"ISSA SALL N'A JAMAIS PU AVOIR UNE EMPRISE RÉELLE SUR LE PUR"
Selon Bakary Sambe de l’UGB, il n’y a rien de surprenant dans l'éviction de l'ancien candidat à la présidentielle du parti, car ce dernier "n’agissait que par délégation"

Si l’éviction du professeur Issa Sall du poste de coordonnateur du Pur (Parti pour l’unité et du rassemblement) continue de faire couler beaucoup d’encre, cette décision prise à l’occasion d’un congrès montre à suffisance que le Pur n’est pas un parti comme les autres. Et la réaction du désormais ex-coordonnateur en dit long sur la particularité de la formation politique. «Ce n’est pas un Congrès. Ce sont des congressistes qui se réunissent en Congrès, pas des disciples. C’est un mouvement religieux qui s’est réuni et qui a désigné ses hommes. Au moment où je vous parle, je suis le secrétaire général du Pur. Le Pur est un parti politique, pas un mouvement religieux», a lâché le professeur Issa Sall, très amer.
Selon Dr Bakary Sambe de l’Ugb, il n’y a rien de surprenant. Parce que dit-il, «Issa Sall n’agissait que par délégation. Il n’a jamais pu avoir une emprise réelle et une légitimité sur ce parti qui est né sur les flancs d’une dahira et d’un mouvement politique et son chef charismatique». D’après l’enseignant-chercheur, si Issa Sall n’a toujours pas compris que cet instrument qu’est le Pur «n’était pas destiné, à l’origine, à sa conquête du pouvoir ou à son existence politique, c’est qu’il manque de réalisme politique».
Poursuivant son analyse, le Dr Sambe estime qu’il y a «une patrimonialisation» des partis politiques sénégalais. «Souvent conçu par le chef ou le fondateur, le parti est pris comme un investissement lui servant d’instrument de conquête du pouvoir ou d’instrument d’influence. Sous cet angle, il n’y a pas de différence entre le Pur et les autres partis», indique-t-il.
Mais à en croire le directeur de Timbuktu Institute, une spécificité au sein du parti créé par Serigne Moustapha Sy fait qu’il y a une «double légitimité». «Il y a la légitimité politique qui est imbriquée avec celle de la légitimité religieuse. Dans une étude qu’on avait faite en 2017, j’avais dit qu’Issa Sall va continuer à faire de la figuration jusqu’à l’apparition du vrai chef. Le Pur est resté confronté à la connotation communautaire qui limite les adhésions mais aussi verrouille toute possibilité de débat démocratique à l’interne. Mais ce n’est pas une spécificité du Pur. C’est l’exemple du Pds aujourd’hui…Il y a une personnalisation des relations politiques. Ce qui fait que la dimension idéologique est très effacée et n’apparait pas trop dans le fonctionnement des partis d’aujourd’hui», affirme Bakary Sambe. Quid de l’avenir politique d’Issa Sall ? Le professeur Sambe estime que deux hypothèses s’offrent à lui. «Soit il réalise que sur le plan politique qu’il n’a plus d’offre possible en ayant accepté au début l’onction religieuse d’un mouvement communautaire. Soit il se lance dans une aventure personnelle, et je ne lui vois pas d’espace aujourd’hui dans l’opposition parce qu’il a répondu à l’appel du dialogue politique. Ou bien dans une démarche aventurière, il peut répondre aux sirènes du pouvoir. Ce qui sera contradictoire avec ses principes d’avant», analyse-t-il.