocratie est la compétition des réponses que les citoyens se posent».
Aujourd’hui, les Sénégalais se posent surtout des questions économiques et sociales, malgré le surdimensionnement de la question politique qui est surtout la conséquence d’une agitation politicienne artificielle.
par Alain Tailly
DJ ARAFAT ET LA SOCIÉTÉ SAVANTE ET BIEN PENSANTE
Sans excuser DJ Arafat, sans même l’idéaliser, je nous invite à comprendre que le Coupé Décalé, cette musique dangereusement subversive et frénétiquement hypnotique est la musique d’une époque, l’indicateur d’une société en pleine déconstruction
J’ai lu, avec amusement, les sévères critiques de certains intellectuels et philosophes africains à l’encontre de l’artiste DJ Arafat et de sa production musicale. Ce jeune homme, décédé dans les conditions tragiques que l’on sait, a été proprement brocardé par les tenants de la pensée savante. Ces derniers se sont livrés, comme une meute, à une démolition en règle de l’artiste et de son œuvre.
ALORS, JE M’ÉTONNE !
Qu’un philosophe de la trempe d’Achille Mbembé n’ait pas pu décrypter, au-delà de ses frasques et de ses coups de gueule, la personnalité exceptionnelle de l’artiste, la vérité de son Art, le sens et l’essence du message qui se cache sous les vrombissements de ce que l’illustre philosophe et tous les prétendus puristes de l’Art appellent, avec mépris et condescendances : le bruit d’Arafat. Cette critique superficielle et inutilement insultante, en devient finalement suspecte. Qu’y a-t-il de mal, en effet, à pratiquer et vivre son art de manière ostentatoire et subversive ? DJ Arafat est-il plus coupable que Ray Charles, Johnny Hallyday, Jimmy Hendrix ou Bob Marley? Transgression et ostentation, n’est-ce pas là, en réalité, le propre de tout Art ?
JE M’ÉTONNE ENCORE
Que l’on reproche à DJ Arafat de s’affubler du patronyme prestigieux du leader palestinien Yasser Arafat, alors que rien, à priori, ne lie les deux personnages. Or précisément, Yasser Arafat est un homme de rupture, un opposant à l'hégémonie israélienne, un rebelle au diktat de la communauté internationale partisane et "occidentalocentriste". En endossant ce pseudonyme, le jeune artiste ivoirien s’inscrit consciemment dans un cercle de ruptures. Rupture d’avec Houon Ange Didier, ce garçon trop timide et effacé qu’il est, en réalité, mais qui empêchait l’artiste d’éclore. Rupture avec le cercle familial en rompant définitivement les amarres avec la double tutelle parentale de Tina et de Wompy, pour s’affirmer, lui aussi, comme artiste et identité singulière. Rupture, enfin, avec les codes et les conventions d’une société patriarcale qu’il juge impropre à lui faire la leçon quand elle-même s’enlise dans les méandres de la rébellion, de la guerre et de la corruption à ciel ouvert. Sa musique se fait, alors, l’écho sonore des kalachnikovs névralgiques de la rébellion ivoirienne. Son Coupé Décalé devient le réceptacle du parler en langue psychédélique des pasteurs évangéliques et des crieurs ambulants de Nangui Abrogoua ou de Kouté. Les sons du Yôrô sont dès lors, le prolongement retentissant de la rue ivoirienne où les klaxons des Wôrô-wôrô et des Gbakas synthétisent le malaise d’une société déjantée qui crie pour ne plus se comprendre. On ne moque pas une telle société, malade de ses hommes politiques, de ses élites intellectuelles et de ses propres enfants terribles. On ne méprise pas un malade qui se contorsionne sous le feu de la douleur et jette, sans honte, sa bave aux yeux du monde. On accourt à son chevet pour le secourir, lui prodiguer les soins adéquats afin de l’aider à trouver une prompte guérison.
JE M’ÉTONNE SURTOUT
Que le grand philosophe n’ait pas compris que le propos de l’art inventé par DJ Arafat le situe d’emblée dans une posture transgressive. A la manière d’un Marcel Duchamp qui planta naguère son « Urinoir » dans les salons aseptisés de l’art pictural, Arafat, se pose en s’opposant aux normes esthétiques de l’ordre musical ancien. Comme un couturier du ghetto, il prend des morceaux de rythmes qu’il assemble dans une sorte de patchwork musical, imitant ainsi l’écriture Nzassa d’un Jean-Marie Adiaffi qui assemble, dans un même texte littéraire, des formes aussi improbables que le conte, le roman et la poésie ! Comme Bob Marley qui apparut en jeans rapiécés, les cheveux en broussaille, dans une danse d’insomniaque, comme Fela Anikulakpo qui hanta naguère les scènes mondiales avec pour unique vêtement son indécrottable slip vert, DJ Arafat s’affirme en refusant les codes et les conventions, en défiant et transgressant les règles.
C’est à juste titre qu’il n’épouse pas l’implacable rigueur vestimentaire du leader palestinien, son illustre homonyme. Il n’en prend d’ailleurs, ni les manières policées, ni la diplomatie éprouvée qui lui valut de prestigieux prix. DJ Arafat n’est pas un politicien, encore moins un diplomate de carrière ! C’est un écorché vif, un survivant du ghetto, un Nouchi et un Ziguéhi qui règle ses comptes avec sa famille, ses adversaires et la société toute entière, dans le crépitement hypnotique de son téléphone Androïd. Sa musique et sa danse en verve transgressive sont actes guerriers de bravade et de libération. Le torse qu’il montre de manière ostentatoire lors de ses concerts, les tatouages qu’il brandit comme des trophées, ses danses gymniques et acrobatiques procèdent de la même quête de liberté, cette volonté d’être qui se cristallise dans un paraître aussi agressif que maladroit.
JE M’ÉTONNE TOUJOURS ET ENCORE
Que la société savante et bien-pensante n’ait pas discerné l’Art de DJ Arafat et compris que le Coupé Décalé est une musique en construction, un Art qui s’élabore sous nos yeux ahuris, dans le déferlement des décibels et le déchainement des passions mal canalisées. Son rejet par l’élite nous rappelle que le jazz, à ces premiers balbutiements, et le reggae, dès ses premiers soubresauts, ont connu le même sort. L’un et l’autre ont été taxés d’hérésie musicale et de bruyante cacophonie. Ils ont été qualifiés de musique du Diable et voués aux gémonies avant de devenir les musiques savantes et élitistes que nous connaissons aujourd’hui. Dans le même registre, j’imagine d’ici la colère et le désarroi des parents des années Yé-yé face à leurs enfants qui se cuisaient les cheveux au fer rouge pour les lisser, se vautraient dans des tenues provocatrices et se tortillaient sur les musiques des Fétiches, des Djinarous ou des Blacks Devils, des noms évocateurs qui confirment bien la diabolisation de la Pop Music d’alors. Pourtant, c'est cette jeunesse survoltée qui a construit nos pays en générant pour les uns le miracle et pour bien d'autres des mirages.
Il faut à présent conclure ce trop long exposé. Que retenir, en définitive ?
Que les artistes ont ceci de particulier que la surexposition de leurs vies dans les médias nous laisse croire qu’ils sont pires que nous. Ce complexe de l'homme ordinaire n'est pas toujours vérifié. Il suffira de rentrer dans l'intimité de biens de gens dits normaux pour y découvrir toutes les horreurs inimaginables. En réalité, les artistes sont des humains en qui il y a à chaque instant, comme en chacun de nous, une double postulation, l’une vers le Bien et l’autre vers le Mal. Dans le fond, ils ne sont pas plus coupables que nous, mais juste différents et surexposés. Sans excuser DJ Arafat, sans même l’idéaliser, je nous invite à comprendre que le Coupé Décalé, cette musique volontiers opportuniste, dangereusement subversive et frénétiquement hypnotique est la musique d’une époque, l’indicateur sismique d’une société en pleine déconstruction. Mais fort paradoxalement, cette musique a réussi à proposer aux populations ivoiriennes désenchantées par des décennies de crise sociopolitique, ce mélange de légèreté et d’autodérision qui permet aux peuples de résister aux tragédies de l’histoire.
Gageons qu’avec le temps et à force de travail, le Coupé Décalé s’apaisera dans la normalité retrouvée et glanera ici et là les nouveaux ingrédients qui lui donneront une plus grande consistance. Et, c’est maintenant qu’il faut écrire l’avenir de cette musique dont DJ Arafat a tracé, après Douk Saga, les nouveaux sillons. Et c’est à nous, Ministère de la Culture, producteurs phonographiques, arrangeurs et compositeurs, mais aussi chorégraphes et critiques d’Art de dessiner, dès à présent, l’archétype du Coupé Décalé du futur.