IL ÉTAIT UNE FOIS LAT DIOP, HONORÉ GAMING ET L’ILLUSION DE LA TRANSPARENCE
Alors que la Cour suprême s’apprête à statuer sur le sort de Lat Diop, retour sur une alliance qui continue de soulever des questions

À la veille du verdict de la Cour suprême concernant la liberté provisoire de Lat Diop, un autre pan de l’histoire refait surface, celui du partenariat entre la LONASE et Honoré Gaming, maison-mère de Sharp Vision. Présentée en 2023 comme une révolution technologique, cette alliance franco-sénégalaise devait incarner la modernisation. Deux ans plus tard, elle incarne l’opacité et les conflits d’intérêts d’un secteur en pleine dérive.
Un partenariat scellé dans l’euphorie
En 2023, la LONASE annonce fièrement un accord stratégique avec Honoré Gaming, une société française spécialisée dans les technologies de jeux et de paris.
L’objectif affiché : moderniser l’infrastructure numérique de la LONASE et renforcer la sécurité de ses flux financiers.
La signature, organisée à Dakar, se fait en grande pompe, avec la présence remarquée des frères Casanova, dirigeants d’Honoré Gaming, salués comme les nouveaux partenaires du jeu public sénégalais.
Sur le papier, tout semblait parfait : innovation, performance, transparence. Mais rapidement, des acteurs du secteur commencent à s’interroger sur les modalités d’attribution du contrat, dont les détails sont restés secrets. À ce jour, aucun appel d’offres public n’a été retrouvé, alimentant les soupçons d’une attribution précipitée sous couvert de “partenariat stratégique”.
Sharp Vision, le contrôleur devenu joueur
Derrière Honoré Gaming se trouve Sharp Vision, sa filiale opérationnelle en Afrique de l’Ouest.
Et c’est là que le bât blesse : Sharp Vision exploite aussi des plateformes privées de paris sportifs dans plusieurs pays africains. En d’autres termes, l’entreprise chargée de sécuriser les flux du jeu public sénégalais évolue dans le même écosystème que les opérateurs qu’elle est censée encadrer.
Pour certains observateurs, ce montage constitue un conflit d’intérêts flagrant.
“On ne peut pas être à la fois l’arbitre et le joueur”, résume un ancien conseiller du secteur. D’autant que cette proximité entre les sphères publique et privée s’est accentuée sous la direction de Lat Diop, qui voyait en Sharp Vision un levier de rentabilité plus qu’un simple prestataire technique.
L’arrestation de Lat Diop et les zones d’ombre du contrat
En 2024, le scénario prend une tournure judiciaire. Lat Diop est arrêté puis inculpé pour détournement de 7 milliards de francs CFA. Les investigations mettent au jour un train de vie dispendieux et une série de marchés conclus dans des conditions jugées peu transparentes, parmi lesquels celui d’Honoré Gaming.
Même si le procès du 6 novembre ne vise pas directement la société française, le partenariat qu’elle a conclu avec la LONASE est cité comme exemple d’une gestion sans garde-fous clairs entre argent public et intérêts privés.
Comment les frères Casanova, responsables de Honoré Gaming, n’ont-ils pas remarqué ce détournement majeur dans un partenariat aussi sensible ? Leur rôle dans cette affaire demeure flou, laissant place à des interrogations sur leur supervision du contrat avec la LONASE.
La société civile reprend la main
En 2025, le collectif Jub Jubal Jubbanti remet le sujet sur la table. Dans un rapport largement relayé, il dénonce “la privatisation silencieuse” d’une partie du système de jeu public et le flou entourant les montants versés à certains prestataires étrangers. Le document évoque des risques d’ingérence financière et une dépendance technologique croissante de la LONASE vis-à-vis d’acteurs extérieurs.
Honoré Gaming, censée symboliser la rigueur et la sécurité, se retrouve ainsi associée à un réseau de relations floues, à la frontière entre la modernisation numérique et la capture institutionnelle.
Le pari de la transparence
La décision que rendra la Cour suprême le 6 novembre portera avant tout sur les faits reprochés à Lat Diop. Mais elle aura aussi valeur de symbole. Car au-delà du sort d’un homme, c’est tout un modèle de gestion publique qui vacille : celui où la “transformation digitale” sert parfois de paravent à des alliances risquées et peu lisibles.
L’affaire LONASE–Honoré Gaming restera sans doute comme une parabole moderne : quand le jeu devient affaire d’État, la frontière entre la chance, le pouvoir et l’argent se brouille dangereusement.










