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20 juillet 2025
par Marie-Roger Biloa
PEUT-ON UN PEU OUBLIER LE PÉTROLE ?
Les discours sur la diversification restent peu suivis d’effets, alors qu’il existe pourtant un moyen astucieux de tenir parole sans changer de trottoir : faire monter en puissance d’autres richesses issues des entrailles de la terre
Qu’est-ce qui peut vraiment développer un pays ? À écouter les théoriciens de tout poil, il est difficile de se faire une religion dans un kaléidoscope de recommandations parfois contradictoires. Si l’on peut se réjouir du recul de l’économisme, cette propension à lier le « bonheur » social strictement à des objectifs économiques quantifiables, faisantfi de facteurs immatériels tels que la culture et les plaisirs de l’esprit, il est malaisé d’y renoncer et d’en exempter ceux qui nous gouvernent, pour des raisons évidentes de comptes à rendre…
Alors, qu’est-ce qui produit du vrai développement économique ? Finalement, c’est bien l’emploi, massif et généralisé, résultante d’une chaîne complexe de conditions réunies. Pas l’investissement tout seul : certains capitaux utilisent les pays africains comme de simples mères porteuses dont les fruits sont aussitôt réexportés sans impact significatif pour eux. Ni même la simple croissance, dont la variante « sans emploi » est bien connue. Pour créer du développement, la solution de lancer de grands travaux d’infrastructures a bien quelques résultats, mais ils restent éphémères dans un environnement de chaînons manquants essentiels.
Les atouts de l’Afrique ? Encore et toujours son sol et son sous- sol. Le cas du pétrole ne s’est certes pas révélé probant – lorsqu’il n’a pas carrément fait figure de malédiction. Mais si l’on cessait d’adorer l’or noir comme un veau d’or et de lui sacrifier tout bon sens ? Les discours déterminés sur la nécessaire diversification, notamment dans le secteur agricole, restent peu suivis d’effets dans les pays concernés, alors qu’il existe pourtant un moyen astucieux de tenir parole sans changer de trottoir : faire monter en puissance d’autres richesses issues des entrailles de la terre. Pour une liste impressionnante de minerais, le continent africain reste dans le peloton de tête des réserves connues.
L’Afrique centrale en est une illustration accomplie. En zone Cemac, cinq pays sur six s’enorgueillissent de produire du pétrole. En termes de revenus par habitant, la sous-région est pourtant à la traîne par rapport à des zones nettement moins nanties. Le dividende pétrolier n’a pas seulement failli à entraîner une amélioration collective des niveaux de vie ; il est également voué à un rôle encore plus limité dans l’avenir avec la baisse prévisible des explorations, mais surtout avec le tournant énergétique dont la tendance historique consiste à réduire la part des hydrocarbures. Alors pourquoi continuer à s’accrocher au pétrole comme à une bouée percée quand d’autres produits miniers peuvent rapporter autant ?
Tout en gardant en ligne de mire l’impératif de s’industrialiser, certaines études mettent de nouveau à l’honneur ce qui peut apparaître comme une étape immédiate : « tirer le maximum » des ressources minières, dont les cours continuent leur embellie depuis au moins deux décennies.
En fait, il ne s’agit plus d’opposer la production de matières premières et le développement industriel, doctrine qui semblaitfiger les rôles, réduisant notre continent à un simple réservoir de minerais dans lequel d’autres régions du monde pouvaient puiser pour assurer leur prospérité ; certains spécialistes nous rappellent aujourd’hui que la plupart des nations industrialisées – États-Unis, Canada, Norvège, Australie… – ont d’abord été des exportateurs de matières brutes. L’un n’empêche donc pas l’autre. Intéressant, n’est-ce pas ? De plus, comme on a pu voir une baisse constante des prix des produits manufacturés au bénéfice des matières premières, certains dogmes ont fléchi…
L’initiative du Tchad de dresser son inventaire minier va donc clairement dans le bons sens. C’est un projet estimé à plus de 20 millions d’euros et visant cinq régions du pays. Il devrait se focaliser sur une surface de 85 000 km2 et s’appuyer sur l’expertise de géologues tchadiens… Ayant pris conscience de ne pas être un « pays pétrolier », mais seulement un pays qui a du pétrole, le Tchad tâche de rectifier le tir.
Au Cameroun voisin, où le pétrole reste le principal contributeur au budget de l’État, les activités d’exploration lancées il y a quelques années ont révélé de potentiels gisements de bauxite de plus de 700 millions de tonnes, ce qui pourrait engendrer une production annuelle d’alumine représentant 30 % de ses exportations à moyen terme. Il est également question de consolider la production d’or et de diamants en faisant migrer ses pans artisanaux et informels vers le secteur formel…
Dans l’absolu, les projets d’exploitation minière pourraient placer le Congo-Brazzaville parmi les principaux producteurs de fer du monde dans une décennie. Une évolution similaire est possible avec les engrais (potasse et phosphates) grâce à des coûts mondiaux particulièrement faibles. Sans parler des gisements appréciables de polymétaux non ferreux (cuivre, zinc, plomb).
Le secteur minier du Gabon est encore principalement centré sur l’exploitation du manganèse, les autres ressources naturelles du pays n’étant pas encore exploitées (voire connues), à exception de l’or. La RCA n’est pas vraiment plus avancée, en dépit de son plan minier national qui a identifié au moins 470 indices minéraux, constitués de substances énergétiques, non métalliques, de métaux non ferreux, de diamants et d’or.
Le pays est certes connu pour sa production de diamants d’une qualité exceptionnelle (notamment par des anecdotes impliquant l’ancien « empereur » Bokassa et le président français Giscard d’Estaing), mais peu savent que la quasi-totalité des 500 000 carats annuels sont exploités de manière artisanale. Et ce bref aperçu ne tient pas compte de toutes les matières considérées comme stratégiques (indispensables notamment à l’électronique et à la défense) qui sommeillent encore sous terre.
L’heure du réveil semble sonner à nouveau…
Article de Marie-Roger Biloa, paru en automne 2018 dans plusieurs publications, dont « nouvelhorizon.sn ».
UN UNIVERSEL COMME HORIZON
Comment le Serment des chasseurs du Mandé devient-il écologique ? Quel lien entre Dieu et un caillou ? Faut-il dire l’Afrique ou les Afriques ? Entretien avec Souleymane Bachir Diagne
En 2018, Souleymane Bachir Diagne* fait paraître un dialogue avec Jean-Loup Amselle intitulé En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale[1]. La question de l’universel est au cœur d’une discussion parfois polémique. Apparaît alors dans ce dialogue l’idée qu’il y aurait un universalisme face à une recherche d’universel : tandis que le premier serait, conquérant, d’une Europe qui se veut lieu d’émergence de la démocratie et des Droits de l’homme, le second serait décolonial, représentant d’une pluralité des langues et à la recherche d’un horizon de discussion à partir du divers.
Dans un entretien réalisé lors du festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo le 8 juin 2019, Souleymane Bachir Diagne revient sur plusieurs thématiques liées à cette question de l’universel : quelle différence entre l’universalisme et l’universel ? Quel rôle a la traduction ? Comment le Serment des chasseurs du Mandé devient-il écologique ? Quel lien entre Dieu et un caillou ? Faut-il dire l’Afrique ou les Afriques ?
Vous opérez une critique de la notion d’universalisme comme étant une posture généralisante à partir d’un particulier, eurocentré, et vous promouvez à la place un universel, qui serait à chercher dans la relation entre les langues. Vous reprenez l’idée d’« universel latéral » tel que Merleau-Ponty l’élabore[2]. Cette notion de latéralité pourrait être rapprochée de ce que l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr écrit dans Silence du chœur[3] à propos de la traduction. Il fait en effet dire au personnage de Jogoy Sèn, le traducteur, l’ancien migrant, que la chute de Babel ne doit pas être envisagée comme une punition divine dont il faudrait se lamenter mais bien au contraire comme une possibilité renouvelée de lien entre les hommes, à travers la traduction : il faudrait alors envisager Babel comme horizontale et non plus verticale. Il faudrait envisager une Babel heureuse en quelque sorte[4]. Cette horizontalité de la traduction correspond-elle à votre vision d’un universel à construire de manière latérale ?
Tout à fait. Je suis heureux que Mohamed Mbougar Sarr soit tombé sur cette expression-là. De la même manière qu’il faut imaginer Sisyphe heureux, comme Camus le disait, il faut également ré-imaginer Babel heureuse. La traduction est une malédiction, c’est vrai : nous partons de langues diverses, multiples, variées, alors que nous n’en avions qu’une, la langue d’Adam. Mais c’est une langue qui était, pour l’essentiel, faite pour parler à Dieu et pour qu’il nous parle. Alors que là, nous avons besoin d’avoir des relations horizontales entre nous. D’ailleurs, dans le même ordre de d’idée que ce que dit Jogoy Sèn chez Mbougar, il y a le titre de l’exposition que Barbara Cassin avait consacrée à la traduction : Après Babel, traduire, c’est-à-dire que la réponse à Babel, c’est à la fois le pluriel des langues, goûter le pluriel des langues, le célébrer, comme une multiplication des différents visages de l’aventure humaine, et en même temps célébrer la traduction, qui fait que ce pluriel des langues puisse aussi être une rencontre. C’est une idée qui m’est très chère.
Quand j’ai rencontré ce texte de Merleau-Ponty en 1982, il m’a frappé comme la réponse postcoloniale à l’universalisme abstrait, dont Césaire n’avait pas voulu non plus par exemple, dans lequel il disait qu’il ne se retrouvait pas. En même temps, je suis quelqu’un qui, à la différence de la majorité des auteurs postcoloniaux, croit et veut l’universel, mais c’est un universel de la rencontre, un universel de la traduction, où les langues se rencontrent et se traduisent[5]. C’est le meilleur modèle que l’on se puisse se donner d’un universel horizontal qu’il faut rechercher.
Pour autant, toutes les langues n’ont pas le même poids politique. Lorsque vous traduisez des mathématiques en wolof, vous reprenez le geste de Cheikh Anta Diop qui traduit Corneille en wolof dans Nations nègres et culture[6], même si c’est un passage qui est aujourd’hui un peu oublié[7], et vous reprenez le geste de Ngugi wa Thiong’o dans Décoloniser l’esprit, qui appelle à utiliser les langues africaines plutôt que les langues coloniales européennes[8]. Lorsque vous appelez à un universel latéral, qui ne serait plus seulement le point de vue de l’Europe sur le monde, comment faire pour que toutes ces langues ne se retrouvent pas en situation de minorisation par rapport à des langues qui ont une assise numériquement plus importante ?
C’est vrai qu’il y a toujours deux approches de la traduction. Quand vous regardez la traduction sur le plan politique et sociologique, vous avez en plein dans la figure l’inégalité radicale des langues et de la domination. De ce point de vue-là, Pascale Casanova a bien raison de donner à son livre La langue mondiale le sous-titre Traduction et domination[9]. La politique de la traduction manifeste très clairement la domination des langues.
Mais je distingue toujours là-dedans l’acte même de traduire : c’est la seconde approche dont je parlais. Autrement dit, je suppose le traducteur dans sa chambre, tout seul, avec ses deux langues : une langue dans laquelle il donne hospitalité à ce qui a été créé dans l’autre langue. Et je me dis, cet acte-là, c’est ce moment où il fait que des langues « se touchent ». C’est une expression qu’Antoine Berman utilise : c’est mon philosophe de la traduction préféré, il a écrit un magnifique livre, L’Épreuve de l’étranger[10]. Je donne à cette expression toute sa force poétique et érotique. Cette célébration de la traduction se fait en des termes éthiques : la traduction compare des langues, et cela au sens étymologique, elle les met sur un pied d’égalité, cum pare. La traduction crée de la réciprocité entre les langues. C’est vrai que l’ambiance générale, l’environnement, est à l’inégalité, mais l’acte même de traduire est un acte de réciprocité, de création de réciprocité, parce qu’il met les langues ensemble dans un rapport d’égalité qui les fait se toucher. Berman fait exprès, et moi aussi d’ailleurs, d’utiliser un vocabulaire érotique : avec le double sens du mot langue, on voit que les langues s’embrassent. Il y a une poétique de la traduction qui est en quelque sorte soustraite et volée à cet environnement de domination des langues.
Une fois que l’on a dit cela, c’est vrai que la traduction manifeste la domination, mais la seule réponse possible à cette domination des langues, c’est la traduction ! Prenez le geste de Ngugi wa Thiong’o qui écrit en kikuyu… Qui parle le kikuyu ? Personne ne parle en dehors du Kenya, et pas même tous les Kényans puisque c’était la langue des Mau Mau. Mais wa Thiong’o dit également que la langue des langues, c’est la traduction. C’est-à-dire que, d’une certaine façon, les langues, quels que soient leur poids ou la faiblesse de leur poids, deviennent équivalentes précisément parce qu’elles sont susceptibles de traduction. Pour vous donner une comparaison, CNN est la grande machine mondiale de médias par excellence, mais partout où je suis, il suffit que je me connecte à Internet et je peux recevoir les nouvelles du Sénégal. Cela veut dire que le CNN local sénégalais, à sa propre manière, en droit, peut atteindre tout le monde. C’est en cela que je dis qu’une langue, quelque minoritaire qu’elle soit, est toujours susceptible d’universalisation par, précisément, la traduction. Les deux visages de la traduction sont cela : si je regarde sociologiquement et politiquement, je vois bien qu’il y a des langues dominantes et des langues dominées, mais cela n’annule pas le fait que la traduction est aussi la réponse à la domination.
Cette situation se retrouve complètement modifiée par Internet, que vous évoquiez à l’instant, qui peut changer la donne de cette latéralité. Ce serait un versant positif de la globalisation – même si l’éblouissement de la « société des écrans » a bien été analysé par Joseph Tonda qui en a montré le versant négatif[11] – puisqu’on assiste en effet à un regain d’activité de la littérature orale à travers les réseaux sociaux et Internet, qui devient paradoxalement non pas le triomphe de l’écrit dominant mais bien une chance pour les langues minorisées[12].
Absolument. On trouve énormément de choses sur Internet : toutes les langues sont présentes. C’est le forum d’après Babel. Il y a une présence d’éléments de création sur l’Internet et c’est une chance pour créer cette égalité. Prenez ce que Anderson a appelé les « communautés imaginées »[13], ces communautés virtuelles : Internet le crée ! Tous les Sénégalais, où qu’ils se trouvent, et Dieu sait que ce sont des voyageurs devant l’Éternel, se branchent sur le web sénégalais et cela fait une communauté réelle, qui est très présente. La langue wolof est fréquemment utilisée dans les médias sociaux.
Bien sûr, l’anglais domine, mais c’est un peu comme les Nations-Unies. Il y a un filtre plus important pour l’édition, qui donne une plus grande place aux littératures majoritaires, tandis qu’Internet redonne une place réelle aux langues les plus minoritaires.
À propos de communautés imaginées, vous parlez également d’invention des traditions, et vous montrez surtout qu’il y a un danger de la déconstruction qui apparaît, notamment de lectures parfois virulentes de Jean-Loup Amselle lorsqu’il déconstruit la tradition orale. Vous montrez qu’il a une violence de l’arasement de toutes les constructions symboliques : or, on est dans les constructions symboliques en permanence, et il n’y a pas de dehors à cette situation. Vous plaidez plutôt, à l’inverse, pour une politique des usages, qui analyse les usages mouvants des constructions symboliques, aux significations renouvelées selon le temps et les communautés qui s’en revendiquent. Pour autant, est-ce que vous pensez qu’il y a un dialogue possible entre les déconstructionnistes, pourrait-on dire, et les partisans d’une politique des usages, notamment concernant la véridicité d’un fait à un moment donné ? Je pense au Serment des chasseurs, qui propose un cas-limite de réflexion à cet égard : jusqu’où le dialogue est-il possible, autrement dit, peut-on statuer sur ce qui s’est réellement passé en 1235, date à laquelle aurait été établie par Soundiata, empereur du Mali, une constitution des droits humains ?
Justement, il faut tenir ferme la véridicité. Nous sommes dans une période de fake news : il faut donc tenir ferme la raison, le fait et la vérité. Cela est tout à fait établi. Maintenant, à l’intérieur de cette exigence-là, prenons le Serment des chasseurs. Que reproche-t-on au Serment des chasseurs ? D’être trop beau pour être vrai ? En réalité, c’est ça, le fond de l’affaire. Au lieu de parler de véridicité précisément, on déplace la question pour se demander « quel est votre intérêt en disant cela ? ». C’est quand même une démarche qui consiste à dire : on a eu des droits humains avant tout le monde, en 1235, donc au même moment que la Magna Carta. Une des choses que je dis dans ce dialogue, c’est que d’abord ce n’est pas le propos. Le propos est de répondre à une question très précise qui a des conséquences énormes : est-ce qu’il y a dans la tradition orale africaine un discours sur l’individu et les droits dont il est porteur en tant qu’individu ? C’est ce que fait le Serment des chasseurs en disant qu’« une vie est une vie ». C’était la seule chose dont j’avais besoin, moi, dans ma réflexion sur les droits humains, et ce n’est pas seulement une réflexion, c’est également un combat : depuis 1960, la société civile africaine voulait la mise en place d’une charte africaine des droits de l’homme – c’était cela l’exigence, au même titre que ce que l’on retrouve dans d’autres régions du monde, en Europe, en Amérique du Sud, à opposer aux États – c’était donc un aspect de résistance. La logique des États avait beau jeu d’inventer une tradition africaine, une philosophie africaine qui était en faveur du collectif – seul le groupe a des droits – où l’individu n’a que des devoirs vis-à-vis du groupe. Or, toute la question d’une charte qui soit opposable aux États, c’est que des individus puissent précisément s’opposer à la logique du groupe, à la logique de l’État, parce que cette logique du groupe, très rapidement et très facilement se traduit en raison d’État. Donc mon évocation du Serment des chasseurs, c’était cela : dire qu’il faut quand même réfléchir de manière plus précise à ce qu’il en est de la philosophie de l’individu dans les sociétés et les cultures africaines. L’idée que l’individu devient une personne avec le soutien du groupe, et c’est comme ça que je résume la relation individu-groupe. Cela n’a rien à voir avec l’idée que seul le collectif compte, que l’individu n’est rien, qu’il est au service du groupe. Donc le Serment des chasseurs devient un exemple dans ce débat.
Maintenant, une fois cela dit, la véridicité, il faut lui appliquer toutes les procédures scientifiques qu’on applique normalement ; cela fait longtemps qu’on a des manières d’appliquer des procédures scientifiques de vérification à la tradition orale. C’est un vrai problème, la tradition orale : ce n’est pas une preuve archéologique, ce n’est pas une chronique écrite. Quand vous n’avez que la tradition orale comme preuve, et bien vous appliquez des méthodes ad hoc, que vous créez pour la tradition orale. Or, pour ce double cas du Serment des chasseurs et de la charte du Mandé – parce que ce sont deux choses différentes –, que se passe-t-il ? La charte du Mandé vous dit que le CELHTO[14] a regroupé des griots traditionnels du mandingue et leur a demandé de réciter le Mandé. L’idée était, à partir de ces récits différents, de faire des recoupements et de commencer à dégager ce qu’était la Constitution du Mandingue. « Constitution », c’est-à-dire un mot banal qui signifie « sur quoi était fondé le Mandé, comment est-ce qu’on le pensait et comment on le gouvernait ». Soundiata Keita s’est trouvé dans la situation d’avoir à gérer un empire qui n’était plus seulement le royaume mandingue, qui était, lui, ethniquement homogène : il avait à gérer un empire où vous aviez des Wolofs ici, des Songhay là-bas. Cela allait de la côte atlantique jusqu’à la boucle du Niger. Tout ce qui a été pensé et fait a été une manière de gérer le pluriel. On lui attribue – mais cela, on ne le sait pas – d’avoir inventé la relation à plaisanterie. C’est un mode de gestion du pluralisme. Si vous et moi sommes parents à plaisanterie et que nous nous voyons pour la première fois, nous commençons à nous chahuter comme si nous nous connaissions depuis toujours, et alors il y a très peu de chance que l’on se tape dessus ensuite. C’était donc cela toute la finalité. Ces griots ont donné un texte mis ensuite sous forme d’articles[15]. C’est là où la véridicité devient un problème, mais c’est une simple question de disposition : vous dites : « Je dégage là cent principes qui avaient cours dans le royaume du Mandé et je les numérote. » Tout de suite, cela ressemble à une Constitution avec des articles, à la Magna Carta. Tous ces anthropologues à ce moment-là cherchent à déconstruire ce récit. Ils ne diront pas « c’est faux », il faudrait dire : « Les méthodes ne sont pas bonnes, vous n’avez pas assez de griots, ou bien les griots ont communiqué entre eux, il aurait fallu qu’ils soient totalement indépendants, or les récits ont circulé. » Ce sont des questions de véridicité que l’on peut poser. Mais l’idée de dire : « Vous avez disposé cela en articles comme la Magna Carta parce que vous imitez l’Europe », mais enfin, il y en a marre ! Les gens ne pensent pas en ayant en vue tout le temps l’Europe. C’est cela qui est énervant. L’Europe a un côté ventriloque : elle a toujours l’impression qu’elle est en train de parler et de se répondre, et que les autres ne peuvent dire quoi que ce soit si ce n’est pour lui répondre. L’idée simplement que des intellectuels africains se mettent à dire à d’autres intellectuels africains, que la tradition, c’est le collectif, le groupe ou l’individu, c’est impensable. Ils peuvent pourtant utiliser cet argument de la charte du Mandé pour s’opposer à l’excision et autres aspects de la sexualité des individus contre ceux qui évoquent les valeurs du groupe ou de la tradition pour nier les droits humains que doivent se voir accorder les individus. C’est cela le combat que les intellectuels africains, à l’intérieur de l’Afrique, mènent contre leurs propres États. Ils ne sont pas en train de parler à l’Europe ! Ils se parlent à eux.
Vous avez raison : il faut absolument aborder la question de la véridicité. Il faut pouvoir être sûr de son fait. Si j’ai cent griots, la situation idéale aurait été une indépendance totale de ces cent personnes. Or ce n’est pas vrai, puisque ces récits-là circulent, ils s’entre-influencent. Vous n’avez donc pas de possibilité absolue de recoupement : il faut simplement le savoir et traiter ces récits-là avec cette contrainte.
Je distingue maintenant le Serment des chasseurs, c’est celui-là qui m’intéresse plus d’ailleurs, parce qu’il est un serment d’initiation. Donc si je mesure scientifiquement et rationnellement le poids des témoignages, il y a de très fortes chances pour que ce serment soit resté identique à lui-même à travers les générations, puisque si nous avons une société secrète que vous rejoignez si vous récitez un propos, il y a des chances que vous appreniez à votre fille ou votre petite-fille exactement les mêmes propos. Si un chasseur qui lui-même appartient à cette tradition comme Youssouf Tata Cissé[16] dit « voici le Serment des chasseurs », et que l’on n’a pas vu apparaître quelqu’un qui s’oppose à ce récit, cela est déjà une preuve. Le Serment est d’une articulation suffisamment simple pour que ce soit aisément récité par cœur. Tenir d’une main l’exigence scientifique de véridicité absolue, c’est mettre en place un tel protocole, en sachant que l’on a affaire à de la littérature orale, c’est-à-dire que les modes de vérification sont internes au discours lui-même. Vous disposez rarement d’excursus qui vous permettent d’avoir des preuves extérieures au récit lui-même. L’argument du récit est le récit lui-même. Certains récits par contre peuvent faire référence au-delà d’eux-mêmes, comme cette mention : « Il était tellement cruel que le soleil s’est caché le visage » ; dans ce cas, avec une carte des éclipses, on peut avoir un événement externe au récit qui nous permet de dater les faits, mais aussi de mettre en place à l’intérieur du récit des vérifications de cohérence. L’exigence de scientificité n’est pas plus forte chez les anthropologues français que chez les anthropologues du CELHTO. C’était ma très longue réponse concernant à la fois la logique du vrai et la logique du sens.
Au début de votre texte, vous évoquez la place de l’environnement dans ces textes oraux, au premier rang desquels ce même Serment des chasseurs. Le récent succès de la pensée écologique, dont les élections européennes de 2019 en sont la dernière manifestation, donne une nouvelle actualité à la pensée des zones sinistrées. Les zones les plus polluées se trouvent aujourd’hui dans les zones néo-colonisées et, à cet égard, le poète nigérien Hawad est intéressant à convoquer : dans Furigraphies[17], il donne une vision du Sahara atomisé, celui des essais nucléaires de la France et de l’extractivisme d’Areva, en lien avec une humanité précaire. Cela vous semble-t-il anachronique de relire ces chartes mandé en lien avec ces préoccupations environnementales ?
Je crois qu’un texte – littéraire – précisément est toujours un discours qui porte des possibilités. Il nous parle au moment où nous nous trouvons, et donc je vois bien que c’est une lecture rétrospective de la plupart de ces textes. Cette lecture s’opère à partir de nos inquiétudes d’aujourd’hui et de notre pensée de la vulnérabilité, nous rétroprojetons cela sur ces textes. Mais c’est le fonctionnement même d’un texte !
En ce moment, je souhaiterais faire une anthologie mondiale, en littérature comparée, de la littérature de l’environnement et je vois bien que l’écocritique, la prise de conscience environnementale – awareness – est en lien avec de nombreux textes oraux. Ce serait comme un parallèle littéraire de ce que fait la COP 21 : regrouper des textes de différentes cultures et de différentes langues qui tous rappellent à l’humain, en définitive, qu’il n’est pas un empire dans un empire. Maître et possesseurs de la nature : ce n’est pas pour cela que nous avons été programmés, en tant que derniers nés de la création. Ces textes peuvent servir. On a bien le sentiment de rétroprojeter sur ces textes-là des inquiétudes d’aujourd’hui, mais c’est cela, un texte, me semble-t-il. C’est ce que fait la littérature. C’est ce qui fait qu’elle est vivante. Pouvoir signifier et resignifier.
L’ontologie dynamique que voit Senghor, dans les religions du terroir, que l’on peut utiliser pour penser la vie, comme pour le Serment des chasseurs : il y a du vivant partout, il n’y a pas d’inerte. Senghor a cette formule lapidaire qui est magistrale, « du Dieu au caillou » : cette idée qu’il y a une échelle des êtres, cela veut dire qu’il n’y a jamais de degré zéro de la vie, et cela lie les êtres depuis le caillou jusqu’à Dieu. C’est important, à la fois pour comprendre l’art africain (puisque c’est à cela que je l’ai utilisée, cette axiomatique particulière d’une ontologie dynamique), mais c’est important également d’en faire un objet de réflexion, d’un objet d’éducation à l’idée d’environnement. C’est une réponse parfaite contre l’idée d’un humain comme empire dans un empire, mais sans le dissoudre pour autant en tant qu’humain (ce qui serait une ontologie plate).
La littérature est parfois une voie de sortie, en réponse à certains discours médiatiques stéréotypés. Gauz ou Mohamed Mbougar Sarr, par exemple, entendent tenir un véritable discours politique d’humanisation du parcours des migrants. Vous considérez que ce qui est appelé la « question migratoire » en Europe est un « épouvantail », permettant aux partis politiques de faire voter les classes populaires contre leurs propres intérêts, en leur fournissant des motifs de peur assez puissants. Envisagez-vous des possibilités de contournement de ces épouvantails, la littérature en est-elle un moyen ou bien s’illusionne-t-elle en cherchant des voies de sortie alternatives ?
La littérature fait ce qu’elle peut et elle fait bien ce qu’elle doit faire. L’intérêt de la littérature est que les trajectoires individuelles permettent de dé-massifier le discours sur les migrants, parce que la littérature permet de se concentrer sur des personnages. Marie Ndiaye l’avait fait : dans Trois femmes puissantes[18], l’un des récits est un saisissant parcours de migration. Tanella Boni l’avait fait dans son recueil Chaque jour l’espérance, je lui avais fait une préface[19], il y avait un poème magnifique sur un gamin qui s’était accroché à un train d’atterrissage d’un avion, qui avait atterri à Lyon, et qui avait réchappé de très peu. Il a été sauvé à l’hôpital, on lui a offert de rester finalement, c’est une histoire tellement incroyable. Il a voulu repartir, il s’est ré-accroché à un train d’atterrissage d’un avion qui allait en Côte d’Ivoire, cette fois, il aurait pu y aller à pied cette fois-ci, et il en est mort finalement[20]. Pendant longtemps, on n’a pas su qui c’était, ce cadavre. Le poème de Tanella est intitulé : « Les enfants d’Icare ». Je me souviens qu’à l’époque, cela m’avait beaucoup ému, parce que je m’étais dit que ces histoires étaient vues dans les journaux, mais personne finalement ne chante ces gamins. Celui-ci probablement avait un désir fou de départ, il n’a pas voulu rester, il recommence sur une distance absurde, et il en meurt. La littérature fait bien cela en donnant visage à ces migrants et peut-être en déclenchant une autre réflexion. Ces migrants ont toujours été pris en otage par le discours de l’extrême-droite qui a toujours été parfait pour cela : « Ils nous envahissent, ils cherchent à nous remplacer. Ils vont venir nombreux, si on ne fait pas attention, la race blanche va disparaître. » Contre cela, au lieu de regarder la migration globale en lui donnant une profondeur historique – qu’est-ce que les migrations ? Pourquoi est-on dans une période de migration ? –, il faudrait voir pourquoi ce mythe du remplacement est faux, pourquoi en réalité il faut de la migration. Mme Merkel l’a compris, cela lui a coûté les élections, mais personne ne sait que le million de réfugiés qu’elle a accueilli a donné des résultats deux ans plus tôt que ce qui était prévu. Ils ont été formés de manière à ce qu’ils puissent contribuer au PIB dans l’avenir, or ils l’ont fait bien avant. La gauche s’est laissée piéger en disant qu’il ne fallait pas laisser les migrations à la droite, tout comme elle avait dit qu’il ne fallait pas laisser le nationalisme à la droite. Mais si, il faut laisser le nationalisme à la droite ! Il faut laisser le racisme anti-migrants à la droite et expliquer ce qui est vrai et faux, par la raison, par les chiffres, par l’histoire, par l’économie. Mais cela est trop compliqué, puisque les formules à l’emporte-pièce de Mme Le Pen iront plus vite. Il faut pourtant se battre sur ces chapitres-là : que dire face à « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » ? C’est l’évidence même. Pourtant, la littérature a la puissance précisément de faire en sorte que les choses apparaissent à la fois dans leur complexité et deuxièmement dans leur humanité. Je vois des gens très nombreux à Nantes qui reçoivent des réfugiés chez eux, qui leur donnent des cours, au nom simplement de la fraternité humaine, et cela, c’est le roman qui peut le traduire.
Une dernière question pour faire un sort au nom de mon laboratoire, « Les Afriques dans le monde ». Vous avez une phrase définitive où vous comparez cette mode de placer le continent au pluriel au paradoxe du « demi-habile » chez Pascal : c’est-à-dire celui qui a compris qu’il y avait un écueil mais dont le détour pour l’éviter lui fait verser dans une autre impasse. Le danger de l’essentialisme, tel qu’il a été véhiculé au xixe siècle pour l’Afrique par le discours colonial, mène aujourd’hui à pluraliser régulièrement le continent, ce que vous ne considérez pas comme une option satisfaisante non plus… Vous dites que le singulier ne doit pas se faire au nom de l’essentialisme, mais au nom d’un horizon, d’un projet, d’un chantier, un peu comme ce que vous dites de l’universel, et il s’agirait d’opérer un « remembrement » (en jouant sur tous les sens du membre et du souvenir, comme l’entend le mot anglais remembrance) du projet « Afrique ». Vous montrez à la fois que le pluriel est un obstacle épistémologique et en même temps qu’on peut concevoir une unité comme horizon.
Absolument, le singulier a une légitimité en tant que projet parce que c’est une construction qu’il faut penser à partir de plusieurs de ses avatars. Je reviens sur les différentes transformations que le projet panafricain a subies. C’est intéressant de voir qu’il est né hors d’Afrique : le panafricanisme, c’est un projet américain au départ. Son internalisation après la Seconde Guerre mondiale, avec pour l’essentiel la figure de Nkrumah, est fondamentale, mais il y eut une volonté de garder le lien avec son origine américaine, afin de conserver un monde de diaspora atlantique. La transformation aujourd’hui du projet panafricain en projet continental – ce n’est plus l’Afrique noire et sa diaspora noire, c’est le continent avec ses populations blanches et arabes du Nord et ses populations blanches du Sud – se construit dans le pluriel. C’est là que le pluriel est important. J’ai deux petits coups de griffes en passant contre Cheikh Anta Diop : premièrement, je me moque un peu de lui avec les mathématiques puisque ce n’est pas si compliqué de traduire la relativité en wolof ! Deuxièmement, il est beaucoup plus français et jacobin qu’il ne le croit, parce qu’il veut une langue unique. Cela n’a pas de sens d’avoir une langue d’unification : pourquoi le projet devrait-il être un projet qui imite l’État-nation, c’est-à-dire d’être homogène avec une seule langue, de manière centralisée ? C’est pour cela que l’idée du « remembrement » à la Ngugi wa Thiong’o me plaît bien, beaucoup plus que cette unité pensée sur le mode jacobin.
Comme vous dites, il y a une constante dans la manière dont j’imagine les choses : à la fois un universel qui serait horizontal de traduction, et la manière dont j’imagine le projet africain du remembrement panafricain à partir du pluriel. Il y a une analogie structurelle profonde, c’est comme ça que je suis : un optimisme de l’horizon.
Notes
* Souleymane Bachir Diagne est professeur de philosophie dans les départements de philosophie et de français à l’Université de Columbia (New York). Ses recherches et ses enseignements portent sur l’histoire de la logique mathématique, l’histoire de la philosophie, la philosophie islamique, ainsi que les questions de littérature et de philosophie en Afrique. Parmi ses ouvrages récents : Bergson postcolonial. L’Élan vital dans la pensée de Senghor et de Mohamed Iqbal (CNRS Éditions, 2011) ; L’Encre des savants. Réflexions sur la philosophie en Afrique (Présence africaine, 2013) ; Comment philosopher en islam ? (Philippe Rey, 2014) ; avec Philippe Cappelle-Dumont, Philosopher en islam et en christianisme (Cerf, 2016).
[1] Souleymane Bachir Diagne, Jean-Loup Amselle, En quête d’Afrique(s) : universalisme et pensée décoloniale, Paris, France, Albin Michel, 2018.
[2]Ibid. cité p. 75. « Il y a une seconde voie vers l’universel : non plus l’universel de surplomb d’une méthode strictement objective, mais comme l’universel latéral dont nous faisons l’expérience ethnologique, incessante mise à l’épreuve de soi par l’autre et de l’autre par soi. » Maurice Merleau-Ponty, « De Mauss à Claude Lévi-Strauss », Signes, Paris, Gallimard, 1960.
[6] Centre d’études linguistiques et historiques par tradition orale (Niamey), La Charte de Kurukan Fuga : aux sources d’une pensée politique en Afrique, Conakry, S.A.E.C./L’Harmattan, 2008.
[7] Voir les travaux d’Alice Chaudemanche sur les traductions du français vers le wolof et la séance du séminaire « Afriques transversales » consacré à Cheikh Anta Diop organisée par Ninon Chavoz : https ://cat.hypotheses.org/cheikh-anta-diop (consulté le 15 juin 2019).
[8] Ngugi wa Thiong’o, Decolonising the Mind: The Politics of Language in African Literature, Studies in African Literature, Oxford, James Currey, 1986. Voir aussi l’entretien de Maëline Le Lay dans Esquisses avec Ngugi wa Thiong’o, « Quand Ngugi rentre à Nairobi » : https://elam.hypotheses.org/1842 (consulté le 15 juin 2019).
[9] Pascale Casanova, La Langue mondiale. Traduction et domination, Paris, Seuil, 2016.
[10] Antoine Berman, L’épreuve de l’étranger : culture et traduction dans l’Allemagne romantique. Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin, Paris, Gallimard, 1984.
[11] Joseph Tonda, L’impérialisme postcolonial : critique de la société des éblouissements, Paris, Karthala, 2015.
[12] John Miles Foley, Oral Tradition and the Internet Pathways of the Mind, Urbana, University of Illinois Press, 2012.
[13] Benedict R Anderson, Imagined Communities : Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, Londres; New York, Verso, 1991.
[14] Centre d’etudes linguistiques et historiques par tradition orale (niamey), La Charte de Kurukan Fuga : aux sources d’une pensée politique en Afrique, Conakry, S.A.E.C./L’Harmattan, 2008.
[18] Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes : roman, Paris, Gallimard, 2009.
[19] Tanella S. Boni, Chaque jour l’espérance, Paris, Harmattan, 2006.
[20] Il s’agit de Bouna Wade. Voir par exemple : Brigitte Breuillac, « Le miraculé du Dakar-Lyon s’est évaporé au Sénégal », Libération, 5 août 1999 [archive] ; « Le jeune survivant du vol Dakar-Lyon est mort lors d’un nouvel essai », La Croix, 6 septembre 1999 [archive].
Elara Bertho est chargée de recherches en section 35 (Sciences philosophiques et philologiques, sciences de l’art) au CNRS.
par l'éditorialiste de seneplus, Emmanuel Desfourneaux
LA GUERRE DES OPPOSITIONS N’AURA PAS LIEU
EXCLUSIF SENEPLUS - Conversation fictive entre Agamemnon-Sall, Ulysse-Sarr, Hector-Wade et Démokos-Gaye en présence du Citoyen-Amadou, à propos de l'impasse politique. La voix du Peuple-Marius également représentée
En hommage à Amadou Moustapha Wade, disparu le 22 juillet 2007. Il avait écrit la tragédie de l’indépendance, en s’inspirant de son ami Aimé Césaire et son chef d’œuvre : La tragédie du Roi Christophe. A mon tour, je me suis référé à « La guerre de Troie n’aura pas lieu », de Jean Giraudoux.
Rappel historique : Durant 10 ans, la guerre de Troie a opposé les Grecs aux Troyens à la suite du rapt d’Hélène par l’un des fils du Roi troyen Priam, Pâris. Dans l’Iliade, des héros se révèleront comme Hector, « fils de » …Priam. Ulysse était rusé, et avait mis au point le cheval de Troie. Agamemnon était le commandant en chef de l’expédition grecque. Il incarnait l’autorité royale. L’adaptation de ce récit mythologique au Sénégal, soutient que, en ce moment même, des batailles politiques souterraines sont en cours et conduiront vers une recomposition politique inéluctable avec de nouveaux rapports de forces, de nouvelles alliances et de nouvelles générations. Des scissions, des résistances, des trahisons, des luttes, des manifestations, des incarcérations, des souffrances inutiles, voilà le lot de la politique sénégalaise dans les années à venir, au nom du pouvoir et de la folie des hommes !
Prologue : Le Dialogue secret
A la place du Souvenir africain, là où volette la conscience africaine, là où des grands hommes stimulent les nouvelles générations, les esprits « La Paix » et « La Guerre » y ont pris leurs quartiers pour dialoguer en vrai sage, loin du regard du Peuple sénégalais. Depuis l’accession au pouvoir de Macky Sall, les sujets à débattre ne manquent pas. Devant l’impasse politique, Agamemnon-Sall (la majorité présidentielle et son Dialogue national), Ulysse-Sarr (les dialogueurs opposants), Hector-Wade (les non-dialogueurs opposants) et Démokos-Gaye (les authentiques du PDS !) sollicitent l’avis de « La Paix » et de « La Guerre ». Un Citoyen-Amadou se mêle à la conversation. La voix du Peuple-Marius est représentée par des inconnus.
Acte premier : Le blasphème politique
A la place du Souvenir africain, les protagonistes se mettent en place, en cercle. Au-dessus d’eux, les esprits invisibles de « La Paix » et de « La Guerre » trônent. A quelques encablures, le Peuple s’installe précautionneusement.
La Guerre :L’ivresse du pétrole, au large de cette place du Souvenir, rend fou la classe politique sénégalaise. Les uns sont impatients de prolonger leur mandat, les autres manœuvrent pour devenir calife à la place du calife.
La Paix :Seule la stabilité compte ! C’est l’assurance de la paix au Sénégal. Elle est notre partenaire indémodable depuis les années 60. Toute la géopolitique d’ici est gouvernée par cette constance.
Agamemnon-Sall :Bien dit ! Pour le pétrole au large de Saint-Louis, fifty-fifty avec la Mauritanie au titre de vivre en bon voisinage !
La Guerre :Les présidents Abdou Diouf et Me Abdoulaye Wade avaient retardé la découverte de pétrole et gaz ! Ils en connaissaient le pouvoir maléfique.
La voix du Peuple-Marius :Aliou Sall, Diokhma sama 400.000 FCFA !
La Paix :Les ressources naturelles peuvent être sacrifiées sur l’hôtel de la stabilité. Toute la sous-région est sous l’embrasement djihadiste.
Agamemnon-Sall :Voilà ! Il nous faut la paix. Après une demande insistante du gouvernement français et sur décision de notre expert géologue-président, Total participe au festin des noces de l’or noir ! En contrepartie, notre protecteur français veille sur le Sénégal. C’était le prix de la ristourne accordée à Total. C’est la raison d’Etat !
Un citoyen-Amadou :Ils vous l’ont fait au chantage du terrorisme !
Ulysse-Sarr :Dans ses adieux, l’Ambassadeur Christophe Bigot a prétendu que la Françafrique n’avait jamais existé, de tout temps ! C’est un toubab, c’est parole d’évangile !
Un Citoyen-Amadou :Et la décolonisation des esprits ? Nous sommes à la place du Souvenir, une œuvre initiée par Wade. Ne sentez-vous pas ce parfum de liberté africaine ? Ne voyez-vous pas ces hommes montrés pour leur exemplarité face à leur résistance ?
Agamemnon-Sall : C’est pour amuser la galerie ! Cela sert à notre tourisme culturel, à créer une illusion auprès de notre Peuple. Au fond, le Sénégal a toujours été mieux traité que les autres pays africains. Nos bons desserts !
La Guerre :Vous avez mis le loup dans la bergerie ! Frank Timis et maintenant Njock Eyong Ayuk. Des repris de justice ! Et ce au mépris des intérêts du Peuple sénégalais et au seul profit d’un clan familial Faye-Sall ! Les portes de la guerre s’entrouvrent.
La voix du Peuple-Marius :Jouons au jeu des Sept familles du clan Faye-Sall ! Je demande le frère, le beau-père, le beau-frère…Aliou Sall, Diokhma sama 400.000 FCFA !
Agamemnon-Sall :Le grand prix d’« Homme de l’année du secteur pétrolier africain » par Africa Oil & Power, vous l’enviez ?
Ulysse-Sarr, en soutien :Son directeur général, le français Guillaume Doane, a attribué des bons points à l’économie sénégalaise, comme les imagettes-récompenses distribuées à la maternelle pour enfants sages et travailleurs !
Hector-Wade :Le paradoxe du pétrole sénégalais ! Les prix du carburant et de certaines denrées alimentaires augmentent ; les délestages risquent de reprendre de plus belle ; les dettes de l’Etat sénégalais s’accumulent dans les secteurs du BTP et de l’enseignement privé. Une foule en vient à galoper à la vue de la Première Dame pour mendier.
Un citoyen-Amadou :Quelle crédibilité accorder à ce prix dès lors que celui qui l’a attribué est en affaire avec le récipiendaire ? Une complaisance affairiste !
La Guerre :Jamais un président de la République au Sénégal n’avait concentré autant de pouvoirs entre ses mains. Depuis la disparition du poste de Premier Ministre, c’est une République césarienne ! Le prince-président est chef d’Etat, chef du gouvernement, chef des armées, chef de la justice et même chef des bonnes mœurs ! Voire chef du pétrole !
La Paix :Il nous faut la paix. Le développement politique est toujours en cours au Sénégal. L’indulgence est de mise, même avec les supposés corrompus.
Hector-Wade :Ce prince-président échappe à tout contrôle, à tout contre-pouvoir. Rebeuss devient la Bastille du Sénégal ! Les opposants les plus sérieux à la course présidentielle y sont enfermés. Les activistes et militants y sont embastillés. L’arbitraire politique devient la règle. La justice devient aveugle !
Démokos-Gaye : Oh, grand et vénéré président Wade !
Hector-Wade, sous la colère :L’offense à l’Etat, la CREI, la contrainte par corps, les interminables instructions en lieu et place des comparutions immédiates, les poursuites opportunistes du procureur de la République, les médias Pravda, les commissions parlementaires godillots, sont des machines moyenâgeuses à broyer la résistance citoyenne.
Suivi d’un silence marqué et gêné du côté d’Ulysse-Sarr.
La Guerre :L’espérance du développement est utilisée comme un jeu de loterie ! On attend Godot ! On finit par s’en remettre à la volonté divine. Pour les impatients, c’est le voyage à l’émigration mortel ou c’est la manifestation interdite ou réprimée.
La Paix :Les Occidentaux voient l’Afrique grande. Ils prédisent un grand avenir pour ce continent. L’aide au développement est salvatrice.
La Guerre :Elle maintient les Peuples africains dans une subordination paternaliste ! Elle ne libère pas les vraies énergies. Elle est contraire à tout esprit d’indépendance.
La voix du Peuple-Marius :Aliou Sall, Diokhma sama 400.000 FCFA !
Agamemnon-Sall :Blasphème ! Blasphème ! Blasphème ! Vous offensez notre géologue-président et prince-président, et sa grande famille ! Tous à la Bastille-Rebeuss ! Monsieur le Préfet de Dakar, les manifestations du vendredi seront interdites, ils blasphèment !
Acte 2 : la recomposition politique
Les esprits s’échauffent. La foule se fait de plus en plus nombreuse et crie en cœur les bras levés : Aliou Sall, Diokhma sama 400.000 FCFA ! Aliou Sall, Diokhma sama 400.000 FCFA ! Aliou Sall, Diokhma sama 400.000 FCFA !
Ulysse-Sarr :Tous au Dialogue national !
La Paix :L’Afrique cultive le consensus.
Agamemnon-Sall :Oui, bien vu ! Discutons quelques mois après notre longue élection présidentielle ! Exception faite pour la suppression du premier Ministre, du parrainage et des emprisonnements pour lesquels nous décidons seuls ! Et reportons le calendrier électoral républicain.
Ulysse-Sarr fait un clin d’œil malice et complice en direction d’Agamemnon-Sall.
Hector-Wade :La sincérité de votre Dialogue ? Le renforcement de l’Etat de droit ! Alors que les pouvoirs du président ont été accrus sans le consensus. Alors que chaque jour des actes répressifs sont posés sous la gouverne du président. Votre Dialogue, c’est un petit arrangement entre amis ! Le silence de certains Dialogueurs est accablant devant notre République en danger.
La Paix :Le président Me Abdoulaye Wade a obtenu le Prix de l’UNESCO Félix-Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix. Sa menace d’empêcher l’élection présidentielle de février 2019 a terni son image.
La Guerre :Nelson Mandela a-t-il sagement attendu en se balançant dans un rocking-chair ? La guerre a ses raisons ! Le 23 juin ?
Hector-Wade :C’est ce que vous faîtes malhonnêtement croire au Peuple. La naïveté des opposants qui ont cru l’emporter, c’est elle qui s’est rendue volontairement ou involontairement complice du pouvoir. In fine, ils n’ont pas reconnu l’élection de Macky Sall. Et trois d’entre eux participent à ce Dialogue national ! Tout ça pour ça !
Ulysse-Sarr, avec la même vigueur qu’à son époque trotskiste :Tous au Dialogue national !
Le Peuple :Oh ! Oh ! Oh ! Il n’y a pas pire que l’ami menteur !
Hector-Wade :Le PDS, grâce au Président Wade, a une valeur politique inestimable. Ils veulent en prendre le contrôle, sans idées et sans visions. Comme pour le PS, ils veulent le brader en contrepartie de postes. Regardez ce qu’est devenu le PS inféodé ! Divisé, totalement happé par l’APR. C’est Macky Sall qui décide de son avenir ! Il arrivera la même chose au PDS.
Démokos-Gaye, avec un ton doctoral :Oh, grand et vénéré Président Wade ! Le rejeton de Me Wade nous disqualifie, naguère à la course présidentielle, à présent au Dialogue national, demain au redressement du PDS.
Hector-Wade :Il suffit ! Avec vos griotesques d’un autre temps ! Vous qui n’avez jamais été capable de réussir en dehors du cercle de Me Abdoulaye Wade ! Pas même lorsque vous aviez quitté le PDS avant l’alternance et plaidiez pour un pôle de convergence entre le PLS et l’AFP, l’URD, le RND, le BCG et CDP ! Votre ambition était de peser au second tour de la présidentielle de 2000. Que dire de votre appel au soutien de la candidature d’un libéral en 2019 ! Et de son impact ?
Ulysse-Sarr, en mimant l’insecte :Ces abeilles karimistes bourdonnent sans cesse dans mes oreilles ! Tous au Dialogue national !
Démokos-Gaye, vindicatif :Le rejeton de Me Wade n’a aucune légitimité. Nous sommes les authentiques ! Nous sommes les gardiens du Wadisme qui dépasse les frontières du Sénégal pour s’étendre dans tout l’univers !
Hector-Wade :Rien que cela ! Soit ! Accordons votre détestation pour le fils de Me Wade ! Mais qui suggérez-vous ? Auriez-vous les aptitudes à succéder à Me Wade ?
Démokos-Gaye, penaud :Ma personne ne compte guère ! Nous sommes tous les fils de Wade.
Hector-Wade :Vous aussi, êtes-vous donc « fils de » ? Derrière vos minauderies au Wadisme, se cachent vos vraies ambitions crypto-personnelles que vous n’assumez pas. Vous vous cachez derrière une posture de donneur de leçons, de traqueur de bouc émissaire. Votre fonds de commerce est l’anti-karimisme sur les plateaux de télévision ! Assumez-vous !
Un Citoyen-Amadou :Les faits, rien que les faits…Vous propagez les mêmes contrevérités que le camp adverse. Dans l’histoire politique, une seule dévolution monarchique est connue de tous : celle de Senghor et de Diouf. La succession au Président Macky Sall prend aussi des allures de dévolution monarchique, soit à la mauritanienne (avec 4 prétendants selon Jeune Afrique), soit à la congolaise (un favori du président sans charisme abandonné en chemin, pour se replier au profit d’un opposant soutenu par le pouvoir). Seul un appel au secours à l’armée française est connu de tous : celui de Senghor lors de l’année 68 qui est parti se réfugier dans une base militaire française.
Démokos-Gaye, l’esprit échauffé :C’est qui ce mercenaire avec sa petite plume qui veut réécrire notre histoire ?
Ulysse-Sarr, le poing serré :Qu’il vienne au Sénégal, ce « Fantassin parisien » ! Tous au Dialogue national !
Agamemnon-Sall, le sourire en coin :Regardez comme ils se divisent ! Notre géologue-président et prince-président est un génie !
Hector-Wade :Vos cœurs sont remplis d’amertume. Vos parcours politiques sont semés de frustrations. Le PDS a bien traversé des tempêtes depuis ses 45 ans. Ceux qui parlent de léthargie du parti, utilisaient déjà les mêmes termes avant 2000, en 2007.
La voix du Peuple-Marius :Oh ! Oh ! Oh ! Il n’y a pas pire que l’ami menteur !
La Guerre :La guerre est prête !
La voix du Peuple-Marius :Aliou Sall, Diokhma sama 400.000 FCFA !
Agamemnon-Sall :Rambadj ! Nafeck ! Embarquez-les à la Bastille-Rebeuss !
Un Citoyen-Amadou :La guerre aura donc lieu !
Epilogue : L’indépendance des esprits
La foule est dispersée. L’esprit de « La paix » s’évapore avec tristesse. Celui de « La Guerre » s’en va l’air grave et responsable. Agamemnon-Sall se retire avec Ulysse-Sarr, en fanfaronnant ; Hector-Wade et Démokos-Gaye se tournent le dos à tout jamais. Quelques jours plus tard à Kébémer, deux frères se retrouvent.
Le petit frère :Pourquoi m’as-tu abandonné en juillet 2007 ? Au moment où j’avais le plus besoin de toi ! Cette guerre fratricide entre mes héritiers n’en finit pas.
Le grand frère :Tu les as tous trop choyés. Ils t’ont tous trahis et le font encore au sein du PDS, sans vergogne. Ils étaient bien trop jeunes quand tu as pris le pouvoir. Le Sénégal d’aujourd’hui en paie un lourd tribut.
Le petit frère :Les fauteurs de troubles du PDS s’assoient comme des oisifs sur mon héritage ! Ils ne rêvent que de postes, mais incapables d’innover, de proposer…Ils répandent l’idée que le PDS est en léthargie, mais c’est eux qui sont depuis toujours dans une somnolence complice et paresseuse. Leur seule ambition, c’est un retour en arrière lorsque le PDS était un parti de contribution.
Le grand frère :Tu les as tous traités comme tes fils. Peut-être qu’au final se sont-ils vraiment pris pour tes vrais enfants. Cela relèverait d’un délire psychotique !
Le petit frère :Les ennemis de mon fils, qu’ils soient au sein du PDS ou au pouvoir, utilisent toujours la même rhétorique pour les métisses : des traitres, des lâches. Ils profitent de notre imaginaire issu des Signares. Je suis nostalgique de mes passes d’armes avec Senghor. C’était d’une autre qualité. Aujourd’hui, ils sont tous devenus matérialistes et jaloux. Ce monde me fait peur !
Le grand frère :Pourquoi mon neveu se serait-il jeté dans la gueule du loup alors que les opposants admis à concourir à la présidentielle avaient refusé d’appliquer la résolution du C25 de tous boycotter l’élection ?
Le petit frère :Nous sommes un pays de sacrifices et de lutte ! Certains sénégalais aiment les combats de Modou Lô ! Ils sont avides de sang ! Ils voulaient une bataille épique entre Karim et Macky Sall. Alors qu’ils seraient tranquillement restés chez eux ! La presse en aurait fait ses choux gras ! Le jeu en valait-il la chandelle ? Notre famille a déjà connu la prison, père et fils.
Le grand frère :Nous payons nos silences sur la dévolution monarchique, sur ton voyage en Guinée pour répondre à l’appel de paix formulé par Alpha Condé, sans deal. Tout est déformé au Sénégal. Tout est palabre !
Le petit frère :Oui, nos parents nous ont appris à nous emmurer dans le silence et à ne jamais répondre aux provocations, à la futilité en général ! Je l’ai transmis à mes enfants. Sans doute notre éduction morale ne convient-elle plus au monde d’aujourd’hui.
Le grand frère :Tout se dévoile aujourd’hui, les comploteurs, les jaloux, les frustrés. Ceux qui te séparent de ton fils, se voient plonger dans des affaires politico-financières dont ils ne verront jamais la fin ! Ceux qui complotent derrière ton dos, sont condamnés à l’oubli politique. Il y a une justice divine.
Le petit frère :Les fauteurs de troubles du PDS n’ont jamais été capables de construire leur propre destinée politique sans moi ! J’ai pourtant enseigné l’indépendance des esprits, pour ne jamais jalouser l’autre, pour éviter la tentation facile du bouc émissaire, pour écrire sa propre page de vie politique. Ils n’ont pas retenu ma leçon ! Heureusement, je sens le souffle d’une nouvelle génération politique qui se lève et qui, elle, aspire à être indépendante, créative. La bataille sera rude, mais j’ai bon espoir !
Toute ressemblance avec des personnes existantes et des faits réels est purement fortuite.
L'ancien PDG CNRA, PDG et Fondateur du Groupe Sud Communications, a invité solennellement le Front Citoyen pour la libération de Khalifa Sall pour non seulement signer la pétition mais surtout apporter tout son soutien au Front
M. Babacar Touré, ancien PDG CNRA et actuel PDG et Fondateur Groupe Sud Communications, a invité solennellement le Front Citoyen pour la libération de Khalifa Ababacar Sall pour non seulement signer la pétition mais surtout apporter tout son soutien au Front et apprécier l’élan de solidarité des citoyens sénégalais à l’endroit du Député-Maire et ses co-détenus Mbaye Touré, Yaya Bodian..
Babacar Touré a renouvelé son engagement à promouvoir le respect des droits de l’homme en général et à M. Khalifa Sall en particulier.
Pour rappel, la pétition est à environ 300.000 signatures de sénégalais de tout bord, un record rarement atteint au Sénégal. Le Front interpelle encore une fois le chef de l’Etat pour user des prérogatives que lui confèrent les citoyens sénégalais à travers l’article 47 de la Constitution pour libérer M. Khalifa Sall immédiatement et sans condition.
par Régis Fagbemi
L'AFRIQUE SE REBIFFE
De plus en plus d'États africains refusent la mainmise étrangère sur leurs ressources naturelles. Ils veulent préserver leurs finances, leur population et leur environnement
Le Point Afrique |
Régis Fagbemi |
Publication 08/08/2019
À l'heure où de très légitimes inquiétudes se manifestent quant au caractère « fini » des ressources naturelles offertes par notre planète, l'Afrique fait, plus que jamais, figure d'eldorado. On trouve du cobalt – un minerai indispensable à la fabrication de nos smartphones – au Rwanda et en République démocratique du Congo (RDC). Mais aussi des diamants au Botswana, en Afrique du Sud et en RDC, de l'or au Ghana, de l'uranium au Niger et en Namibie, du platine en Afrique du Sud, du gaz naturel au Mozambique, en Algérie et en Égypte, et, bien sûr, du pétrole au Nigeria et en Angola. Le sous-sol du continent regorge de ressources, attirant la convoitise, pour ne pas dire la rapacité, de mains étrangères et groupes internationaux aux méthodes souvent contestables.
Depuis longtemps, l'exploitation des richesses naturelles de l'Afrique rime en effet avec pillages en règle et ravages écologiques, au seul profit d'une infime minorité, et au détriment de tous les autres. La corruption, véritable fléau endémique sur le continent, est bien entendu responsable d'une grande partie du détournement des retombées économiques de ces activités, mais pas seulement. Face aux bataillons de juristes et d'avocats défendant les intérêts de multinationales avides de leurs ressources, les États africains se retrouvent bien souvent désarmés. Et impuissants, faute de disposer d'administrations, d'experts et de spécialistes à même d'imposer leurs conditions lors de négociations commerciales. Victimes, in fine, d'une spoliation généralisée.
La fatalité n'est pourtant pas de mise. Depuis plusieurs années, les États du continent haussent le ton et se battent pour se réapproprier leurs propres ressources. Créée en 2010 sous l'égide de la Banque africaine de développement (BAD), la Facilité africaine de soutien juridique (ALSF) accompagne les gouvernements africains dans la négociation de transactions commerciales complexes. Objectif revendiqué : pallier l'asymétrie de capacités de négociations entre autorités africaines et investisseurs étrangers, en apportant à ses pays membres régionaux (PMR) une assistance juridique et technique dans de nombreux domaines stratégiques : gestion de l'endettement, passation des contrats d'exploitation de ressources naturelles, renégociation de contrats abusifs, etc. De quoi, en somme, garantir davantage d'équité et d'équilibre entre les diverses parties.
Forte de presque dix ans d'expérience, la Facilité compte aujourd'hui plus d'une cinquantaine de membres, parmi lesquels 47 États africains et cinq organisations internationales. Son portefeuille est désormais riche de plus de 40 projets. L'ALSF soutient, par exemple, le gouvernement rwandais dans le cadre d'un projet de construction d'une centrale de production d'énergie sur le lac Kivu, d'une valeur de 200 millions de dollars. Elle intervient également au Togo, où elle a récemment mené une mission visant à renforcer le cadre juridique, contractuel et institutionnel lié au secteur pétrolier. Elle séduit de nouveaux membres, comme le Zimbabwe, qui vient de ratifier l'accord portant sur la création de l'ALSF.
Le Sénégal, le Maroc et la Guinée : des exemples de pays en action pour reprendre le contrôle de leurs ressources
Si l'aspect technique lié aux négociations commerciales demeure crucial, la volonté politique l'est tout autant, si ce n'est davantage. C'est ce que démontre le président sénégalais Macky Sall, qui, le 3 juillet à Dakar, a réaffirmé sa « volonté (…) de mettre (son) pays à l'abri de convulsions symptomatiques de l'exploitation du pétrole et du gaz dans certains pays développés ou en développement ». « Trop conscient de l'importance de ces actes qui engagent le présent et l'avenir », le chef d'État sénégalais a déclaré vouloir ne pas « laisser le moindre hasard porter atteinte à ces intérêts vitaux ». « Je veux un Sénégal prospère où les ressources naturelles, propriété du peuple en vertu de la Constitution, profitent à toutes les composantes de la nation », a encore assuré un Macky Sall invitant à faire « preuve d'humilité et de prudence » lors des négociations concernant « ce secteur si stratégique ».
Au Maroc aussi, la question de la meilleure gestion des ressources naturelles fait la une. À l'initiative du ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, quelque 67 000 hectares de terres collectives vont ainsi être « rendus » aux paysans marocains qui les cultivent depuis toujours sans pourtant jouir de leur propriété. Une insécurité foncière hautement préjudiciable à l'investissement et à la mise en valeur de ces terres. « Ce que nous vivons est une rupture par rapport au passé de la gestion des terres collectives », s'est félicité le ministre, selon qui 30 000 agriculteurs seront bénéficiaires de ce programme de « melkisation ». M. Akhannouch a également obtenu, en janvier dernier, la renégociation favorable de l'accord de pêche liant son pays à l'Union européenne (UE), qui devrait entraîner d'importantes retombées économiques pour le Maroc tout en assurant la durabilité de cette activité. Une nouvelle phase dans la coopération entre Bruxelles et Rabat, dans laquelle le Maroc a habilement fait valoir ses intérêts.
En Guinée enfin, de très notables progrès ont été enregistrés dans la gouvernance du secteur minier, selon une ONG indépendante, l'Institut de gouvernance des ressources naturelles (NRGI). Grâce notamment à une plus grande transparence dans le processus d'octroi des titres miniers, désormais publiés sur Internet, à la publication des statistiques minières ou encore à des audits réguliers, le pays a gagné 12 points en deux ans sur l'Indice de gouvernance des ressources naturelles (RGI). Les revenus du secteur extractif ont ainsi enregistré un bond de 46 % et leur contribution au budget national est passée de 25 % à 32 %. « La mise en œuvre de la redistribution des revenus miniers aux communes (…) est en cours en Guinée », se réjouit l'un des dirigeants de NRGI, parlant « d'opportunité historique pour la Guinée de réduire sensiblement le gap résiduel entre les règles et les pratiques, et de permettre à l'ensemble des populations guinéennes de bénéficier directement de l'exploitation minière ».
Régis Fagbemi est Chargé de cours en finance au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), formateur à l'Entreprise d'entraînement pédagogique d'Orléans, consultant en économie et finance.
par Adama Wade
AU NOM DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DU DROIT À LA VIE PRIVÉE
Controversé en raison de sa double casquette conflictuelle de journaliste et consultant, d’opposant et d’activiste, Adama Gaye n’en reste pas moins utile dans le difficile débat politique et économique au Sénégal et en Afrique
Financial Afrik |
Adama Wade |
Publication 08/08/2019
L’arrestation du journaliste Adama Gaye, le 29 juillet 2019 à Dakar (Sénégal), par la Division des investigations criminelles (DIC) sur ordre du procureur de la République, et son placement en garde à vue après son audition, d’abord sous le coup des articles 80 et 256 du code pénal sénégalais sur les délits «d’offense au Chef d’Etat» et d’atteinte «aux bonnes mœurs», ce dernier étant abandonné finalement au profit du délit d’atteinte à la sûreté intérieure”, interpelle diversement l’opinion publique sénégalaise et, au delà, internationale, RSF et Amnesty International ayant appelé à sa libération dès les premières heures de son interpellation.
Selon son avocat, le journaliste aurait rejeté la paternité d’un des posts publiés sur sa page Facebook, car ne correspondant pas à son style. Face aux enquêteurs, l’ancien directeur de la communication d’Ecobank aurait déclaré que son compte, où était publiée une série de messages sur la vie privée du président sénégalais, Macky Sall, a été probablement piraté et qu’il allait déposer une plainte contre X. Un argument qui n’a pas convaincu le doyen des juges qui a inculpé Adama Gaye des délits «d’offense au Chef d’Etat» et ‘atteinte à la sûreté intérieure”.
Au lendemain de cette inculpation, qui a vu le célèbre journaliste rejoindre la prison de Rebeuss le temps que l’instruction soit bouclée , les avis sont partagés. Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, s’attirant les foudres de la Défense qui évoque une violation grave de la présomption d’innocence, dit assumer “totalement” sa responsabilité dans cette affaire, ajoutant que la justice “n’autorisera plus quiconque, quel que soit son statut, de fouler aux pieds, par ses paroles ou ses actes, les fondamentaux de la République”.
Un avis relayé par le chroniqueur Babacar Justin Ndiaye qui considère sur la télévision TFM que le président de la République, clé de voûte des institutions, devrait être au dessus de la mêlée tout en regrettant cette non exception sénégalaise qui vaut que le chef de l’Etat soit aussi le chef d’un parti politique.
D’autres observateurs rappellent que le journaliste est comptable de ses écrits. ” M. Gaye a écrit en tant que citoyen libre et doit assumer la responsabilité de ce qu’il dit, écrit, diffuse, publie… Il en est ainsi pour tout le monde”, réagit Racine Talla, Directeur de la RTS (Télévision Sénégalaise) sur les colonnes de Dakar Actu.
Autre avis relayé, celui de Madiambal Diagne, président du bureau international de l’Union de la presse francophone, qui s’est fendu d’un “quand on est journaliste, on l’exerce!”, en ignorant, sans doute, les nombreuses contributions et chroniques de Adama Gaye dans la presse internationale et africaine et ses essais sur les relations internationales, notamment sur le rapport Chine-Afrique. “Depuis 30 ans il n’est plus dans l’exercice du journalisme. C’est un homme d’affaires, un lobbyiste. Personne ne va le soutenir sur cette affaire”, ajoute Madiambal Diagne, invité sur la chaîne de télé TFM.
Pour sa part, Adama Gaye s’estime persécuté pour ses idées: « Je me considère comme un prisonnier d’opinion, un détenu politique retenu pour ses écrits basés sur des faits précis, des questions vitales par rapport à la souveraineté nationale du Sénégal, notamment la gestion des hydrocarbures », a –t-il déclaré mardi à l’AFP, en présence de son avocat.
Fragile équilibre entre liberté d’expression et droit à la vie privée
Dans le fond, cette affaire qui fait grand bruit au Sénégal relève d’un débat contemporain sur le fragile équilibre entre la liberté d’expression et le respect de la vie privée. En général, si les délits d’offense au chef d’Etat ont tendance à disparaître dans le code pénal des pays à démocratie avancée (Union Européenne), les dispositions, beaucoup plus récentes, relatives à la protection de la vie privée ont, elles, tendance à s’y renforcer.
La divulgation d’informations personnelles, y compris sur le goût ou les manières est punie plus sévèrement que l’offense au chef d’Etat, qui, elle, moins démocratique que l’atteinte à la vie privée, rappelle le crime de lèse-majesté dans la république.
En France, pays qui a inspiré au Sénégal son code de la presse et son code pénal, l’un des derniers cas de condamnation relatifs au délit de l’offense au chef de l’Etat concernait l’affaire de la pancarte “Casse toi pauv’con” brandi en août 2008 envers le président Nicolas Sarkozy. Aux contraires de ses prédécesseurs, François Mitterrand et Jacques Chirac, qui ont toujours refusé de faire recours à cette extrémité, Nicolas Sarkozy ne lâche pas le morceau. La justice fera condamner l’auteur de la pancarte à une amende de principe de 30 euros pour offense au chef de l’Etat. (le parquet avait requis 1000 euros). La décision avait été confirmée en appel.
En mars 2013, la Cour Européenne des Droits de l’Homme condamne à son tour la France dans cette affaire, estimant que le recours à une sanction pénale était disproportionné pour une critique de nature politique. Pour la CEDH, la phrase en cause était “littéralement offensante à l’égard du Président de la République”, mais elle ne constituait pas pour autant “une attaque personnelle gratuite”.
Bref, aux yeux de cette cour européenne, une telle condamnation allait à l’encontre de la liberté d’expression, fondement de la démocratie. Les juges ont estimé que la sanction pénale dans un tel cas serait susceptible d’avoir un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d’intérêt général. Conséquence, la France a abrogé toutes les dispositions relatives à l’offense au chef de l’Etat dès avril 2013.
Mais, en dépit de cette mise à niveau juridique par rapport aux normes européennes, l’Hexagone ne badine toujours pas avec ceux qui importunent le premier magistrat de la République. Le doigt d’honneur récent d’un illustre anonyme envers Emmanuel Macron a valu à son auteur une condamnation sous le coup d’outrage à a une personne dépositaire de l’autorité publique (passible de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende).
Certes, en Afrique et au Sénégal l’on n’en est pas encore là, l’offense au chef de l’Etat restant un délit à la dimension sans doute du poids de l’exécutif dans un contexte de démocratie en construction. Le débat sur l’opportunité du maintient de l’article 80 dans le code pénal sénégalais est vieux mais n’a pas connu d’avancées significatives entre les deux alternances.
il est utile, estime un constitutionnaliste, de privilégier la liberté d’expression sur l’offense au chef d’Etat tout en renforçant le droit à la vie privée à l’heure du développement des réseaux sociaux. “Dans plusieurs pays , l’on assiste à de vraies interrogations sur la soustraction des délits d’njure et de diffamation dans le code de presse pour en donner l’exclusivité au code pénal. Il s’agit d’une régression de la liberté d’expression mais en même temps c’est la conséquence du glissement de la profession des journalistes et de l’explosion des réseaux sociaux où tout un chacun se croit libre d’émettre des allégations ou opinions sur des personnes, fussent-elles anonymes”.
Au delà de la nature réelle des faits qui lui sont reprochés (et qui relèvent du secret de l’instruction), Adama Gaye reste avant tout un agitateur d’idées, un polémiste (qualificatif qu’il rejette avec vigueur) à front sur plusieurs sujets dont la gestion des ressources pétrolières et gazières du pays. Controversé aussi, en raison de sa double casquette conflictuelle de journaliste et consultant, d’opposant politique et d’activiste, Adama Gaye n’en reste pas moins utile dans le difficile débat politique et économique au Sénégal et en Afrique.
Ramant à contre-courant du consensus entre médias et pouvoirs, Adama Gaye avait consacré l’une de ses dernières sorties à la ZLECA, à ses yeux, une “farce africaine”. Aussi, tout en rappelant la nécessité de la préservation du droit à la vie privée et du respect des institutions démocratiques , nous appelons à la libération d’ Adama Gaye au nom de cette liberté d’expression si nécessaire et si vitale et qui d’ailleurs constitue l’une des forces du Sénégal.
Directeur de publication de Financial Afrik. Dans la presse économique africaine depuis 17 ans, Adama Wade a eu à exercer au Maroc dans plusieurs rédactions. Capitaine au Long Cours de la Marine Marchande et titulaire d’un Master en Communication des Organisations, Adama Wade a publié un essai, «Le mythe de Tarzan», qui décrit le complexe géopolitique de l’Afrique.
LA LISTE EXHAUSTIVE DES BOURDES DU PROCUREUR
Ces six dernières années (2013-2019), Serigne Bassirou Guèye s’est distingué par un «manque de résultats» sans précédent, perdant de nombreux grands dossiers
L’affaire Guy Marius Sagna/Adama Gaye est la dernière pour laquelle le procureur de la République de Dakar a fait montre d’une bourde dans la conduite des dossiers judiciaires en instance. Comme écrit par WalfQuotidien dans son édition n°8209 du mardi 6 août 2019, la confusion terrible entre les articles 80 (atteinte à la sûreté de l’Etat) et 254 du Code pénal (offense au chef de l’Etat) et l’erreur de qualification des faits reprochés à Guy Marius Sagna sont peu honorables et tendent à remettre en cause la respectabilité de l’institution judiciaire.
Affaire Petro-Tim
Quelques semaines auparavant, le chef du parquet de Dakar s’était signalé dans l’affaire Petro-Tim. Après sa laconique conférence de presse au cours de laquelle il avait annoncé le retour des rapports de l’Ofnac aux enquêteurs pour vice de forme, trois démentis ont suivi, les uns aussi magistraux que les autres. D’abord, celui de la présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), Seynabou Ndiaye Diakhaté, qui l’a renvoyé dans ses cours de droit. Elle lui a indiqué la voie à suivre en la matière. Seynabou Ndiaye Diakhaté, en bon ancien doyen des juges d’instruction qu’elle fut, de rappeler ainsi au procureur de la République qu’il devait plutôt saisir un juge d’instruction pour l’ouverture d’une information judiciaire, parce qu’il ne lui appartenait pas de faire retourner le rapport à l’envoyeur. «J’ai beaucoup de respect pour mon collègue le procureur de la République, mais ça m’étonnerait qu’il puisse nous retourner nos dossiers d’enquête. La procédure pénale en cours à l’Ofnacn’est pas celle qui est prévue dans le Code de procédure pénale. L’Ofnac ne travaille ni sous l’autorité, ni sous la direction du procureur de la République. Ce sont les officiers de Police judiciaire et les agents de Police judiciaire qui travaillent sous son autorité. Le dossier du Coud a été transmis au Procureur depuis 4 ans. Lui-même, il dit avoir reçu 19 rapports de l’Ofnac dont celui de Pétro-Tim. Et aucun dossier n’a été exploité. Je l’invite plutôtà saisir un juge d’instruction», avait en son temps répliqué la présidente de l’Ofnac, en marge de l’atelier de validation technique du rapport sur la stratégie nationale de lutte contre la corruption.
Avant elle, l’ancien procureur de la République, Mme Dior Fall Sow, avait renvoyé Serigne Bassirou Guèye à ses cours alors que Mody Niang était allé dans le mêrme sens que la présidente de l’Ofnac, en rappelant en tant que membre, au moment des faits, de cet organe de lutte contre la corruption que Cheikh Oumar Anne, ancien Dg du Coud, avait bel et bien été entendu dans le rapport. Mais ce n’était pas la première fois que le procureur était recadré de cette manière.
La bourde au procès Khalifa Sall
Au procès Khalifa Sall, le procureur de Dakar s’est vu reprocher d’être le bras armé de l’Exécutif, en vue de neutraliser l’ex-édile de Dakar. Mais, en tentant de se laver à grande eau, il a commis une grosse bourde qui retentit toujours. «Je comprends l’attitude des gens qui occupent cette salle car pour la plupart, ils sont des amis, des parents, des travailleurs et des sympathisants des prévenus. La défense tout ce qui l’intéresse aussi, c’est de voir leurs clients être libres. Je continuerai à recevoir des coups et je le supporterai. Mais j’ai confiance en moi, car je savais qu’en prenant ce dossier, il y a un défi à relever. Je me suis dit qu’au niveau de la caisse de la mairie ou de l’Etat, il y a un déficit de 1,8 milliard de FCfa et les coupables seront condamnés. Et tout est bon dans ce dossier comme dans un cochon. Et qui est plus indépendant que le doyen des juges d’instruction, qui a entendu les prévenus avant de les placer sous mandat de dépôt. Et plusieurs juges ont travaillé dans le dossier au cours de l’instruction, et l’un d’eux fait partie de la composition du tribunal», a dit Serigne Bassirou Guèye, avant que le tonitruant Me Ousseynou Fall, un des conseils de Khalifa Sall, ne bondisse de sa chaise pour lui couper la parole: «Répétez Monsieur le Procureur ce que vous venez de dire tout à l’heure», lui intime la robe noire. «Me Ousseynou Fall attendez qu’il termine pour prendre la parole», recadre le juge Malick Lamotte. «Je parle pour l’intérêt de mes clients qu’il continue d’insulter, car un juge qui a pris connaissance d’un dossier au cours de l’instruction ne doit pas siéger devant ce tribunal», insiste Me Ousseynou Fall, avant que le public ne lâche des huées à endroit du Procureur.
Mais après avoir fait revenir le calme dans la salle, le Procureur à qui le juge Malick Lamotte a demandé de repréciser sa pensée, a fait un revirement à 180°. «Je n’ai pas dit ça, j’ai dit que plusieurs juges ont travaillé dans ce dossier au cours de l’instruction. Et j’ai enregistré mes propos», précise Serigne Bassirou Guèye. Et Malick Lamotte de mettre en confiance la défense : «Je parle sur la foi de mon serment. Me Ousseynou Fall, ni moi, ni mes assesseurs n’ont eu connaissance de ce dossier au cours de l’instruction. Et j’apprécie positivement ton comportement, car tu as fait preuve de sincérité et de franchise. Tu aurais pu te taire et continuer à nous le reprocher sans le dire, alors que tel n’est pas le cas. C’est pourquoi je tiens à la sérénité des débats ».
L’affaire Bassirou Faye et le «bon suspect» du procureur
Dans l’affaire Bassirou Faye consécutive au meurtre de l’étudiant de l’Ucad en 2014, le «bon suspect» du procureur, Tombong Oualy en l’occurrence, n’en était pas un, en vérité. «Nous tenons le bon suspect», avait-il crié à l’occasion d’une conférence de presse. Au final, le doyen des juges a inculpé deux autres policiers (Saliou Ndao et Mouhamed Boughaleb) et blanchi le bon suspect du procureur qui sera par la suite réintégré dans la Police. L’affaire s’est soldée par une condamnation du policier Boughaleb à 20 ans de travaux forcés, en première instance. Une peine revue à la baisse de moitié en appel.
Dossier Plan Jaxaay
Le procureur Serigne Bassirou Guèye avait piloté le dossier Plan Jaxaay en premier, avant de le confier au juge d’instruction du 2e cabinet. Il s’agit d’un cas d’«escroquerie portant sur des deniers publics» à hauteur de 42 millions FCfa dont l’ancienne sénatrice libérale était accusée. Le procureur avait évalué les bijoux d’Aïda Ndiongue à 15 milliards Fcfa, avant même qu’un bijoutier n’en fasse l’expertise qui prouvera que les bijoux en question valaient seulement 2 milliards FCfa. Au procès, Aïda Ndiongue sera relaxée purement et simplement par les juges qui n’ont retenu aucun grief contre elle. Une décision qualifiée de «troublante» et de «surprenante» par le procureur dans un communiqué, ce qui avait en son temps irrité l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Jamais une décision de justice n’a autant créé un tremblement de terre dans la Justice. A l’assemblée générale de l’Ums, le juge qui avait rendu la décision de relaxe, s’en est pris au procureur à qui il a demandé des explications.
Imam Ndao et Cie
Malgré tout le ramdam entretenu dans l’histoire des présumés terroristes parmi lesquels Imam Ndao et ses partisans, la plupart d’entre eux ont été innocentés à l’issue du procès. Malgré la forte médiatisation de ce dossier et les graves accusations portées contre eux, ils seront acquittés par la Chambre criminelle au terme d’un procès avec 32 autres accusés. L’accusation s’affaisse comme un château de cartes. Au total, 15 accusés seront remis en liberté par les juges.
Abdoul Mbaye
En voilà un autre dossier piloté par le procureur qu’il a fini par perdre. Que n’a-t-il pas raconté au sujet de cette affaire lors de sa conférence de presse de mars 2017 consacrée à l’affaire Khalifa Sall. Sans respect pour la présomption d’innocence selon les avocats de la défense, le procureur avait accusé l’ancien Premier ministre d’avoir falsifié son certificat de mariage pour contracter un autre mariage, alors qu’il avait auparavant signé le régime de la communauté des biens en optant pour la monogamie. Abdoul Mbaye a tout simplement été relaxé en première instance avant que le parquet ne fasse appel. Hier, la Cour d’appel a condamné le prévenu à 1 ans avec sursis et à payer des dommages et intérêts à son ex-épouse. La défense a aussitôt annoncé un pourvoi.
Les vrais «faux billets» de NgaakaBlindé
Après un an de détention, Baba Ndiaye alias NgaakaBlindé a été renvoyé des fins de la poursuite. Accusé de faux billets évalués à 5 millions Fcfa, le juge a estimé qu’il ne s’agissait pas de faux billets en réalité. Un prétexte pour la défense d’accuser le parquet d’avoir validé et cautionné le mauvais travail des enquêteurs.
BoyDjinné presque libre
Le parquet de Dakar aura tout fait pour le maintenir le plus longtemps possible en prison, mais le destin semble en décider autrement. Parce que toutes les procédures intentées contre Baye Modou Fall alias BoyDjinné tombent à l’eau. Relaxe, acquittement et annulation de procédure pour vice de forme, le célèbre pensionnaire du Camp pénal Liberté 6 semble tenir le bon bout. Le dernier subterfuge du parquet pour prolonger son séjour carcéral a été de demander une nouvelle inculpation pour «blanchiment d’argent». Une nouvelle donne survenue à la fin de l’instruction dans le dossier relatif au cambriolage présumé à la Sodida. BoyDjinné qui espère sortir de prison avant 2020, a gagné 4 procédures.
LA LUTTE CONTRE L’INSALUBRITÉ, UN COMBAT NATIONAL IMPÉRATIF
Macky Sall souhaite "mettre fin à l’encombrement urbain, à l’insalubrité, aux occupations illégales de l’espace public et aux constructions anarchiques dans des zones inondables", des difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses villes sénégalais
Diamniadio, 8 août (APS) – La lutte contre l’insalubrité, au-delà du fait d’être un défi quotidien, est devenu aujourd’hui, ’’un combat national impératif ’’et ’’non négociable’’, a soutenu, jeudi, le président de la République.
’’La propreté n’est pas seulement un défi au quotidien, elle n’est pas simplement un enjeu environnemental (…) elle est devenue aujourd’hui un combat national. C’est un impératif et ce n’est pas négociable’’’, a dit Macky Sall, à l’occasion du lancement de la campagne nationale de promotion de la propreté (CNPP).
Lors de sa prestation de serment le 2 avril, le président de la République évoquant les priorités de son quinquennat, avait promis de "forger l’image d’un nouveau Sénégal, un Sénégal plus propre dans ses quartiers, ses villages, ses villes. En un mot, un Sénégal avec zéro déchet". Selon lui, "des mesures vigoureuses" seront prises pour y arriver.
Macky Sall souhaite "mettre fin à l’encombrement urbain, à l’insalubrité, aux occupations illégales de l’espace public et aux constructions anarchiques dans des zones inondables", des difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses villes sénégalaises.
’’(..) nous y voilà, pour le lancement de la campagne nationale de promotion de la propreté’’, a dit le chef de l’Etat, au Centre de conférences Abdou Diouf de Diamniadio , soulignant que ’’la propreté est fondamentalement un enjeu sanitaire, une exigence socio-culturelle et également économique de haute portée pour l’image et le rayonnement international de notre pays’’.
Pour le président de la République, ’’le Sénégal propre doit interpeller nos consciences et impulser un sursaut collectif exceptionnel pour lutter contre l’insalubrité’’.
Macky Sall a réaffirmé ’’l’engagement de l’Etat à jouer pleinement son rôle en tant que garant de l’hygiène publique’’.
’’Pour ce faire, nous devons changer de paradigmes et nous convaincre, une fois pour toute, que l’insalubrité et l’occupation anarchique des espaces publics constituent encore des défis majeurs pour notre pays’’, a t-il souligné.
Le chef de l’Etat a déploré ’’les effets néfastes’’ des déchets divers, des eaux usées, du fléau du plastique sur le cadre de vie.
’’Nos paysages et cadres de vie sont altérés par les effets néfastes des déchets divers, des eaux usées, du fléau du plastique, des pollutions d’origines multiples et des nuisances de toute sorte’’, a t-il dit.
A cela s’ajoutent ’’une urbanisation mal maitrisée et nos nouvelles habitudes non viables de production et de consommation’’, a relevé le chef de l’Etat.
Ces situations, selon le chef de l’Etat, ’’impactent négativement l’image de nos villes, de nos quartiers, de nos villages. Elle affecte également la qualité de vie des populations ainsi que la performance de plusieurs secteurs névralgiques de développement socio-écologique’’.
Pour Macky Sall, il faut ’’inscrire toutes les actions des différents acteurs publics, privés et sociaux dans la durabilité’’.
Il faut aussi ’’assurer un suivi régulier des sites nettoyés en développant l’aménagement paysager des espaces publics et en assurant surtout, l’ancrage d’une véritable économie circulaire dans le secteur porteur de la propreté et de la gestion des déchets (nettoyer, collecter, pré collecter, traiter, recycler et valoriser)’’.
SADIO MANÉ PARMI LES NOMINÉES
L’international sénégalais, Sadio Mané est le seul footballeur africain nominé aux côtés de Lionel Messi et Cristiano Ronaldo.
L’UEFA vient de dévoiler les noms des nommés aux titres de meilleur gardien, meilleur défenseur, meilleur milieu et meilleur attaquant pour la saison écoulée en Ligue des Champions, qui a vu la victoire de Liverpool.
L’international sénégalais, Sadio Mané est le seul footballeur africain nominé aux côtés de Lionel Messi et Cristiano Ronaldo.
Les vainqueurs seront désignés le jeudi 29 août, à Monaco, lors du tirage au sort de la phase de poules de la prochaine C1.
Les nommés :
Gardiens : Alisson Becker (Liverpool), Hugo Lloris (Tottenham), Marc-André ter Stegen (Barcelone) ;
Défenseurs : Trent Alexander-Arnold (Liverpool), Matthijs de Ligt (Ajax, désormais à la Juventus), Virgil van Dijk (Liverpool) ;
Milieux : Frenkie de Jong (Ajax, désormais à Barcelone), Christian Eriksen (Tottenham), Jordan Henderson (Liverpool) ;
Watford a annoncé la signature du Rennais Ismaïla Sarr, ce jeudi. L’attaquant sénégalais s’est engagé pour 5 ans. Le club breton va toucher plus de 30 millions d’euros.
Malgré la concurrence tardive de Crystal Palace, Watford, qui était tombé d’accord avec le joueur et le Stade Rennais depuis plusieurs jours, comme annoncé dans L’Équipe, a fini par avoir le dernier mot. Le club de la banlieue de Londres a officialisé l’arrivée d’Ismaïla Sarr, ce jeudi. L’attaquant international sénégalais (21 ans, 23 sélections), finaliste de la CAN, a signé un contrat de cinq ans.
Le club breton, qui avait acheté le joueur à Metz en 2017 pour environ 20 millions d’euros, va enregistrer une belle plus-value et pouvoir lancer son mercato. Le montant du transfert s’élève à 30 M€ + 5 en bonus. Il s’agit d’un record pour les Hornets, 11es de Premier League la saison passée.