«IDY N’OSE PAS INCARNER LE CHEF DE L’OPPOSITION DEVANT LE PDS»
Dans cet entretien, l’actualité de l’Assemblée nationale et la question du statut de l’opposition sont à la loupe du médecin Toussaint Manga

A première vue, il peut paraître timide. Mais avec Toussaint Manga, méfiez vous des apparences. Pour son premier saut à l’Assemblée nationale, le vieux Moustapha Niasse se souviendra longtemps de ce jeune du Pds qui a déchiré devant lui le projet de loi sur le parrainage. L’Assemblée nationale en vacances, le Secrétaire général de l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (Ujtl) change de cible : Oumar Sarr et compagnie. Avec sa fougue et sa rage, le député libéral cogne les frondeurs, déroute leur stratégie et tire sur leur démarche. L’opposition présente au dialogue politique en a également pris pour son grade. Dans cet entretien, l’actualité de l’Assemblée nationale et la question du statut de l’opposition sont à la loupe du médecin Toussaint Manga.
Que vous inspire la crise que traverse le Pds ?
Ce n’est pas une nouveauté. Le parti dans son histoire a toujours vécu avec des frondes. Certains responsables sont contre les directives du frère Secrétaire général Me Abdoulaye Wade. Mais cela ne peut empêcher le bon fonctionnement du Parti démocratique sénégalais qui est très organisé. Il y a le Secrétaire général du parti, les fédérations, les structures de femmes, de jeunesses… Donc, le parti se porte très bien. La nouvelle équipe est disposée à apporter une nouvelle dynamique.
Le parti n’est-il pas aujour d’huit aillé sur mesure pour Karim Wade ?
Le parti n’est pas entre les mains de Karim Wade mais celles de Me Abdoulaye Wade qui demeure le Secrétaire général du parti. Karim, jusqu’à présent, est le candidat du parti et reste un grand responsable. Ça, c’est important. C’est pourquoi il doit occuper une place prépondérante dans le parti. Si les choses s’étaient bien passées, Karim serait l’actuel président de la République. S’il occupe une place importante dans le parti, c’est très normal.
«Oumar Sarr et Cie n’avaient pas accepté que Modou Diagne Fada puisse tenter de réformer le parti ; que Aïda Mbodj crée un courant dans le parti ; que Habib Sy puisse en créer aussi…»
La fronde de Oumar Sarr et Cie ne va-t-il pas fragiliser le Pds ?
Le Pds, ce n’est pas ces gens qu’on voit dans la presse. Les militants du Pds sont partout au Sénégal. Parmi eux, il y a des gens qui sont connus. C’est vrai. Mais il y a des gens qui sont chouchoutés et aimés par les militants du Pds juste parce qu’ils bénéficiaient de la confiance de Me Abdoulaye Wade. Mais une fois que vous oubliez ce paramètre, en dehors du Pds, vous n’existez pas. Il faut regarder dans le rétroviseur et voir tous ces responsables qui ont quitté le Pds pour tenter d’exister. En dehors de Macky Sall qui a bénéficié d’un contexte particulier, tous les autres ont échoué. Depuis 2012, tous ceux qui ont quitté le Pds pensant qu’ils avaient une aura nationale, ils n’ont même pas pu aller aux élections, excepté Madické Niang.
Jusqu’ici, on voyait des rebellions individuelles, en l’occurrence Idrissa Seck, Macky Sall, Modou Diagne Fada, Madické Niang… Mais aujourd’hui, plusieurs responsables se lèvent contre Wade et ses méthodes…
J’estime que la fronde de Fada était plus forte que celle là. Modou Diagne Fada avait de grands responsables du parti derrière lui. Fada avait un peu déstructuré certaines entités du parti, mais cela n’a après servi à rien parce qu’ayant rejoint la majorité. Les résultats seront les mêmes pour la fronde de Oumar Sarr et consorts.
Le Pds est fait de telle sorte que c’est impossible de créer une dualité face à Me Wade. Leur tentative sera vaine. Oumar Sarr, Babacar Gaye, Me Amadou Sall avaient refusé des actes similaires à des responsables. Ils n’avaient pas accepté que Modou Diagne Fada puisse tenter de réformer le parti ; que Aïda Mbodj crée un courant dans le parti ; que Habib Sy puisse créer un courant… C’était sous la coordination de Oumar Sarr. Aujourd’hui, ils créent un courant tout en sachant que les textes du parti ne l’autorisent pas.
Etes-vous de ceux qui demandent leur exclusion ?
La politique, c’est de l’addition. Mais dans ce cas d’espèce, il n’y a pas d’exclusion à formuler parce que Oumar Sarr et son groupe se sont auto exclus du parti pour acte de dissidence et de défiance au Secrétaire général national.
Défiance aussi à Karim Wade…
Karim est juste un prétexte qu’ils veulent utiliser pour contourner le problème. C’est une défiance au Président Wade. Oumar Sarr, Me Sall, Babacar Gaye ne respectent pas les Sénégalais. Ils ont fait le tour du Sénégal pour présenter Karim Wade comme le meilleur candidat pour le pays. Cette même personne qu’on voulait porter à la magistrature suprême devient subitement quelqu’un qui ne peut même pas diriger le Pds. C’est incohérent !
Selon eux, Karim Wade les a «trahis» en restant à Doha…
Il ne faut pas se leurrer. On sait tous que toutes que les conditions ne sont pas réunies pour que Karim vienne.
Quelles sont ces conditions ?
S’il vient, on va le mettre en prison.
Donc, il a peur de retourner en prison ?
Il n’y a pas de justice dans ce pays. Karim n’a pas peur d’aller en prison, parce qu’il est resté là-bas plus de 3 ans. Que voulez-vous ? Qu’il revienne et qu’on le jette en prison. On va passer notre temps à lui rendre visite et à faire des déclarations. Est-ce que c’est mieux ainsi ? Non ! On dit qu’il n’est pas courageux, c’est faux. S’il ne l’était pas, Karim ne ferait pas 3 ans de prison.
Après, il a négocié avec Macky Sall pour sortir, d’après Oumar Sarr…
Pourtant, Me Amadou Sall a dit que Karim n’a jamais négocié une grâce présidentielle. Qui faut-il croire ? Nous tous au Pds savons que les conditions n’étaient pas réunies pour que Karim revienne. Le meilleur exemple que je peux donner, c’est Khalifa Sall qui est en prison injustement et rien ne se passe. Il croupit en prison. Déjà, lorsqu’il était en prison, on n’a pas pu le faire sortir. Ce n’est pas lorsqu’on sera emprisonné pour une seconde fois qu’on le pourra. Il souhaitait venir mais il n’a pas pu. Sur 27 candidats, on écarte 22 de façon injuste et rien ne se passe dans le pays, c’est parce.
C’est peut-être parce que le Peuple est avec Macky Sall et n’écoute pas le discours de l’opposition ?
Il y a un problème. Les Sénégalais ont laissé Macky Sall trop faire. L’opposition a aussi laissé Macky trop faire à cause de l’incohérence de sa démarche. L’opposition avait formé un collectif pour se solidariser avec tous les recalés du parrainage, d’où la naissance du C25. Mais après, beaucoup voyaient comment se ranger derrière tel candidat, pensant pouvoir battre Macky Sall ou l’amener au second tour. L’important pour l’opposition, c’était de se battre pour installer une vraie démocratie. Tant qu’on ne se bat pas pour la démocratie dans notre pays, c’est peine perdue d’aller aux élections.
Le Pds rétorque à Oumar et Cie que ses textes n’autorisent pas de courant mais accepte des mouvements karimistes en son sein. Le parti n’est-il pas contradictoire ?
Ce n’est pas la même chose. Ce sont des mouvements qui soutiennent les actes du parti. C’est différent des dissidences des responsables que l’on voit aujourd’hui. Oumar Sarr et Cie défient publiquement le Secrétaire général et les directives du parti. Ça, les mouvements karimistes ne le font pas. Ce qui est fait dans la composition de Secrétariat national a toujours été ainsi. Ce fut le même procédé lorsque Oumar Sarr fut nommé coordonnateur. Je ne vois pas où se trouve l’illégalité dont ils parlent. Jusque-là ils acceptaient que les choses se passent ainsi. Si aujourd’hui ils changent de position, c’est à eux que l’on doit demander les raisons de ce changement. Il y avait des secrétariats nationaux avant ceux-là, des comités directeurs et il n’y avait aucun problème.
Durant son règne en tant que numéro 2, Oumar Sarr a-t-il bien tenu le parti ?
Je vais être honnête. Il a fait ce qu’il a pu. Il s’est donné avec d’autres responsables comme Me Sall, Babacar Gaye et nous tous ; chacun a participé pour la bonne marche du parti. Ça, c’est la période 2012-2019. Maintenant, il y a eu discordance et là il faut comprendre. La question qu’on doit se poser, c’est si les responsables du Pds sont prêts à s’opposer encore 5 ans contre Macky. C’est normal qu’après une Présidentielle, alors que le Pds entame une seconde phase d’opposition, que les gens, qui ne sont pas prêts, posent des actes pour partir.