L’ÉCOLE DE MAODO SORT INDEMNE DE LA QUERELLE DES PRÉNOMS
EXCLUSIF SENEPLUS - Abdourahmane Diouf s'est fourvoyé en déclarant la guerre aux prénoms arabes portés par les Africains. Mais derrière cette polémique se cache un assaut mené contre le soufisme sénégalais depuis la victoire électorale de mars

Pour sûrement nous informer d’une « affaire de prénoms “arabes” » sans l’intention de saisir le profane que nous sommes de la même « affaire », le poète, écrivain et éditeur Amadou Lamine Sall nous envoie deux remarquables réflexions dont les titres et les contenus forcent le débat que le célèbre envoyeur dit être « courageux et digne » et dont l’instigateur sur iTV est le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Abdourahmane Diouf.
« En affirmant que certains prénoms, connus avant l'avènement du Prophète Mouhamed, seraient "purement arabes" et ne devraient pas être adoptés par des non-Arabes, notamment les Africains, le ministre a étalé une méconnaissance flagrante des principes élémentaires de l'islam », explique le Cadre de réflexion et d’action tijaani - Wattu sunu diine - dans une tribune publiée à côté de celle dont l’auteur Mamadou Makhtar Ndiaye dit qu’il « aime bien et respecte beaucoup l’homme politique, le Dr Abdourahmane Diouf ». Pour autant, Dr Ndiaye écrit : « Notre identité musulmane est un choix libre, volontaire et assumé. » Et qu’« elle est centrale et n’est en rien contradictoire avec notre statut d’Africain. »
Mais contre toute attente profane, aussi bien le Cadre que Mamadou Makhtar Ndiaye montent au créneau à la décharge du ministre Diouf dont la « méconnaissance » de l’islam et le volontarisme musulman ne suffisent pas à contester le propos avec lequel il récuse le prénom. Abdourahmane salutaire à jamais pour le fils aux yeux du père exalté et confiant pour l’avenir. Le présent montre, hélas, que rien n’était moins sûr que le salut et l’exaltation mis à mal tous les deux. Et pour cause !
Maodo prévint ses contemporains
Quand les rédacteurs de la tribune du Cadre de réflexion et d’action tijaani écrivent que « les érudits africains, de Cheikhou Oumar Foutiyou à Seydil Hadji Malick Sy, ont porté l’islam avec noblesse et profondeur, sans jamais se renier culturellement », ils ne disent pas tout sur la vraie sentence commune aux deux savants soufis que rien ne sépare. À la fois réceptacle et propagateur habile de la vérité essentielle venue du ciel, Maodo fonda une école dont la promesse ferme et non négociable est la victoire de ladite vérité sur celle des valeurs traditionnelles dont il reconnut la pugnacité dans l’espace et le temps musulmans dans la partie de l’Afrique de l’ouest concernée. Avant Maodo, Cheikhou Oumar épingla trois des entités géographiques constitutives du refus de s’avouer vaincues : le Mali. la Guinée Conakry et le Sénégal, son pays.
Pour sa part, Maodo avait été implacable en soutenant que la guerre, sans merci que se livrent le paganisme et l’islam dont rares, voire inexistantes, seront les troupes conquérantes sur le « droit chemin », tournera à l’avantage des païens. L’entourage savant de Maodo s’en étonna au point de se demander ce que ses membres, Maodo compris, faisaient encore là. Invité de prier pour le salut de tous, Maodo laissa entendre qu’une prière qui n’a aucune chance d’être exaucée ne se fait pas. Le couperet donna une indication sérieuse sur la grande guerre dont l’un des généraux, sous les drapeaux sans y être appelé, Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum arbora l’uniforme dont il se refusa à se séparer toute sa vie de conférencier hors pair à l’assaut de la forteresse qui magnifia le charlatanisme plutôt que le monothéisme, la simple philosophie à la place de la sagesse et la polémique stérile troquée contre la charia grâce à laquelle les rues des villes sont tenues propres et éclairées et la sécurité des biens et des personnes assurées. On voit bien que le ministre Diouf n’est pas que coupable de la « méconnaissance flagrante des principes élémentaires de l’islam ». Abdourahmane revendique un héritage dont il n’indique pas les sources pour ne s’y être pas intéressé. Il suscite un débat sans se donner auparavant les moyens d’y participer dans la forme et le fond. Si M. Diouf avait raison pour si peu, il entraînerait dans son sillage trop peu consistant les cohortes de toutes les révoltes (sociale, religieuse, politique, économique, etc.). Mais personne - nous l’espérons en tout cas -, n’est dupe : l’assaut contre le soufisme sénégalais et l’islam confrérique est loin d’être fini après qu’une victoire électorale a positivement sanctionné ses manifestations insultante et violente. Là se situe le vrai débat que le poète Amadou Lamine Sall veut « courageux et digne ».
Débattons alors !
Sans équivoque avait été Al Maktoum sur le grand débat d’idées qui oppose à jamais les musulmans du monde entier aux centaines de milliers d’hommes et de femmes fortunées, aux centaines de milliers d’hommes et de femmes pleins d’énergie physique, aux dizaines de milliers de philosophes et aux dizaines de milliers d’érudits dont l’outrecuidance est de dénier au Prophète Mahomet (Pslf) une irréfutable prophétie et au Livre une indéniable substance. Quand arrive le moment - nous y sommes -, Cheikh Ahmed Tidiane Sy invite les gardiens du culte (Al ibada) d’ouvrir les mosquées et bien d’autre enceintes à la disputation pour la riposte de la pensée critique musulmane (Al tafakkur). En positionnant ainsi ses contemporains au front, Al Maktoum fit sienne l’école de Maodo dont il promut les invariants et les variants quand arrive le moment de sortir des daaras et d’interroger l’espace et le temps.
Dans le débat qui oppose le Cadre de réflexion et d’action tijaani et le Dr Mamadou Makhtar Ndiaye au ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, la sortie du commis de l’État distrait d’une kyrielle d’assauts qui ne manqueront pas. Pour l’instant, force est de reconnaître que l’impréparation du ministre a l’allure d’une provocation pouvant être, à ce stade du débat, ramenée à la vraie origine des prénoms à consonance arabe. Pour le dernier envoyé de Dieu, le candidat à la conversion admettait en même temps qu’en adoptant un nouveau prénom, il se débarrassait pour de bon d’une crise de la personnalité pouvant être engendrée par l’ancien prénom au contact des semblables. Il en résulte un compromis qui n’effiloche qu’à la marge l’assise imperturbable des noms de famille. Abdourahmane et Diouf, Abdoul Aziz et Diop, Amadou Lamine et Sall, Mamadou Makhtar et Ndiaye.
Et pour nous permettre de vivre ensemble, l’article 22 (alinéa 3) de la Constitution de la République du Sénégal met tout le monde d’accord sans préjudice pour les disputations présentes et futures : « Les institutions et les communautés religieuses ou non religieuses sont également reconnues comme moyens d’éducation. » La messe et la prêche sont dites par la loi fondamentale égale pour tous. L’école de Maodo s’en sort indemne ! Pour couper court aux supputations, le Cheikh recommanda l’argumentation inspirée par les enseignements des « grands destins de la race humaine » dont la source principale est le Livre des versets pleins de sagesse au contact desquels les valeurs traditionnelles font allégeance à la vérité essentielle dont sont revêtus lesdits versets.
Note
https://www.facebook.com/groups/665842356934729/permalink/2709639685888309/?app=fbl
Abdoul Aziz Diop prône un universel désécularisé auquel il consacre un essai á paraître dont l’ambition est d’abord de dévoiler les limites objectives de l’universel sécularisé ou sécularocène et européocentriste.