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17 septembre 2025
LES VIGILES DE LA FRAUDE SUR L'ÂGE
Cré en 2000, l’Institut Diambars de Saly a révélé les internationaux sénégalais Idrissa Gana Guèye et Pape Ndiaye Souaré - Dans cet établissement de fabrique de champions, la tolérance zéro en matière de fraude sur l’âge est est une obsession
« Cela fait 15 ans que pour recruter un joueur, on mène des enquêtes sociales. On vérifie les papiers d’Etat civil. Nous allons parfois jusque dans les centres de naissance pour vérifier les registres. On fait des radiographies dont celle du poignet. On fait des analyses bucco-dentaires. On n’a jamais une certitude à 100 %, mais le dispositif mis en place nous permet de savoir si un gamin a réellement l’âge qu’il prétend avoir ou non », indique Saër Seck, le président de cet institut.
En outre, selon ce fin connaisseur du foot local, « il est arrivé que l’Institut Diambars envoie, dans l’est du Sénégal, des personnes incognito pour enquêter dans l’environnement d’un jeune joueur ». Signalant que « la fraude se perfectionne au fil des années », M. Seck raconte que « Diambars a eu un jeune ayant complètement changé d’identité. Nous avons questionné sa naissance déclarée, mais il avait un bon bulletin de naissance. Tout était conforme sauf qu’il avait une fausse identité ».
Et c’est par un concours de circonstances que la vérité a éclaté au grand jour : « quand le jeune est parti en vacances avec les équipements que l’Institut Diambars lui avait remis. Les parents du jeune dont il avait pris l’identité ont souhaité avoir leur part des équipements. Le jeune a refusé parce qu’il n’en avait pas le droit. Finalement, les parents du jeune l’ont dénoncé. Constatant la supercherie, nous l’avons viré ».
Cette intransigeance est saluée par le journaliste au quotidien Stades, Julien Mbesse Sène, qui rappelle que « la Fédération sénégalaise de football (FSF) organise aussi des tests pour les joueurs sélectionnés dans les équipes de jeunes, surtout les cadets ».
Pour sa part, Cheikh Sidy Bâ signale qu’«un passeport retraçant le parcours du joueur est utilisé au Sénégal et quand il doit quitter le pays, la fédération du pays d’accueil le demande à la FSF ». En tout cas, pour Alé Thiam, encadreur à l’école de football Mama Sports de Yoff (Dakar), « la fraude sur l’âge doit être boutée hors du milieu du football africain » par tous les moyens.
« Nous voulons, ajoute-t-il, que les jeunes jouent avec leur véritable âge. Malheureusement au Sénégal, les gens accordent trop d’importance au résultat immédiat. Un joueur progresse plus quand il évolue dans sa catégorie réelle. Si un jeune jouant dans une catégorie inférieure performe, certains penseront qu’il est fort alors que c’est dû à l’écart d’âge entre ses adversaires et lui ».
A l’échelle continentale, la Confédération africaine de football (Caf), depuis le triomphe du Malgache Ahmad Ahmad qui a fait tomber Issa Hayatou de son piédestal, a fait de l’éradication de la fraude sur l’âge l’une de ses priorités. Pour ce faire, elle a instauré l’usage des tests IRM (Imagerie par résonnance magnétique) pour les compétitions de petites catégories.
« On ne peut pas faire une compétition en U17 en Afrique et que ce soit un tournoi de trentenaires. Quand l’Afrique participe aux compétitions internationales de jeunes, elle a toujours deux voire trois équipes dans le dernier carré. Quand on passe chez les U20, c’est un peu moins et quand on va chez les Seniors, elle est absente à ce stade de la compétition. C’est parce que les U17 qui, en réalité, avaient 25 ou 30 ans, sont cuits avant de jouer la Coupe du monde des Seniors », a analysé Saër Seck.
De l’avis du Pr Abdoulaye Samb, « les tests IRM sont fiables parce que la précision des points d’ossification permet de connaître avec exactitude l’âge d’un individu. C’est le moyen le plus proche de la réalité actuellement même s’il y a une petite marge d’erreur (2 à 3 mois). Un joueur peut passer entre les mailles des filets si la triche porte sur des mois uniquement, mais si c’est des années, on le saura obligatoirement ».
L’équipe nationale U17 du Bénin a été recalée avant le début du tournoi de l'Ufoa B, qualificatif pour la Can U17 2019 prévue en Tanzanie, parce 10 des 18 Écureuils cadets ont été jugés non éligibles après les examens IRM. Dans le tournoi de l’Ufoa A organisé au Sénégal, les sélections de la Guinée Bissau et de la République de Guinée ont été amputées de plusieurs joueurs.
« Il y a toujours eu des soupçons par rapport à des équipes de jeunes du Nigeria ou encore du Ghana. Mais on n’a pas réussi à en apporter les preuves. Avec les tests IRM, on se rend maintenant compte de l’ampleur du phénomène », a soutenu Julien Mbesse Sène.
LE FOOT SÉNÉGALAIS GANGRENÉ PAR LA FRAUDE SUR L'ÂGE
Pour profiter des contrats de leurs protégés, certains agents de joueurs les poussent à la tricherie sur l’âge ou au changement d’identité
Vêtu d’un maillot rose assorti d’un short noir et des bas blancs, un adolescent s’entraine dur sur un terrain sablonneux de Dakar. Eparpillés sur l’aire de jeu, le jeune homme et ses camarades ne se ménagent pas dans leurs mouvements gymniques, faits d’étirements, de courses de vitesse et de gestes techniques avec un ballon de football.
Rêvant d’une carrière de footballeur professionnel en Europe, Amadou (nom d’emprunt de l’adolescent qui préfère garder l’anonymat) a sacrifié ses études dans l’espoir d’atteindre son objectif. Après s’être procuré un jugement de naissance où il a trois ans de moins que son âge réel, Amadou a, peu après le Brevet de fin d’études moyennes (Bfem) obtenu en 2016, tourné le dos à l’école pour se consacrer au football.
« Il fallait obligatoirement le faire, mais il ne faut pas non plus être dans l’excès. En réalité, je suis né en 2002 et j’ai déclaré 3 ans de moins. En Afrique, c’est très difficile de taper dans l’œil des recruteurs », confesse le jeune homme dont le poste de prédilection est celui de milieu de terrain.
Le topo est lâché : frauder sur l’âge pour séduire les recruteurs des pays nantis, notamment ceux de l’Europe occidentale. « C’est un constat malheureux qui ne nous honore pas en tant que dirigeant », a reconnu Saër Seck, président de la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP), analysant ce vaste phénomène de migration des jeunes sénégalais vers le Vieux continent.
Parallèlement aux pirogues et bateaux jetés dans l’océan avec leurs dizaines de migrants, le ballon fait partir aussi beaucoup d’adolescents sénégalais qui, outre le talent de footballeur perfectionné dans un des nombreux centres de formation qui pullulent au Sénégal ou le championnat populaire « navétanes » voire la Ligue 1 professionnelle, « taillent » sur leur âge pour gagner l’Europe et ses salaires mirobolants.
Un appel d’air auquel les équipes européennes ne sont pas étrangères comme le reconnait Saer Seck : « la question de la fraude sur l’âge a un soubassement économique. Les clubs européens ont tendance à recruter des joueurs de plus en plus jeunes pour les former, les utiliser et ensuite les revendre en faisant des plus-values ».
Plus le footballeur est jeune ou fait jeune, selon ses papiers, plus il intéresse le recruteur occidental. « C’est une demande forte des formations européennes qui, la plupart du temps, ont une responsabilité parce qu’elles ferment les yeux », assène M. Seck, par ailleurs président de l’Institut Diambars de Saly (85 km de Dakar), un centre de formation où est notamment sorti Idrissa Gana Guèye, le talentueux milieu de terrain d’Everton (Premier league anglaise).
Rêvant sûrement de la carrière de Gana Guèye, Amadou l’adolescent du terrain sablonneux de Dakar, révèle avoir la bénédiction de son père dans son option de s’expatrier par le football. « A présent, indique-t-il d’un air résolu, je mise tout sur le football. J’ai toujours aimé cette discipline et je veux y réussir. J’y crois dur comme fer et je travaille au quotidien pour atteindre mon objectif. Je prie pour que mon rêve s’accomplisse et je ne pense vraiment pas à l’échec ».
Si Amadou n’explique pas comment il est arrivé à diminuer son âge, une autre source anonyme –c’est de mise dans ce milieu où on est très cachottier-- a confessé avoir un frère qui a diminué son âge de 5 ans avec l’aide de ses encadreurs. Pour profiter des contrats de leurs protégés, certains agents de joueurs les poussent à la tricherie sur l’âge ou au changement d’identité.
« Certains agents donnent de mauvais conseils aux jeunes joueurs. Le problème est que maintenant tout le monde peut devenir intermédiaire et faire des transferts depuis que le secteur est ouvert », renseigne Cheikh Sidy Bâ, un ancien international de football devenu agent de joueur.
Dénonçant les pratiques de certains de ses collègues, il clame : « de nombreux agents ne sont intéressés que par le gain d’argent (…) pour en amasser énormément, ils demandent aux jeunes de diminuer leur âge ».
Le drame, ajoute-t-il, c’est que « n’importe qui peut être agent de joueur » dans la mesure où la Fédération internationale de football association (Fifa) a rétrocédé aux fédérations nationales l’aptitude à en conférer aux aspirants le statut. Lequel s’acquiert par voie de concours ou sur un dépôt de dossiers qui donne droit à une licence d’intermédiaire.
PAR NAS DIOP
QUELLES PRIORITÉS POUR NOTRE DIPLOMATIE ?
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - L’absence de vision fragilise notre action extérieure - Le pays devrait se positionner sur des enjeux globaux en y imprimant une marque particulière plutôt que de se limiter à réapproprier des discours dominants
#Enjeux2019 - Au Sénégal, l’accent est souvent mis sur les continuités de la diplomatie du pays, comme s’il existait, depuis 1960, au niveau des acteurs politiques et de l’opinion publique, un « consensus permissif » dans la conduite des relations internationales. Pourtant, les changements majeurs qui sont intervenus dans notre monde ne laissent aucune politique extérieure intacte. L’émergence de nouveaux acteurs non-étatiques sur la scène internationale, l’essor des technologies de l’information et de la communication ainsi que la fin de la bipolarité, contribuent entre autres phénomènes, à contraindre les Etats à s’adapter à leur nouvel environnement international et, par conséquent, à chercher de nouveaux moyens de façonner celui-ci.
- Passer du « consensus permissif », au « dissensus contraignant » -
Il y a alors nécessité d’opérer des ruptures, d’abord pour prendre en considération l’opposé aujourd’hui du « consensus permissif », c’est-à-dire le grandissant « dissensus contraignant » existant au sein de l’opinion, ensuite pour profiter des nouvelles ressources diplomatiques offertes par les changements contemporains, et enfin pour adopter une nouvelle culture diplomatique alliant cohérence et efficacité.
L’absence de vision d’une politique extérieure a souvent facilité un pilotage à vue de notre action. Ainsi, le Ministère des affaires étrangères devrait concevoir non pas strictement une « lettre de politique sectorielle », mais un « plan stratégique pluriannuel » qui tiendra compte de tous les intérêts sectoriels en raison du caractère transversal de la diplomatie qu’on ne saurait réduire à un secteur, car le Ministère des affaires est censé coordonner l’aspect international de la politique nationale. Avec ce rôle « d’intégrateur substantiel » de la politique extérieure, le MAESE serait le cœur du système diplomatique national dans une période où tout le monde travaille à l’expansion de son agenda international.
A côté de ces défis organisationnels, se positionnent d’autres de nature stratégique qui s’imposent à la politique extérieure et à la diplomatie sénégalaise. D’abord, nous avons besoin de renouveler nos rapports avec les pays africains. Notre politique africaine a récemment été marquée par des « insuccès » comme l’échec de la candidature de M. Bathily à la tête de la Commission de l’Union africaine -UA-, ou pire, la perte du rôle leader de promoteur d’idées comme en témoigne le fait que c’est au Rwanda qu’a été confiée la mission de réforme institutionnelle de l’UA. Alors que dans une période récente, notre pays était encore une « boite à idées », comme l’illustre notre rôle dans la création du NEPAD. Dans ce dernier cas comme dans les récents « insuccès » susmentionnés, le problème majeur a été notre posture jugée arrogante par nos pairs africains. D’où l’urgente nécessité de ré-africaniser notre politique extérieure, aussi bien au niveau bilatéral qu’au niveau multilatéral, d’autant plus que les Etats membres de l’UA forment, à eux seuls, l’une des plus larges coalitions diplomatiques possibles et donc une ressource diplomatique précieuse pour renégocier l’ordre normatif international -au sens juridique et politique du terme-.
- Il faut redéfinir notre carte diplomatique -
La promotion et la protection de nos intérêts nationaux exigent aujourd’hui de redéfinir soigneusement la carte diplomatique du pays en misant sur une couverture diplomatique bilatérale optimale, ainsi que de donner le tempo à notre action extérieure au lieu de toujours suivre la prise d’initiatives de nos partenaires. Cela reviendrait à s’assurer que soient bien définies, dans le cadre d’un plan stratégique pluriannuel, les actions à entreprendre avec chaque pays, sur les questions politiques, économiques et sociales, en planifiant les interactions bilatérales nécessaires au niveau stratégique (Présidence de la République, Primature), tactique (membres de gouvernement, parlementaires, envoyés spéciaux) et opérationnel (ambassades, consulats, fonctionnaires en mission, opérateurs économiques, diaspora, ONG…). En d’autres termes, il faudrait fixer, avec chaque pays partenaire, un cadre de dialogue politique clair et définir, à son égard, une stratégie de diplomatie économique avec des indicateurs de réussite quantifiables en termes d’attraction des investissements, de tourisme, de financements extérieurs (s’ils sont jugés nécessaires), de promotion des exportations et du secteur privé national à l’étranger, ou encore de coopération scientifique et technologique.
Enfin, il reste notre participation à la gouvernance globale qui devrait d’abord passer par un positionnement systématique par rapport à tous les enjeux globaux, de sorte que la neutralité sur une question ne soit pas simplement une absence de position mais reflète un véritable choix stratégique. Le Sénégal devrait aujourd’hui se positionner clairement sur des enjeux globaux comme la paix et la sécurité, la justice pénale internationale, les migrations internationales, la sécurité alimentaire, la santé globale et le changement climatique, en y imprimant une marque particulière plutôt que de se limiter à la réappropriation des discours dominants. Il convient surtout de résister à la tendance à la dépolitisation des questions comme la migration, la sécurité alimentaire, la santé et même l’écologie, qui sont en train d’être transformées en enjeux humanitaires, donnant ainsi à de nombreux Etats l’occasion de se dédouaner de leurs responsabilités politiques. Un plus grand recours aux ONG est aussi nécessaire pour les campagnes relatives à ces questions, étant donné l’accès à l’opinion publique qu’elles ont dans beaucoup de pays et leur capacité notoire à influencer les choix de politique extérieure dans les plus grandes capitales du monde. Une véritable diplomatie publique devrait ainsi permettre de définir des stratégies bien articulées ainsi que les voies et moyens nécessaires pour atteindre les résultats escomptés.
- Faire revenir la réflexion stratégique -
Tout cela rappelle l’urgence de replacer la réflexion stratégique au cœur de notre action extérieure. Le rôle d’impulsion du Ministère des Affaires étrangères est capital dans la planification de la politique extérieure. Il convient donc non seulement de ré-imprégner le fonctionnement quotidien de ce département par la réflexion stratégique, mais aussi de réveiller la Cellule d’études, d’analyse et de prospective pour réduire le fossé entre le niveau actuel de la connaissance sur les affaires internationales et la conduite, par le Sénégal, de ses relations extérieures. La conséquence principale de ces ruptures dans l’action serait l’instauration d’une nouvelle culture diplomatique qui a toutefois un coût en matière de ressources humaines et financières : renforcer les capacités diplomatiques du pays par un meilleur profilage des diplomates, une diminution drastique du personnel politique et une allocation optimale des ressources budgétaires.
Nas Diop* est le pseudonyme d’un haut-fonctionnaire au Ministère des Affaires étrangères du Sénégal.
PAR JEAN MEÏSSA DIOP
PAYSAGE MÉDIATIQUE AVANT LE DÉSASTRE OU LA RENAISSANCE
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Pour une gestion transparente des fréquences, une régulation véritable de l’ensemble du secteur et une presse écrite qui assure sa viabilité
#Enjeux2019 - Chaque parution d’un titre de la presse écrite sénégalaise est, pour ainsi dire, un miracle. Une prouesse non point tant de ressources humaines que de celles financières. C’est que, l’environnement dans lequel se meut cette catégorie de la presse sénégalaise est des plus difficiles. Directeur du Témoin alors hebdomadaire, Mamadou Oumar Ndiaye, avait, en 1991, alerté que « nous gérons des entreprises en faillite ». Et la situation ne s’est guère améliorée, si elle n’a pas empiré. Et pourtant, - et c’est un des paradoxes de la presse sénégalaise – des titres – surtout à parution quotidienne – continuent de naître jusqu’à atteindre le nombre de 20 au kiosque et entre les mains des vendeurs à la criée.
Comment continuer à créer des titres si c’est pour, au meilleur des cas, réussir à les faire vivoter ? Les créateurs de journaux sont audacieux et d’un optimisme à vouloir déplacer les montagnes. Avec quoi faire vivre un journal vendu à 100 francs ? – et c’est le deuxième paradoxe. Sur ce prix de vente, il faut payer 50 francs à l’imprimerie et 10 francs au vendeur. Ainsi, le Sénégal est un - voire le seul - des rares pays d’Afrique de l’Ouest où des journaux quotidiens de 8 à 32 pages se vendent à 100 francs l’exemplaire. Le tarif moyen du journal dans les autres pays ouest-africains étant de 300 francs ! Le journal Le Quotidien, initialement vendu à 200 francs, a cru devoir baisser son prix de moitié, c’est-à-dire 100 francs.
Seuls trois titres, à savoir Le Soleil, Wal Fadjri et Sud Quotidien, se vendent encore à 200 francs. Après la disparition du satirique Le Cafard libéré, il ne reste plus que trois des « quatre mousquetaires » (Wal Fadjri, Sud Quotidien et Le Témoin) héroïques des années 90.
La disparition de l’Agence de distribution de presse (ADP, filiale des Nouvelles messageries de la presse parisienne) n’est pas pour arranger la situation des journaux qui doivent confier leurs ventes à des crieurs dont beaucoup ne reversent pas ou pas à temps les recettes.
D’autres naissent pourtant encore et encore comme si n’a pas été retenue, la leçon de l’impossible survie de l’existant. On comprend mal qu’une presse en asphyxie s’impose un dumping mortel.
Comment et pourquoi vendre un journal à un prix aussi dérisoire si les insertions publicitaires y sont inexistantes ? Selon la norme classique, les recettes publicitaires doivent représenter au moins 60 pour cent des finances d’un journal stable.
Depuis la disparition du Nouvel Horizon et de La Gazette, il n’y a plus un seul hebdo au kiosque sénégalais.
Le mensuel économique Réussir, créé en 2006, tient toujours le coup et son éditeur, Baye Dame Wade, a lancé, courant 2018, un second titre, Réussir Immo, spécialisé dans l’immobilier.
Une innovation dans la distribution avec Senekiosque, une plateforme de commercialisation électronique de journaux. La distribution électronique s’est donc engouffrée dans la brèche de la distribution de presse et d’autres plateformes comme Jumia, Dakarwebstore, Expat Dakar s’y sont mis, distribuant en version PDF des journaux ayant signé avec eux une convention de distribution. Et des abonnés reçoivent les journaux en fichiers PDF.
Certaines de ces plateformes n’hésitent plus à proposer aux éditeurs la distribution de journaux « papier ».
- L’alternative de l’édition en ligne -
Dans ce marasme, l’édition en ligne s’impose de plus en plus comme une alternative à laquelle pensent des éditeurs de presse sénégalais. Mais ils trouvent déjà sur le créneau 300 à 400 sites qui, littéralement, pillent la presse classique. Le contenu de ces « en-ligne » n’est pas très consistant en volume ni en fiabilité de l’information. Une structure d’autorégulation dénommée Association des Professionnels de la Presse En-Ligne (APPEL) mène le combat pour une moralisation et une crédibilisation du secteur.
- Cas de la télévison -
Le passage à la télévision numérique terrestre aura été une révolution dans l’audiovisuel au Sénégal. C’était le 15 juin 2015. La construction de l’infrastructure a été réalisée par une expertise sénégalaise déployée par une entreprise sénégalaise, en l’occurrence Excaf télécom (Expo Carrefour Afrique). Certes, le Sénégal est entré dans l’ère de la télévision numérique, mais pas sur tout le territoire dans le même délai. L’avènement d’une zone à l’autre a accusé un retard lié notamment aux difficultés d’Excaf.
Désormais, 14 chaînes des 22 chaînes de télévision sénégalaises émettent via la TNT gérée par une société de gestion dénommée Télédiffusion du Sénégal (TDS). Un décodeur permettant l’accès à la TNT est en commercialisation depuis son avènement. La distribution de cet accessoire pour l’accès à la TNT s’est normalisé et le prix stabilisé. Il avait été prévu une récupération des anciennes fréquences pour les affecter à d’autres usages comme la téléphonie.
Grâce à la TNT, il ne s’agit plus de fréquences, mais de canaux – un seul canal de TNT pouvant abriter 4 chaînes de télévision. Et les commandes sont tenues par TDS qui peut couper les émissions de toute chaîne dont tout ou partie des programmes, une émission par exemple, n’aurait pas un contenu conforme aux normes éthiques et morales ou à l’exigence de protection du jeune public et autres publics vulnérables.
Mais, le paysage numérique risque d’être pollué par l’irruption de ceux qu’on appelle les « câblos » qui sont, en réalité, des acteurs pirates de programmes de bouquets comme celui de CanalSat Sénégal. Ces « câblos-pirates » plaident la légitimité de leur action par la création d’emplois et l’élargissement de l’accès d’un plus grand nombre de téléspectateurs. Ils opèrent dans plusieurs zones du Sénégal et ont institué un accès payé (abonnement) à leurs programmes piratés.
Ces opérateurs pirates sont tellement bien assis et si sûrs de leur(s) fait(s) que certains se sont regroupés en une Société de redistribution de la télévision par câble (Sortec) et réclament une reconnaissance des autorités. Mais, s’étonne une autorité, « c’est comme si des faux-monnayeurs réclamaient un agrément à une banque centrale ! »
Le problème posé par ces « câblos » est si délicat que le président du CNRA, Babacar Diagne, est, quelques semaines après sa nomination, allé à Thiès pour les sensibiliser en direction de la campagne électorale pour la présidentielle de février 2019, leur « couverture » inéquitable pouvant provoquer une rupture d’égalité entre les candidats.
Le secteur de la télévision compte trois bouquets accessibles au public par abonnement aux tarifs modulés selon que la souscription est faite au mois ou sur deux mois au moins. Ces bouquets sont celui de CanalSat, Excaf télécoms, Origines, Delta Net…
- Les défis de la radio -
Le pays compterait 300 fréquences de radio dont plus de 250 connectées à des radios émettant effectivement sur le territoire sénégalais. Au ministère de la Communication, il nous a été signalé l’existence d’un projet de recensement des chaînes de radio en émission à travers le Sénégal. De son côté, le CNRA a un projet de « typologisation » des mêmes radios et cette initiative permettrait de faire un recensement des différentes chaînes.
Si au tout début de la libéralisation de la radio au Sénégal, dans les années 90, avec la création de Sud FM, première radio privée au Sénégal, en 1994, les radios privées commerciales étaient dominantes par rapport aux radios privées communautaires ou associatives, aujourd’hui la réalité a bien changé, le nombre de radios communautaires ayant, littéralement explosé jusqu’à dépasser le chiffre de 127. Selon le président de l’Union des radios associatives communautaires (Urac), M. Talla Dieng, il y a 114 radios communautaires membres de l’URAC et une vingtaine non-membres. Soit 137 au moins. Un chiffre bien supérieur à celui du ministère de la Communication.
Tous ces organes de la presse doivent se partager une aide à la presse d’un montant de 700 millions qui ne parviendront pas du tout à promouvoir une presse qui vit avec des déficits. Les autorités gouvernementales promettent toujours de modifier le format de l’aide qui ne devrait plus être allouée sous une forme pécuniaire, mais plutôt sous forme d’appui matériel dans des domaines prioritaires comme l’impression, le papier, le téléphone, l’internet.
Jean Meissa Diop est journaliste, ancien membre du Conseil National de Régulation de l'Audiovisuel (CNRA), ex directeur de publication de Walf Grand-Place. Chroniqueur d’"Avis d'inexpert" sur les médias dans le quotidien L'Enquête et à SenePlus.com, il a publié en septembre 2018 aux Editions Maguilèn, "Le cybersalon des épouses qui ont mal au lit".
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
NDONGO LÔ & PACOTILLE, ANGES SANS AILES
EXCLUSIF SENEPLUS - Ces deux garçons étaient des gardiens jaloux de la langue wolof, dont ils ont été les formidables hérauts - Ils étaient l'incarnation d'une gloire fragile - INVENTAIRE DES IDOLES
J’avais 16 ans en 2004. Peu de centres d’intérêt hors du football et des études. J’étais un petit provincial, loin des rumeurs du monde et de ses clameurs. Un plouc Ziguinchorois, exclu des cercles branchés pour lesquels j’avais inconsciemment développé un mépris féroce. Garçon heureux, se nourrissant de rudiments, bêchant la terre avec des amis et jouant aux championnats estivaux pendant l’hivernage. Bouffeur de poussières et d’argiles dans l’ocre casamançais au gré des voyages. Consommateur de football télévisé, de débats politiques et de bulletins d’informations. Pouvait-il y avoir insouciance plus grandiose, vie plus délicieuse ? Je connaissais Youssef Hadj d’Al Jazeera Sport qui me narrait Zidane, je connaissais Victor Hugo qui m’écrivait le monde, je connaissais Bertrand Coq qui me susurrait l’info. Je ne connaissais pas 50 cent. Et les choses se sont passées comme ça un certain temps. Pendant longtemps. Puis elles ont changé. Un magnétophone, reçu en guise de prix suite au concours de déclamation poétique René Cassin que j’avais remporté au théâtre national Daniel Sorano en 2004, devait donc m’inviter dans le monde. Ouvrir mes oreilles à autre chose que : les notes de Dandan Diédhiou de l’Ucas Jazz Band de Sédhiou dont mon père raffolait ; les sérénades de Michel Sardou et d’Edith Piaff dont ma mère s’émouvait ; les chants de circoncision qu’avec quelques amis nous fredonnions. J’avais ouvert mes oreilles à autre chose, seul dans ma chambre, avec ma musique, mes CD gravés clandestinement. Trois nouvelles idoles naissaient ainsi à moi : Dread Maxime, Ndongo Lô et Pacotille.
Ndongo mourra. Surpris par la faucheuse – qui une fois de plus (avait) frappé fort. Foudroyé en pleine ascension. Lui, mort dans l’éclat de sa gloire naissante. Quand mon amour pour lui, au détour de la chanson Xarit grossissait, enflait jusqu’à l’obsession. Le gosse candide d’un Pikine malfamé, parti dans la vie avec comme seules ressources une voix, une insouciance, des textes, du flair, le sens populaire mal dégrossi des petites naissances, rendait orphelins des admirateurs si précocement esseulés. Du début – Ndoortel – à la glissade – Tarxiss – ce chanteur des soirées hebdomadaires d’un Pikine indigent ; ce chanteur-griot qui distribuait la joie de la danse à ces sommes d’endimanchés à la quête de jubilation ; Ndongo est resté mon chanteur préféré de la scène du Mbalax. Il m’a trouvé en province sans tambours ni trompettes, m’a appris le wolof chatoyant. Pour des gens qui se suffisent de peu, il en avait déjà trop fait.
Plus de 10 ans après, après le choc de Pikine, Pacotille est aussi surpris par la mort. Nouvelle douloureuse qui arrive sans sommation, et qui frappe un autre compagnon de ma jeunesse. A moi, qui n’ai rêvé que d’un âge : 17 ans. J’ai toujours eu le rap en horreur. Mon cousin, encyclopédie du Sénégal des années 90, m’avait sommé d’écouter le groupe Rapadio, je ne l’avais pas suivi. Pacotille est venu chez moi. D’abord avec des ballons, des tics-tics : deux accessoires qui résumaient ma vie. Une claire romance devait naître entre nous. Il jonglait : l’effronté que j’étais le challengeait donc. Il était mon inspirateur en même temps que mon idole. Ce style rafraichissant, ce longiligne et squelettique rappeur, le visage émacié, le bouc ridicule, me rappelait mes voisins, mes amis, mes frères, les gens de tous les jours, somme d’une pauvreté qui sculpte les corps en les creusant. Ses chansons potaches, où la rime se désincarne, se déshabille de toute prétention pour n’épouser que la jubilatoire déconne, étaient les gouters qui venaient rassasier mon âme.
Mes deux idoles de jeunesse, dont les souvenirs restent encore si pénétrants, sont donc mortes.
Modestes sans grades, imprudents dans leurs trajectoires, chanteurs aux choix parfois questionnables, ils étaient pourtant restés les repères d’une adolescence que je voulais sanctuaire. Le lien impérissable avec un type de Sénégal encore fragile, si poreux, pas à l’abri de ces glissades du destin qui frappent si souvent les démunis. Morts brusques et sans soins. La mort ordinaire des pauvres. Aujourd’hui encore, je connais leurs chansons par cœur. Je les chante à gorge déployée. Pèlerinages en adolescence mais aussi regards sur un monde. Méprisés pour leur image de péquenots et de seconds couteaux, ils rappellent – dans un parallèle que j’ose – cette caste de bourges qui reprochaient à Jacques Brel de ne pas être beau pour garnir leur scène. C’est typiquement cela, ce tropisme de la gloire couverte de paillettes que la mort de ces deux garçons me hâte de détester. Ce furent des anges sans ailes, des messagers au souffle court pour le voyage sur terre.
Et ici Galass et sa longue méditation A Capella. Et ici Ma gi dor et Duma la bayi, pour raffermir le lien filial. Et ici Jalle Ma, et son mystère. Et toutes les autres magistrales d’une œuvre que Ndongo, dans son court passage, a offert. Et Pacotille, sa caricature de la contestation, ce rap drolatique dont il est le seul précurseur quand les concurrents gonflés jusqu’au goitre de prétention sociale finiront par traquer l’urineur urbain pour façonner le dit ‘nouveau type de sénégalais’.
Ces deux garçons étaient des gardiens jaloux de la langue wolof, dont ils ont été les formidables hérauts. Ils étaient l’incarnation d’une gloire à taille humaine, d’une gloire de sans grades. D’une gloire fragile. A l’heure où les petites réussites sont déconsidérées et disqualifiées pour le fracas des grandes audiences, ce sont des histoires sénégalaises que Pacotille et Ndongo célébraient. De petites gens, pas à l’abri de la pauvreté, vantés mais aussi contestés. Mais inexorablement dépositaires d’un génie qui tenait pour l’un dans un rap novateur et sarcastique, et pour l’autre dans une voix qui sublimait des textes candides mais in fine prophétiques.
Au seuil de l’année nouvelle, il me plait de faire un pèlerinage par la pensée dans ces tombes, et de réfléchir à la fragile condition d’artistes, avec le nombre de disparitions récentes d’idoles abandonnées, oubliées. Que la nature n’ait pas d’impact sur toi, Dread. Dernier sanctuaire du trio ! « Ma ngui leen di Jalle ».
Texte initiatlement publié dans Le Quotidien en janvier 2018.
Macky Sall n’est ni Abdou Diouf ni Abdoulaye Wade. Par conséquent, les concessions de ses prédécesseurs à la tête du pays pour l’organisation des élections en nommant une personnalité neutre ne l’engagent pas.
Donc, jusqu’à preuve du contraire, a rappelé le président de la République, en substance, Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Intérieur et maire Apr de Linguère, sera aux manettes pour la Présidentielle du 24 février prochain. N’en déplaise à l’opposition qui mène ce combat depuis des années. Interpellé lors de la conférence de presse qui a suivi son message de Nouvel an, le chef de l’Etat s’est voulu on ne peut plus clair. «Je ne nommerai jamais une personnalité neutre pour organiser la Présidentielle du 24 février», coupe-t-il.
A l’opposition, Macky Sall répond qu’il n’est pas là pour satisfaire les désirs de «quelques personnes». De plus, rassure-t-il, le système électoral ne peut pas être manipulé. «Il est fiable. Je fus ministre de l’Intérieur. L’opposition, à l’époque, avait dit que j’étais membre d’un parti. Pourquoi le ministre de l’Intérieur ne doit pas militer dans un parti ? Tous ceux qui sont dans le gouvernement sont des membres de parti, y compris le président de la République et le Premier ministre. Donc, dire que le ministre de l’Intérieur ne doit pas être membre d’un parti, c’est raconter des histoires», dit-il. Avant d’ajouter : «Si je dois perdre des élections, Aly Ngouille Ndiaye n’y pourra rien. C’est un faux débat. Aly Ngouille Ndiaye peut quitter le ministère de l’Intérieur en cas de mauvaise gestion, mais pas parce qu’il est de l’Apr. Jamais de la vie !»
«NIANGAL» ZEN FACE AUX QUESTIONS QUI FACHENT
Malheureusement, toutes les questions économiques n’ont pas été posées à Macky Sall.
Il avait sans doute très bien préparé ses réponses et a répondu de manière très calme à toutes les questions, même celles qui semblaient gênantes pour lui.
Le Président Macky Sall a été incollable avant-hier devant les journalistes sur les questions portant sur son bilan économique. Et comme pour le moment l’économie est à la base des orientations politiques du pays, on pourrait tout aussi dire que Macky maîtrisait parfaitement les questions liées à sa politique, au point de claironner plusieurs fois que tout va bien sur le plan économique au Sénégal. Cela, sans éluder les questions polémiques, et en y répondant à sa manière, qui parfois pourrait passer pour abrupte.
Le coût du Ter, la répartition des ressources du gaz entre le Sénégal et la Mauritanie, l’attribution d’un bloc de recherche à Total qui a entraîné la destitution/démission d’un ministre de l’Energie, le niveau d’endettement du pays, ou le taux de croissance, à toutes ces questions Macky Sall a apporté des réponses. Et pour ceux qui suivent les choses de l’économie, ses réponses ne pouvaient prêter matière à controverse. D’ailleurs, lui-même, sur certains points, ne cessait de répéter : «C’est scientifique, ce n’est pas juste des déclarations en l’air.»
Il faut sans doute croire que le coût annoncé par le président de la République du Train express régional (Ter), à savoir 568 milliards, avec un avenant de 15%, et un supplément de 50 milliards de Cfa pour le dédommagement des impactés, ne satisfera pas les sceptiques, ainsi que ceux qui seront toujours convaincus que Macky Sall ne dit jamais la vérité au Peuple sénégalais. Mais le débat là aussi ne pourrait porter que sur des données, et ceux qui auraient des chiffres différents, avec des éléments pour les étayer, ne manqueront sans doute pas de les rendre publics.
On peut néanmoins déplorer que le format et l’organisation de la conférence de presse n’aient pas permis d’aborder des points bien plus importants que certains sujets à polémique qui ont été soulevés avant-hier. Ainsi, si le Président a indiqué pourquoi il n’a pas augmenté le nombre des bénéficiaires des bourses de sécurité familiales, il n’a pas été loisible de lui demander avec quelles ressources il comptait poursuivre ce programme, ainsi que celui de la Carte d’égalité des chances, qui représentent cha¬que année une charge assez lourde pour les finances publiques, comme le considèrent certains secteurs de Peytavin, le siège du ministère de l’Economie, des finances et du plan. Surtout en période de tension de trésorerie.
Par ailleurs, pour la mobilité intérieure, une option semble avoir été faite de lier le sort de la Casamance à celui de la Transgambienne, alors que le contournement par Tamba¬counda et Vélingara, même plus long, aurait l’avantage d’accélérer le développement de ces zones du pays et de réduire leur désenclavement.
De même, sur sa volonté d’impulser l’industrialisation du pays, comment le Président voit-il l’implication du privé national qui ne devrait pas être juste un appoint pour les investisseurs étrangers. Sans doute qu’un autre débat, après la Pré¬sidentielle, permettra, sinon à Macky, du moins au prochain locataire de l’avenue Senghor, d’apporter ses réponses à ces questionnements.
«JE N’AI PEUR DE PERSONNE SUR LE TERRAIN POLITIQUE»
Khalifa Sall et Karim Wade sont présentés par leurs partisans comme faisant peur au Président sortant. Mais le chef de l’Etat, interpellé sur la question lors son entretien avec la presse nationale, botte en touche.
«Je n’ai peur de personne sur le terrain politique. Je ne me suis pas autoproclamé président de la République. C’est le Peuple qui en a décidé ainsi à travers une élection. J’étais un opposant face à un pouvoir qui était là avec toute sa puissance. Je suis un démocrate : si ce que j’ai fait est insuffisant aux yeux des Sénégalais, qu’ils élisent un autre Président le 24 février. J’accepterai ce choix sans problème», a-t-il dit.
Macky Sall ajoute «que ceux qui ont des problèmes judiciaires se regardent dans un miroir» car, dit-il, la question est de savoir si «ce dont on est accusé est avéré ou pas». Sur le cas Karim Wade, il dit : «Comment pourrais-je gracier un homme dont j’ai peur ? Dire que j’ai peur de cet adversaire n’a pas de sens.» Le président de l’Apr appelle les politiciens qui veulent diriger le pays à «éviter de jeter l’opprobre sur les institutions, en particulier le Conseil constitutionnel encore que les accusations ne reposent sur rien». «On accuse le Président gratuitement. Mais ku boot bouki, xacc baw la, (quand on a des charges publiques, on ne peut s’empêcher d’être critiqué)», admet-il. D’après lui, plus de 4 100 parrains de son dossier de candidature déposé par sa mandataire Mimi Touré ont été rejetés par le Conseil constitutionnel.
PAR YORO DIA
MACKY ET LE PÉCHÉ D’ORGUEIL
Tellement confiant, il veut convaincre l’opinion et les électeurs que la présidentielle de 2019 n’est qu’une simple formalité - Un bon bilan, c’est très important, mais jamais suffisant pour une réélection où Idy joue son va-tout et Sonko, son atout
Dans son traditionnelle adresse de fin d’année, le président de la République n’a consacré que quelques minutes à la prochaine présidentielle qu’il a reléguée volontairement à la fin du discours. Il est tellement confiant et veut convaincre l’opinion et les électeurs que la présidentielle de 2019 n’est qu’une simple formalité. Cette stratégie est un couteau à double tranchant. Elle est efficace si la volonté de Macky Sall est d’enfermer les Sénégalais dans ce que Elisabeth Neumann appelle «la spirale du silence», c’est-à-dire convaincre que c’est gagné d’avance et faire rallier à sa cause les sceptiques, car l’individu veut toujours être du côté de la majorité. Si cette confiance que Macky Sall veut contagieuse relève du péché d’orgueil, le premier tour risque de révéler des surprises. Les électeurs ne veulent jamais qu’on leur présente une élection comme gagnée d’avance.
L’électorat se comporte toujours comme une belle dame : elle veut être courtisée. Le péché d’orgueil est le cimetière de beaucoup de grands hommes politiques. En 1992, aux Etats-Unis, Georges Bush père, vainqueur de la guerre d’Irak avec la plus grande coalition depuis la guerre froide, réussite qui a aussi entraîné la prouesse de générer la chute du mur de Berlin, la dislocation de l’Union soviétique et du bloc de l’Est, va perdre la présidentielle face à un inconnu du nom de Clinton, obscur gouverneur de l’Arkansas. En France en 2002, Lionel Jospin, avec un excellent bilan et sans casserole, mordra la poussière face à un Chirac sans bilan et avec beaucoup de casseroles. Jospin, par péché d’orgueil, avait pris le premier tour pour une simple formalité. Un bon bilan, c’est toujours très important, mais jamais suffisant pour une réélection où Idrissa Seck joue son va-tout et Sonko son atout.
Le parrainage et les candidatures publicitaires
Le seul problème du parrainage est le défaut de consensus politique, mais c’est une excellente idée. Le parrainage est un filtre démocratique entre les candidatures sérieuses et celles publicitaires qui créent un brouillage politico-médiatique dans l’espace public. Nous sommes partis de plus de cent candidats, qui ont retiré des dossiers, à vingt-sept dépôts au Conseil constitutionnel. Et après le filtre du Conseil constitutionnel, on va probablement se retrouver avec une dizaine de candidats. Le parrainage est un filtre démocratique et il est politiquement et moralement plus acceptable que le filtre financier. Un filtre financier, par exemple, demander une caution de 200 millions ou 500 millions, va créer un «sens caché» comme dit Daniel Gaxie, c’est un régime censitaire fondé sur l’argent et non pas sur la popularité et les idées. Il faut que l’Etat aille plus loin pour limiter à l’avenir les candidatures publicitaires, en faisant précéder le dépôt de la caution au retrait du dossier et en retenant 50% de la caution pour ceux qui n’auront pas réussi à passer le filtre du parrainage. Ainsi, dès le début du processus, nous n’aurons que les candidatures sérieuses et le débat ne serait pas pollué par les candidats publicitaires qui savent qu’ils n’iront pas jusqu’au bout, mais profitent de l’occasion pour avoir leur heure de gloire ou se positionner et marchander leur ralliement.
France : La castration de Jupiter
Pour son discours de fin d’année, le président français s’est voulu «offensif» pour reprendre l’initiative qu’il avait perdue face aux gilets jaunes, mais il n’a pas réussi et ne réussira probablement pas. Un ressort s’est brisé. Le peuple français, ce peuple rebelle, adepte plutôt des révolutions que des réformes, a réussi la prouesse de castrer Jupiter. La révolte des gilets jaunes va être le tournant du quinquennat. «Le vrai caractère perce toujours dans les grandes circonstances», disait Napoléon Bonaparte. La révolte des gilets jaunes a créé des circonstances exceptionnelles qui ont montré le vrai caractère de Macron, c’est-à-dire un manque de caractère, contrairement au Général de Gaulle face à la furie de Mai 68. Macron a trop tôt capitulé face aux gilets jaunes et s’en rend compte aujourd’hui. Avec la castration de Jupiter, la France rate encore une belle occasion de se réformer. Le mythe Macron s’est effondré. Il n’aura plus suffisamment de légitimité pour entreprendre les grandes réformes qu’il avait promises aux Français. Il va ainsi passer de l’omnipotent Jupiter à simple «résident» du palais de l’Elysée. Le reste du quinquennat risque d’être aussi long que celui d’un président en cohabitation.
7 CHEMINOTS PASSENT LE 31 AU COMMISSARIAT CENTRAL
Ils ont été interpellés suite à un mouvement d’humeur spontané pour réclamer le redressement du chemin de fer et le payement de deux mois d’arriérés de salaire.
7 cheminots de l’entreprise Dakar-Bamako ferroviaire (Dbf) ont passé la nuit du 31 décembre dans les locaux du Commissariat central de Thiès.
7 cheminots de la société Dakar-Bamako ferroviaire (Dbf) ont passé les festivités de la célébration de la nuit de la Saint Sylvestre, le 31 décembre, au Commissariat central de Thiès. Ils ont été placés en garde à vue pour avoir perturbé le trafic ferroviaire et routier lundi, en début de soirée, au niveau des trois passages à niveau qui constituent l’épicentre du trafic de la ville de Thiès.
Les cheminots qui exigeaient des deux Etats (Mali et Sénégal) la mise à disposition d’une somme de 20 milliards de F Cfa pour la relance du chemin de fer et le paiement immédiat de 2 mois d’arriérés de salaire sont, après avoir fait face à la presse à la direction générale de Dbf, allés à la gare ferroviaire. Sur place, ils ont bloqué les différents accès du train en déraillant les wagons en stationnement. Ce qui a occasionné des perturbations dans le trafic routier au niveau de la ville de Thiès. Informées, les Forces de l’ordre se sont promptement déplacées sur les lieux pour déguerpir les cheminots avant d’identifier les cerveaux du mouvement d’humeur qui ont été ensuite appréhendés et placés en garde à vue.
Pour l’heure, leurs parents, amis et camarades qui se sont déplacés hier matin, en masse, au Commissariat central de Thiès pour exiger leur libération justifient l’attitude de leurs proches qui sont restés deux mois sans salaire. «Ils ont juste exprimé leur mécontentement à l’occasion de la fête de fin d’année parce que la société ferroviaire traverse des difficultés qui jusque-là n’ont pas été réglées», disent-ils.