LA PLAIE DE MALICK FALL OU LE RÉCIT EMBLÉMATIQUE DU MASQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - C'est un roman essentiel du patrimoine de la littérature sénégalaise, car il porte en lui l’audace comme un pamphlet, et sa rupture stylistique permet le questionnement, l’auto-critique d’une société en crise

Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Depuis sa nouvelle édition parue en 2014 aux éditions Jimsaan, le roman La Plaie de Malick Fall a provoqué de nombreux commentaires et des analyses littéraires qui revisitent en profondeur la portée du récit.
Initialement publié en 1967 aux éditions Albin Michel en France, le récit n’a pourtant pas pris une ride. Il représente même comme une dimension intemporelle qui le rend très moderne.
Même si le roman a paru à la période des Indépendances, le récit s’attache à décrire des situations sociales et culturelles encore contemporaines de la période coloniale.
À la relecture de ce livre, le premier élément significatif qui éclaire notre regard est l’extraordinaire liberté avec laquelle il est composé. Malick Fall nous plonge dans son univers littéraire avec imagination, intelligence et drôlerie. Car le récit oscille entre une épopée métaphorique et une critique acerbe de la société sénégalaise, saint-louisienne en particulier, en prise avec les « masques » de la colonisation et de ses contradictions culturelles.
Magamou, personnage central du roman, est l’incarnation de ce paradoxe identitaire qui se joue entre modernité et tradition, entre partage collectif et réussite individuelle, entre systématisation et cosmogonie, entre technicité et spiritualité, entre illusion et matérialité. Magamou est ainsi l’épicentre de cette dialectique sociale et culturelle. Et l’auteur en fait un personnage picaresque, illuminé, impétueux et drôle. Car la tension romanesque qui se joue est à la fois composée par une forme naturaliste sans concession mais aussi à l’aide d’un langage poétique imaginatif qui a également fonction de représentation.
La plaie que Magamou porte à la cheville, tel un fardeau, est parabolique. Elle est la blessure de l’abandon de la tradition villageoise, représentant la gangrène culturelle de l’esprit colonial mais elle lui permet, dans le même temps, d’exister au sein de la société citadine de Saint-Louis. Quand celle-ci disparaît, au moyen de soins traditionnels, et non pas au moyen des remèdes de l’hôpital des Blancs où on le prend pour un fou, Magamou redevient un anonyme sans repères dans la ville d’où il est exclu. Magamou est ainsi caractérisé comme redevenu un être sans lien, sans famille, autrement dit « personne ». En conséquence, il n’a de cesse ensuite de retrouver sa place de « claudiquant » pour continuer d’exister.
Ce roman est également le lieu de l’expression d’un langage littéraire particulier, très imagé, provoquant, caustique mais souvent juste. Il y a une espèce de pléthore de l’imagination langagière qui devient comme des gimmicks savoureux. Ici, Malick Fall excelle dans la narration de situations truculentes toujours écrites dans un langage expressif entre poésie, réalisme et romanesque.
De même, l’auteur offre une combinaison littéraire perturbante, dans une sorte d’assemblage des récits qui ne se répondent pas vraiment, comme la figure d’un dialogue impossible. La narration intérieure du personnage s’apparente à un monologue parfois inquiétant qui renforce l’exclusion humaine de Magamou. L’esthétique narrative s’accorde à la migration sociale de Magamou jusque dans la forme littéraire.
En quittant le confort rassurant du village, Magamou s’expose à la violence urbaine qui isole « celui venu d’ailleurs », tout en exerçant une sorte de fascination pour ceux qu’il rencontre.
Le chaos social est aussi caractérisé par le délire onirique des personnages, Magamou, Bernady, le médecin blanc, Cheikh Sar, l’interprète déguisé en « sale griot » et en « esclave des Blancs », et Bouna le boucher devenant irrationnel en découvrant Magamou guéri alors qu’il le croyait mort.
De même que l’errance de Magamou qui suit le schéma de la ville comme un code à décrypter, est un élément signifiant d’une sociologie étudiée. Par ce biais, l’auteur fait l’étalage de la ville à l’aide d’une description très détaillée, son architecture, ses rues, son organisation sociale, ses impasses, ses odeurs, ses beautés et ses horreurs, comme un cercle culturel déstructuré, comme une sorte de ville légendaire, entre naturalisme et onirisme.
Récit d’une étonnante modernité, La plaie joue aussi du décalage temporel, comme une sorte de palimpseste du souvenir de la colonisation qui affirme sa toute puissance et en même temps se désagrège.
Ce que nous dit aussi Malick Fall, est que cette emprise historique a produit un squelette de la culture sénégalaise. Le vagabondage symbolique de Magamou a à voir avec une identité bouleversée qui est en quête d’une nouvelle appartenance culturelle, une nouvelle empreinte mémorielle qui ne soit plus un miroir déformant de la société coloniale.
La plaie est un roman essentiel du patrimoine de la littérature sénégalaise, car il porte en lui l’audace comme un pamphlet, et sa rupture stylistique permet le questionnement, l’auto-critique d’une société en crise, gangrénée par les masques de l’imposture. Une thématique qui est au fond à questionner en permanence. Sa relecture permet d’entrer dans cette nouvelle ère de la narration culturelle et d’opérer les dépassements de l’histoire pour ouvrir les voix de la renaissance africaine.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
La plaie, Malick Fall, roman, éditions Jimsaan, Dakar, 2014.
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