UNE CRISE QUI VA SE MÉTASTASER
"Il y a trop de chantage contre lui." Sur RFI, le journaliste Assane Samb dénonce la pression permanente exercée par le Pastef sur le président Diomaye Faye, contraint selon lui de "tenir tête" pour la première fois à son Premier ministre Ousmane Sonko

(SenePlus) - La rupture entre le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko est désormais consommée. C'est l'analyse du journaliste et analyste politique Assane Samb, directeur de Solo Quotidien, qui s'est exprimé mercredi 12 novembre sur RFI au sujet des tensions manifestes au sommet de l'État.
"Simplement, les deux hommes ne s'entendent plus. Et ça date du mois de juillet", affirme d'emblée Assane Samb, pointant du doigt une décision de la Cour suprême qui a confirmé la condamnation de Sonko à six mois avec sursis et 200 millions de francs CFA pour diffamation envers l'ancien ministre de la Culture de Macky Sall, une décision qui "risque effectivement de l'écarter de la présidentielle de 2029".
Selon l'analyste, c'est à partir de ce moment que la relation s'est irrémédiablement dégradée. "Depuis lors, Sonko est dans tous les états. Il pense que le président est complice un peu de cette décision de la Cour suprême. ou qu'il n'a rien fait en tout cas pour empêcher cela. Il en veut au président, c'est clair", explique Assane Samb sur RFI.
Le journaliste souligne que "depuis lors, les deux hommes ne s'entendent plus. On voit souvent qu'il y a des attaques très directes du premier ministre contre le président de la République. Et ceci le plus souvent ouvertement au public."
Le clash autour de la direction de la coalition "Diomaye Président" illustre cette rupture. "C'était le 10 septembre déjà que le président de la République avait émis le souhait de changer Mme Aïda Mbodj à la tête de cette coalition. Et samedi dernier, durant son meeting, le premier ministre a pris les devants pour dire qu'en réalité, il confirmait Aïda Mbodj", raconte l'invité de Nicolas Sur. Face à cette opposition frontale, le président a tranché : "Il a pris une décision pour justement dire que c'est Mme Aminata Touré qui remplace Mme Aïda Mbodj", rapporte Assane Samb.
Pour l'analyste politique, cette décision marque un tournant : "En annonçant justement remplacer Aïda Mbodj par Aminata Touré, Bassirou Diomaye Faye résiste publiquement et frontalement à Ousmane Sonko pour la première fois."
Assane Samb estime que le Premier ministre a acculé le président dans ses retranchements. "Sonko n'a pas trop laissé le choix au président de la République. Soit il se soumet à ses desiderata, c'est-à-dire à sa volonté, soit il prend ses responsabilités", affirme-t-il.
Le directeur de Solo Quotidien ne cache pas son inquiétude quant à l'évolution de la situation. "Aujourd'hui, c'est clair, il y a une crise politique profonde qui va se métastaser en crise institutionnelle parce que ça va contaminer tous les collaborateurs parce que chacun devra choisir son camp", prévient-il sur RFI.
Interrogé sur la capacité du président à se passer de Sonko, qui a organisé samedi une "véritable démonstration de force" lors d'un grand meeting du Pastef, Assane Samb répond sans détour : "Il est obligé politiquement, tant que Sonko se comportera de cette manière-là, Bassirou Diomaye Faye sera obligé effectivement de prendre ses responsabilités pour constituer une nouvelle force politique autour de lui."
Le journaliste dénonce la pression exercée sur le chef de l'État. "La force politique du Pastef, il nous semble, ici en tant qu'observateur, qu'on a trop mis la pression sur le président de la République. Il y a trop de chantage contre lui, comme quoi c'est nous qui vous avons élu, vous ne représentez rien, vous n'avez pas de parti, vous n'avez pas de mouvement, vous n'avez rien du tout. On lui a tout dit", déclare-t-il sur RFI.
Assane Samb rappelle que "le président Diomaye Faye était co-fondateur du Pastef avec le président Sonko. Ils ont réfléchi, ils ont mis les statuts, ils ont mis le parti ensemble. Aujourd'hui, Sonko semble lui dire qu'en réalité, vous ne représentez rien du tout dans le parti."
Pour l'analyste, le président n'a plus le choix : "Je pense qu'il doit prendre ses responsabilités. Il doit s'assumer, ou disparaître. Parce qu'il ne peut pas être un président pour être un faire-valoir de quelqu'un."
Interrogé sur les soutiens dont pourrait bénéficier le président au sein du Pastef, Assane Samb se montre pessimiste. "Pas beaucoup de soutien. Les Pastefiens, en général, c'est des gens, des sortes de fidèles à Sonko. Ils croient en lui. Il y a un culte de la personnalité exacerbé dans ce parti-là. Ce n'est pas des militants, c'est pratiquement des fidèles", analyse-t-il.
Néanmoins, le journaliste estime que Diomaye Faye "pourra compter bien sûr sur d'autres forces politiques, notamment sur les alliés qui ont des mouvements, des partis, peut-être bien même sur certains partis de l'opposition, sur certains Sénégalais." Mais le constat est sans appel : "En tout cas, il ne pourra pas compter sur le Pastef en tant que parti politique, mais encore moins sur les militants du Pastef qui sont tellement affidés à Sonko qu'ils ne croient à aucune autre personne."










