REPENSER L’ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE
Dans un monde où rapports, mails et documents s'accumulent, la lecture traditionnelle ne suffit plus. L'enjeu ? Former une génération capable de lire avec intelligence

Un défi éducatif majeur
Dans un contexte où les systèmes éducatifs africains sont en quête d'efficacité et de pertinence, la question de la lecture revient comme un défi crucial. Lire est plus que décoder : c’est comprendre, organiser, interpréter, mémoriser, puis agir. Pourtant, l’enseignement de la lecture demeure largement centré sur le décodage et l’élocution, rarement sur la stratégie cognitive.
La récente initiative lancée à Lomé dans le cadre des Rencontres africaines pour les ressources éducatives (RARE) témoigne de cette prise de conscience. L’objectif affiché est de replacer le livre au centre des apprentissages. Mais cette belle ambition gagnerait en puissance si elle s’accompagnait d’une véritable révolution pédagogique : apprendre à lire... stratégiquement.
Lire pour comprendre, décider, agir
Face à la surcharge informationnelle qui caractérise notre époque, lire "tout" n'est ni possible ni souhaitable. Les professionnels, étudiants, enseignants, agents publics, cadres, sont confrontés quotidiennement à une avalanche de documents – rapports, mails, notes, articles. Il devient urgent de leur apprendre à lire autrement.
La lecture efficace répond à ce besoin. Elle ne sacrifie pas la compréhension à la vitesse ; elle l’augmente en l’orientant. Elle repose sur une double compétence : identifier l’essentiel rapidement et restituer fidèlement l’information utile. C’est une lecture orientée objectif, ciblée, flexible. Dans une ère où le temps est devenu une ressource stratégique, cette approche est non seulement utile, mais indispensable.
Lecture plaisir et lecture stratégique : deux approches complémentaires
Il ne s’agit pas d’opposer la lecture plaisir qui est immersive, lente, introspective à la lecture stratégique ; sélective, active, orientée. Il s’agit de deux postures différentes, toutes deux nécessaires. L’une éveille, l’autre arme. L’une nourrit l’âme, l’autre alimente l’action. La lecture d’un poème est différente de celle d’un rapport
Former les élèves, les étudiants et même les professionnels à faire la distinction entre ces deux modalités, et leur apprendre à passer de l’une à l’autre avec aisance, c’est leur offrir une liberté cognitive précieuse : celle d’adapter leur lecture à leur objectif.
La carte mentale : catalyseur de compréhension et de mémorisation
Mais la lecture efficace atteint toute sa puissance lorsqu'elle est combinée à la carte mentale, encore trop peu connue et enseignée. Popularisée par Tony Buzan depuis 1970, la démarche carte mentale ou Mindmapping repose sur un principe simple : organiser l'information comme le cerveau la traite naturellement ; de manière hiérarchique, arborescente, colorée, imagée. Présentée comme telle la carte mentale est un outil bio compatible avec le fonctionnement du cerveau.
Ses avantages pédagogiques sont considérables :
- Permet de synthétiser un texte dense sur une seule page ;
- Favorise la mémorisation en stimulant la mémoire visuelle ;
- Aide à comprendre les relations entre idées ;
- Facilite la préparation d’exposés, d’examens ou de projets ;
- Stimule la créativité et la pensée globale.
Un impératif face aux exigences du XXIe siècle
L’UNESCO, dans ses travaux sur les compétences du 21ème siècle, insiste sur la nécessité de former des citoyens capables de pensée critique, de collaboration, de communication claire et d’apprentissage continu. La lecture efficace et la carte mentale croisent naturellement ces exigences : elles préparent l’élève à apprendre par lui-même, à organiser sa pensée, à restituer avec clarté.
Ignorer ces outils, c’est exposer les jeunes à un double risque : être submergés d’informations sans pouvoir les exploiter, et perdre en efficacité dans un monde qui récompense l’agilité intellectuelle.
Vers un changement de paradigme éducatif
Aujourd’hui, les programmes scolaires en Afrique francophone abordent trop rarement les stratégies d’apprentissage. Pourtant, dans les pays qui ont intégré la lecture stratégique et la carte mentale comme la Finlande, Singapour et le Canada, on observe une nette amélioration des résultats et du bien-être des apprenants.
Pourquoi ne pas initier une réforme profonde expérimentale dans quelques établissements pilotes ?
Une réforme ayant pour objectif une modification en profondeur du contenu, de la structure ou des méthodes d’enseignement de notre système éducatif.
Cette réforme pourrait impliquer :
- L’introduction de nouvelles matières ou compétences, comme la pensée critique, le codage informatique ou la lecture stratégique ;
- La révision des programmes scolaires, pour les adapter aux besoins du 21ème siècle
- Le changement des approches pédagogiques, par exemple introduire " la classe inversée" ; passer d’un enseignement centré sur le professeur à un apprentissage actif centré sur l’élève ;
- L’actualisation des manuels, des outils et des critères d’évaluation ;
- La formation des enseignants pour appliquer ces nouvelles approches.
Conclusion : lire mieux pour penser mieux, et réussir autrement
L’heure est venue de sortir de l’approche mécanique de la lecture pour entrer dans une pédagogie stratégique et autonome. Lire mieux, ce n’est pas lire plus vite pour le plaisir de la vitesse : c’est lire avec intelligence, intention et impact.
Former des lecteurs capables de synthétiser une conférence, d’analyser un article, de présenter une idée avec clarté, voilà l’enjeu. La lecture efficace et la carte mentale ne sont pas de simples techniques : elles sont les outils cognitifs d’une nouvelle génération d’apprenants.
Fayed est formateur en lecture efficace et en carte mentale.