ELIMANE KANE DÉNONCE LES "PROPOS INJURIEUX" DE SONKO
Le président de Legs Africa prône un débat démocratique sur le financement des ONG plutôt que des mesures unilatérales qu'il juge « scélérates »

Le président du think tank Leadership, éthique, gouvernance et stratégie pour l'Afrique (Legs Africa), Elimane Haby Kane, a analysé avec froideur et sans passion les propos du Premier ministre Ousmane Sonko sur la société civile.
À l'en croire, le débat sur le financement des ONG, notamment de la provenance extérieure de l'essentiel de ses ressources, précède l'arrivée du PASTEF au pouvoir. C'est pourquoi il propose d'aborder la question d'une manière démocratique et non par une loi scélérate et unilatérale.
Il a beau être d'avis avec le Premier ministre sur le financement de la société civile, Elimane Kane trouve que ses propos tenus, lors d'une réunion politique nationale du Pastef, sont « injurieux, excessifs et offensants ». « En osant injurier certains membres de la société civile, mais de qui parle-t-il (ndlr, Premier ministre) ? De quoi parle-t-il ? » s'interroge d'emblée le président de Legs Africa non sans ajouter : « Le Premier ministre nous a habitués à se tromper, se dédire ou ne pas être souvent précis dans ses propos. Alors que "mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" disait Albert Camus ».
Car, ce qu'on appelle « société civile » au Sénégal, selon Elimane Kane, est une abstraction et une perception imprécise et protéiforme d'acteurs et d'organisations qui ne renvoient pas à une réalité juridique. « La société civile n'existe pas dans la Constitution du Sénégal. Du préambule à l'article 103 de la loi fondamentale, le terme n'y figure pas. Même si le concept est différemment défini selon les auteurs (De Hegel à Sémou Pathé Guèye), la "société civile" renvoie effectivement à une réalité politique et socio-économique en gestation au Sénégal depuis les années 70, avec des évolutions marquées par l'évolution des idées et les événements politiques et économiques majeurs au niveau global et du contexte sénégalais », a-t-il écrit.
Elle évolue, poursuit-il, à la jonction de dynamiques locales propres et de dynamiques extérieures dans une perspective proche du tiers-secteur, entre l'État et le secteur privé. Déjà, il fait noter que dans le cadre d'un rapport annuel initié par un programme de renforcement des capacités de la société civile (PASC), il est répertorié près de 700 ONG et plus de 32 000 associations au Sénégal qui interviennent sur presque tous les secteurs sociaux et économiques et contribuent à hauteur de dizaines de milliards de francs CFA, créent des emplois, transforment des réalités, appuient le développement de collectivités territoriales et impulsent l'essentiel des réformes progressistes et consolidantes adoptées par l'État du Sénégal.
« La question du financement des ONG (...) est un débat déjà posé par elles-mêmes en considération des enjeux stratégiques et de la perspective de souveraineté »
Sur la question du financement des organisations de la société civile, Elimane Kane rappelle que c'est un débat déjà posé par elles-mêmes en considération des enjeux stratégiques et de la perspective de souveraineté. Un débat, dit-il, qui précède l'avènement de Pastef au pouvoir. « La provenance extérieure de l'essentiel du financement des ONG et certaines associations constitue une limite à la maîtrise de l'initiative politique, notamment les risques d'alignement à des agendas exogènes », relève le président de Legs Africa.
Cependant, il s'empresse de noter que ce sont les mêmes partenaires extérieurs qui financent aussi le gouvernement du Sénégal à travers sa politique de coopération soit en appui budgétaire ou en programmes. D'ailleurs, l'essentiel des dépenses sociales (Éducation - Santé - Protection sociale) proviennent de financements de partenaires extérieurs, note Elimane Kane.
« Sur cet aspect, je suis d'accord avec Monsieur le Premier ministre qu'il est important de revoir la question de l'origine des financements des ONG et associations, non pas pour éteindre leur action, mais pour mieux renforcer leur impact dans le prolongement du service public, à travers le développement de mécanismes de financement endogène par le contribuable sénégalais et la philanthropie nationale. Un débat à mener de manière démocratique et non par une loi scélérate et unilatérale », a précisé le président de Legs Africa.