BLACK IS BEAUTIFUL
« Jusqu’où peut-on aller pour sauver sa maman cancéreuse, en profonde détresse, délaissée par un mari polygame ? ». La réponse tombe abrupt : « Agir !» C’est ce que fait Khalilou, le double personnage du film Timpi Tampa. Il le fait de manière inattendue.

Lors de l’avant-première de Timpi Tampa de Adama Binta Sow, le jeune acteur Pape Aly Diop dont la prouesse dans la double figure, celle de Khalilou et de Leyla est à saluer. Il a déclaré: « J’ai dit à mes amis alors que nous regardions un film en salle, aujourd’hui, j’ai payé pour voir un film, demain, ce sera à vous de payer pour me voir à l’écran ». Cette phrase, manifeste d’une passion pour le jeu d’acteur, se voit aujourd’hui matérialiser dans Timpi Tampa qui est sa première apparition sur le grand écran.
Le monde est dual. L’Etre humain est dual. C’est sur cette dualité clair-obscur, nuit et jour, tristesse et allégresse que Adama Bineta Sow trouve le chas de l’aiguille pour y faire passer le fil, lui permettant d’assembler l’étoffe de son histoire avec cette question : « Jusqu’où peut-on aller pour sauver sa maman cancéreuse, en profonde détresse, délaissée par un mari polygame ? ». La réponse tombe abrupt : « Agir !» C’est ce que fait Khalilou, le double personnage du film Timpi Tampa. Il le fait de manière inattendue.
Le titre Timpi Tampa, résonne comme le choc d’une auto-tamponneuse. La bande de Khalilou / Leila, avec forte détermination, fonce sur son objectif, celui de faire triompher la peau noire dans un défilé de mode tout acquis aux peaux claires.
Timpi Tampa est le premier long métrage de Adama Binta Sow, qui reprend l’onomatopée du tube de Ismaël Lô des années 90. Ce succès d’antan a été réorchestré en musique de film, ce qui dynamise les images soutenues par un montage aux pas de course. Ismael LO est compositeur de musique et acteur dans plusieurs films dont Camp de Thiaroye de Ousmane Sembéne et Thierno Faty Sow, actuellement restauré. La bandeson à laquelle, il a fortement contribué, donne à ce film choral une fraîcheur qui tempère la souffrance de Rama, maman de Khalilou, atteinte d’un début de cancer de la peau consécutif à l’utilisation de produits dépigmentant.
Dès lors, le jeune Khalilou, fils unique s’évertue à sauver sa maman. La manière, dont il s’y prend est des plus inattendues (quoique s’inspirant du tadjabone et de Koutia Show). Ce qui bascule le film dans la comédie-dramatique.
Timpi Tampa joue sur l’alternance grisaille et ensoleillement, ombre et lumière, fantaisie et drame. Au mépris du côté sombre, le film demeure un film solaire installé dans un système dual. Khalilou a un double visage, ce qui fait de lui Khalilou/Leila. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Le déguisement en Leila fait de Khalilou un passe-muraille qui évolue avec aisance dans deux mondes.
Le quiproquo est savoureux. Le jeune comédien Pape Aly Diop (Khalilou/Leila) est confortable dans ce double rôle, passant de l’un à l’autre avec un naturel digne des grands comédiens. Awa Digueul (Rama) endosse avec une rare crédibilité son personnage, enturbanné d’intensité dramatique. Fatima (Yacine Sow Dumon), cheftaine de bande et rivale de Leila en impose et gagne dans ce film plus d’assurance.
Film-chorale qui entraine le spectateur dans le monde des teenagers. Défilé de mode, élection Miss, farouche compétition, rivalité entre bandes de jeunes filles sont les ingrédients qui pimentent Timpi Tampa. Filmalerte et non film de commande sur les ravages du khessal (dépigmentation en wolof), film d’amour, film-battle entre « Les Naturelles Belles et Rebelles » et « le groupe de la très populaire Fatima », film d’une grande humanité, servi par un casting de jeunes comédiens venus des séries télévisées et qui entament leur entrée dans le grand écran. Pour un coup d’essai, on peut sans sourciller dire qu’ils apportent du sang neuf au cinéma sénégalais par leur jeu sans fioriture.
Sans en avoir l’air, le film dévoile le coté mensonger du corps de certaines femmes : faux cheveux made in India, faux teint, image glacée de photo magazine. Le rêve de devenir Top model est si prégnant, qu’il ne viendrait pas à l’esprit de se dire qu’on s’expose à quelque chose de bien fâcheux. Le film est aussi une prise de risque mais qui finalement a réussi à slalomer entre les récifs de la carricatures et ceux de la maladresse, inhérents à tout premier films. Timpi Tampa est un film novateur. Triplement novateur en ce qu’il attribue un double rôle masculinféminin au personnage central du film. Il aborde pour la première fois par le biais de la fiction, le thème de la dépigmentation tout comme, il revendique clairement son statut de film grand public, marqueur de son époque. Ce changement de fusil d’épaule de la société Cinékap groupe, qui jusque qu’ici ne produisait que des films d’auteurs, n’annonce pas une rupture avec ce cinéma-là, mais ouvre le 7ème art sénégalais à d’autres possibles avec l’apport de jeunes réalisateurs sur des sujets porteurs. L’intérêt de Timpi Tampa ne réside pas seulement sur les innovations déjà citées mais aux thématiques qui traversent le film : amour maternel, lâcheté d’un mari, solidarité dans le combat mené par Khalilou/Leila, pression de la famille en faveur de la dépigmentation comme critère de beauté, naissance d’un premier amour. L’idée centrale du film, c’est la confiance en soi et la valorisation d’un état de fait : Black is beautiful.