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8 août 2025
PAR Zeinab Filali
L'UNITÉ AFRICAINE DE 1963 À NOS JOURS
Le 25 mai 1963 naissait l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Addis Abeba sous une règle canonique : l’intangibilité des frontières issues de la colonisation
Le 25 mai 1963 naissait l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Addis Abeba sous une règle canonique: l’intangibilité des frontières issues de la colonisation. La nouvelle organisation, plus fédérative que l’Union des Etats africains formés trois ans plutôt entre le Ghana, la Guinée et le Mali des révolutionnaires Kwamé Nkrumah, Sékou Touré et Modibo Keita, issue elle même de l’éphémère et symbolique Union Ghana-Guinée Conakry de 1958, se positionnait pour l’indépendance totale de l’Afrique et pour la concrétisation de l’unité politique et économique africaine.
L’acte de naissance de l’OUA fut signé par 32 pays dans un consensus relatif troublé par la fracture entre souverainistes et fédéralistes. Lors des discours de cette journée mémorable du 25 mai 1963, quelques frictions sont relevées entre l’Ethiopie et la Somalie à cause des frontières. Les problèmes de décolonisation seront à l’origine de la Reconnaissance de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) en 1984 entrainant le retrait du Maroc et le boycott temporaire du Zaïre. Sous le togolais Edem Kodjo, alors secrétaire général, l’organisation panafricaine alla plus loin en reconnaissant une entité encore aujourd’hui non reconnue par la Ligue Arabe et l’ONU. Le Maroc annoncera son intention de réintégrer l’organisation devenue l’UA, le 18 juillet 2016 lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement organisé à Kigali. L’Union africaine actera formellement ce retour le 30 janvier 2017.
Sur le plan économique, plusieurs traités furent signés entre les Etats-membres comme celui d’Abuja en 1991 prévoyant un marché commun à l’horizon 2025. La tentative la plus aboutie fut celle initiée par feu Mouammar Kadhafi le 9 septembre 1999 avec la déclaration de Syrte fixant l’objectif de la création d’une Union africaine. Le traité est signé le 11 juillet 2000 à Lomé, au Togo.
Ce n’est que le 9 juillet 2002, soit deux ans après la signature de son traité constitutif, que l’Union africaine s’est substituée à l’OUA. Un an plus tard, en juillet 2003, à l’occasion du sommet de Maputo (au Mozambique), furent mises en place certaines institutions dont la Commission de l’Union africaine, le Parlement panafricain et le Conseil de paix et de sécurité (CPS).Le 21 mars 2018, 44 États membres de l’Union africaine signent un accord établissant la Zone de libre-échange continentale, qualifié de «moment historique» par le président de la Commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat. La ZLEC devrait en principe entrer en vigueur entre le 4 et le 8 juillet 2019 prochains à Niamey à l’occasion du sommet des chefs de l’Etat de l’Union.
Basée à Casablanca, Zeinab Filali est journaliste et expert en communication financière
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SARKOZY-KHADAFI, DES BILLETS ET BOMBES
La BD est la mise en image de l'enquête journalistique (et judiciaire) qui a abouti à la mise en examen de l'ancien président français - Du lourd !
Sarkozy, Guéant, Takieddine, Djouhri et Kadhafi… Ce sont les héros de cette BD politico-financière qui affirme que "toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait non fortuite"… La BD "Sarkozy-Khadafi, des billets et des bombes" est la mise en image de l'enquête journalistique (et judiciaire) qui a abouti à la mise en examen de l'ancien président de la République. Du lourd.
La bande dessinée de plus de 200 pages, au trait efficace signé Thierry Chavant, raconte l'enquête qui a valu à Nicolas Sarkozy d'être mis en examen en 2018 dans l'affaire de financement de sa campagne électorale de 2007.
"On parle ici d'un ancien chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, et de ses proches soupçonnés d'avoir touché de l'argent d'une dictature, la Libye. (...) On parle d'une guerre, d'une intervention militaire en Libye, en 2011, déclenchée dans les conditions troubles", écrivent les auteurs, Fabrice Arfi (journaliste à Médiapart), Benoit Collombat et Elodie Guéguen (Radio France), Michel Despratx et Geoffrey Le Guilcher (journalistes indépendants).
Cette BD n'est pas une fiction. On est plus dans le document politique que dans l'imagination débridée d'un auteur de polar à succès... et pourtant tous les ingrédients d'une série télé sont là. Un président qui veut gagner son élection, un dictateur manipulateur, des seconds couteaux plus ou moins honnêtes, des hommes de l'ombre, des morts suspects, des agents secrets, des mallettes de billets et même une vraie guerre qui aboutit à la mort du dictateur (Kadhafi) détenteur de secrets compromettants...
L'histoire commence justement avec des scènes de la guerre de 2011 lors de la mise à mort de Kadhafi après une attaque d'avions français sur son convoi. A partir de cet épisode violent, les auteurs retracent les liens entre le dictateur libyen et Nicolas Sarkozy. Des liens qui commencent bien plus tôt, avant l'élection de 2007.
"Cette bande dessinée est le fruit de multiples témoignages recoupés et de documents authentiques, recueillis après plusieurs années d’enquête journalistique mais aussi judiciaire", écrivent les auteurs.
"On est dans une histoire de financement politique, de financement personnel et de trafic d'influence à l'échelle géopolitique", explique Fabrice Arfi.
L'arme de la bande dessinée est ici extrêmement utile pour résumer un dossier complexe, touffu, plein de rebondissements. "La force de la bande dessinée, c'est de rendre visibles, lisibles, des choses qui peuvent paraître lointaines, comme par exemple les mouvements financiers", précise Benoît Collombat.
Le résultat est diaboliquement efficace. L'histoire se déroule avec logique, les faits s'enchaînent avec la rigueur d'un impitoyable scénario. Les personnages prennent de l'épaisseur, gagnent en réalité par rapport à un article de journal. Au point qu'on se demande si tout cela est possible, tant le dossier est pesant et interroge sur notre démocratie.
Quant à la conclusion de cette histoire, toujours en cours d'instruction, ce sera aux juges d'en décider car aucune condamnation n'a pour l'instant eu lieu.
MACKY CÉLÈBRE LA JOURNÉE DE L'AFRIQUE
Je rends hommage aux pionniers du panafricanisme et aux pères fondateurs de l’Organisation continentale - Ensemble, continuons notre marche résolue vers le parachèvement du processus d’intégration africaine - COMMUNIQUÉ DE LA PRÉSIDENCE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du chef de l'Etat, marquant la célébration de la Journée de l'Afrique, ce 25 mai.
"À l’occasion de la célébration de la Journée de l’Afrique, marquant la naissance de l’Organisation de l’Unité Africaine le 25 mai 1963, j’adresse mes chaleureuses félicitations à tous les peuples africains.
Je rends hommage aux pionniers du panafricanisme et aux pères fondateurs de l’Organisation continentale. Ensemble, continuons notre marche résolue vers le parachèvement du processus d’intégration africaine ! "
PAR Aboubacar Demba Cissokho
ALIOUNE DIOP, FONDATEUR DE PRÉSENCE AFRICAINE
Le 2 mai 1980, disparaissait, à l’âge de 70 ans, ce professeur de lettres, historien, philosophe et éditeur ayant joué un rôle de premier plan dans l’émancipation de l’Afrique et de ses diasporas à travers la revue et la maison d’édition qu’il a fondées
Le 2 mai 1980, disparaissait, à l’âge de 70 ans, Alioune Diop, professeur de lettres, historien, philosophe et éditeur ayant joué un rôle de premier plan dans l’émancipation de l’Afrique et de ses diasporas à travers la revue et la maison d’édition ‘’Présence Africaine’’ qu’il a fondées à Paris. A l’annonce de sa mort, le président sénégalais Léopold Sédar Senghor saluait en lui « l’un des premiers militants et une sorte de secrétaire permanent du Mouvement de la Négritude ».
Lors des obsèques d’Alioune Diop, le 9 mai 1980 à Saint-Louis, le ministre d’Etat en charge de la Culture, Assane Seck, déclare : « Fortement enraciné dans les traditions de notre peuple et armé de principes moraux étayés sur le culte de l’honneur, du respect de soi et des autres, tels qu’il les voyait pratiquer dans la cellule familiale, le jeune Alioune Diop a affronté le Paris de l’entre-deux-guerres, déjà plein d’équilibre ».
« Aussi, quelque obstacle qu’il ait rencontré, quelque facilité qui l’ait tenté, quelque nostalgie du pays natal qui l’ait tourmenté, choisit-il avec lucidité, guidé par cette lumière intérieure dont sont pétries les grandes âmes, la porte étroite de l’effort soutenu, dans la grisaille des jours difficiles », ajoute le professeur Seck, qui a été plus tard – en 2010 – président du comité d’organisation du centenaire de la naissance d’Alioune Diop.
« Une vie entièrement consacrée aux autres »
L’historien et homme politique Cheikh Anta Diop, de son côté, dédie son livre Civilisation ou barbarie (Présence Africaine, 1981) à Alioune Diop, « en témoignage d’une amitié fraternelle plus forte que le temps » pour un homme qui est « mort sur le champ de la bataille culturelle africaine ».
« Alioune, tu savais ce que tu étais venu faire sur la terre : Une vie entièrement consacrée aux autres, rien pour soi, tout pour autrui, un cœur rempli de bonté et de générosité, une âme pétrie de noblesse, un esprit toujours serein, la simplicité personnifiée ! », écrit Cheikh Anta Diop qui s’interroge alors : « Le démiurge voulait-il nous proposer, en exemple, un idéal de perfection, en t’appelant à l’existence ? ».
« Hélas, il t’a ravi trop tôt à la communauté terrestre à laquelle tu savais, mieux que tout autre, transmettre ce message de vérité humaine qui jaillit du tréfonds de l’être. Mais il ne pourra jamais éteindre ton souvenir dans la mémoire des peuples africains, auxquels tu as consacré ta vie », se désole-t-il.
« Au vrai, résume Makhliy Gassama, ancien ministre de la Culture, Alioune Diop était un homme. Oui un homme dans le sens camusien et sartrien du terme. Il n’est pas facile d’être ‘’un homme de quelque part, un homme parmi les hommes’’, comme dit Sartre. Cette ambition implique l’engagement total dans la société, la lutte quotidienne contre les forces du mal, la quête obstinée d’un bien-être collectif, qui ne s’accomplit pas sans provoquer de redoutables et ignobles adversités ».
Avec « une pensée pieuse » pour Alioune Diop, Gassama souligne que celui-ci a vécu « pour l’Afrique, uniquement pour l’Afrique en s’oubliant ». « On peut dire qu’il est mort d’épuisement pour l’Afrique, à l’âge de 70 ans. »
Né le 10 janvier 1910 à Saint-Louis, Alioune Diop a effectué ses études secondaires au lycée Faidherbe (actuel lycée Cheikh Oumar Foutiyou Tall). Il fréquente ensuite les facultés d’Alger et de Paris, et y obtient une licence de lettres classiques ainsi qu’un diplôme d’études supérieures. Professeur de lycée, puis chargé de cours à l’Ecole coloniale, il est ensuite nommé chef du cabinet du gouverneur général de l’Afrique occidentale française (AOF).
« L’ambition d’un continent »
En 1947, Diop fonde, avec la collaboration de compagnons de lutte (Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, entre autres), la revue ’Présence Africaine’, une « extraordinaire tribune pour l’intelligentsia du continent africain et de la diaspora ; une tribune de haute qualité », selon Makhliy Gassama, président du comité scientifique du colloque qui a été consacré, en mai 2010 à Dakar, à l’œuvre d’Alioune Diop.
Dans son éditorial du premier numéro (novembre-décembre 1947), ‘’Niam n’goura ou les raisons d’être de Présence Africaine’’, Alioune Diop assigne ses objectifs à la revue. Il s’agit, selon lui, de « définir l’originalité africaine et de hâter son insertion dans le monde moderne ».
Alioune Diop réussit à y donner la parole aux colonisés, parce qu’il était « généreux, il était téméraire, rien pour lui, tout pour les autres : il portait en lui l’ambition d’un continent. C’est ainsi que son nom scintillera à jamais dans les pages de l’histoire de la décolonisation », avait indiqué M. Gassama, le 7 janvier 2010, lors de la conférence de presse de lancement des activités du centenaire de l’intellectuel africain, organisées par la Communauté africaine de culture (CAC).
En 1949, la Maison d’édition ’Présence Africaine’ ouvre ses portes. Romanciers, nouvellistes, conteurs, essayistes, poètes et penseurs du monde noir y trouvent un moyen de diffusion de leurs œuvres. Le premier ouvrage publié par les Editions Présence Africaine est La Philosophie Bantoue, du Révérend Père Placide Tempels, en 1949.
En 1954, ‘Présence Africaine’ édite Nations nègres et culture de Cheikh Anta Diop, ouvrage dans lequel l’historien sénégalais prend le contre-pied théorique de ce milieu solidement établi dans l’enceinte même de l’université française. Dans ce livre, l’auteur fait la démonstration que la civilisation de l’Egypte ancienne était négro-africaine. Le Martiniquais Aimé Césaire choisit, pour une deuxième édition de son Discours sur le colonialisme, en 1955, ‘Présence Africaine’.
Alioune Diop est, avec Léopold Sédar Senghor, Jacques Rabemananjara, Cheikh Anta Diop, Richard Wright, Jean Price-Mars, Frantz Fanon, l’un des instigateurs du premier Congrès des écrivains et artistes noirs, qui réunit, en septembre 1956 à la Sorbonne, les intellectuels noirs venus des Antilles françaises et britanniques, des Etats-Unis, des diverses régions d’Afrique (AOF et AEF, Afrique du Sud, Angola, Congo belge, Mozambique…) et de Cuba.
Dans son discours inaugural, Alioune Diop explique qu’il revient aux écrivains et aux artistes de « traduire pour le monde la vitalité morale et artistique de nos compatriotes, et en même temps de communiquer à ceux-ci le sens et la saveur des œuvres étrangères ou des événements mondiaux ».
Un « sage (…) d’une modernité qui bouleverse »
Ce premier congrès a donné naissance à « une arme culturelle redoutable contre le racisme ambiant, un outil qui a forgé des intelligences sur le continent : la Société Africaine de Culture (SAC) devenue la Communauté Africaine de Culture (CAC) », selon Makhily Gassama, qui précise que cette structure a à son actif le deuxième Congrès des écrivains et des artistes (1959 à Rome) et de nombreux autres congrès en Afrique comme le premier Congrès international des africanistes (1962 à Accra) ou le premier Congrès constitutif de l’Association des historiens africains (1972 à Dakar). S’y ajoutent le colloque sur le sous-développement (1959), le séminaire sur ‘’Civilisation noire et conscience historique’’ (1973 à Paris) ou le séminaire préparatoire au colloque ‘’Le journaliste africain comme Homme de culture’’ (1973), des tables-rondes et journées d’études.
Au premier Festival mondial des arts nègres de Dakar (avril 1966), Alioune Diop est parmi les maîtres d’œuvre. Il a la responsabilité du colloque portant sur le thème : ‘’Signification de l’art dans la vie du peuple et pour le peuple’’. Il préside l’association du festival. Il prolonge cette action jusqu’au Festival de Lagos (1977).
Aimé Césaire, lui, relève que la négritude de Diop était à l’opposé du racisme, soulignant que le directeur de ’Présence Africaine’ était « une des plus belles figures du monde noir ». « Son œuvre se confond tout entière avec son action, je devrais dire son apostolat. De l’apôtre, il avait la foi. Cette foi, bien entendu, c’était la foi en l’homme noir et en ce qu’on a appelé la négritude qui était à l’opposé du racisme et du fanatisme », poursuit-il.
Césaire ajoute que « Alioune Diop était un homme de dialogue, qui respectait toute civilisation ». « Il apparaîtra, j’en suis sûr, avec le recul du temps, comme un des guides spirituels de notre époque », souligne le poète martiniquais, tandis que l’écrivain béninois Olympe Bhêly-Quenum qualifie l’homme de « sage (…) d’une modernité qui bouleverse ».
« Nul de ceux qui l’ont connu et discuté avec lui ne saurait en douter », note Bhêly-Quenum, en rappelant cette phrase qu’Alioune Diop aimait répéter : « Chaque civilisation vivante assume sa propre histoire, exerce sa propre maturité, secrète sa propre modernité à partir de ses propres expériences, et de talents particuliers à son propre génie ».
Depuis la mort d’Alioune Diop, en 1980, sa veuve, Christiane Yandé Diop, a pris la relève au sein de la revue et de la Maison d’édition ’Présence Africaine’, poursuivant l’œuvre de celui qui, selon le mot du critique littéraire Mouhamadou Kane, a été « l’initiateur du prodigieux combat pour la culture africaine, le moteur de son épanouissement, le témoin passionné de l’émergence de l’Afrique culturelle ».
Plaque du centenaire d’Alioune Diop
Le 10 janvier 2010, une plaque commémorative du centenaire de la naissance du fondateur de ‘Présence Africaine’ avait été dévoilée à la maison familiale d’Alioune, rue Babacar Sèye à Saint-Louis. Il est inscrit sur la plaque découverte par le maire de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, et la veuve de l’homme de culture, Christiane Yandé Diop : « Ici a vécu Alioune Diop (1910-1980), Professeur de Lettres, Fondateur de Présence Africaine ».
La pose de la plaque du centenaire de la naissance d’Alioune Diop marquait le début d’une série d’activités prévues sur trois jours à Saint-Louis. La cérémonie s’était déroulée en présence de plusieurs personnalités, dont l’ancien ministre de la Culture, Makhily Gassama, André Guillabert, maire honoraire de Saint-Louis, Christian Valantin, ancien député socialiste, Kolot Diakhaté, président du comité saint-louisien du centenaire d’Alioune Diop, l’historien Djibril Tamsir Niane.
Au nom de la famille, Alioune Sy, avait dit que la pose d’une plaque commémorative et la célébration du centenaire de la naissance d’Alioune Diop constituent « un grand honneur pour la famille », soulignant que l’intellectuel sénégalais a, « dans toutes ses actions, honoré l’Afrique dans son ensemble ».
« Veiller à ce que cette étincelle ne ternisse jamais »
Le président du comité saint-louisien d’organisation du centenaire, Kolot Diakhaté, avait, de son côté, salué la mémoire du fondateur de Présence Africaine, estimant qu’Alioune Diop est « immortel par son œuvre, ses qualités d’homme, son humilité ». Il avait rappelé le rôle que Diop a joué dans l’organisation du premier Festival mondial des Arts nègres, en avril 1966 à Dakar. « Il était dans la conception de l’événement avant de s’effacer lui-même pour ne pas récolter les lauriers », avait-il dit.
S’adressant à Christiane Yandé Diop, la veuve d’Alioune Diop, Kolot Diakhaté a dit : « Vous n’êtes pas seule et vous ne le serez pas, parce qu’Alioune a été un Noir brillant qui a inspiré le rêve d’autres Noirs du monde. Nous sommes là pour veiller à ce que cette étincelle ne ternisse jamais ».
Pour sa part, le maire de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, avait salué l’initiative de la Communauté africaine de culture (CAC), organisatrice du centenaire de la naissance d’Alioune Diop, pour avoir ainsi « honoré la mémoire d’un très grand Saint-Louisien, et réconcilié la ville de Saint-Louis avec son passé ».
« Alioune Diop a marqué son époque par une œuvre au service des peuples noirs. Ni l’âge ni le temps ne sauront l’effacer de notre mémoire », avait ajouté M. Dièye, tandis que Christiane Yandé Diop, émue aux larmes, s’est dit « très heureuse » de revenir à la maison familiale d’Alioune Diop. Paraphrasant l’écrivain Birago Diop, elle avait dit : « Les morts ne sont pas morts, ils sont là ».
Le 11 janvier 2010, entre 9h 30 et 12 heures, il avait été organisé, au Quai des Arts, un hommage solennel de la ville de Saint-Louis, la remise de prix aux lauréats du Concours littéraire. A partir de 12h 30, le public avait suivi la projection du film documentaire Alioune Diop, tel qu’ils l’ont connu. Une table ronde sur la vie et l’œuvre d’Alioune Diop avait eu lieu, le lendemain, de 10 heures à 13 heures à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Cette manifestation avait été présidée par l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane.
Propos choisis d’un intellectuel engagé
Le fondateur de Présence Africaine, Alioune Diop (1910-1980) n’avait écrit ni un roman ni un essai philosophique ni un traité doctrinaire, comme le soulignait le philosophe Babacar Sine, mais il avait publié des éditoriaux et prononcé des discours, dont chacun était une occasion d’affirmer avec force son engagement pour l’émergence des peuples noirs.
— EXTRAIT DE L’EDITORIAL DE ’PRESENCE AFRICAINE’, N° 105-106, 1978 : « Le peuple noir est de tous les peuples du Tiers-Monde celui qui a été le plus dépouillé de liberté et de dignité, le plus atteint de ces carences et infirmités spécifiques provoquées par l’action coloniale, le racisme, l’esclavage, et accentuées par la fragilité d’une civilisation orale. Il est illusoire de vouloir guérir ce peuple noir des effets de l’aliénation culturelle et du sous-développement, du moins, pas tant que ce peuple n’ait d’abord repris la vitalité globale et organique de toutes ses facultés. Pas sans qu’il ait au préalable pris conscience et de son existence et récupéré tout le dynamisme de sa créativité et toute sa capacité et toute sa capacité de répondre directement (dans toute la mesure de ses moyens et dans le style de sa personnalité) aux défis du monde moderne (…) L’avenir peut réserver un destin grandiose et exaltant à l’élite qui prendra en main la direction et la gestion de notre civilisation. L’Afrique doit avoir une élite qui joue un rôle privilégié dans le déroulement de l’histoire des civilisations ».
— EXTRAIT DU DISCOURS INAUGURAL AU PREMIER CONGRES DES ECRIVAINS ET ARTISTES NOIRS, PARIS, septembre 1956 : « Ce jour sera marqué d’une pierre blanche. Si depuis la fin de la guerre la rencontre de Bandoeng constitue pour les consciences non européennes l’événement le plus important, je crois pouvoir affirmer que ce premier congrès mondial des hommes de culture noirs représentera pour nos peuples le second événement de cette décade. D’autres congrès avaient eu lieu, au lendemain de l’entre-deux guerre, ils n’avaient l’originalité ni d’être essentiellement culturels, ni de bénéficier du concours remarquable d’un si grand nombre de talents parvenus à maturité, non seulement aux Etats-Unis, aux Antilles et dans la grande et fière République d’Haïti, mais encore dans les pays d’Afrique noire. Les dix dernières années de l’histoire ont été marquées par des changements décisifs pour le destin des peuples non européens, et notamment de ces peuples noirs que l’Histoire semble avoir voulu traiter de façon cavalière, je dirais même résolument disqualifier, si cette histoire, avec un grand H, n’était pas l’interprétation unilatérale de la vie du monde par l‘Occident seul. Il demeure cependant que nos souffrances n’ont rien d’imaginaire. Pendant des siècles, l’événement dominant de notre histoire a été la terrible traite des esclaves. C’est le premier lien entre nous, congressistes qui justifie notre réunion ici. Noirs des Etats-Unis, des Antilles et du continent africain, quelle que soit la distance qui sépare parfois nos univers spirituels nous avons ceci d’incontestablement commun que nous descendons des mêmes ancêtres. La couleur de peau n’est qu’un accident : cette couleur n’en est pas moins responsable d’événements et d’œuvres, d’institutions, de lois éthiques qui ont marqué de façon indélébile nos rapports avec l’homme blanc (…) ».
Par Modou Mamoune FAYE
YES, WE CANNES !
La jeune réalisatrice Mati Diop, fille du musicien Wasis Diop, même si elle ne décrocherait pas la Palme d’or décernée demain, aura au moins le mérite d’avoir inscrit son nom au fronton de l’un des événements culturels les plus prestigieux de la planète
Une fierté pour notre pays, 27 ans après « Hyènes » de Djibril Diop Mambéty, oncle de la réalisatrice franco-sénégalaise. D’autant plus que Cannes est l’un des plus grands festivals au monde où, chaque année, des centaines de professionnels viennent présenter ce qui se fait de mieux dans l’industrie cinématographique. Avec ses 20 millions d’euros de budget, ses 197 millions d’euros de retombées économiques (chiffres de 2017), ses 4000 journalistes accrédités et ses 80 000 festivaliers, Cannes est devenue une grosse machine qui tourne à plein régime et où se négocient des contrats qui pèseront sur le cinéma de demain. Être présent à Cannes est, pour le Sénégal, une formidable vitrine qui pourrait propulser notre 7ème art vers les sommets.
La jeune réalisatrice Mati Diop, fille du musicien Wasis Diop, même si elle ne décrocherait pas la Palme d’or décernée demain, aura au moins le mérite d’avoir inscrit son nom au fronton de l’un des événements culturels les plus prestigieux de la planète. Et c’est déjà ça ! Mais avoir son film en compétition officielle à Cannes, est-ce suffisant pour un pays dont le cinéma patauge encore dans des difficultés énormes ? Au risque de passer pour un rabat-joie face à l’enthousiasme général, nous pensons que la sélection d’« Atlantique » est l’arbre qui cache la forêt car la plupart de nos professionnels ont du mal à vivre de leur art et à réaliser leurs projets.
L’existence du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica) est, certes, une excellente trouvaille des autorités sénégalaises, mais depuis 2017, ce mécanisme doté d’une enveloppe de 2 milliards de FCfa semble grippé car n’octroyant plus de financements alors que de nombreux dossiers dorment dans ses tiroirs. Résultat : cette année, le Sénégal a été l’un des grands absents dans la section des longs-métrages du Fespaco de Ouagadougou où un de ses réalisateurs, Alain Gomis, avait pourtant remporté le sacre suprême deux ans auparavant grâce à son film « Félicité ». Cette situation avait ulcéré des cinéastes. « Tout le monde avait commencé à applaudir en disant : ça y est, le cinéma sénégalais va être relancé, mais rien ne bouge. Qu’est-ce qui se passe alors qu’il y a un financement de 2 milliards de FCfa ? Il n’y a aucune production depuis deux ans ! », avait dénoncé Mansour Sora Wade dans les colonnes du journal « Le Quotidien ».
Flash-back : en 1992, aux Journées cinématographiques de Carthage (Jcc) à Tunis, le cinéaste Djibril Diop Mambéty venait de sortir « Hyènes », sélectionné officiellement à Cannes. Dans l’hôtel où il logeait avec sa productrice suisse Silvia Voser, nous discutions avec lui sur le devenir du cinéma africain. Un article que nous avions publié dans le quotidien des Jcc et titré « L’Afrique, un cinéma sans public » avait attiré son attention. A l’époque déjà, nous nous désolions tous du fait que les films de nos réalisateurs soient peu ou pas vus par le public africain auquel ils sont d’abord destinés. Un cinéma éternellement abonné aux festivals et qui n’a presque pas de salles où montrer ses chefs-d’œuvre.
Près de 30 ans plus tard, la même préoccupation est ressassée dans tous les débats et forums sur le 7ème art africain sans qu’un début de solution ne soit trouvé. A quoi bon financer des films à coup de centaines de millions de francs s’ils sont condamnés à ne circuler que dans le circuit très fermé des festivals ? Pourquoi s’évertuer à réaliser des longs-métrages qui, peut-être, ne seront jamais projetés dans une salle d’une ville africaine, devant un public africain ? Faites un sondage et vous vous rendrez compte que rares sont les Sénégalais qui ont vu ne serait-ce qu’un film de Djibril Diop Mambéty, Ousmane Sembène, Mahama Johnson Traoré, Thierno Fati Sow ou Safi Faye. « Nous n'avons pas d'endroit où montrer nos films et on parle de cinéma ! Il ne s'agit pas de faire des salles qui coûtent des milliards comme en Europe. Adaptons-nous et montrons nos films dans des salles en plein air », avait fulminé le réalisateur Moussa Touré dans une interview accordée à un média français.
Depuis le fameux Plan d’ajustement structurel, sous le régime du président Abdou Diouf, le cinéma, la culture en général, a vu ses budgets faire l’objet de coupes claires qui l’ont rudement mis à l’épreuve. « On s'est fourvoyé avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international qui ont préconisé une privatisation du cinéma dans les années 1980 », rappelait le réalisateur Cheikh Ngaïdo Bâ. Le cinéma avait alors entamé une longue traversée du désert et nos réalisateurs ne faisaient des films que grâce aux financements étrangers, notamment français. Pourtant, notre pays a été le premier en Afrique noire francophone à se doter, dès 1972, d’un Bureau administratif du cinéma, d’une Société nationale cinématographique (Snc) et d’une Société d'importation, de distribution et d'exploitation cinématographiques (Sidec). A l’époque, le cinéma sénégalais réalisait près de 800 millions de FCfa de bénéfices par an.
C’était son âge d’or avec des films cultes tels que « Baks » de Momar Thiam, « Mandat bi » d’Ousmane Sembène, « Le bracelet de bronze » de Tidiane Aw, « Njangaan » de Mahama Johnson Traoré et tant d’autres. Notre chronique intitulée « Bandit cinéma », parue dans ces pages, évoquait cette période faste durant laquelle les Sénégalais prenaient d’assaut la centaine de salles éparpillées à travers le pays pour découvrir ces films. Un cinéma, c’est d’abord des salles.
Dans l’interview accordée à Dié Maty Fall, notre envoyée spéciale à Cannes (Soleil du mardi 21 mai 2019), le ministre de la Culture Abdoulaye Diop cite comme exemple la France, ce grand pays de cinéma qui produit près de 250 films par an et où il existe un parc de 5100 salles. Son annonce de la construction prochaine d’au moins une salle de 100 à 200 places dans toutes les capitales régionales va certainement faire plaisir aux professionnels et aux cinéphiles. Tout comme l’ambitieux projet de la Cité du cinéma qui, s’il est réalisé, va contribuer à l’émergence d’une véritable industrie du 7ème art au Sénégal. Nous n’avons qu’à nous inspirer de la dynamique qui existe au Nigeria, fleuron du cinéma en Afrique, où 130 grands écrans répartis dans une trentaine de complexes ont généré 95 millions de dollars de recettes en 2015, selon des chiffres du cabinet PricewaterhouseCoopers.
Dans ce pays, 2000 films sont produits par an, soit plus de 300 millions d'euros de retombées et 300 000 emplois créés. Le marché existe bien au Sénégal, il faut juste en saisir les opportunités. « Il y a une classe moyenne qui se développe en Afrique, avec l'envie de se divertir », disait d’ailleurs Corinne Bach, la directrice générale du réseau des salles Canal Olympia en Afrique, propriétés du groupe français Vivendi.
Par Sidy DIOP
IDEOLOGUES DU VIOL
Depuis le meurtre de la jeune Bineta Camara à Tambacounda, le débat sur le viol s’est invité sur les plateaux télés et radios - Et l’on en entend de sidérantes billevesées !
Depuis le meurtre de la jeune Bineta Camara à Tambacounda, le débat sur le viol s’est invité sur les plateaux télés et radios. Et l’on en entend de sidérantes billevesées ! Moustapha Fall, le « Che » tropical de Kaolack est d’avis qu’il faut décriminaliser le viol «pour que les violeurs ne tuent plus leurs victimes». «On a toujours violé au Sénégal, mais on ne tuait pas. C’est la peur de se faire prendre qui pousse les violeurs à tuer», défend-il sur le plateau de la 7Tv.
Et comme la gaucherie n’a pas de limite, l’invité à la rutilante voiture de fonction pense tout haut que les violeurs violent parce que ce n’est pas facile de prendre femme au Sénégal. «Il faut faciliter l’accès aux femmes pour que les cas de viols diminuent». Rien que ça ! Sur le même plateau, une chroniqueuse à la culture générale aussi ténue qu’un fil de soie y va aussi de son péan en poussant plus loin le bouchon de la grossièreté : «Jadis, c’est dans les familles toucouleur-halpulaar que les personnes âgées violaient plus les petites filles».
Et «Che» d’opiner : «Bien sûr». Diantre ! Une légèreté qui fait écho aux propos tenus naguère par Songué Diouf : «Nous vous violons parce que vous violez tous les codes moraux en nous donnant envie de vous violer par votre manière de vous habiller». C’est définitif, le viol tient ses nouveaux idéologues.
«UN ARTISTE A BESOIN DE LA CRITIQUE»
De son style de musique à sa vie au Canada en passant par ses débuts dans l’Assiko, Elage Diouf remonte le fil du temps.
Avec un album en vue pour l’automne prochain, l’auteur de « Melokaan » et « Aksil » estime qu’un artiste, quel que soit son talent, a besoin de la critique.
Nombreux sont les fans de Elage Diouf qui confient que « secret world » est leur coup de cœur. Quelle est la particularité de ce titre ?
«Secret word» est une chanson qui a été composée par Peter Gabriel. J’ai demandé l’autorisation et je l’ai reprise parce que c’est un morceau qui m’a beaucoup touchée. J’ai une petite histoire avec Peter Gabriel que j’ai rencontré et que j’aime beaucoup. C’est Youssou Ndour qui me l’a fait découvrir avec une de ses chansons «Shaking the tree». Je me souviens, j’étais à l’école élémentaire. Pendant ce temps, Peter Gabriel travaillait avec Baaba Maal et on allait souvent chez lui. On avait un groupe de rap qu’on appelait Bawdi Rap et c’est Baba Maal qui aidait dans les répétitions. Un jour, il avait une prestation au Cices et on a assisté à tout le spectacle. Quand je me suis retourné, je suis tombé sur Peter Gabriel. J’étais bouche bée en me retrouvant face à un artiste que j’aime beaucoup et que je ne voyais qu’à la télé, à quelques centimètres de moi. Je n’en revenais pas. Je ne l’ai même pas salué parce que je m’étais dit qu’il était venu regarder le spectacle et je devais le laisser se concentrer. Je continuais à écouter ses morceaux et je m’étais promis qu’un jour j’allais reprendre la chanson à ma manière. Je lui ai demandé la permission et il me l’a accordée. Dans «secret world», je parle plus des gens qui se débrouillent, de la famille. Je rappelle l’importance de garder certains secrets pour préserver le tissu familial. Chaque famille doit savoir garder ses secrets mais aussi nourrir l’amour. Il est toujours important de ne pas se limiter seulement entre époux. Le lien familial permet de surmonter certaines situations comme la perte d’un proche. Il faut savoir accepter les décisions divines, c’est ce qu’on appelle le secret de la vie et il faut le respecter.
Dans le morceau «problèmes yi », vous évoquez la situation des émigrés, alors que vous en êtes un. Est-ce que c’est votre quotidien que vous racontez ?
Je parle de tous les problèmes en général. Que cela soit pour le Sénégalais ou pour l’émigré. Les problèmes sont toujours là. Parfois, vous voyez une personne marcher dans la rue alors qu’il est submergé de soucis. Il pense à des solutions face à ce qu’il vit. Chacun avec ses charges et comment il doit les gérer.
Contrairement à vos collègues artistes, vous ne chantez pas les guides religieux. Quel est votre rapport avec la spiritualité ?
J’ai un morceau intitulé «La illalah illalah… ». J’y évoque la foi en Dieu. J’estime que tout ce qui se passe, ressort de la volonté divine. Je suis quelqu’un de très croyant et je crois en l’assistance divine. La croyance, c’est quelque chose de privée entre moi et Dieu. Il n’est pas nécessaire d’afficher son appartenance confrérique. C’est personnel. Il se peut qu’un jour que je rende hommage à Serigne Saliou Mbacké ou Mame Abdou Aziz Sy parce que ce sont des personnes qui m’ont marqué et qui ont joué un grand rôle dans la société sénégalaise. On me pose souvent la question, mais la musique c’est d’abord une question de sensibilité et d’inspiration.
Cinq ans se sont écoulés entre vos deux albums. Ne trouvez-vous pas que c’est long?
Oui, c’est vrai, mais c’est quand même cinq ans d’occupations et de dur labeur. En 2010, j’ai sorti «Aksil» et j’ai fait beaucoup de tournées et plein d’autres projets. C’est pourquoi cela a pris du temps. Je trouve que cinq ans, c’est raisonnable comme intervalle pour sortir deux albums. Il faut savoir qu’un album coûte cher. Si j’avais les moyens, je sortirais un album tous les 3 ans.
Qu’est-ce que vous réservez à vos fans ?
Je voudrais quand même remercier mes fans qui me suivent malgré le style musical différent de ce qu’ils ont l’habitude d’écouter. Actuellement, je suis en studio avec des musiciens sénégalais pour une touche sénégalaise et le prochain opus est prévu pour l’automne.
Vous êtes attendu pour la confirmation. Est-ce que vous ne ressentez pas une pression ?
(Rires). Le secret c’est de travailler, prendre le temps de bien faire les choses. La musique est une question de moyens mais aussi de travail. Si vous vous y mettez pour trouver l’originalité, le résultat suit facilement avec l’aide de Dieu. Il faut reconnaître que les problèmes de moyens bloquent beaucoup d’artistes. On ne peut pas vivre de la musique. Ensuite, il faut savoir faire l’arrangement, le mix, trouver un ingénieur son qui sache finaliser ton projet d’album, c’est assez costaux comme moyens.
Avec le piratage, comment rentabiliser vous l’investissement ?
C’est difficile (il se répète). Un artiste ne peut plus gagner sa vie en faisant juste de la musique, à moins que ce ne soit vraiment populaire. Si on parle du Sénégal, les gens n’achètent pas de disque, ils le téléchargent et se l’envoient. Je peux même dire que tout le monde est disque d’or ici parce quand vous êtes connu, tout le monde vous écoute. Mais peu d’artistes gagnent réellement de l’argent. Les disques ne sont pas achetés, les concerts ne sont pas nombreux. Vivre de la musique est difficile. Pis encore, certains artistes se la pètent quand ils sont célèbres, en montrant que tout va bien, que ce sont des stars car ils apparaissent à la télé. Mais ça ne veut pas dire qu’ils ont les mêmes comptes que Youssou Ndour. Ce n’est pas pareil. Vous pouvez passer sur les mêmes chaines de télévision sans avoir les mêmes comptes bancaires. Il faut que les gens puissent faire cette différence. C’est pour cela que certains artistes jouent beaucoup, pour des questions de vedettariat. La réalité est toute autre. Les productions diminuent de plus en plus, et même ceux qui vendaient beaucoup de cd ne le font plus car les choses ont beaucoup changé. On ne joue que pour performer. La semaine passée j’ai joué au Pullman, ensuite je suis parti jouer à Saint-Louis, tout en sachant que c’était cher pour certaines personnes. Je veux que mes spectacles soient accessibles à tous, mais on n’a pas le choix.
Quel chanteur vous inspire dans la musique ?
En matière de musique, je suis curieux. Je m’inspire de tous les chanteurs, qu’ils soient connus ou non, des chanteurs de Xassaides. J’écoute tous les styles. Tout dépend de mes feelings.
Si vous aviez une baguette magique pour transformer l’Afrique ou le Sénégal, sur quel aspect vous vous appesantiriez ?
Sur l’éducation, qu’elle soit scolaire ou religieuse. Parce que quelqu’un qui n’est pas instruit ne sait pas où mettre les pieds. L’éducation est la base, tout le reste vient après. Si vous savez ce que vous devez manger, ce que vous devez apprendre, vos limites, je pense que vous avez déjà la préparation de base. Le patriotisme et tout le reste suivront nécessairement. Etre fier d’être Sénégalais, d’être Africain et d’être aussi citoyen du monde. Ce ne sont que des étapes, mais l’éducation scolaire et celle religieuse sont très importantes. Cela donne une base de vie qui est nécessaire.
Comment trouvez-vous la musique sénégalaise ?
On peut dire que les gens écoutent deux à trois musiciens au Sénégal, et ce sont ceux-là qui jouent le plus souvent : Youssou Ndour, Waly Seck et Pape Diouf. Mais la musique sénégalaise ne se limite pas à ces trois-là. Moi j’écoute la musique traditionnelle, des gens inconnus du grand public. C’est juste que les Sénégalais se limitent à une poignée de musiciens. C’est la manière d’écouter la musique qui fait cela. Il y a différentes catégories : les mélomanes qui écoutent tout, ceux qui ont leurs propres artistes, et ceux qui vont avec la masse et qui ne suivent que les tendances du public, alors que le public n’est pas stable. Il surfe sur la vague, alors que la vague par définition est temporaire. En plus les critiques n’aident pas toujours. Je trouve même qu’il n’y a plus de critiques pour faire de la remise en question. Le public nous adule, mais nous ne rend pas service. Un artiste, quel que soit son talent, a besoin d’être critiqué. Mais on en manque au Sénégal. C’est pourquoi nos artistes ne gagnent pas souvent les compétitions internationales. Le musicien est comme un lutteur. Même quand c’est un champion, il a besoin d’entrainements, il ne doit jamais se reposer sur ses lauriers.
Certains disent que les « Assiko » ont beaucoup contribué dans votre musique. En quoi ?
L’«Assiko » c’était ma vie. On a commencé la musique avec les gourdes pendant les Tadiabone. Même quand on voyait des voitures garées, on tapait dessus pour créer une sonorité. Ensuite, on utilisait les gourdes. Les «Assiko» ça remonte à loin, avec les matches de «Navétanes» (championnats populaires en période d’hivernage) avec Damels chez mes grands-parents, Sandial, Khandalou... On vivait ça avec passion. C’était dans les années 90. Mais avant cela, je fréquentais les enfants de Soundioulou Cissokho.
Comment ils l’ont su ?
En un moment, il était question d’un voyage en Suisse pour une tournée de six mois avec le Groupe Dudu Fana et pour avoir le passeport, il fallait l’autorisation parentale. C’était en 1994. Je n’avais plus le choix, il fallait que je leur parle. Après ils l’ont pris avec philosophie. C’est comme cela que ma carrière a démarré. Ma chance, c’est que je jouais beaucoup d’instruments en même temps que je chantais. Donc j’avais la chance d’être incontournable dans le groupe.
Comment vous êtes partis au Canada ?
C’était avec le groupe Africa Jamono Balley. Un groupe traditionnel qui alliait danse et musique
On a vu une vidéo sur internet où vous étiez reçu à l’Assemblée nationale canadienne. C’était à quelle occasion ?
Je sortais d’une belle année avec l’album « Aksil » qui m’a permis de gagner beaucoup de titres (meilleur artiste musique du monde au Canada, au Québec, révélation Radio Canada… ), après ils ont jugé nécessaire de m’inviter à l’Assemblée nationale pour me féliciter. Ils disent que je suis un exemple pour les migrants. Ils ont voulu me prendre comme modèle pour les autres
QUAND VIEILLIR C’EST PHILOSOPHER
Après les deux premiers tomes parus fin 2018, Djibril Samb vient de publier le troisième de son journal philosophique « L’heur de philosopher la nuit et le jour » chez L’Harmattan Sénégal
Dans ce dernier volume, le philosophe sénégalais, en humaniste radical, bouscule « sans ménagement » le grand philosophe allemand Hegel dont il s’attèle à déconstruire les thèses « extrêmement sommaires » et pleines de préjugés sur l’Afrique noire et les Africains. Mais, cet essai peut aussi être considéré, d’une certaine façon, comme un traité sur la vieillesse. Ou tout simplement comment philosopher en vieillissant.
« On le lira, s’il est bon ; et, s’il est mauvais, je ne me soucie pas qu’on le lise. » C’est par l’évocation de ces premiers mots de l’Introduction de Montesquieu aux « Lettres persanes » au sujet de son livre que Djibril Samb commence ce troisième tome de son journal philosophique « L’heur de philosopher la nuit et le jour (2017) : Quand philosopher c’est vivre » qu’il vient de publier chez L’Harmattan Sénégal. Tout comme l’essayiste français des Lumières, le philosophe sénégalais n’aura assurément pas à souffrir de la seconde hypothèse. Cet essai érudit mais accessible, dense mais limpide, s’attèle essentiellement à déconstruire – sans s’y résumer exclusivement – les thèses « extrêmement sommaires et douteuses » de Hegel sur l’Afrique noire et les Africains noirs exposées dans ses fameuses « Leçons sur la philosophie de l’histoire ». Cependant, dans sa critique de l’icône de la philosophie allemande, si intraitable soit-elle, Djibril Samb ne se départit jamais du fondement radicalement humaniste de sa pensée. « L’humain, et lui seul, est mon territoire et ma patrie. Et je ne me soucie nullement de la couleur de sa peau, qui ne le définit en rien », tient-il à préciser dès la préface. Dans sa réfutation des sentences de Hegel, « plus osées les unes que les autres, sans le moindre fait, sans une ombre même de réflexion sérieuse », Samb appelle à la rescousse quelques-uns des contemporains du philosophe allemand, et principalement l’abbé Henri Grégoire, « l’antithèse parfaite de Hegel dont il était contemporain », qui s’était donné les moyens d’une appréciation informée sur l’Afrique noire et sur les humains qu’elle abrite et avit joué un rôle important dans l’abolition de la traite des Noirs. Il s’appuie aussi, fondamentalement, sur deux grandes chartes médiévales de l’Afrique de l’Ouest : la Charte du Mandé et la Charte de Kurukan Fuga.
« IL RESTE DU HEGEL DANS NOTRE TEMPS »
Djibril Samb rappelle qu’au moment où Hegel trempe sa plume dans son encrier et se prépare à proférer, avec une tragique insouciance, que « les nègres représentent l’homme naturel dans toute sa sauvagerie et sa pétulance » et que « l’on ne peut rien trouver dans ce caractère qui rappelle l’homme », le philosophe allemand « ignorait totalement » que cet homme en qui rien ne rappelait l’homme avait déjà, 567 ans avant la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789, une Charte (du Mandé) dont les tout premiers mots, c’est-à-dire le Préambule, placent la vie humaine au sommet de la table universelle des valeurs. « Toute vie humaine est une vie » et qu’aucune vie « n’est plus respectable qu’une autre vie », stipule cette Charte. Bref, en comparant, terme à terme, le discours de la Charte du Mandé et celui de Hegel, le philosophe sénégalais se dit frappé par « la noblesse, l’élévation d’esprit, le haut sentiment de l’une », semblant tout droit sortie de l’Aufklärung (courant intellectuel souvent identifié aux Lumières), et « le caractère borné, lilliputien et immoral de l’autre », paraissant une excroissance de la honteuse controverse de Valladolid (1527), « dont Hegel, implicitement, admet l’ignoble conclusion » qui, d’une part, reconnaît l’égalité des Amérindiens avec les Blancs européens et les soustrait ainsi à l’esclavage, et d’autre part, ne reconnaît pas la même dignité aux Noirs ainsi déclarés éligibles à l’abominable traite des esclaves. En déconstruisant méthodiquement – au nom de la raison et de l’humaine condition – le discours de Hegel sur les Noirs, dont on connaît l’influence néfaste sur les malheurs de l’Afrique, Djibril Samb fait œuvre de salubrité publique, surtout si l’on sait qu’« il reste du Hegel dans notre temps ». Mais aussi il fait preuve de courage intellectuel, tant les hégélianisants africains restent tellement tétanisés par l’immense prestige de Hegel. Certains continuent d’ailleurs de se montrer « archir évérencieux, et même obséquieux », envers un philosophe qui, pourtant, a eu « l’outrecuidance d’exprimer le plus absolu irrespect » pour une large fraction d’humains qu’il ne désigne que par la couleur de leur peau. Mais, cet essai, quoiqu’y consacrant une large part, ne se résume pas à réfuter les thèses du citoyen de Stuttgart. L’auteur poursuit, ici, sa vaste enquête entamée dans les deux premiers tomes sur la « tilogie ». Un concept qui déborde le domaine traditionnel de l’être et du non-être pour englober ce qui n’est ni l’un ni l’autre. « « La tilogie » ouvre un domaine effrayant ; c’est pourquoi, j’ai renoncé à tout ce qui ressemblerait à un traité pour distiller au fil des cahiers les questionnements tilogiques fondamentaux qui me préoccupent », expliquait il lors de la présentation des deux premiers tomes en novembre dernier.
QUELQUE CHOSE DE « JOYEUX » DANS L’ATTENTE DE LA MORT
Il livre ainsi, dans ce 3e tome, la substance de ses réflexions sur la vieillesse, qui, dit-il, doit rester un regard de vie joyeux. « Vieillir, il me semble, c’est vivre pleinement à la mesure des moyens dont on dispose et célébrer la vie en ce qu’elle est unique et qu’elle est un don dont nous ne savons même pas l’origine » (p.73). Pour le philosophe, cette idée de la mort inévitable, nécessaire, est « revigorante », précisément parce qu’elle se présentera « comme une consécration » de sa vie. Il trouve même quelque chose de « joyeux » dans l’attente de la mort, « quelque chose comme une délivrance du poids de la matière, cette chape corporelle qui insupporte l’humain à mesure qu’il vieillit » (p.128). Ainsi va la vie, pour le philosophe, qu’elle (la vie) « nous ramène toujours vers elle, même par le biais de la mort ». Pour ceux qui s’étonneront de voir un bonhomme de plus de 70 ans continuer à tenir un journal intime, voici ce qu’il disait dans une récente interview accordée au « Soleil » : « Dans le "Phèdre", en 276 d, Platon soutient que l'écriture permet au philosophe, rattrapé par la "vieillesse oublieuse", de revisiter ses souvenirs grâce à la mémoire transcrite qui conserve les traces des chemins autrefois parcourus. ».
FÉMINISTE COMME PLATON
Platonicien et féministe assumé, « comme devrait l’être tout philosophe digne de ce nom », l’auteur consacre, par ailleurs, une large partie de ce volume à revisiter l’histoire méconnue des femmes dans la philosophie, à travers une galerie de portraits, dont Hipparchia de Maronée, une philosophe cynique qui vécut comme telle sa vie quotidienne. Une façon pour Samb de rendre hommage à sa défunte « collègue et amie », la philosophe Aminata Diaw Cissé, disparue le 14 avril 2017. Il nous apprend ainsi que l’histoire de la philosophie nous a légué, singulièrement pour la philosophie antique, toute une lignée de femmes philosophes. Même si la plupart d’entre elles sont mal connues, faute d’une documentation circonstanciée. En effet, en dépit de ce qu’on pourrait croire de prime abord, l’entrée des femmes en philosophie n’est nullement tardive. Dès l’époque des sept sages, nous apprend Djibril Samb, et, en particulier de Pythagore, on trouve nombre de figures de femmes dans les milieux ou cercles philosophiques. « Dès sa naissance, aux environs des VIIe-VIe siècle, chez les présocratiques, la philosophie fut pratiquée aussi par les femmes. » Parfois, comme à son habitude, c’est par touches discrètes qu’il procède pour creuser certaines questions (comme sur la nature de la relation entre identité, mémoire et temporalité), tel un laboureur infatigable. Un dernier mot, comme les deux précédents tomes, celui-ci recèle d’aphorismes. Comme celui-ci : « La mort est la rançon de toute naissance » (p. 60). Ou ces deux autres : « Le même est toujours un autre. Un autre est toujours le même » ; « On périt toujours par là où on a péché » (p.134). Enfin, ses commentaires sur les nécessaires réformes de l’Etat dignes du plus grand intérêt. Pour Samb, l’une des tâches majeures de la philosophie politique africaine, c’est de penser la réforme de l’Etat – réforme qui doit aller jusqu’à définir les conditions de sa refondation.
«NOUS SOMMES LA CLE DE NOTRE PROPRE VULNERABILITE»
«Le tronc commun de la cybercriminalité est la fraude». Telle est la conviction de l’ancien fonctionnaire sénégalais et des Nations-Unies, spécialiste de la fraude et de la prévention, Mamoudou Ndiaye.
Cet ancien gendarme, devenu expert en cybercriminalité et crimes organisés, revient dans cet entretien sur les contours de ces fléaux.
«La Cybercriminalité découle du concept de fraude de haute technologie, en ce sens que les activités criminelles qui sont engendrées par cette criminalité là sont réalisées avec le support de l’ordinateur et de l’internet mais aussi avec le téléphone intelligent», a confié d’emblée, Mamoudou Ndiaye, qui nous a rendu visite. Spécialiste de la cybercriminalité et du crime organisé, il a expliqué :«Le fait de se mettre à la toile pour travailler, un choix qui n’est pas d’ailleurs discuté puisque maintenant tout le monde se met à la toile, mais il faut savoir comment s’y mettre, sinon vous êtes la clé de votre propre vulnérabilité. Car, le tronc commun de la cybercriminalité est la fraude». «Quels sont les risques de fraudes au niveau interne, au niveau externe ? Quelles sont les mesures préventives ?», interroge cet ancien fonctionnaire expert des Nations Unies, en notant que «ce tronc commun de la cybercriminalité qui est la fraude peut provenir à l’interne, comme de l’externe. Sur le plan interne, moi je l’orienterai au niveau organisationnel». «La cybercriminalité et l’état civil vont de pair» «Dans les risques internes, on a les types de fraudes qui existent dans la cybercriminalité, c’est la manipulation de l’opérateur. Les entreprises sont victimes de leur propre système, parce qu’ils ne mettent pas le contrôle qu’il faut», dit ce gendarme de formation qui insiste sur «le lien entre la cybercriminalité et le crime organisé. Car c’est des données. Parce que,si vous avez l’identité de l’individu, vous pouvez choisir les affinités dans le cadre du crime organisé. Donc la cybercriminalité et l’état civil vont de pair, parce qu’il s’agit des données personnelles».
Selon lui, «la conduite à tenir pour minimiser les dégâts s’articule autour de sept étapes: alerter la sécurité et le département de la gestion de l’information ; sécuriser les preuves ; diligenter une enquête ; informer la clientèle ; atténuer des dommages ; se conformer à la réglementation en vigueur et déterminer les causes profondes». Poursuivant, M. Ndiaye indique : «Si on en vient aux facteurs externes, il faut sortir de l’entreprise pour parler des pirates. Et c’est parce que, je le répète, nous sommes la clé de notre propre vulnérabilité. C’est nous qui manipulons l’ordinateur, c’est nous qui maintenons notre position de vulnérabilité très ouverte. Parce que, quand on se connecte sur des sites qui ne sont pas sécurisés, on va vers la gueule du loup. Car, si vous ouvrez un email ou un site et vous voyez qu’il y a un cadenas qu’on appelle en anglais le (badlock), quand il y a un https, le site est sécurisé. Voilà comment on reconnait un site sécurisé, mais on ne peut pas aller au-delà de ça».
«Quand on se connecte sur des sites qui ne sont pas sécurisés, on va vers la gueule du loup»
D’après lui, «le contenu le plus grave, c’est ce qu’on appelle les appels à la charité. C’est à dire que vous pouvez recevoir un message d’une compagnie téléphonique qui fait appel à la charité. Ça, c’est de l’escroquerie pure et dure. Parce que ça ressemble à la fraude de télémarketing, la fraude des consommateurs». Mamoudou Ndiaye préconise, en outre, que les mesures préventives peuvent être mises à deux niveaux. «Que ce soit pour le pirate qui nous vient de l’intérieur ou de l’extérieur, c’est la formation qui permet de faire face. Il faut sensibiliser les gens, l’individu doit aller à la cherche des connaissances dans ce domaine-là pour savoir reconnaître les pirates, savoir quant est-ce que le site est bon», renseigne-t-il. «Mais il faudra aussi former les employés à accéder aux informations et à leur stockage. Aussi, faire comprendre aux employés de ne jamais enregistrer en ligne les données personnelles, à moins que l’entreprise prenne les mesures nécessaires pour éviter ces genres de pratiques. Pour les utilisateurs, il faut supprimer les courriers électroniques non sollicités. Il ne faut pas aussi utiliser les appareils personnels aux lieux de travail. Parce que votre téléphone n’est pas équipé comme l’appareil de l’entreprise. Ça aussi, c’est des formations que les employés doivent savoir», informe-t-il. Il souligne qu’en dehors de la formation, «le service informatique doit jouer un rôle important pour prévenir ce genre de violation des données personnelles. Il doit empêcher les utilisateurs d’accéder aux sites qui ne sont pas sécurisés et mettre des systèmes de protection pour que les pirates ne puissent entrer».
«La fraude dans notre système judiciaire est comprise dans les manœuvres frauduleuses
S’agissant du système judiciaire du Sénégal, l’ancien fonctionnaire des Nations-Unies dira qu’il n’est pas outillé en matière de cybercriminalité. «La fraude ici on le met dans les faux et usage de faux, c’est des catalogues qu’on donne qui sont parfois difficiles à comprendre, même pour un juriste. Donc, l’approche que nous sommes en train de faire est différente de l’approche du Code pénal. Le faux est un acte trompeur, l’acte peut être positif ou négatif, on le fait dans le but de gagner des avantages personnels. Alors que l’infraction, c’est la violation d’une loi d’un Etat et qui est puni. Donc, la fraude est beaucoup plus subtile que l’infraction», éclaire-t-il. Alertant, il ajoute : «On va vers l’exploitation des ressources pétrolières. C’est déjà beau, mais je crois qu’il faudra se préparer, renforcer certaines institutions dans ce cadre-là. Il y a des activités criminelles qu’il faudra considérer vraiment comme des crimes organisés. Il faut que le crime organisé soit intégré dans le droit positif sénégalais. Parce qu’il ne l’est pas encore et qu’il ne peut pas être remplacé par l’association des malfaiteurs. Avec l’exploitation du pétrole, on peut s’attendre à beaucoup d’autres fraudes qui ont existé dans les autres pays qui ont connu le pétrole. En fait, ce sont les opportunités qui créent les fraudes. Par ce les fraudeurs sont tout le temps en avance sur les autres».
ATEPA LANCE UN PROJET DE 3 MILLIARDS DE DOLLARS
La somme colossale de 3 milliards de dollars pour mettre en œuvre son projet de Nouvelle route de l’acier de l’aluminium (NRA). Voilà le projet que porte le Groupe Atépa.
Le Groupe Atépa a lancé, hier, à Dakar, le projet de la Nouvelle route de l’acier et de l’aluminium (NRA). D’un coût approximatif de 3 milliards de dollars américains, il s’est inspiré de la route de la soie. Selon Ousmane Camara, Secrétaire général dudit groupe, ce projet va permettre à l’Afrique de l’Ouest d’exploiter convenablement ses ressources. «C’est un projet ambitieux d’industrialisation. Le projet est africain, innovant, intégrateur et bénéfique pour tout le monde. Nous voulons que l’Afrique soit la garantie de la renaissance de l’acier, a-t-il expliqué dans la présentation de ce projet qui touche 7 pays d’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, tout le monde est convaincu que le schéma actuel qui consiste à extraire nos ressources et aller les vendre ailleurs ne peut pas prospérer. Il y a des opportunités pour transformer ces richesses». «L’Afrique est immensément riche et étonnement pauvre. C’est un cercle vicieux dont nous voulons sortir pour entrer dans un cercle vertueux de la transformation industrielle», a-t-il lancé, avant d’inviter à un consensus fort autour de ce projet qualifié par les participants «d’ambitieux et révolutionnaire» pour un continent dont l’histoire de la maîtrise de la transformation du fer et de la métallurgie remonte, selon le document de présentation, à plus de 3 000 ans.
«L’Afrique est immensément riche et étonnement pauvre»
«Bâtissons un consensus autour de ce projet. Ce n’est pas un projet déjà bouclé et fermé. C’est un projet qui doit se faire avec les Etats. Nous n’envisageons pas réaliser un projet de telle nature dans un affrontement politique», a-t-il ajouté précisant que le projet comporte, entre autres, un port minéralier à Potou (région de Louga) pouvant accueillir des navires transportant des minerais de fer, de la bauxite et toutes les matières premières déjà disponibles dans la sous-région. Il a aussi fait cas de la réalisation du port de Buba en Guinée-Bissau, ainsi que d’autres infrastructures nécessaires à la bonne exécution du projet. Il est également prévu un parc sidérurgique composé de réseaux de fonderies et d’exploitation de toutes les chaines de valeur tirées des matières premières, capables de transformer non seulement les minerais de fer exploités actuellement ou ultérieurement, mais encore la ferraille collectée dans les ports, dépotoirs et autres lieux de stockage. Un chantier naval pour la construction de bateaux de pêche, et plus tard de bâtiments de très haut tonnage et un chantier de démantèlement de navires et surtout tankers en fin de vie, participant ainsi au recyclage, conformément aux engagements internationaux des pays partenaires en matière de développement durable, figurent en bonne place dans ce projet.
Atépa : «Le moment est historique»
De son côté, le porteur de ce projet, Pierre Goudiaby Atépa, a informé qu’il compte sur l’adhésion de l’Etat du Sénégal. «Nous souhaitons que ce projet soit parrainé par notre pays, par notre président de la République, a déclaré l’architecte. Le plus important est qu’il faut que nous nous décomplexions. Nous avons le développement à portée de main». Ainsi, il a invité les acteurs à s’impliquer pour la réussite de ce projet dont les jeunes sont au cœur du dispositif. «Je pense que le moment est historique, mais il faut que tout le monde puisse y croire. Je voudrais que chacun de vous sache que ce n’est pas de l’utopie : c’est du possible», a sensibilisé Atépa qui a, du reste, invité le secteur privé à s’investir pour qu’«au moins 70% des actions restent ici (Sénégal)».