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16 mai 2025
Par Mamadou Omar NDIAYE
VIATIQUE POUR NOS JEUNES NOUVEAUX MAITRES
il faudra tenir un langage de vérité aux populations dès le départ pour leur faire accepter d’inévitables sacrifices. C’est dès maintenant qu’il faut poser des actes forts pour la réussite du quinquennat
Vox populi, vox dei. Voix du peuple, voix des dieux. Le peuple souverain sénégalais s’est donc rendu massivement aux urnes dimanche dernier et, dans son écrasante majorité, a porté à la magistrature suprême de notre pays Bassirou Diomaye Faye.
Venu de Ndiaganiao, en pays sérère, issu d’un milieu extrêmement modeste mais propulsé dans la haute administration sénégalaise grâce à de brillantes études rendues possibles par l’école publique avant d’accéder à la présidence de la République, Bassirou Diomaye Faye est un pur produit de l’ascenseur social sénégalais. Lequel fonctionne à merveille 64 ans après l’indépendance de notre pays, ce dont il convient de se féliciter.
Les Sénégalais doivent conserver jalousement ce modèle social de méritocratie républicaine qui donne leurs chances à tous les citoyens de ce pays d’accéder aux responsabilités les plus élevées et à toutes les charges indépendamment de leur fortune ou de leur naissance. Pourvu que l’on travaille dur, à la force du poignet on peut y parvenir aux plus hautes cimes. De ce point de vue, la success story de Bassirou Diomaye Faye et celle de son prédécesseur Macky Sall sont à inscrire en lettres d’or dans la saga de notre jeune Nation. Sans écouter les Cassandres mais aussi les sarcasmes de ceux qui raillaient voire parlaient avec mépris de ce « petit Sérère », de ces « aventuriers » et autres « inexpérimentés », les Sénégalais ont choisi parmi les 19 candidats en lice celui qui leur semblait le meilleur sous tous rapports c’est-à-dire le plus intègre, le plus humble, le plus sincère étant donné que de sa compétence ainsi que sa capacité à bien diriger ce pays, ils n’en ont jamais douté.
Personnellement, c’est les yeux fermés que j’ai voté pour le nouveau président parce qu’il m’a convaincu et parce que le combat mené par son parti depuis sa création, sous la houlette d’Ousmane Sonko, m’était sympathique. Il me rappelait en tous points celui qu’en 1988, des idéalistes comme moi (mais aussi Me Cheikh Koureyssi Ba, Me Ousmane Ngom, Pape Samba Mboup, Cheikh Tidiane Touré, feu Abdoulaye Faye, Mody Sy, Clédor Sène et autres) avions mené dans les années de braise du « Sopi » contre le pouvoir socialiste.
L’injustice subie par ce parti (Pastef), les complots contre son principal dirigeant, la répression sanglante dont il a été l’objet, sa dissolution pure et simple…tout cela a contribué à me révolter.
Bassirou Diomaye Faye a été élu et bien élu mais c’est maintenant seulement que le boulot commence pour lui. Il n’aura pas droit à un état de grâce tellement les attentes sont nombreuses, pressantes et les urgences multiples. Au premier rang de ces problèmes, l’économie qui se trouve presque en cessation de paiement malgré les belles statistiques sans cesse exhibées par le régime sortant.
Dette stratosphérique, recettes en berne, dépenses qui explosent, masse salariale exponentielle, subventions ruineuses…Le tableau est effrayant. Il faudra effectuer des coupes claires pour ne pas dire qu’à court terme, un ajustement structurel nous paraît inévitable. Pour cela, il faudra tenir un langage de vérité aux populations dès le départ en leur faisant une présentation sans fard de l’héritage en matière économique pour leur faire accepter d’inévitables sacrifices. Un des moyens de faire accepter la pilule, ce sera bien sûr de prêcher par l’exemple et de diminuer immédiatement le train de vie de l’Etat en supprimant des institutions budgétivores et inutiles comme le CESE, le HCCT, la Commission pour le dialogue des territoires et autres machins destinés à caser une clientèle politique parasitaire. Cela tombe bien et bonne nouvelle puisqu’il paraît que cela fait partie des priorités de nos nouveaux dirigeants. Il leur faudra aussi faire subir une cure d’amaigrissement au parc automobile de l’Etat en roulant modeste.
Fini, les véhicules 4x4 ou 8x8 à 60 millions, 80 millions voire 100 millions de francs ! Dans un pays parmi les plus pauvres au monde, rouler dans de tels carrosses, c’est assurément insulter le peuple. Pour le reste, c’est bien beau de vouloir réaliser la réconciliation nationale mais elle ne devrait pas se faire au détriment de la reddition des comptes et de la justice. Quelques têtes de voleurs du régime sortant devront donc absolument être offertes en offrande au peuple sous peine de voir les nouveaux dirigeants accusés de complicité avec des criminels économiques. Ce ne sont là bien sûr que quelques exemples de ce qu’il conviendra de faire dès les premiers jours étant donné que Pastef dispose d’un excellent projet sur la base duquel les Sénégalais ont plébiscité son candidat. Au vu de la maestria avec laquelle ce parti à mené son combat contre le régime maffieux de Benno Bokk Yaakar, de la manière admirable (à bluffer les old fashioned comme moi !) avec laquelle ses jeunes maîtrisent le numérique, principalement les réseaux sociaux, de la cohorte de cadres très bien formés dont il dispose, de son excellent programme sur lequel ont cogité de brillants cerveaux, je ne doute pas un instant que ce parti sache ce qu’il a à faire. N’étant pas moi-même un consultant de Pastef, je me contenterai donc de quelques généralités en guise de viatique.
Dream team et banquet de la République
Le président Bassirou Diomaye Faye devra démarrer au quart de tour. Pour cela, il lui faudra choisir des ministres immédiatement opérationnels car les Sénégalais ne leur donneront pas le temps d’apprendre. C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon et ces ministres devront faire très vite leurs preuves. Il lui faudra donc choisir les meilleurs, constituer une dream team pour s’attaquer immédiatement à la résolution des problèmes des Sénégalais. Certes, des centaines voire des milliers de militants ont investi dans le « projet », que ce soit sur le plan intellectuel, sur le plan matériel ou surtout financier, s’ils ne se sont investis physiquement. D’aucuns parmi eux ont payé leur engagement par l’emprisonnement, la perte de leur emploi ou la privation de revenus. Je ne parle évidemment pas de ceux qui ont été tués. Tous ces gens veulent donc un retour sur investissement et leur part du gâteau. Ils exigent leur place au banquet de la République. C’est normal, légitime puisqu’ils ont misé et gagné. Ce n’est donc que justice qu’ils soient rétribués. Seulement voilà, il faudra faire la part des choses et trouver le juste équilibre entre la nécessité de récompenser les militants et les alliés, d’une part, l’impératif de produire des résultats au niveau de l’Etat de l’autre ! Une des choses qui ont le plus perdu le président Macky Sall c’est sa fâcheuse propension à politiser toutes les directions des ministères, toutes les directions générales de sociétés nationales et des agences, toutes les régies financières, toutes les ambassades…bref tout. Qu’importe que l’on soit incompétent pourvu que l’on ait la carte de membre de l’Apr ou que l’on soit estampillé Benno Bokk Yaakar ! Avec les piètres résultats que l’on sait. Si le président Bassirou Diomaye Faye pouvait systématiser l’appel à candidatures pour les fonctions les plus importantes, cela l’aiderait grandement à obtenir de bons résultats ! Mais là aussi pas de panique, ça figure dans son programme.
Encore une fois, cinq ans ça passe très vite et c’est dès maintenant qu’il faut poser des actes forts pour la réussite du quinquennat. L’on sait que généralement les présidents disposent des 100 premiers jours suivant leur accession au pouvoir pour mettre en œuvre les grandes réformes de leur magistère parce qu’après c’est très compliqué. Pour ne pas prêter le flanc à leurs adversaires de l’Apr-Benno, qui voudront très vite instruire leur procès en incompétence, les nouvelles autorités devront agir vite et donner des résultats. Ils devront démentir l’adage selon lequel il n’y a jamais deux sans trois. Après le désastre du passage au pouvoir des islamistes d’Ennahda chassés du pouvoir par les Tunisiens au vu de leur incompétence manifeste, de celui des Frères musulmans du Caire où la révolte du peuple égyptien contre le président Mohamed Morsi a entraîné la prise du pouvoir par les militaires, nos nouveaux maîtres taxés de salafistes par leurs adversaires devront avoir à cœur de réussir.
Créer des centaines de Sedima et ne surtout pas supprimer les fonds politiques !
Oh certes, encore une fois, en cinq ans il n’est pas possible de faire des miracles quand on sait le temps nécessaire pour réaliser un bon projet, de sa conception à sa mise en œuvre en passant par la recherche de financements (il faudra compter avec les procédures bureaucratiques des institutions ou organismes de financement !) surtout qu’au bout de la quatrième année il faudra déjà se mettre en campagne pour une éventuelle réélection. Créer des centaines de milliers voire un million d’emplois durant un quinquennat, ça relève de la légende et il faudra faire des promesses réalistes à nos compatriotes. Leur dire surtout que tout le monde ne pourra pas accéder à l’emploi salarié. C’est surtout dans l’agriculture — n’en déplaise au nouveau président de la République mais il lui faudra encourager la création de dizaines de Sedima à travers le pays car les Prodac ne sont que des variantes tropicales Sovkhoz, ces fermes d’Etat de l’ère soviétique. Autrement dit, des gouffres à milliards. Dans l’agriculture stricto sensu, donc mais aussi dans l’artisanat, la pêche, l’auto-emploi qu’il sera possible d’insérer les milliers de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Encore qu’il faudra bien oser briser le tabou de notre démographie galopante dont aucun taux de croissance au monde n’arrivera à neutraliser les effets.
Pour le reste, Bassirou Diomaye Faye bénéficie d’atouts non négligeables dont le moindre n’est pas le fait d’avoir été élu sans le soutien des marabouts qui ne pourront donc pas prétendre que ce sont leurs prières qui l’ont porté au pouvoir. Il ne leur doit absolument rien et c’est tant mieux ainsi. Il devra aussi se méfier des griots, communicateurs traditionnels et autres courtisans — bref des « toog muy dokh — qui vont lui tisser une légende tellement dorée, changer ses louanges à un point tel qu’il pourrait croire être un demi-dieu ! S’il ne serait pas Dieu le Père lui-même. Sa porte devra être hermétiquement fermée aux transhumants qui ne pourront que polluer sa gouvernance et le fâcher avec le peuple qui l’a plébiscité. Avec le pouvoir arriveront de nouveaux amis, des lobbyistes de tout poil, des investisseurs tenant des mallettes remplies d’argent. Les signatures de quelques-uns d’entre nos nouveaux maîtres vaudront des milliards, tout le monde sera à leurs pieds, le tapis rouge sera déroulé partout au président Bassirou Diomaye Faye qui, par un décret, un acte, un coup de fil pourra changer radicalement la vie de ses sujets. Difficile de résister à toutes les tentations surtout à l’argent dans un pays où c’est le président de la République qui doit régler tous les problèmes avec des fonds politiques qui ne pourront même pas tenir un mois tellement les sollicitations sont nombreuses. De ce point de vue, je me demande si la promesse de supprimer les fonds politiques n’est pas un peu trop démagogique. Que le nouveau président de la République y réfléchisse à deux fois avant d’appliquer cette promesse ! Surtout, on est tenté de donner à son excellence Bassirou Diomaye Faye ce conseil que donna Mohamed Ali, le grand champion de boxe, à son adversaire Ken Norton qui lui avait cassé la mâchoire au cours d’un combat mémorable. Ce dernier étant venu le voir à l’hôpital les jours suivants, Ali lui avait dit en serrant les dents: « méfie-toi des croqueuses de diamants » ! Eh oui, Bassirou Diomaye, Ousmane Sonko et autres devront se méfier des putains de la République mais de toutes façons elles sont dans les allées de tous les pouvoirs du monde !
Personnellement, tant qu’ils seront dans une ligne de défense absolue de la souveraineté nationale sur tous les plans, mais aussi de relative intégrité, je les accompagnerai inch’Allah tout en priant Dieu de veiller sur eux et de leur permettre de toujours garder leur lucidité afin de ne jamais dévier de leur cap ! Mes vœux de réussite accompagnent le président Bassirou Diomaye Faye et son équipe…
Mamadou Omar NDIAYE
GENERATION FOOT ET USO ONT ENCORE PERDU 2 PRECIEUX POINTS
Les deux clubs avaient tous besoin de gagner pour s’éloigner de la zone rouge, mais les protégés de Foromo Diop et ceux Djibril Fall se contentent que d’un point dans cette 18ᵉ journée du championnat.
Le tenant du titre Génération Foot et le promu US Ouakam ont partagé les points en match comptant pour la 18ᵉjournée de Ligue 1. Les deux clubs avaient tous besoin de gagner pour s’éloigner de la zone rouge, mais les protégés de Foromo Diop et ceux Djibril Fall se contentent que d’un point dans cette 18ᵉ journée du championnat.
Après un round d’observation de 10 minutes, le tenant du titre, Génération Foot, a pris le contrôle de la rencontre. Les protégés de Djiby Fall multiplient des occasions de buts, mais ils manquent souvent les derniers gestes devant les buts d’Oumar Ngalla Seck. Inexistants depuis le début de cette rencontre de la 18ᵉ journée, les Requins ont réagi après une belle séquence de jeu conclue par Alassane Guèye qui voit sa frappe reposer en corner (20’). C’est à la 33ᵉ minute de jeu que le public du stade municipal de Ngor a assisté à l’ouverture du score des Ouakamois par l’intermédiaire d’Alassane Guèye. L’ailier des Ouakamois a gagné son duel avec le portier des Grenats Serigne Guèye en repoussant le cuir au fond des filets. À la pause, les protégés de Foromo Diop mènent (1-0).
En deuxième période, les Académiciens reviennent avec beaucoup d’intensité et d’engagement. Ils se procurent des occasions pour revenir à la marque. Après quelques minutes en deuxième période, les deux techniciens effectuent des remplaçants avec notamment la rentrée de Christopher Serge Simon pour les Grenats. Un changement qui a apporté de la lucidité dans l’entre jeu des Académiciens. Ils continuent d’imposer leur style de jeu à Maurice, Valentin Gomis et ses coéquipiers. Mais c’est à la 70ᵉ minute de jeu qu’Idrissa Guèye a remis les pendules à l’heure. L’international sénégalais U17 a réussi une belle passe de Serigne Saliou Faye hors des surfaces de réparation des Requins, il a effectué un contrôle orienté avant d’envoyer une lourde frappe qui finisse au des filets des (1-1, 70’).
Après l’égalisation des poulains de Djibril Fall, les deux adversaires ont poussé pour inscrire le deuxième but pour remporter le match, mais ils ne sont pas parvenus jusqu’au sifflet final de l’arbitre. Score final (1- 1), un résultat qui n’arrange aucun de ces deux clubs, car ils perdent deux précieux point pour la course au maintien.
UNE ANIMOSITE DANGEREUSE
La mésentente qui s’illustre de plus en plus entre les forces de défense et de sécurité et les citoyens, atteste de la nécessité d’arrondir les angles.
La mésentente qui s’illustre de plus en plus entre les forces de défense et de sécurité et les citoyens, atteste de la nécessité d’arrondir les angles.
Les événements qui ont eu lieu à Pikine avant-hier, mercredi 27 mars, prouvent les relations heurtées entre les forces de défense et de sécurité et la population. La mort d’un jeune homme supposé détenteur de chanvre indien, a plongé ce quartier de la banlieue dans une véritable guérilla avec des biens publics détruits. Le fait n’est pas un cas isolé. Il importe donc de réconcilier ces défenseurs de la sécurité nationale aux citoyens qu’ils sont censés protéger.
Les manifestations politiques de ces dernières années ont démontré à suffisance la difficile cohabitation entre forces de défense et de sécurité et la population, une animosité qu’il faut changer. Un élément de police à terre que des manifestants tentent d’achever à coup de briques, on l’a vu lors des dernières manifestations en juin 2023. Pis, à de nombreuses occasions, des jeunes ont essayé de saccager des commissariats de police ou des brigades de Gendarmerie ce qui constitue un précédent dangereux.
Du côté des citoyens, les organisations de défense de droits de l’homme ont tout le temps dénoncé un recours excessif de la force contre elles désapprouvant des bravoures et même des actes de tortures. Beaucoup sont contre la loi d’amnistie votée par l’Assemblée nationale sur proposition de l’Exécutif pour que la lumière soit faite sur les morts et les cas de décès imputés à l’usage de balles réelles. L’espace politique est un symbole de cette discorde. Bien avant les événements de ces dernières années lors de la révolte citoyenne qui a fait suite à la volonté du président Abdoulaye Wade de briguer un troisième mandat, le policier Fodé Ndiaye a été tué par des manifestants à Colobane. L’étudiant Mamadou Diop est mort persécuté par une voiture de la police alors qu’il participait à une manifestation à la place de l’Obélisque.
Rappelons que les rapports peu cordiaux entre les citoyens et les forces de défense et de sécurité ont toujours été problématiques ces dernières années. Ils s’illustrent lors des grèves estudiantins notamment ceux de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. La mort de Bassirou Faye ou encore celle de Balla Gaye ont toutes été reprochées à des forces de l’ordre. Les autres universités sont aussi concernées. Les morts en garde en vue sont aussi importantes et sont fustigées par les familles et autres acteurs de la société civile.
Le cas de l’émigré Cheikh Niasse, mort aux urgences de l’hôpital Aristide Le Dantec où il a été admis sur ordre du juge qui venait de lui décerner un mandat de dépôt pour la prison du Cap Manuel, rappelle bien d’autres affaires où des citoyens en détention préventive ont perdu la vie dans des conditions qui ne sont jamais souvent élucidées. Depuis 2007, avec la mort de Dominique Lopy à Kolda, les cas se multiplient et se ressemblent.
En 2017, Elimane Touré est retrouvé mort dans sa cellule de garde à vue au Commissariat spécial du port. La Police avait parlé d’une mort par pendaison, une thèse réfutée par ses parents. A la prison de Diourbel, il y a eu aussi des morts. En mai 2020, le détenu El Hadji Thioune, condamné pour trafic de drogue à une peine de 2 ans, a perdu la vie. Avant lui, Fallou Ka, Moustapha Gueye, Papa Diagne et Mbaye y sont morts dans des conditions encore méconnues.
Le décès de François Mancabou alors qu’il était en garde à vue est dans la liste des abus.
DIOMAYE, L’ANTITHESE DE SES PREDECESSEURS !
Après 40 années de magistère socialiste (Senghor et Diouf), 24 années de règne libéral (Me Abdoulaye Wade et Macky Sall), le Sénégal tourne la page en installant Bassirou Diomaye Faye et le «Pastef», un nouveau régime qualifié d’anti-système
Après 40 années de magistère socialiste (Senghor et Diouf), 24 années de règne libéral (Me Abdoulaye Wade et Macky Sall), le Sénégal tourne la page en installant Bassirou Diomaye Faye et le «Pastef», un nouveau régime qualifié d’anti-système pour ne pas dire «souverainiste» voire «nationaliste», «populiste et panafricaniste». Fera-t-il mieux que ses prédécesseurs ? En tout cas, les attentes des populations sont nombreuses
Le Sénégal a connu plusieurs régimes politiques depuis son accession à l’indépendance. Le socialisme a régné de 1960 à 2000 avec les présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf. Il est marqué par le renforcement des liens avec la France, l’intensification des luttes politiques et syndicales et par des difficultés économiques et budgétaires qui ont contraint le régime à des réformes économiques même si l'Etat socialiste a sans doute permis une modernisation des structures économiques et sociales.
En mars 2000, une alternance politique a permis un transfert ordonné du pouvoir entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Ce dernier qui est arrivé au pouvoir après une longue période d’opposition, mène une politique libérale, avec un certain nombre de privatisations et d'autres mesures d'ouverture des marchés. Toutefois, son régime se heurte aux violences en Casamance, aux intempéries climatiques, aux dysfonctionnements de Senelec avec des coupures récurrentes d’électricité. Vers la fin de son mandat, Abdoulaye Wade entendait instaurer une réforme pour la présidentielle de 2012. Il s’agissait de la mise en place d'un seuil de 25 % seulement des suffrages exprimés nécessaires à l'élection d'un «ticket présidentiel». Après des échanges souvent houleux entre les députés et de longues heures de heurts entre manifestants opposés au projet et forces de l'ordre à travers Dakar, il décida de renoncer à ce projet controversé.
Après deux mandats à la tête du Sénégal, Abdoulaye Wade passe le témoin à Macky Sall. Après un premier septennat relativement calme pour les Sénégalais, le quinquennat de Macky Sall est secoué par une crise. L’affaire Sonko et le report de l’élection présidentielle sèment des violences dans le pays. Aujourd’hui, Bassirou Diomaye Faye est le président de la République nouvellement élu du Sénégal. Dans son premier discours après sa victoire, le candidat de «l’anti–système» a rappelé que ses «chantiers prioritaires» seraient «la réconciliation nationale» la «refondation des institutions» et « l'allègement sensible du coût de la vie ». Tout de même, dans un pays où le chômage endémique des jeunes et la cherté de la vie font partie des principaux problèmes, Diomaye avec son option de développement endogène sera-t-il capable d’apporter des solutions dynamiques aux fortes attentes des citoyens ? L’avenir nous édifiera.
UN SIEGE DE GOUVERNEMENT A L’EPREUVE DE LA PRISE DE POUVOIR DE DIOMAYE FAYE
Siège du gouvernement sénégalais, le building administratif Président Mamadou Dia, réfectionné à coups de milliards, ne sera pas au rendez-vous de la prise de pouvoir du nouvel homme fort du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
Siège du gouvernement sénégalais, le building administratif Président Mamadou Dia ne sera pas au rendez-vous de la prise de pouvoir du nouvel homme fort du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Le building administratif croulant alors sous le poids de l’âge, la rénovation et restauration de l’infrastructure ont été engagées en 2014. Initialement arrêté à 17 milliards de FCFA, ce projet aura finalement coûté au contribuable sénégalais plus de 43 milliards de FCFA. Sans que le bâtiment moderne, conservant son architecture d’origine, ne soit fonctionnel, puisqu’un incendie qui s’y est déclaré, le jeudi 26 août 2021, a conduit à l’évacuation de l’édifice, entrainant par la même de nouvelles dépenses de l’ordre de 8 milliards de FCFA pour la réfection des dégâts causés par ce sinistre. Ce qui fait que le projet de réhabilitation du siège du gouvernement du Sénégal aura valu environ 50 milliards de FCFA, sans le résultat escompté. Du moins jusque-là, surtout que l’Etat a engagé, entretemps, un autre projet de Sphères Ministérielles à Diamniadio, à coût de plusieurs milliards de FCFA aussi.
Alors que le président nouvellement élu du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, prendra le témoin (pouvoir) de son désormais futur prédécesseur à la magistrature suprême, Macky Sall, le 2 avril prochain, le building administratif Président Mamadou Dia est toujours non fonctionnel, hors d’usage. Siège du gouvernement sénégalais, le building administratif est un bâtiment historique de 10 étages construit durant la période coloniale, en 1953. Abritant alors le gouvernement de l'Afrique Occidentale Française (AOF), ce building accueille, depuis son accession à la souveraineté internationale, la Primature et les principaux ministères du Sénégal ainsi que les Archives nationales. Cependant, présentant des signes d’insécurité, du fait de sa «vétusté» due à son âge, entre autres, le régime du président Macky Sall a engagé sa réhabilitation et sa rénovation aux normes modernes, tout en conservant son architecture d’origine. Seulement, ce projet a englouti plus de 43 milliards de FCFA, compte non tenu des dépenses engagés depuis l’incendie d’août 2021 ayant entrainé l’évacuation de l’immeuble.
En effet, dans une lettre adressée à la presse le 4 octobre 2014, aux premières semaines des travaux de réfection, le Comité de pilotage de ce projet de réhabilitation annonçait 17 milliards de FCFA pour le financement des travaux. Expliquant les procédures d’attribution des marchés de ces travaux, on affirmait qu’après l’accomplissement des formalités liées à l’approbation, «le marché a été immatriculé et les travaux de réhabilitation du building administratif sont en cours d’exécution. Ils portent sur tous les corps d’état de l’immeuble pour un coût de dix-sept (17) milliards de FCFA»
Seulement, des années plus tard, le 28 août 2018, le député Mamadou Lamine Diallo, par ailleurs leader de mouvement Tekki, publie sur Facebook que ces travaux vont coûter plus de 40 milliards de FCFA à l’Etat. «La politique économique, ce n’est pas de l’improvisation. L’exemple le plus édifiant est le Building administratif Mamadou Dia. Sa rénovation va coûter plus de 40 milliards, pour un marché initial de 17 milliards (de FCFA)». Un post qui a suscité beaucoup de réactions interpellant les autorités à édifier les Sénégalais sur le coût réel de cette rénovation.
DE 17 A 40 MILLIARDS DE FCFA : LES CONTOURS DE LA RENOVATION EN CHIFFES
Après recoupements faits à partir de documents officiels, Africa Check confirme des dépenses avoisinant les 40 milliards de FCFA. Il s’agit notamment de la base de données de la Direction centrale des marchés publics (DCMP) qui, au chapitre des travaux,répertoriés en 2013, mentionne, au titre de «Réhabilitation et extension du Building administratif», l’attribution d’un marché à Bamba Ndiaye SA pour un montant de «30 446 138 298 FCFA» TTC (toutes taxes comprises) ; pour les prestations intellectuelles, une «convention de maîtrise d'ouvrage déléguée relative aux travaux et à la supervision du projet de réhabilitation et d'extension du building administratif de Dakar» est attribuée en 2015 par la «Primature/Secrétariat général du gouvernement» à l’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (AGETIP) pour un montant de 466 000 000 de FCFA TTC
En 2016, un marché complémentaire au marché relatif à la réhabilitation et extension du building administratif a été attribué à Bamba Ndiaye SA pour une valeur de 2 048 955 508 de FCFA TTC. Pour les travaux, en 2017, le deuxième avenant au marché relatif à la réhabilitation et extension du building administratif a également été attribué à Bamba Ndiaye SA pour une valeur de 6 437 545 198 de FTTC. Faisant le calcul, les documents officiels consultés par Africa Check «renseignent que le coût actuel de la réhabilitation s’élève, au moins, à 39 milliards 398 millions 639 FCFA (toutes taxes comprises), soit plus que le coût initial du projet (17 milliards de francs CFA) annoncé en 2014».
L’actuel ministre du Commerce, alors Directeur général de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’Etat (AGPBE), Abdou Karim Fofana, s’exprimant lors de la cérémonie d’inauguration de la deuxième Sphère ministérielle de Diamniadio, le 16 janvier 2019, déclarait que «la réfection du building administratif, toutes taxes comprises (TTC), c’est 40 milliards. Mais, la réalité, c’est que le marché est libellé en TTC, mais il n’est payé qu’en hors taxe», avait-il dit. Ce qui est contraire aux allégations du ministre des Finances et du Budget d’alors, Abdoulaye Daouda Diallo, qui, de passage à l’Assemblée nationale, le 28 novembre 2019, affirmait que le coût officiel de la réfection est de 30,4 milliards FCFA dont une partie financée par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD).
L’INCENDIE, L’EVACUATION DU BULDING, ET LA RALLONGE DE LA FACTURE A ENVIRON 50 MILLIARDS
La polémique, loin de s’estomper, est revenue au-devant de l’actualité, suite à un incendie qui s’est déclaré au 10ème étage de ce siège du gouvernement déjà rénové, le jeudi 26 août 2021. Dans les colonnes de Walf Quotidien, le 14 mai 2022, le secrétaire général du gouvernement d’alors admettait que les travaux ont coûté environ 43 milliards de FCFA. Mais, il s’est empressé d’ajouter que cette rallonge était justifiée. «La première évaluation a été faite, une proposition d’entente (retenue) pour des travaux précis, évalués à 17 milliards de FCFA». Par la suite, selon lui, le gouvernement a émis le vœu de voirle bâtiment devenir «moderne, classé ‘’édifice à grande hauteur’’, pour des exigences et des conditions précises», et autonome en énergie. «Ces travaux supplémentaires étaient au départ «évalués à 20 milliards» avant que la facture passe à «moins de 30 milliards».
Par ailleurs, force est de rappeler que la réfection du building a aussi dépassé les délais initialement prévus. L’ordre de service de démarrage des travaux a été émis le 6 septembre 2013 ; mais, ils n’ont commencé qu’en mars 2016, soit presque 3 ans de retard. Une lenteur qui s’explique, en partie, par le temps consacré au déménagement des Archives nationales. Bref, la réhabilitation du building administratif aura duré tout au moins 5 années (2014-2019) et des dizaines de milliards de FCFA. Réceptionné en janvier 2019, par le président Macky Sall, le building administratif Président Mamadou Dia n’aura été occupé que moins de 2 ans, puisqu’en août 2021, le 10ème étage dudit building a pris feu. Il en ressortira que le montant des réparations est arrêté à la somme de 8 milliards de FCFA. Une somme qui, associée aux 40 ou 43 milliards de FCFA (c’est selon) annoncés pour sa réhabilitation, donnent un montant global avoisinant au moins les 50 milliards de FCFA engloutis par le siège du gouvernement sénégalais new-look.
Quand la réhabilitation du bâtiment fut complète, du renforcement de sa structure au réaménagement des pièces et de l’espace suivant les normes de construction, de sécurité et d’isolation les plus modernes prévues, avec un nouveau parking de 174 places construit sur deux niveaux pour l’occasion, les autorités ont relevé que le projet a pour finalité de contribuer à l’amélioration du cadre de travail et de la productivité des agents de l’Administration.
Le projet est financé par l’Etat du Sénégal à hauteur de 17% et la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) à hauteur de 82,3%. «Les objectifs visés sont les suivants : Améliorer le confort du cadre de travail et la sécurité du Building Administratif, Réduire les dépenses énergétiques de l’immeuble, Regrouper les services clés de l’Administration sénégalaise, Sécuriser les archives nationales». De sources généralement bien informées, il était prévu que les occupants reviennent avant fin 2022, mais rien n’a été effectif jusqu’ici. Un mystère plane toujours autour de la remise des clefs de ce bâtiment imposant en face du Palais présidentiel, longtemps soutenu par des échafauds dont la location coûte cher à l’Etat.
LES SPHERES MINISTERIELLES DE DIAMNIADIO, UN «DOUBLON» DU BUILDING ADMINISTRATIF ?
Pendant ce temps, l’Etat dépense des centaines de millions, voire des milliards par mois/an, pour loger des ministères et autres services déguerpis dont certains travaillent dans des conditions peu enviables. Même si, parallèlement, les Sphères Ministérielles de Diamniadio (SMD), dont les travaux ont été lancés officiellement par le chef de l’Etat Macky Sall, le lundi 26 décembre 2016, ont été réceptionnées. Les SMD devrait devenir le «nouveau carrefour administratif», avec 120.000 m2 d’espaces de bureau, 10.000 fonctionnaires et devant héberger 15 ministères. Le site de ce «nouvel environnement humain et écologique» doit abriter un «ensemble harmonieux de 4 immeubles intelligents R+8 à usage de bureaux qui seront entièrement meublés et équipés». Leur livraison prévue fin 2018, la deuxième SMD a été inaugurée le 16 janvier 2019. Certains départements dont les ministères l’Agriculture et de l’Equipement rural, de l’Enseignement supérieur et la Recherche, de l’Education nationale, du Tourisme et des Transports aériens, des Infrastructures et des Transports terrestres, de la Pêche et de l’Economie maritime et celui des Mines et la Géologie ont été déjà délocalisés à Diamniadio.
Par Mody NIANG,
MONSIEUR LE PRESIDENT : DES ACTES DE RUPTURE URGENTS, FORTS ET ENTRAINANTS*
Le 29 mars 2000, soit dix jours après la victoire provisoire déclarée par la Cour d'Appel du candidat du Sopi, Sud Quotidien publiait ce texte de Mody Niang qui était une sorte de lettre ouverte au nouveau président de la République.
Le 29 mars 2000, soit dix jours après la victoire provisoire déclarée par la Cour d'Appel du candidat du Sopi, Sud Quotidien publiait ce texte de Mody Niang qui était une sorte de lettre ouverte au nouveau président de la République. Vingt-quatre années après, cette lettre garde paradoxalement une bonne partie de son actualité. Raison suffisante pour remettre au goût du jour cette adresse qui esquisse la gouvernance de rupture dont a besoin le Sénégal. Sud Quotidien reproduit le texte in extenso.
Maître, vous voilà enfin élu, et à une confortable majorité, Président de la République du Sénégal. Votre victoire est d’autant plus significative qu’elle a été acquise de haute lutte, contre un adversaire qui était adossé au départ sur des atouts substantiels, notamment sur un parti politique rompu à la manipulation des élections et sur des moyens humains, matériels et financiers colossaux. Les fraudes les plus sophistiquées, les importantes sommes d’argent utilisées pour acheter les consciences, les misérables tentatives de diabolisation, les ndigël de dernière heure, tout cela n’a eu aucun effet sur le vote des Sénégalais qui vous ont accordé leur confiance. C’est par le peuple et par le peuple seul que vous détenez le pouvoir. C’est donc par ce peuple et pour ce peuple seul que vous devez gouverner.
Ce brave peuple a longtemps attendu le Sopi et a tout sacrifié pour son avènement. Il est donc en droit d’attendre des actes forts qui indiquent sans ambages que le Sénégal vit une ère nouvelle. Il ne s’agira pas, bien entendu, dans le très court terme, d’augmenter les salaires, de diminuer le prix des denrées de première nécessité, de résorber le chômage, de recruter tous les volontaires de l’Éducation dans la Fonction publique, de donner des bourses à tous les étudiants, etc. Ce ne serait pas réaliste et aucun Sénégalais sérieux ne devrait s’attendre à de tels miracles. Les actes attendus peuvent ne pas être très coûteux sur le plan financier. Ce qu’il faut d’abord, après la réaffirmation sans équivoque de votre engagement à procéder aux réformes institutionnelles promises dans les tout prochains mois, c’est de redonner sans tarder confiance aux Sénégalais et de les remettre au travail. Le Gouvernement qui sera mis en place devrait y contribuer largement. Ce Gouvernement ne sera pas, comme ceux auxquels nous a habitués l’ancien Président de la République, une addition encombrante de 30 à 35 ministres, dont l’écrasante majorité est composée d’hommes et de femmes frileux, sans envergure et à la compétence et à la mortalité douteuses.
Monsieur le Président de la République, le gouvernement que vous mettrez en place devrait être, au contraire, une structure légère, efficace, formée de ministres choisis parmi les Sénégalaises et les Sénégalais les plus compétents, les plus entreprenants, les plus intègres et ayant un sens élevé de leurs importantes responsabilités. Monsieur le Président, un ministre de la République ne devrait pas être n’importe qui et il convient rapidement d’en restaurer les fonctions profondément altérées par votre prédécesseur. Dans le choix de ces ministres, ce dernier a souvent privilégié les critères subjectifs que sont la proximité sentimentale, l’ancienneté dans le parti, les liens de parenté, la recommandation d’un porteur de voix, les bonnes grâces de la première dame, etc. Ces critères ne devraient pas être déterminants dans la nomination d’un ministre. Je vous ai d’ailleurs entendu déclarer un jour, à propos de nomination de ministres dans un gouvernement “Il faut des gens compétents, audacieux, intelligents, efficaces, dûment sélectionnés et sérieux”. Vous avez donc le devoir de sélectionner des hommes et des femmes qui répondent rigoureusement à ce profil et d’exiger de vos alliés d’en faire autant.
Votre futur Premier ministre et vous-même devrez veiller à ce que les ministres nommés appliquent rigoureusement les critères d’excellence dans le choix de leurs collaborateurs immédiats (directeurs de cabinet et conseillers techniques) et dans les propositions de nomination de directeurs de services nationaux, de gouverneurs, de préfets, etc... Vous vous méfierez des ralliés des toutes dernières heures. En particulier, votre futur Premier ministre devra éviter de reconstituer autour de lui une sorte de PSbis. Après quarante ans de règne sans partage, Abdourahime Agne et ses camarades n’ont pas leur place dans le gouvernement que vous allez mettre en place, ni même dans aucune autre structure du nouveau système : ils devront apprendre à vivre dans l’opposition. En particulier, les ralliés de dernière heure ne devraient pas être à l’abri d’un audit des services qu’ils dirigeaient.
On pourrait espérer qu’un gouvernement, formé sur la base des seuls critères d’excellence et de bonne moralité, qui se mettrait tout de suite au travail, entraînerait petit à petit les Sénégalais dans son élan. En particulier, les premières mesures qu’il prendrait pourraient contribuer notablement à leur redonner confiance et à se dire : “Avec ce gouvernement, on est au moins sur la bonne voie”. L’une de ces toutes premières mesures consisterait à auditer les comptes de l’État et principalement les sociétés nationales et les collectivités locales. Votre Premier ministre et vous-même l’avez déjà annoncé et il faudrait y procéder dans les meilleurs délais. Cet audit n’a rien à voir avec la chasse aux sorcières. Et puis, s’il existe bel et bien des sorcières parmi nous (et Dieu sait qu’il en existe), ne nous rendrons-nous pas coupables de les laisser continuer impunément leurs œuvres destructrices ? Si des hommes ou des femmes sont convaincus de “sorcellerie”, il faut rapidement les débusquer et les mettre hors d’état de nuire, même si ce sont des proches de l’ancien président de la République. La lumière doit donc être faite sans complaisance sur la situation financière de notre pays. C’est le moins qu’on puisse attendre du nouveau régime qui va se mettre en place.
Oui, Monsieur le Président, nous avons besoin d’être édifiés sur la situation de nos deniers publics gérés sans contrôle pendant plusieurs années. Nous avons besoin d’avoir le cœur net sur les milliards dépensés dans le cadre du Projet de Construction d’immeubles administratifs et de Réhabilitation du Patrimoine bâti de l’État (PCRPE), de savoir ce qu’on a réalisé avec et comment les marchés juteux étaient distribués par les responsables de ce fameux projet, à qui ils étaient distribués et dans quelles conditions. Après que les rapports d’audit vous seront déposés, que la responsabilité des uns et des autres sera établie, vous pourrez alors pardonner si vous pensez que ce sera là la bonne décision. Cependant, le bon sens, la justice sociale et l’équité voudraient que les éventuels délinquants payent, et payent chèrement leurs forfaits. Si ce n’était pas le cas, leur impunité pourrait donner lieu à un dangereux précédent qui ne manquerait pas d’installer chez les nouveaux gouvernants le sentiment que, eux aussi, pourraient se donner à cœur-joie et impunément au détournement de nos deniers. Et ce serait alors dommage, vraiment dommage L’une des leçons que votre Premier ministre et vous-même devrez tirer des rapports de l’audit des comptes financiers de l’État, ce devrait d’accorder la priorité à la prévention. Ce qu’il faudra désormais éviter, c’est de placer les gestionnaires de deniers publics dans une situation où ils peuvent facilement s’adonner à des malversations. Á cet effet, le contrôle a priori doit être rigoureusement renforcé. Le fonctionnement de nos nombreux et presque inutiles organes de contrôle a intérêt à être profondément repensé. L’Inspection générale d’État (IGE) en particulier devrait être sans délai délocalisée de la Présidence de la République, bénéficier de moyens plus importants, jouir d’une plus grande autonomie, avoir la faculté de rendre périodiquement publics ses rapports et saisir, au besoin, directement la justice. Le laxisme dans la gestion des finances publiques auquel l’ancien régime nous a habitués doit être banni à jamais.
Monsieur le Président, il faudra certainement contrôler, mais il conviendra également d’engager des mesures de nature à accroître rapidement et notablement les ressources de l’État. L’impôt peut jouer, à cet égard un rôle important. Jusqu’ici, les salariés des secteurs public et privé mis à part, peu de Sénégalais s’acquittent de ce devoir civique. Les bénéficiaires de revenus fonciers substantiels en particulier arrivaient toujours à emprunter les méandres sinueux des passe-droits pour payer très peu ou pour ne rien payer du tout. L’idéal serait d’identifier, de confondre ces fraudeurs et de leur faire payer les sommes dues à l’État au moins pendant les cinq dernières années. Il faudrait ensuite diminuer l’impôt, en élargir notablement la base et faire payer alors tous les Sénégalais et quelles que soient leurs conditions sociales.
Voilà, Monsieur le Président, quelques mesures qui pourraient être rapidement prises. De nombreuses autres viendraient d’ailleurs les renforcer : pour restaurer l’autorité bafouée de l’État et la discipline, faire retrouver à Dakar le visage d’une capitale moderne en commençant par la débarrasser petit à petit des vieux véhicules qui l’empoisonnent avec ses habitants, notamment les clandos sans aucun papier, diminuer nos ambassades et dégraisser certaines d’entre elles où se prélassent des protégés de l’ancien régime, etc. En particulier, la circulation devra être mieux réglementée et dans les meilleurs délais. Á Dakar, les gens conduisent n’importe comment.
Monsieur le Président de la République, les suggestions de mesures que je me suis permis de vous faire ici, pourraient déjà l’avoir été par d’autres citoyens sénégalais. Peu importe ! La répétition est une vertu pédagogique. Notre pays est peut-être en train de vivre les heures les plus importantes de son histoire. Chaque Sénégalais a le devoir d’apporter sa touche personnelle à l’histoire qui s’écrit sous nos yeux depuis le 19 mars 2000. Vous avez fait un parcours-marathon de vingt-six ans avant d’accéder à la magistrature suprême. Pendant cette longue période, vous avez beaucoup dénoncé, beaucoup condamné, beaucoup promis. Vous êtes maintenant aux affaires et le Sénégal, l’Afrique et la Communauté internationale tout entière ont les yeux rivés sur vous. Vous avez dit de votre prédécesseur qu’il a été perdu par son entourage. Ne tombez jamais dans le même travers. Méfiez-vous des flagorneurs, des larbins, des fainéants et de tous ces thuriféraires du pouvoir qui ont creusé la tombe de bien des Chefs d’État! Á cet égard, ayez toujours présent à l’esprit que le peuple seul vous a élu, qu’il a découvert, cet historique 19 mars 2000, une arme redoutable : l’alternance qui vous vaut aujourd’hui d’être le premier des Sénégalais et qui vaudra peut-être demain, si vos électeurs ne sont pas satisfaits de votre gouvernance, à un autre ou à une autre compatriote d’être élu(e) à votre place. Rappelez-vous sans cesse ces mots de l’homme considéré comme le plus puissant du monde, et de l’Africain le plus célèbre. Bill Clinton disait, en effet, qu’ “il s’inquiéterait le jour où tous ses conseillers auraient un même point de vue sur une question donnée. Le développement d’une organisation passe par sa capacité de générer des conflits positifs, c’est-à-dire d’adopter des positions contradictoires mais où chaque partie est motivée par un seul objectif : le succès et le progrès de l’organisation...
Le 20 décembre 1997, le célèbre prisonnier de Robben Island clôturait, quant à lui, le Congrès de l’ANC de Mafikeng, au Nord-Ouest du pays, en lançant à l’endroit de Tabo Mbeki, son futur successeur à la tête du parti et de la République d’Afrique du Sud, ces mots en guise de testament politique : “Ne t’entoure pas d’hommes prompts à dire toujours oui. Entouretoi, au contraire, de personnalités fortes et indépendantes qui critiquent les décisions prises”.
Monsieurle Président de la République, le très modeste citoyen que je suis n’a pas le toupet, l’outrecuidance d’indiquer au vieux routier de la politique sénégalaise que vous êtes, comment vous allez gouverner le Sénégal. Tout au plus, souhaite-t-il jouer sa modeste partition dans l’installation du nouvel ordre que les Sénégalais ont décidé de sortir des urnes lors du scrutin de ce fameux 19 mars 2000 et exprimer, en même temps, son ferme espoir d’être gouverné bien mieux qu’il ne l’a été pendant les très longues trente-neuf (39) dernières années.
Bonne chance Monsieur le Président et bon courage, car vous en aurez bien besoin !
MODY NIANG,
UN MODESTE CITOYEN
*(Sud quotidien du mercredi 29 mars 2000)