Le Sénégal est le 9e producteur mondial d’arachide et subit de lourdes pertes de revenus dans la production d’huile d’arachide, selon la Banque mondiale. Dans son rapport intitulé “Sénégal : de meilleurs marchés pour tous grâce à la politique de la concurrence’’, rendu public hier, elle souligne que les politiques actuelles employées dans le secteur de l’arachide “nuisent’’ à des millions de consommateurs et à des centaines de milliers d’agriculteurs. La Bm invite les producteurs d’huile nationaux à s’orienter vers le raffinage d’huile de palme brute importée.
Le Sénégal est actuellement, selon la Banque mondiale (Bm), le 9e producteur mondial d’arachide. Il occupe la 15e place au classement de la production mondiale d’huile d’arachide. Alors que le pays était le plus grand exportateur mondial d’huile d’arachide jusqu’au début des années 2000. Il est maintenant largement dépassé par l’Argentine et le Brésil, suite à une baisse continue de parts de marché dans les exportations mondiales d’huile d’arachide, allant jusqu’à 11 % en 2015-2016. Au fait dans un rapport intitulé “Sénégal : de meilleurs marchés pour tous grâce à la politique de la concurrence’’ publié hier, la Bm souligne que le secteur sénégalais de l’huile d’arachide éprouve des “difficultés à être compétitif’’ sur le marché mondial. Ceci avec l’essor de l’huile de palme et de soja, d’une part, et des producteurs d’arachide plus importants et plus efficaces comme la Chine, d’autre part. “S’appuyant sur les données budgétaires des entreprises arachidières sénégalaises, une récente étude de la Banque mondiale a montré que la transformation de l’arachide en huile d’arachide semble être actuellement une activité non rentable et risquée au Sénégal. Cette situation est due à la demande mondiale limitée d’huile d’arachide importée, mais elle est amplifiée par les distorsions notées tout au long de la chaîne de valeur’’, lit-on dans le document.
En outre, de plus en plus, au niveau mondial, la transformation de l’huile d’arachide est effectuée au point de destination, en raison, entre autres facteurs, du coût élevé du transport. Cet état de fait et d’autres distorsions peuvent avoir contribué à un manque d’intrants de qualité et à des rendements faibles. Ce qui, d’après l’institution, augmente les coûts pour les transformateurs, en rendant plus difficile la réalisation d’une exploitation efficace. “Pour compenser la perte de revenus liée à la production d’huile d’arachide, les producteurs d’huile nationaux pourraient se concentrer sur le raffinage d’huile de palme brute importée’’, recommande la Bm.
En réalité, la demande nationale pour l’huile d’arachide a été en moyenne de 12 000 tonnes, entre 2010 et 2016. Cette demande, qui équivaut à 13 143,768 litres, devrait être compensée par une importation d’huile de palme. “Compte tenu d’un prix mondial de l’huile de palme de 0,55 dollar ou 306,76 F Cfa le litre et d’un taux de conversion de 0,95 entre l’huile de palme brute et raffinée, les raffineurs sénégalais devraient acheter 13 835 545,26 litres d’huile de palme brute au prix de 4 244 210 526,32 F Cfa. Au prix actuel de 1 500 à 2 000 F Cfa par litre d’huile de palme raffinée dans les magasins sénégalais, les recettes devraient se situer entre 19 715 652 000 et 26 287 536 000 F Cfa’’, renchérit la même source.
Des bénéfices estimés entre 9 et 14 milliards de francs Cfa
En supposant des coûts de production équivalents à ceux de l’huile d’arachide, qui atteignaient en moyenne 29 % des revenus de la Sonacos, entre 2010 et 2016, l’institution de Breton Woods informe que les bénéfices se situeraient entre “9 753 902 393,68 et 14 419 940 033,68 F Cfa’’. “Après un investissement initial dans leurs capacités de raffinage, les transformateurs d’huile pourraient générer des bénéfices, en raffinant l’huile de palme brute importée, entre 9 et 14 milliards. Au lieu de subir des pertes, comme c’est le cas actuellement’’, note la Bm. En outre, on créerait des emplois à valeur ajoutée pour l’exportation de graines d’arachide, dont les femmes rurales devraient bénéficier disproportionnellement. Enfin, l’institution révèle qu’une baisse des prix à la consommation pourrait permettre à plus de 50 000 personnes de sortir de la pauvreté. D’après le document, les politiques actuelles employées dans le secteur de l’arachide “nuisent’’ à des millions de consommateurs et à des centaines de milliers d’agriculteurs.
Et “ne profitent qu’à une poignée de milliers d’employés’’ dans le secteur de l’huilerie. En même temps, elles sont “inefficaces’’ pour atteindre les objectifs stratégiques du gouvernement tels qu’ils sont énoncés dans le Plan Sénégal émergent (Pse). “Une combinaison prudente de réformes politiques pourrait non seulement générer des profits pour les agriculteurs et les exportateurs, mais aussi créer des milliers d’emplois et sortir des dizaines de milliers de Sénégalais de la pauvreté’’, souligne la Bm. Elle affirme que les prix offerts aux paysans par les exportateurs refléteraient la valeur sur les marchés internationaux. Ce qui est plus élevé que le prix actuellement offert aux agriculteurs par les transformateurs locaux. La chaîne de valeur suivrait les tendances internationales et se tournerait vers les exportations de noix entières.
Ainsi, les huileries locales pourraient se recentrer sur le raffinage des huiles brutes importées. Ce qui permettrait de faire baisser les prix à la consommation des produits d’huile végétale importés. À plus long terme, les transformateurs locaux seraient encouragés à innover avec de nouveaux produits ou de nouveaux processus. La chaîne de valeur réformée créerait des avantages pour la chaîne de valeur de l’arachide sénégalaise de plus de 150 milliards de francs Cfa, en participant à l’exportation de graines.
Le potentiel des exportations d’arachides entières non exploité entièrement
La Bm estime qu’en raison du manque de compétitivité dont souffre le secteur, les huileries d’arachide sénégalaises ont continuellement fonctionné en deçà de leur capacité, au cours des dernières années. Les plus grandes huileries peinent à atteindre même 50 % de leur capacité. Cela, malgré le fait qu’au cours de la campagne 2016-2017, une taxe à l’exportation a été mise en place. Permettant aux huiliers de mieux concurrencer les exportateurs qui ont pu payer des prix plus élevés pour les arachides entières. “Bien que ces politiques poursuivent des objectifs légitimes, elles peuvent avoir des effets négatifs. Étant donné que le gouvernement subventionne et protège l’industrie de l’huile d’arachide, les producteurs d’oléagineux sont confrontés à un risque de prix moins élevé. D’autre part, les taxes à l’exportation réduisent les prix locaux, ce qui, bien que facilitant la consommation et la transformation de l’huile d’arachide au niveau local, affecte également la productivité’’, signale le rapport. En effet, la baisse de productivité entraîne une baisse des exportations au niveau des prix mondiaux. Ce qui crée un coût d’opportunité “élevé’’, non seulement pour les exportateurs, mais aussi pour l’industrie locale, affectant en définitive les consommateurs. “Le potentiel des exportations sénégalaises d’arachides entières (et surtout d’arachides entières de haute qualité, telles que celles destinées aux confiseries et aux snacks) n’a pas encore été pleinement exploité. Actuellement, le prix plancher de l’arachide pour la saison est fixé par le Comité national interprofessionnel de l’arachide (Cnia).
La suppression progressive du prix plancher réduirait le prix et aurait un impact sur le revenu des agriculteurs’’, dit la Bm. Toutefois, la même source renseigne que la suppression du prix plancher encouragerait également la concurrence entre les producteurs et les exportations. Ce qui augmenterait la production pour répondre à la demande mondiale. “Pour traiter les problèmes découlant de l’exposition des agriculteurs à la volatilité des prix mondiaux, cette politique devrait s’accompagner de mécanismes permettant de s’attaquer aux vulnérabilités potentielles. En outre, des taxes à l’exportation élevées peuvent avoir un impact négatif sur le marché intérieur des arachides’’, fait savoir l’institution.
En fait, une taxe à l’exportation exerce une pression sur le prix local, ce qui augmente la consommation locale, mais réduit la productivité. Puisque la production diminue, les exportations diminuent. Cela constitue un coût d’opportunité pour les agriculteurs. Toutefois, d’après la Bm, si l’État investit les recettes dans les services publics pour accroître la productivité (c’est-à-dire la génétique ou la biotechnologie, les conditions agronomiques et les infrastructures), la politique des taxes à l’exportation peut contribuer à “accélérer’’ la croissance inclusive et la protection sociale. “Les taxes à l’exportation ad valorem maintenues à des niveaux bas (c’est-à-dire 5 %) permettent de s’adapter aux différents niveaux de production et en fonction de la variabilité des prix mondiaux, ce qui rend plus stables les prix locaux. En tout état de cause, l’augmentation des prix intérieurs résultant de la libéralisation du marché (et d’une taxe à l’exportation modérée) conduit à des gains de recettes supérieurs à l’augmentation des coûts pour les consommateurs, même pour les ménages les plus pauvres’’, explique le document.
Enfin, les exportations d’arachides transformées (snacks) présentent une marge bénéficiaire estimée à 39,3 % pour le Sénégal. Ce marché exige toutefois, selon le rapport de la Bm, des investissements dans les coûts d’approvisionnement, les arachides. Ce qui peut aussi augmenter les correctifs de coûts, en raison des investissements dans les mécanismes de détection et de contrôle des aflatoxines.
LES FINANCES S’ENGAGENT A REMBOURSER
Le ministre des Finances et du Budget s’est engagé, hier, à rembourser les ponctions faites sur les salaires des acteurs de la santé.
Le gouvernement et le Syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames) ont trouvé un terrain d’entente. Le ministre des Finances et du Budget s’est engagé, hier, à rembourser les ponctions faites sur les salaires des acteurs de la santé.
Les choses semblent se calmer entre les médecins et l’Etat du Sénégal. Hier, le ministre des Finances, Abdoulaye Daouda Diallo, a rencontré le Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes du Sénégal (Sames), en présence de la Confédération nationale des travailleurs de la santé et du comité en charge des questions fiscales. Cela fait suite aux différentes ponctions sur les salaires des acteurs de la santé.
Finalement, l’autorité étatique a décidé de rembourser aux médecins tous les montants prélevés, d’ici 15 jours. Des coupes allant de 50 000 à 200 000 F Cfa, selon le secrétaire général du syndicat, Yéri Camara. “Le ministre nous a fait comprendre que ces ponctions étaient dues à des corrections d’imposition, parce qu’à un moment donné, elles étaient insuffisantes. Cependant, il n’y a pas eu d’explications quant aux prélèvements faits sur nos salaires pour le mois d’août. Ces coupes sont en réalité dues à des manquements par rapport à la gestion des impôts’’.
Toutefois, il ajoute que la rencontre s’est déroulée dans une bonne ambiance. Le syndicat prévoit, dans les jours à venir, une séance de travail avec le service technique pour faire l’état des lieux. “Nous chercherons à savoir si ces ponctions sont des montants dus ou des erreurs. A la suite de cela, il sera mis en œuvre une planification claire ainsi qu’un plan d’imposition.
Le ministère prévoit, pour sa part, une reddition spéciale pour mettre de l’ordre dans tout cela’’, affirme M. Camara. Si, hier, le Sames appelait à la grève, aujourd’hui, il estime que l’heure est aux négociations. “Le ministère nous fait une proposition acceptable et l’objectif est de travailler ensemble afin de trouver des solutions durables à ces problèmes’’, conclut le secrétaire général du Sames.
Par Baba Gallé DIALLO
LE SENEGAL EST SALE ?
Je pense qu’il vaut mieux poser le débat en s’interrogeant au lieu d’être affirmatif. Si “le Sénégal est sale” Qui a rendu le Sénégal sale ?
C’est passé dans les esprits comme un effet de mode : “Le Sénégal est sale”. Petite phrase déclarative reprise çà et là par différentes catégories socio-professionnelles sur les plateaux de télévision et de radio. Les autres ont dit “le Sénégal est sale”. Moi, je ne dirai pas ça. Je préfère poser la question ? Le Sénégal est-il sale ? Je pense qu’il vaut mieux poser le débat en s’interrogeant au lieu d’être affirmatif. Si “le Sénégal est sale” Qui a rendu le Sénégal sale ? Ce sont les Sénégalais ! Pas uniquement les Sénégalais. Cela veut dire quoi ? Le Sénégal est sale.
Les sénégalais sont propres. Le Sénégal ne peut pas être sale sans l’action des Sénégalais. “Le Sénégal est sale” petite phrase qui sonne comme un leitmotiv dans les analyses et les commentaires des politiques et des intellectuels. Cette déclaration ne manque-t-elle pas de précision ? “Le Sénégal est sale”. Me concernant, je ne suis pas d’accord. Le Sénégal ne peut être sale. Des villes peuvent être sales. Si tel est le cas, je suis d’accord. Selon le DECRET n° 2012-365 du 19 mars 2012, le Sénégal compte 14 régions et 90 départements et des milliers de village. C’est ça le Sénégal. En d’autres termes, veut-on me dire que si Dakar est sale, c’est le Sénégal, qui est sale. Dakar, c’est une partie du Sénégal mais pas le Sénégal. Surement, on peut dire que Dakar est sale comme on peut aussi dire que Kaolack est sale. Par ailleurs, quand on me dit “Le Sénégal est sale” devrai je comprendre que ce ne sont pas les personnes qui sont sales mais plutôt l’environnement : nos rues y compris nos maisons. Oh mon Dieu ! “Le Sénégal est sale” ne s’agit-il pas une manière d’éviter dire que les “Sénégalais sont sales”. Avoir des mains propres. Manger des aliments propres à la consommation. Avoir des rues propres. Avoir des toilettes propres. Porter des habits propres. Cela est-il possible sans adduction d’eau et sans savon ? Selon l’OMS, 80% des microbes se transmettent par les mains. Le lavage des mains avec de l’eau et du savon est un puissant levier de prévention des maladies manu portées. Toutefois, le lavage des mains avec de l’eau et du savon sans le respect des techniques de lavage des mains ne servent pratiquement à rien. Le savon est un puissant germicide pourvu que vous vous en lavez correctement les mains. Que dire de l’hygiène ?
A l’échelle de l’individu, on distingue plusieurs type d’hygiène. Quand il s’agit des mains, on parle de l’hygiène des mains. De l’alimentation, l’hygiène alimentaire. De la bouche, hygiène bucco-dentaire. Du corps, hygiène corporelle etc. Que sais-je encore ? Lorsqu’il s’agit du cadre de vie ou de l’environnement, on parle de l’hygiène collectif en d’autres termes de l’assainissement qui fait penser à la voirie mais pas uniquement car les toilettes en font parties.
L’hygiène c’est quoi ?
Selon le dictionnaire LAROUSSE c’est “l’Ensemble des principes, des pratiques individuelles ou collectives visant à la conservation de la santé, au fonctionnement normal de l'organisme” “Le Sénégal est sale”. Certains de nos compatriotes accusent l’école en disant qu’elle n’a joué son rôle. Parce que l’instruction civique est le parent pauvre des matières enseignées à l’élémentaire et au secondaire.
D’autres, indexent l’Occident d’avoir altéré nos cultures par contagion. Nostalgiques du passé, ils oublient que tradition ne veut pas dire immobilisme. Ajouter l’indispline. Ha l’indispline ! Un facteur mis en avant dans les allégations qui font que “le Sénégal est sale”. A titre d’exemple, les gens mangent des bananes et jettent les peaux dans la rue. Ils pissent partout dans les endroits non indiqués à l’absence de toilettes publiques. La rue, c’est la propriété de l’Etat non de personne d’autre. Eh bien, je suis dans la rue. J’ai faim. J’ai sur moi des bananes. Que dois-je faire ? Choix cornélien. Quand je mange mes bananes, soit je garde les peaux par devers moi jusqu'à la maison, soit je les jette dans la rue. Aussi, je peux displiner mon ventre qui crie de faim en m’abstenant d’en manger ?
De toute façon, manger sa banane et se débarrasser de la peau dans la rue même à l’absence de poubelle n’est pas recommandable. Au total, “le Sénégal est sale”. On ne doit pas dire ça du fait de sa capacité à créer des équivoques et de la mauvaise compréhension. “Le Sénégal est sale” petite phrase qui ressemble à celle d’Abdou Diouf l’ancien Président de la République du Sénégal en Wolof “man maye sen baye” pour traduire “je suis le père de la nation” Le projet c’est zéro déchet. Un idéal mais ne peut être un objectif dans une société de consommation.
Pour l’avènement d’un Sénégal propre et prospère, la prise en compte de l’assainissement, du pavage des rues, de la disponibilité de l’eau, de poubelles, de toilettes publiques et de l’éducation à la santé et aux techniques de tri des déchets domestiques dans les stratégies de promotion de l’hygiène et de la propreté sont indispensables. Au final, on cherche quoi ?
L’hygiène ou la propreté ? Vive le Sénégal ! Vive la République !
« FACE AU CANADA, CE SERA UN MATCH DE QUALIFICATION »
« Nous avons fait une belle prestation mais nous avons perdu. En toute humilité, je pense que l’on pouvait avoir un meilleur résultat », a régi le coach, Moustapha Gaye.
Le Sénégal s’est incliné, aujourd’hui, face à l’Australie (81 – 68), pour cette 2ème journée du Mondial basket en Chine. Ce résultat est meilleur que celui du premier match contre la Lituanie où les "Lions" avaient un retard de 54 points (47 – 101). « Nous avons fait une belle prestation mais nous avons perdu. En toute humilité, je pense que l’on pouvait avoir un meilleur résultat », a régi le coach, Moustapha Gaye.
Après cette deuxième défaite en autant de sorties, les poulains de Moustapha Gaye devraient sauver l’honneur, après demain jeudi, face au Canada. « Ça sera un match de qualification. Parce qu’il nous faut absolument une victoire dans ce tournoi. Nous allons faire tout notre possibilité pour gagner le Canada et aller au match de classement ».
CET ACTE FONDAMENTAL QUI EMPÊCHE ENCORE FAMARA SAGNA D'ENTRER EN ACTION
Le président du Comité de pilotage du Dialogue national ronge son frein
Chi va piano, va sano (qui va doucement, va sûrement) disent les Italiens. En écho, les Français disent que « rien ne sert de courir,il faut partir à point », cela étant la morale de la fable « Le lièvre et la tortue » de La Fontaine. Enfin, on peut aussi dire que qui veut aller loin ménage sa monture. Pour dire que, comme nous l’écrivions il y a quelques semaines dans ces mêmes colonnes, Famara Ibrahima Sagna, le président du Comité de pilotage du Dialogue national, ronge son frein. Homme d’action, médiateur chevronné, fin connaisseur de l’Administration qu’il a contribué à façonner dans notre pays, ancien ministre ayant détenu des portefeuilles prestigieux, président honoraire du Conseil économique et social après en avoir été le président, artisan du premier rapprochement entre l’ancien président de la République Abdou Diouf et son plus farouche opposant d’alors, Me Abdoulaye Wade, « Big Fam » sait exactement ce qu’il doit faire et quelle direction il entend emprunter.
S’il n’est pas encore entré en action depuis sa désignation le 28 mai dernier pour assumer la mission de Président du Comité de Pilotage du Dialogue national, c’est parce que, écrivions-nous, il attendait que quelques conditionnalités soient remplies. Parmi celles-là, un acte officiel de nomination du président de la République, ce qui a été fait sous forme de décret depuis lors. Ensuite, la transmission par le ministère de l’Intérieur de la liste des membres des cinq commissions devant composer ce Dialogue. Il s’agit des commissions « Politique », « Paix et Sécurité », « Economie et Social », « Environnement et Cadre de vie » et « Ressources naturelles ». Là aussi, les services de M. Aly Ngouille Ndiaye avaient fait le nécessaire. Il reste donc aujourd’hui l’installation officielle du Comité de Pilotage et de son Président au grand complet par le président de la République. Il ne s’agit pas là d’une simple formalité mais d’un acte fondamental qui devrait donner le top départ des activités du Dialogue national.Ce même si la commission « Politique » dirigée par l’ancien ministre de l’Intérieur, le général Mamadou Niang, est à pied d’œuvre depuis des mois. Elle semble d’ailleurs avoir pris de l’avance par rapport aux autres commissions. Ce qui pousse sans doute ses membres, en particulier son président, le général Mamadou Niang, à s’impatienter. Ils se plaindraient notamment d’être « snobés » par le président Famara Ibrahima Sagna qui ne daignerait même pas répondre aux lettres qu’ils lui ont adressées. En tout, trois courriers seraient restés sans réponses. Dans l’entourage de Big Fam, on confirme l’existence de ces lettres.On fait valoir qu’en tant qu’homme de devoir, il n’a jamais marqué la moindre indifférence à l’endroit d’une mission qu’il a librement acceptée. Simplement, explique-t-on, il se trouve que depuis le 28 mai dernier, le Comité de pilotage ne dispose encore ni d’administration, ni de locaux pour l’accomplissement de ses missions. Toutefois, les choses bougent dans le bon sens, rassure-t-on, puisque le président de la République, mis au courant de cette situation, vient de faire mettre des locaux à la disposition du Comité de Pilotage.Mieux, des dispositions précises ont été prises pour constituer une administration qui sera dotée des moyens nécessaires à son fonctionnement. Il convient donc de faire preuve de patience puisque le démarrage des travaux du Comité de Pilotage n’est plus très loin.C’est donc cette absence de locaux fonctionnels, de secrétariat et de collaborateurs qui explique que le président Famara Ibrahima Sagna ne puisse pas encore répondre aux courriers qui lui sont adressés et, en particulier, aux trois lettres que le général Niang lui a envoyées. Il ne va quand même pas squatter les multiservices pour faire taper son courrier ! Il lui est aussi demandé de lancer un appel d’offres pour sélectionner un cabinet sénégalais ou international chargé d’auditer le processus électoral. Sauf que, là aussi, n’étant pas encore installé, il ne va pas engager la responsabilité financière de l’Etat. Il s’y ajoute qu’il ne peut pas lancer un appel d’offres tout seul, c’est-à-dire sans consulter les autres membres du Comité de Pilotage qui ne sont pas encore installés officiellement.Pour dire que, en citant encore ce bon vieux La Fontaine, patience et longueur de temps, font plus que force ni que rage... Autrement dit, il faut de la mesure et de la patience en toute chose.
LA GUERRE DES «NAIMS» EMPÊCHE TOUJOURS LA RÉOUVERTURE DE LE GRANDE MOSQUÉE DE VELINGARA
Faute de consensus, la mosquée est interdite d’accès à cause des prétendants au « minbar » qui s’entredéchirent
Construite à l’époque coloniale, plus précisément en 1926, la grande mosquée de la ville de Vélingara est aujourd’hui hermétiquement fermée. Privant ainsi la communauté musulmane de cette ville du Fouladou d’un précieux lieu de prières. Suite à de violentes batailles nées de la succession de l’imam Ratib de la ville, décédé le 04 janvier 2018, le préfet avait jugé opportun, par arrêté, de fermer ce lieu de culte, jadis symbole de brassage culturel et de cohésion sociale. Aujourd’hui, il est devenu source de divisions avec des soubassements intercommunautaires. Faute de consensus, la mosquée est interdite d’accès à cause des prétendants au « minbar » qui s’entredéchirent. Le Témoin s’est intéressé aux dessous de cette guéguerre autour de l’imamat qui mine cette commune au Sud du pays.
Il est 17heures. Moment de la prière de l’après-midi (al-asr) un silence total règne aux alentours de la grande mosquée de vélingara. Aucune note sonore du côté du minbar, l’endroit où devait se placer l’imam pour guider les fidèles dans l’accomplissement de la salat. C’est également le même silence qui prévaut à l’entrée principale de la mosquée. Aucun mouvement de fidèles. La zone est déserte. Pourtant, il s’agit bien d’un lieu de culte où des musulmans se bousculaient chaque jour pour leurs dévotions spirituelles.
Bâtie au cœur de la ville, la grande mosquée de vélingara s’impose par ses minarets, son architecture moderne. Un décor magnifique que ternissent cependant des portes presque rouillées et hermétiquement fermées depuis janvier 2018, bloquant l’accès aux fidèles. Suite à de violentes batailles nées de la succession de l’imam ratib d’alors, décédé le 04 janvier 2018, le préfet du département avait estimé devoir, par mesure de prudence et à travers un arrêté, fermer ce lieu de culte, jadis symbole de brassage culturel et de cohésion sociale entre les diverses communautés de cette grande ville du Fouladou. Les populations ont dû assister, impuissantes, à des divergences, tensions, puis scènes de pugilats entre dignitaires religieux. C’est dans la foulée de cette discorde sur l’imamat qu’un arrêté préfectoral avait été pris ordonnant la fermeture de cette belle mosquée devenue depuis lors un grand bâtiment vide. « La situation de cette grande mosquée est vraiment déplorable. C’est ici que j’avais l’habitude de venir accomplir les prières de la journée. Aujourd’hui, c’est tout notre quartier qui a été impacté au sens spirituel par la mise sous scellé de ce lieu de culte », déplore Abdou Seydi, un des riverains de la mosquée.
Un vendredi de rixes
Pourtant, avant que l’arrêté préfectoral ne vienne rétablir l’ordre, divers conclaves s’étaient tenus entre dignitaires religieux pour designer un successeur à l’imam Thierno Ibrahima Diallo. Hélas, tous ces pourparlers et les diverses médiations entreprises s’étaient tous soldés par un échec. Pour cause, chacun des deux « naïms » (Ndlr, adjoints) qui secondaient le défunt imam s’était autoproclamé successeur légitime au minbar. Toutefois, au début, c’est-à-dire durant les jours ayant suivi le rappel à Dieu de l’imam ratib, rien n’avait filtré sur cette mésentente entre ses deux anciens adjoints. Jusqu’au vendredi 09 janvier 2018. Ce jour-là, aux environs de 11h, l’imam Ma madou Barry — un des deux « naïms » — et ses proches se sont emparés des locaux de la grande mosquée pour se préparer à la prière hebdomadaire de ‘ jummah’. Parallèlement, de l’autre côté, Cherif Issa Aïdara, l’autre adjoint du regretté imam Diallo, en compagnie des membres de sa famille, s’apprêtait à venir diriger la même prière du vendredi. La collision entre les deux groupes rivaux se fera aux environs de 13h. Les centaines de fidèles venus des différents quartiers pour accomplir leur obligation de ‘salat’ dans cette grande mosquée, vivront le paroxysme de leur étonnement. Médusés, ils assisteront à un échange de coups coups de poings entre imams dans le minbar. Dans l’enceinte de la mosquée, on assiste à des invectives pendant que les coups partaient à l’aveuglette.Transformant ainsi la mosquée en un champ de bataille digne d’une guérilla urbaine qui s’est poursuivie jusqu’à la sortie de la mosquée entre partisans des deux guides religieux. L’ordre public fut ainsi troublé. Ce qui motiva l’intervention des forces de sécurité. Les deux imams, convoqués à la brigade de la gendarmerie, passeront la nuit ensemble dans une petite cellule avant d’être libérés le lendemain matin. Et puisque chaque partie campait sur ses positions, et pour éviter le pire, à savoir mort d’hommes, la grande mosquée fut fermée par arrêté préfectoral. « Ce jour-là, je pensais être dans un rêve tellement la scène à laquelle j’assistais me paraissait surréaliste. Des notables qui se donnaient des coups de poing à l’heure de la prière ! Chaque naîm’ était venu en compagnie de ses partisans qui n’étaient autres que des membres de sa communauté. Ce qui laissait penser que la confrontation était préméditée. Ce jour-là, en tout cas, les oreilles chastes ont dû être fouettées par les insanités que déversaient les notables à l’intérieur même de la mosquée. Le spectacle était renversant et honteux pour nous musulmans.Vélingara ne mérite pas ça, l’Islam non plus »,se remémore avec désolation Adama Ba, un des témoins oculaires de cette scène indigne de gens qui se disent musulmans et guides.
Un manuscrit historique, cinq imams,un viatique comme legs.
A quelques mètres de ce lieu de culte, se trouve la maison du défunt imam, Thierno Ibrahima Diallo. Celui - là même qui a dirigé la mosquée de 1994 à janvier 2018, date de son rappel à Dieu. La porte de cette demeure franchie, une grande cour bien aménagée se dresse devant le visiteur. L’espace fait office de « daara ». Une école coranique dirigée par le fils ainé du défunt imam. Chérif Bécaye Diallo s’évertue à perpétuer l’œuvre du saint homme à travers l’enseignement. Après les salutations d’usage, il pose soigneusement l’exemplaire du Saint Coran qu’il tenait entre ses mains. Très élégant dans son modeste djellaba, le jeune maitre et héritier biologique, mais aussi spirituel, du regretté imam se dirige vers ses appartements avant de ressortir avec des documents. Pour la postérité, fait-il savoir, son père avait consigné dans un manuscrit l’histoire de la mosquée en question ainsi que les différentes figures religieuses qui l’ont dirigée successivement. Feuilletant les pages recouvertes d’écritures en caractères arabes, notre interlocuteur nous traduit le contenu de ce document dont les écrits remontent à l’époque coloniale. Selon ces archives, la mosquée de la discorde fut fondée en 1926 par Chérif Becaye Aïdara, l’homonyme de notre interlocuteur. Le premier imam à avoir occupé le « minbar » du sanctuaire religieux se nommait Sana Sagnamba. Ce dernier sera suivi en 1939 par Thierno Moustapha Barry, père de l’un des deux actuels prétendants à l’imamat. Pendant trente-deux ans, l’imam Barry a guidé les fidèles avant de céder le « minbar » à Cherif Bécaye Aïdara qui dirigera les prières jusqu’en 1987 avant de confier le minbar à Thierno Amar Diallo. Celui-ci, à son tour, guidera les fidèles dans la voie du sei gneur pendant sept ans avant que le minbar revienne à Thierno Ibrahima Diallo en 1994. « Mon père a dirigé cette mosquée jusqu’à son rappel à Dieu. L’imam Ratib Thierno Ibrahima Diallo tenait à ce que l’histoire.
de la succession des imams de cette grande mosquée soit retenue pour qu’elle serve de référence et d’enseignement à la communauté musulmane de la localité afin que nul n’ignore que rien ni personne n’est éternel dans ce bas monde. C’est pourquoi, suivant le sens de ce viatique, nous, la famille du regretté imam, avions décidé de rester neutres dans cette guéguerre autour de sa succession qui n’honore point l’Islam», prêche le fils du défunt et dernier occupant en date du « minbar » de la grande mosquée de vélingara.
Imam Cherif Issa Aïdara : « Qu’on applique les critères islamiques pour résoudre le problème !»
Issa Aïdara a été confié au défunt Thierno Ibrahima Diallo depuis sa tendre enfance par son père, fondateur de la grande mosquée, qui voulait s’assurer de sa formation religieuse. Aujourd’hui quadragénaire, il s’était rendu en Iran un an plutôt pour parfaire ses connaissances islamiques. Une pérégrination perçue par certains comme une sorte de transhumance sectaire vers le chiisme qui l’exclut d’office de la direction de la mosquée face à une communauté de sunnites. Dans sa demeure où il nous reçoit, il est confortablement assis sur une natte de prières. Imam Issa Aïdara réplique et livre ses principes pour la succession au minbar. « Pour m’écarter de la succession du regretté imam Thierno Ibrahim, des adversaires m’avaient accusé d’être un Chiite. Or, durant ce voyage en Iran, il était juste question pour moi de continuer ma quête du savoir. Un devoir pour tout musulman. D’ailleurs, la famille, après concertation, a exigé à ce que mon frère Babacar Aïdara assure la succession au minbar. En plus, il est connu de tous que cette grande mosquée a été fondée par notre père. Donc nous revenant de droit, nous souhaitons qu’on applique les critères islamiques pour résoudre le problème. Autrement dit, la connaissance et la sagesse pour occuper les devants des rangs d’une prière », sermonne-t-il avant de brandir ses deux mains en guise de prières pour la réouverture du lieu de culte.
Imam Mamadou Barry : « Le défunt imam ratib m’avait désigné comme successeur».
Imam Mamadou Barry secondait le défunt imam Thierno Ibrahima Diallo. Dans ce rôle, il assurait l’intérim au ‘minbar » lors des absences de l’imam disparu. Très proche de ce dernier, imam Mamadou Barry est lui aussi convaincu d’être l’héritier légitime à la succession. « C’est moi qui occupais la place de 2ème imam de la mosquée. Ceci, durant des années. Car le défunt imam ratib m’avait désigné comme son successeur. Et pour preuve, durant toute la période de son hospitalisation, il avait recommandé à ce que je dirige les prières. Une volonté à laquelle je me suis astreint, après son décès et jusqu’à la naissance des tensions suscitées par la famille Aïdara. C’est alors que des membres de ma communauté se sont levés eux aussi pour rétablir la vérité sur la succession au défunt imam », explique Imam Barry, prétendant au minbar qui exhorte, lui aussi,à la réouverture de la mosquée.
Un arrêté pour désamorcer une bombe sociale La bataille pour le contrôle du « minbar » de la grande mosquée de vélingara a en réalité des soubassements ‘ethniques.
En effet, la communauté « Sarakholé », dont les membres ont financé en grande partie la rénovation de l’édifice religieux, a émis le vœu en un moment donné de s’occuper de sa gestion dès lorsque les différentes parties peinent à trouver un consensus. Une tournure à laquelle s’est ajoutée la volonté des Peuls firdou (réputés être l’une des premières communautés à s’installer dans le terroir) de diriger la mosquée. Face à ce dossier très sensible avec ses strates intercommunautaires, il était du devoir de l’autorité administrative de prendre les devants pour préserver l’ordre et la paix sociale. Ce qui explique l’arrêté préfectoral avec la mise sous scellés et la confiscation des clés de la mosquée. Dans son bureau logé dans un bâtiment aux murs vétustes et à l’architecture coloniale, le préfet Mamadou Ndiaye reste inflexible dans l’accomplissement de sa mission régalienne. «Il y a eu de réels troubles à l’ordre public autour de cette discorde sur l’imamat. À un certain moment, nous étions obligés de dépêcher chaque vendredi des éléments de la gendarmerie dans la mosquée pour assurer la sécurité des populations vu les scènes de tensions qui y étaient notées. Mais en vain. Et pour régler ce différend, nous avons eu à initier un comité de règlement du conflit. Ce comité est composé de plusieurs no-tables et guides religieux de la ville. D’ailleurs, récemment, des jeunes se sont impliqués dans cette démarche de pacification pour que les protagonistes puissent trouver un consensus afin que la mosquée soit rouverte. En ce sens, plusieurs réunions se sont tenues au sein de cette préfecture. Mais jusqu’à présent, les deux camps n’arrivent pas à s’entendre pour designer un imam à l’unanimité. Et, encore, la situation s’est empirée lorsque des gens ont commencé à mettre en avant des arguments à connotations ethniques. Etant donné que le rôle de l’État n’est pas de choisir des imams, j’ai décidé de fermer la mosquée par arrêté préfectoral pour éviter que l’irréparable se produise dans cette commune », nous confie le chef de l’Exécutif départemental. Pour le moment, dans les rues, foyers,marchés et grand-places, les populations de vélingara formulent des prières pour la réouverture de leur grande mosquée. Et pour que Dieu leur donne enfin un imam susceptible de faire l’unanimité autour de sa personne...
par Amadou Seck
LE CONCEPT DE RÉPARATION ET LA COMPLEXITÉ DES RELATIONS ENTRE AFRICAINS ET AFRICAINS-AMERICAINS
Plus que simplement matérielle ou financière, la Réparation doit reconnaître que le retard de l’Afrique et des Africains-Américains aux Etats-Unis est principalement causé par un racisme institutionnel qui a survécu des siècles et qui continue encore
Le débat sur la Réparation due aux victimes de la Traite Négrière s’intensifie notamment à la suite de la déclaration du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres rappelant sur Twitter que « La traite négrière transatlantique a été l’une des manifestations les plus effroyables de la barbarie humaine.» Ce débat qui ne s’est jamais estompé dans les milieux des organisations panafricanistes semble gagner en crédibilité au Congrès des Etats-Unis d’Amérique.
A l’occasion de la récente commémoration de l’abolition de l’esclavage le 19 juin dernier, des parlementaires américains se sont prononcés dans un sens comme dans l’autre, dans l’optique d’impliquer le gouvernement américain sur la question. Déjà en janvier 2017, un projet de loi a été introduit pour la création d’une commission d’étude et de développement des propositions de Réparation pour les Africains-Américains. Cependant, et de toute évidence, les parlementaires américains ne parlent pas le même langage sur la question. Pendant que les avocats de la Réparation divergent sur la nature même du concept, les détracteurs eux, à l’instar du président du Sénat, jugent que l’Amérique contemporaine ne doit rien aux Noirs. De surcroît, le leader républicain M. McConnell dont l’avis est largement partagé dans son parti, estime que l’élection de Barack Obama, un président noir, devrait être considérée comme une forme de réparation et clore le débat.
Cette vision étroite et apparemment mal informée ne fait qu’encourager les initiatives pour qu’enfin justice soit faite aux millions de noirs qui peinent toujours à bénéficier de politiques d’équité et de justice. De l’avis de l’auteur Ta-Nahisi Coates qui dirigent une initiative en direction du congrès américain, pour que les noirs puissent clore le gap et entrer dans une ère d’une Amérique équitable et juste, il est impératif que de nouvelles politiques soient conçues pour cibler les noirs et leur permettre d’avoir accès au pouvoir économique, à un système judiciaire moins raciste, et à plus de respect de leur dignité humaine.
Pour autant que l’intensification du débat aux Etats-Unis sur la Réparation est à saluer, il nous semble prétentieux et réducteur de limiter ce débat à ce côté de l’Atlantique. S’il est vrai que les Etats-Unis ont largement bénéficié des retombées de l’esclave, il n’en demeure pas moins que la dernière étape du commerce triangulaire, l’Europe, a tiré des profits immenses de cette exploitation. Force est de reconnaître que les états européens esclavagistes en particulier et l’Europe en général doivent bien leur sursaut économique du 19e siècle au capital accumulé de la sueur des millions d’hommes et femmes africains victimes du plus grand crime perpétré contre l’humanité.
A cet effet, aucune initiative ou action visant à dédommager les victimes de l’esclavage ne pourront aboutir sans profondément impliquer l’Angleterre, la France, l’Espagne, la Hollande, le Portugal et toute l’Europe, au même titre que les Etats-Unis d’Amérique. Les Noirs américains devront naturellement être pris en compte dans quelle que Réparation qui puisse être digne de ce nom. Cependant, ces derniers ne sont naturellement pas les seules victimes de l’esclavage. Toute l’Afrique Noire et sa Diaspora sont en droit de réclamer des indemnisations. Ainsi donc, toutes les victimes de l’esclavage devront accorder leurs violons pour que toute initiative de Réparation significative soit menée à bon port.
L’intensification du débat aux USA sur cette question est bien à saluer, encore que la nature de l’indemnisation demeure une équation à plusieurs variables. Non des moindres sera la question de savoir qui des Noirs vivant aux USA bénéficieront de Réparation si le Congrès américain et la Maison Blanche parviennent à voter et à promulguer une Loi à cet effet. En attendant, quel est le rôle que devront jouer les Africains qui vivent aux USA et qui ne sont pas descendants d’esclaves ? Cette question ne peut trouver de réponse sans une analyse profonde de la complexité des relations entre Africains et Africains-Américains
Il va sans dire que l’intégration des Noirs dans la société américaine continue d’être un dilemme. Nous sommes au 21e siècle, plusieurs générations après l’abolition de l’esclavage, les Noirs continuent de souffrir dans un pays auquel ils ont tout donné. Par dessus le marché, la population noire qui représente environ 12% de la population des Etats-Unis, n’est plus la principale minorité, ayant été supplantée par les hispaniques qui, pour la plupart, viennent du Mexique et d’autres pays d’Amérique Latine. En conséquence, plus d’attention semble maintenant réservée à la nouvelle minorité (15%) qui du reste représente un marché électoral plus juteux. A cela s’ajoute la recrudescence du racisme et des mouvements se réclamant de suprématie blanche.
S’il est vrai que l’Amérique Latine continue de booster la nouvelle minorité américaine, les immigrants venant du continent africain ne sont pas suffisamment nombreux pour faire basculer la balance. De surcroît, les immigrants africains sont confrontés à un problème sociologique de tout autre ordre : intégrer harmonieusement la population noire des Etats-Unis.
Il faut d'abord noter que l'histoire des Noirs américains liée à la Traite négrière ne semble pas encore avoir totalement fait la paix avec les Africains restés en Afrique, des Africains souvent accusés par certains Africains-Américains, d’avoir été des collaborateurs du blanc dans la capture des esclaves. Pour certains, ceux qui sont restés sont des traitres.
Par ailleurs, les Africains immigrants aux USA ne semblent pas faire du discours antiraciste leur cheval de bataille. Après les Indépendances, les relations entre Blancs et Noirs en Afrique sont des rapports relativement paisibles, presque dépourvues d'adversité. Bon nombre des Noirs d’Afrique n’a pas souffert directement du racisme sauf pour une minorité d’Africains qui ont émigré ou qui ont voyagé en Europe, aux USA, en Russie et en Chine. Cela n'est point le cas des relations entre Blancs et Africains-Américains aux USA. Les Noirs américains continuent, à tort ou à raison, de nourrir de la rancoeur contre leurs anciens maîtres esclavagistes. Leur situation sociale et économique de « seconde zone » n'aide pas dans la résolution de cette problématique qui semble s’empirer depuis quelques années. Par ailleurs, le mode de vie des Noirs américains, notamment dans la manière dont elle est exprimée à travers la musique, la littérature, la mode, les médias et le mouvement des droits civils, continue d’accentuer le fossé racial. A cela s’ajoute l’échec apparent de la « politique de discrimination positive » dont le but était de soutenir les minorités dans une compétition injuste et défavorable au profit de la population anglo-saxonne.
De plus, les Africains qui vivent aux Etats-Unis, de manière générale, apparaissent assez cultivés, et souvent sans complexe vis-à-vis du Blanc. Cette fierté africaine doublée de compétences intellectuelles et sociales font que l'Africain jouit de plus de faveur et de respect de la part des Blancs. Cela ne peut pas plaire aux Africains-Américains qui auraient préféré, de manière implicite, avoir les Africains comme alliés naturels. Il est évident que tous les Africains n’entrent nécessairement pas dans cette catégorie d’intellectuels affranchis et respectés. Cependant, la plupart des Africains qui ne sont pas catégorisés “scholars” semblent mieux acceptés dans la société américaine que leurs « cousins » Noirs américains car ils apparaissent moins enclins à brandir le sabre de la confrontation devant des situations injustes perpétrées par les anglo-saxons. Ils ont tendance à répudier la culture de la violence et de la confrontation. De manière générale, ils s’évertuent à ne pas avoir maille à partir avec la loi.
Finalement, l’immigrant africain, bien que loin de sa patrie, continue de porter ses valeurs culturelles et familiales en bandoulière. Il n’a pas de crise identitaire. Il sait d’où il vient, et son comportement quotidien reflète sa fierté. Cette fierté peut paraître aux yeux du Noir américain comme une expression arrogante, mais surtout comme une douloureuse réminiscence de cette identité dont le Noir américain semble éternellement être à la recherche.
En définitive, il existe bien des signes de divergences, d’incompréhension et de conflit, malgré une histoire lointaine commune. A mon humble avis, les immigrants africains ont une grande part de responsabilité dans ce phénomène. Un début de solution passerait par l’effort que l’immigrant africain doit consentir pour mieux comprendre les difficultés d’intégration qu’éprouvent les Africains-Américains dans la société américaine. Il faut certainement comprendre qu’ils sont victimes de discrimination institutionnelle, d’exclusion dans un pays qu’ils ont contribué à construire avec leur sang et leur sueur, sans que les dividendes ne soient évalués à leurs justes valeurs. Malheureusement, contrairement à la conviction du président du Sénat américain, l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis n’a pas permis de faire reculer le racisme et l’iniquité, ni même de faire reconnaître la contribution qualitative des Noirs américains à la construction des Etats-Unis. Les immigrants africains ont encore du travail à faire pour se rapprocher et se solidariser avec les Africains-Américains. Peut-être la clé pour remplir le fossé demeure entre les mains des Africains de deuxième génération, ces enfants nés d’immigrants africains vivant aux USA et qui peuvent réclamer l’identité Africaine-Américaine sans être des descendants d’esclaves. Ils pourraient non seulement servir de liens, mais mieux encore, prouver s’il en faut, que toute Réparation conséquente se doit nécessairement de prendre en compte tous les fils et filles d’Afrique Noire nonobstant leurs résidences actuelles. Plus que simplement matérielle ou financière, la Réparation doit reconnaître que le retard de l’Afrique et des Africains-Américains aux Etats-Unis est principalement causé par un racisme institutionnel qui a survécu des siècles et qui continue encore. La notion d’équité devra être la pierre angulaire de toute politique de Réparation digne de ce nom...
par Bosse Ndoye
UNE GOUTTE DANS L’OCÉAN DES DÉPENSES DE L’ÉTAT
Les dernières décisions de rationnalisation des dépenses publiques font beaucoup penser aux injonctions du FMI et de la Banque à certains pays dans le besoin avant de leur venir en « aide » pour les enchaîner ensuite dans les dédales d’une dette mortelle
Pour louable qu'elle soit, la décision de restreindre l’abonnement des fonctionnaires auprès des opérateurs de téléphonie mobile, avec la suspension des appels sortants, ne demeure pas moins une goutte dans l’océan des dépenses de l’État.
En effet, celui-ci ploie sous le poids de ses charges lourdes et pas toujours utiles et justifiées. Du nombre pléthorique de ministres et ministres-conseillers – dont le président turc, Tayyeb Erdogan disait ironiquement à Macky Sall, lors de sa visite au Sénégal en 2018 : « vous avez beaucoup d’enfants - à la nébulosité entourant l’utilisation de l’argent des caisses noires et des fonds politique, en passant par certaines dépenses de prestige aussi mirobolantes qu’inopportunes (TER, Arena…), à la mise sur pied de projets et d’institutions inutiles, onéreux et inefficaces et les nombreux milliards mystérieusement engloutis dans les Affaires Bictogo, Prodac, Mamour Diallo, l’argent du contribuable est loin d’être utilisé avec probité, efficience et clarté.
Ce qui se passe à l’Assemble nationale - où plusieurs députés sont présents sans avoir une idée claire et précise de la mission qui leur est confiée par le peuple - peut donner une certaine idée des lourdes charges pas toujours nécessaires qu’endosse l’État. « (…) Chaque membre du bureau de même que chaque président de groupe parlementaire perçoit 3 millions à la fin du mois plus un 4x4 et un C5 pour une durée de cinq ans. En sus, ils ont une dotation mensuelle de carburant 1000 litres (…) Le président de l’Assemblée reçoit mensuellement 8 millions de francs Cfa (…) Il bénéficie d’une caisse noire de 500 millions par an (…) Concernant les dotations en carburant, la facture mensuelle est très salée. Le président de l’institution reçoit 10 000 litres ; ce qui fait respectivement 120 000 litres par an et 600 000 litres les cinq ans (…) Les 120 députés «simples» reçoivent globalement 36 000 litres d’essence par mois. Par an, ils reçoivent 432 000 litres et 2 millions 160 mille au bout de cinq. Ce qui revient à 1 920 240 000 francs Cfa. Les membres du bureau (hormis le président de l’Assemblée), les deux présidents de groupe parlementaire et les présidents des commissions consomment 29 000 litres par mois, 348 000 annuellement et 1 740 000 litres les cinq ans. Ce qui revient à 1 546 860 000 francs Cfa. Ainsi la facture carburant des députés pour les cinq ans se chiffre à 4 milliards 500 mille francs Cfa.[1]»
Bien que la décision de restreindre l’abonnement des fonctionnaires auprès des opérateurs de téléphonie mobile soit - à en croire certains médias - le point de départ d’une longue série de mesures à venir, elle semble prise avec un certain retard.
D’aucuns diront : mieux vaut tard que jamais, qu’il faut un début à tout, qu’un voyage de milles lieues commence toujours par un premier pas…On leur rétorquera que ces arguments sont d’autant moins plausibles que les dépenses démesurées de l’État ont presque toujours, et que le président Sall, qui avait promis urbi et orbi une gouvernance sobre et vertueuse, en est à son second mandat. Dès lors les questions qui viennent à l’esprit de nombre de nos concitoyens sont les suivantes : est-ce l’État l’auteur de la décision ou a-t-il été contraint de la prendre ? Ces interrogations sont d’autant légitimes que l’on sait que ses caisses sont vides au sortir des élections où beaucoup d’argent dépensé, fût-ce illégalement pour la victoire finale. De plus, le carburant a, entre autres, augmenté il y a quelques mois, et le président a refusé toute discussion pour l’augmentation des salaires lors de la rencontre avec travailleurs de la CNTS. Toutes ces décisions ressemblent à un début d’une politique d’austérité qui ne dit pas son nom. Elles font beaucoup penser aux injonctions que font le FMI et la Banque à certains pays dans le besoin avant de leur venir en « aide » pour les enchaîner ensuite dans les dédales d’une dette mortelle et sans fin.
En tout état de cause, une utilisation rationnelle des deniers publics est toujours louable. Mais il faut qu’elle soit sincère et bien mise en application. Toutefois, elle passe aussi par une élucidation des nombreuses affaires nébuleuses dans lesquelles beaucoup de milliards sont engloutis, par l’arrêt de création d’institutions et de postes inutiles et onéreux pour caser des partisans mécontents ou appâter des opposants en perdition et sans conviction. Et surtout par l’application juste de la loi aux personnes reconnues avoir détourné les deniers publics. Sans distinction d’appartenance politique ou familiale…
L'asservissement à la langue française semble d’ailleurs prouver que nos artistes et nos metteurs en scène sont en rupture d’inspiration et que la liberté qu’ils évoquent pour justifier leur écart de langage a été aliènée à la culture étrangère
« Je voudrais dédier cet article au combat culturel noble que mène Jamra »
Il ne se passe pas un jour sans que des téléspectateurs n’expriment leur indignation face à certaines dérives véhiculées ou à la limite banalisées à travers les téléfilms sénégalais. Au nom de la liberté du créateur, on balaie d’un revers de la main toutes les critiques : les scènes et les paroles sont de plus en plus osées et impudiques. La question est dès lors de savoir si l’argument de la liberté artistique suffit pour justifier de telles images ou paroles ? Mieux, l’artiste est-il vraiment libre dans sa création ? Du moins cette liberté est-elle absolue ? Il s’agit de s’interroger ici sur l’impact de l’art dans nos mœurs ainsi que sur les limites morales et sociales qui lui sont assignables en tant que produit social. Si le génie de l’artiste est réputé être la source de ses œuvres, ces dernières sont-elles affranchies de tout déterminisme et de toute limite ? Se demander si l’artiste est libre dans sa création, c’est en réalité soulever deux problèmes à la fois. L’artiste crée-t-il réellement ses œuvres ? Et au cas où ses œuvres seraient le fruit de sa créativité, l’artiste peut-il revendiquer une liberté totale ? Les procédés artistiques, les exigences morales et sociales, n’impriment-elles pas à l’artiste une certaine direction ou même une façon de travailler ?
Par son génie créateur, l’artiste joue à cache-cache avec les différentes formes de déterminisme. Ni la société, ni la morale ne peuvent contrôler l’inspiration de l’artiste. Peut-être même que l’art mourrait si l’artiste était conditionné jusque dans ses procédés de création. La créativité requiert innovation, anticonformisme, subversion et donc, liberté. Si comme dit Kant, par le génie, la nature donne ses règles à l’art, l’artiste véritable est celui qui est affranchi de la rigidité des règles dans son domaine. Il bouscule les codes esthétiques ou en invente pour donner à l’art un souffle nouveau. Les genres littéraires, les courants, les types d’art, etc., ont été créés par des génies qui ont osé sortir des sentiers battus. Symbolisme, réalisme, naturalisme, cubisme, surréalisme, etc., c’est toujours un artiste qui trace sa voie en rompant avec les conventions et les traditions littéraires. Les grandes tendances artistiques sont toujours révolutionnaires.
L’artiste refait le monde conformément à sa volonté et à sa vision. Il imprime au réel la direction qu’il croit devoir être la sienne. L’artiste ne regarde pas le monde avec ses yeux, il le regarde avec son cœur et sa pensée, et c’est ce qui fait de lui un être forcément singulier. Ruser avec les interdits, contourner les restrictions morales et religieuses, subvertir les pouvoirs, ironiser avec le réel : c’est là qu’il faut chercher le secret du génie. Le téléfilm sénégalais de ces cinq dernières années est la parfaite illustration de cette liberté de l’artiste, quelles que soient la médiocrité du monde dans lequel il est façonné et la sévérité des normes morales qui déterminent le créateur. Le langage est de plus en plus libéré pour ne pas dire dévergondé, la tenue vestimentaire, les scènes et les images suggestives sont de plus en plus osées. Une série célèbre a suscité une polémique à cause de certaines scènes jugées obscènes. Mais ce film n’est peut-être pas un hymne à la débauche, c’est possible de le percevoir comme le procès d’une société hypocrite, qui refuse d’adapter ses besoins à ses moyens.
La monogamie, très en phase avec la rigueur de la consommation du système capitaliste, est de plus en plus adoptée dans notre pays sans que notre éducation sexuelle et notre intégration sociale soit correctement arrimées sur les valeurs y afférentes. Il y a un décalage entre l’énergie sexuelle et les moyens de sa satisfaction : dans les sociétés capitalistes avancées, l’industrie du loisir et du luxe permet de contrôler cette énergie sexuelle et de la canaliser. Chez nous par contre, on compte sur une éducation religieuse mal assimilée dans une société où la tradition et la pauvreté incitent plutôt à tricher avec les principes de la religion afin ne pas « mourir » de la réalité. Sous ce rapport, ce téléfilm pourrait être un procès d’une société qui se ment elle-même en violant ses propres principes.
Nous incitons nos enfants à rester chastes, mais nous exigeons d’eux aussi qu’ils soient ambitieux « reuy bët » ! Nous divinisons l’argent et en même temps nous exigeons le respect des valeurs morales dont le fondement est justement le désintéressement ! Il y a dans les lieux saints, dans la rue, dans les écoles publiques comme dans les écoles confessionnelles des pratiques sexuelles à dénoncer et à combattre non pas seulement par l’art, mais les autres moyens dont dispose la communauté. En prenant une distance critique par rapport aux tabous, l’artiste exprime librement ses inquiétudes, ses rêves, ses craintes et ses angoisses. Sous ce rapport, son génie est sa seule norme, sa seule boussole : son statut d’artiste lui donne donc la marge de manœuvre nécessaire pour soit ironiser soit, soit faire l’apologie de la réalité.
Néanmoins l’existence de conditions pour la créativité ne réduit-elle pas la liberté de l’artiste ? Son appartenance à une société, à une culture, à une religion et à une époque ne fait-elle pas de l’artiste un élément d’un engrenage qui le transcende et le détermine à son insu ?
« Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes. », disait La Bruyère. Si tel est le cas, l’artiste emprunte les éléments de sa création à d’autres, il ne crée finalement pas ; il est donc conditionné. Les procédés artistiques, le langage, la beauté exprimée sont en général là avant l’artiste. L’idéal de beauté de l’artiste ne lui appartient pas de façon absolue : sa culture, sa société et son époque lui inculquent une certaine sensibilité esthétique. Et si l’on en croit Freud, les tendances esthétiques de l’homme lui son inculquées par l’éducation et la société. Le déterminisme psychique infirme donc la thèse d’une liberté absolue de l’artiste dans sa création. Mieux, s’il est déterminé de façon inconsciente, l’artiste peut ignorer le sens profond de ses œuvres. Il transfère de façon inconsciente ses pulsions en « rusant » avec la censure que lui opposent la morale et la société.
Il faut d’ailleurs remarquer que les artistes sénégalais expriment pratiquement les mêmes thèmes dans leurs œuvres. Et le thème le plus récurrent dans la production artistique sénégalaise est l’amour : est-ce vraiment un hasard ? C’est quoi un artiste qui voit ce que tout le monde voit, qui dit la même chose que tous les hommes ?
La création requiert un minimum d’authenticité, or ce que l’on voit dans ces téléfilms est doublement inauthentique. D’abord le discours, les scènes et les séquences sont pratiquement copiés sur les films étrangers, principalement ceux occidentaux. Ensuite, le souci de l’audience, l’appétit du gain font que le créateur est davantage orienté vers le sensationnel, voire le sensualisme que vers une recherche sérieuse. Or en art comme en science, il n’y a pas d’invention sans recherche : si l’artiste surprend, c’est surtout parce qu’il voit ce que personne ne voit. En réalité c’est le manque de génie qui pousse souvent à emprunter les chemins de la vulgarité et du dévergondage excessif. La banalité excessive tue l’art : une des vocations de l’art, c’est au contraire de sublimer le banal en en faisant sortir sens et valeur, le laid en beau. Ces téléfilms où le français bouscule le wolof, des prestations comme Mbarass, leumbeul, na bagassi dougou, etc., est-ce vraiment de la création ? Quel intérêt a-t-on à plagier des paroles romantiques dans un téléfilm destiné à un public dont le romantisme est chanté et vécu dans une langue autochtone ? Cet asservissement à la langue française semble d’ailleurs prouver que nos artistes et nos metteurs en scène sont en rupture d’inspiration et que la liberté qu’ils évoquent pour justifier leur écart de langage a été aliènée à la culture étrangère. Un art complètement extraverti ne peut pas être considéré comme de l’art véritable, car il n’y a point de liberté, ni de créativité dans le plagiat.
Mais l’incohérence des défenseurs de la liberté absolue de l’artiste se trouve justement dans leur prétention à nous faire la morale. L’artiste se pose souvent comme un moralisateur, un subversif qui dénonce les injustices de la société pour un idéal moral ou politique qu’il prétend défendre. Si l’artiste lui-même chante les valeurs morales et nous incite à les respecter, c’est bien parce qu’il considère que ces dernières doivent avoir une certaine transcendance pour que notre destination en tant qu’humains ne soit pas faussée. Si Thione Seck est présenté comme le plus grand parolier de la musique sénégalaise, c’est bien parce que ses thèmes favoris sont les valeurs morales et religieuses. Sinon, qui est l’artiste pour prétendre nous éduquer ou nous conscientiser ? D’où lui vient cette prérogative ? C’est bien parce qu’il se pose comme un porte-voix d’une certaine morale qu’il a la légitimité de faire le procès de certaines conduites jugées immorales. L’artiste est, sous ce rapport, le premier partisan de la transcendance de certaines valeurs : il ne saurait par conséquent arguer de la liberté pour se dédouaner, se mettre à l’abri de la critique et véhiculer dans son œuvre la licence et le libertinage. L’art n’est pas un produit isolé, c’est un produit social et, en tant que tel, il doit être assujetti à certaines normes en dehors desquelles ses produits se détruiraient en détruisant le tissu social. Sur un plan plus factuel, l’humoriste français Dieudonné présenté comme capable « d'amuser comme de déranger » a pourtant fini par payer le prix de sa liberté. Combien de fois a-t-il été censuré et emprisonné ? Sur la question juive, on risque toujours d’être traité de négationniste quand on prend un peu de liberté ne serait-ce que sur le plan de l’humour.
On entend souvent dire que les scènes et pratiques osées dans certains téléfilms reflètent la société sénégalaise dans ses tares, son hypocrisie, etc. Contre un tel argument on aurait pu simplement opposer la sentence de Baudelaire : « Je trouve inutile et fastidieux de représenter ce qui est, parce que rien de ce qui est ne me satisfait. », mais il y a autre chose de plus grave qui se joue derrière. Rendre visible ce qui est visible n’a pas de sens, à moins qu’on cherche par un moyen sournois à faire l’apologie de l’obscénité. En réalité, l’art n’est pas toujours neutre : certains artistes n’hésitent pas à faire dans le prosélytisme voluptueux pour simplement occulter la laideur d’un monde qu’ils ont eux-mêmes contribué à détruire en tant qu’éléments d’une classe ou d’une oligarchie. C’est ce que H. Marcuse appelle le pseudo art : le dévergondage abusif est en réalité une tolérance destructrice. Au nom de l’art, tous les excès et toutes les folies sont tolérés. La tolérance illimitée finit par dénaturer la tolérance, car la complaisance absolue inhibe l’évaluation et la critique. C’est ainsi que sous le voile devenu opaque de l’art, se bousculent des styles, des écoles, des œuvres et des comportements dénués de tout génie, de toute beauté, mais qui, sous le prétexte de la liberté de la création artistique, font la concurrence à la véritable recherche artistique et sont, pour cette raison, en train de tuer indirectement l’art. L’absence de tabou dans l’art peut donc être un alibi pour faire passer la médiocrité et l’absence d’inspiration pour du génie. Il faut arrêter cette arnaque !
La réalité sénégalaise est très riche, elle n’est pas seulement Dakar et environs ; elle n’est pas que ce kaléidoscope de belles femmes et de belles villas ; elle n’est pas seulement citadine. Une concaténation de plusieurs beautés ne donne pas une œuvre d’art, sinon nous serions tous artistes. De toute façon, nous ne sommes pas obligés d’être les victimes de la tyrannie de cette beauté sophistiquée, stylisée des mannequins. La promotion de ce type de beauté est un mensonge doublé d’une violence inouïe envers le reste du pays. On ne cherche plus seulement à exprimer ni même à imprimer des sentiments et des vécus ; on cherche vraisemblablement à en étouffer, et c’est proprement inacceptable. En nous peignant ce monde dévergondé, sensuel et sans interdit, on cherche à nous persuader d’abolir notre être au profit d’un autre. Cette forme d’évasion n’en est pas une, c’est plutôt une prison puisqu’elle nous incite à nous inféoder à une réalité importée et à laquelle on ne peut ni ne doit se soustraire.
La liberté de l’artiste, comme toute autre liberté, ne saurait tout se permettre, elle doit prendre en compte la liberté des autres, la liberté collective. L’art ne peut, même au nom de la liberté, se permettre d’être un support ou un déguisement de la prostitution. C’est au nom même de la liberté de l’artiste qu’il faut refuser que le corps de la femme devienne une œuvre artistique. La prostitution déguisée en art ne pose pas seulement problème à la morale sociale, elle pose surtout problème à l’art lui-même. La meilleure façon de tuer l’art c’est de l’assujettir à des fins qui lui sont étrangères. L’artiste est certes, libre, mais il doit aussi faire preuve de responsabilité : c’est cela sa part d’obligation envers la communauté. Comment et, au nom de quel privilège ontologique, l’artiste peut-il alors s’arroger le droit de nous déterminer alors qu’il réclame une liberté totale ?
par Oumou Wane
MACKY NE PEUT RIEN TOUT SEUL !
Le dénigrement et la critique systématique, associés à la pression médiatique sur le pouvoir, font le jeu de ceux qui voudraient nous faire croire qu’au Sénégal, les misères des populations préoccupent très peu les gouvernants
C’est la rentrée ! Les « vacances » de l’exécutif sont bien terminées. Comme pour la météo, le climat social affiche une atmosphère réelle en demi teinte et une température ressentie étouffante.
Certes, en l’absence du président, à l’issue du G7 en France et d’un voyage au Japon pour les besoins de la conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique, il y eut d’innombrables fléaux au pays, tels la recrudescence des accidents de la circulation, les inondations meurtrières et les débats politiques houleux habituels, qui à eux seuls sont une catastrophe pour la nation… mais est-ce une raison suffisante pour ne pas accueillir le retour de notre président dignement ?
La grogne systématique, notamment autour du débat sur le dialogue national ne nous surchauffe-t-elle pas autant que le dérèglement climatique ? Car enfin, cette auto-hypnose dans le « rien ne va plus », ne finit-elle pas par se retourner contre nous, installant morosité et dépression dans le dialogue social ?
Cette difficulté de s’accorder collectivement ne devient-elle pas un mal sénégalais ? Le dénigrement et la critique systématique, associés à la pression médiatique sur le pouvoir, font le jeu de ceux qui se laissent porter par le vent des opinions faciles et voudraient nous faire croire qu’au Sénégal, les misères des populations préoccupent très peu les gouvernants.
Une chose est d'être attiré par ces faits approximatifs, une autre est d'y croire. Il est souvent plus efficace en termes d’affichage, de soutenir « les huées populistes » plutôt que de s’embarrasser avec la vérité.
Alors, fièvre et réchauffement, peut-être ! Toujours est-il qu’une fois encore en cette rentrée, notre président de la République pose des actes. Il a concrétisé son vœu de rationaliser les dépenses de communications téléphoniques de l’Etat et réaffirme sa volonté inébranlable de réduire la dépense publique, les économies générées par cette décision, devant servir à la prise en charge effective des besoins exprimés par les populations en termes de santé, d’éducation, de formation professionnelle, mais également d’infrastructures pour restaurer l’équité territoriale et la justice sociale.
Au programme de cette rentrée, dit-on également, Macky Sall envisage un futur gouvernement de majorité élargie qui serait issu des concertations nationales et du dialogue dirigé par Famara Ibrahima Sagna. On peut regretter que le Parti démocratique sénégalais (PDS) et le Pastef d’Ousmane Sonko aient boycotté le Dialogue national et ne soient pas de la partie, pour ce rassemblement.
Le pays aurait bien besoin d’eux, comme de chacun d’entre nous pour se hisser et un jour enfin émerger.
Ils ont raison sur quelques points. La détresse quand la population demande un meilleur cadre de vie, existe bien. Les perspectives viables offertes aux jeunes ne se bousculent pas à l’horizon, certaines inégalités restent toujours très marquées, mais même si l’on me range du côté des rêveurs, je considère qu’ils nourrissent le fatalisme et la résignation.
En effet, un peu partout dans notre pays, outre les nombreuses initiatives citoyennes porteuses d’espoirs, des autorités publiques refusent de se soumettre au pessimisme économique, et mettent en œuvre des politiques en faveur des populations.
Contrairement à ce que l’on croit, les autorités bataillent à garder le contrôle de nos ressources naturelles pour financer le développement humain et œuvrent à modifier les contrats avec les multinationales.
Ni la lucidité ni le courage politique, ni la carrure d'un chef d’État, ne suffiront pourtant à eux seuls à lutter contre les inégalités et faire en sorte que les règles changent.
Aucune des grandes conquêtes sociales (abolition de l’esclavage, fin de la colonisation, droits des femmes,…) n’a été obtenue grâce au seul courage politique. Elles ont toutes été le fruit d’engagement des populations.
Qu’elles constituent aujourd’hui des sources d’inspiration et nous aident à lutter contre le fatalisme ambiant.