«MONTRER NOS REALITES SANS POUR AUTANT NOUS ALIENER»
Palabres avec … Mabadiakhou Bâ alias Maba, acteur, producteur, scénariste et réalisateur

Maba Bâ est acteur, producteur, scénariste et réalisateur. Il est connu pour des titres tels que : « WarGames (MGM) », « Christmas Wedding Baby » (Netflix) et les courts métrages plusieurs fois primés dont « Samedi Cinéma » (TIFF, Venise), « Men or Mice » (Urbanworld), pour en citer que ceux-là. Il a produit « Baamum Nafi » / Le Père de Nafi), le premier long métrage de Mamadou DIA avec qui il a fondé « JoyeDidi ». Informaticien formé à l’Université de Virginie (USA), il finit cinéaste, comme son père, Cheikh Ngaïdo Bâ. Il séjourne à Dakar dans le cadre de la promotion du film « Le père de Nafi » dont l’avant-première a eu lieu mercredi dernier dans le cadre du Festival Film Femme Afrique. Nous avons pu changer avec lui. Peu disert, il a répondu avec concision à nos questions. Voulant être reconnu pour son travail, il n’a pas voulu se prononcer sur les questions relatives à l’apport de son père ou son influence. Comme quoi, il ne veut surtout pas être considéré comme le fils de…..
Informaticien, comment avez-vous atterri au cinéma ?
Effectivement, j’ai fait informatique à l’université. Ensuite, je me suis spécialisé en animation 3D et effets spéciaux. C’est en ce moment que j’ai vraiment découvert le pouvoir des histoires racontées en images montées. J’ai toujours adoré les films et c’était depuis mon très jeune âge. Mais le pouvoir de s’exprimer de par eux, je l’ai découvert en étudiant l’animation 3D
Vous êtes acteur, producteur, scénariste et réalisateur. Ça ne pèse pas lourd sur vos épaules?
Non, pas du tout ! C’est vrai que le faire dans la même production, c’est très difficile. Cependant dans « Baamum Nafi » par exemple, je ne suis que producteur. Donc, je ne fais pas tout à la fois même si cela m’est arrivé une ou deux fois. Et ces moments ont été un challenge. Pour mon premier court métrage « 3paramour3 » par exemple, je l’ai fait. Mais quand j’ai fait « Taxi cab Teranga », j’étais juste acteur. Les gens le font, à l’instar de Clint Eastwood, Ben Affleck. Avec une bonne équipe autour, cela peut se faire.
Dans laquelle de ces casquettes êtes- vous cependant le plus à l’aise ?
Je pense être à l’aise dans toutes ces casquettes. C’est juste une question de savoir laquelle porter pour un moment et foncer.
Vous avez d’abord été acteur. Comment vous vous êtes retrouvé dans ce rôle ?
Pour moi cela a commencé sous forme de thérapie. Je cherchais à me connaître mieux, à mieux comprendre mes émotions. Pourquoi j’aime le chocolat plus que la vanille ? C’est une question simple, mais les gens ne se la posent pas. On aime ce que l’on aime, et on ne se demande pas pourquoi. Pour moi, la philosophie a joué un grand rôle dans le développement de ma personnalité. Je me suis toujours posé ces questions dès le bas âge. Qui suis-je? Qu’est-ce que je fais ici? Etc... En découvrant Descartes, j’ai découvert que je n’étais pas le seul et que beaucoup ont tenté de répondre à ces mêmes questions. Beaucoup ont été tourmentés par ces interrogations. Dans l’art d’être acteur, on a le privilège de se perdre dans les croyances, la conviction, les amours et haines de quelqu’un d’autre. On oublie qui on pense être et accepte tout d’une autre personne. En étudiant l’art d’acteur et en performant ce dernier, j’ai appris et j’apprends énormément à propos de moi-même et de l’être humain en général.
Généralement aux Usa les acteurs Noirs sont confinés dans des rôles accessoires. Cela n’a pas été votre cas ?
Non, et c’est pour cela que je ne le fais pas très souvent. Je choisis mes rôles avec attention. Connaissant le pouvoir des images, je refuse d’immortaliser un autre cliché. Je préfère ne pas jouer pendant un moment que de jouer des caractères faux et plein de clichés.
Parlez-nous de votre vision du cinéma Africain ?
Je pense que le cinéma africain, en tout cas sénégalais, est en pleine renaissance avec Alain Gomis, Maty Diop et mon associé Mamadou Dia pour en citer quelques-uns. Il y en a d’autres, bien -sûr. Le cinéma sénégalais tape fort dans le monde. Cependant, nous devons trouver un moyen de le rendre beaucoup plus accessible sur notre territoire
Baamum Nafi (Le Père de Nafi) est votre premier long métrage. Comment s’est faite la gestation ?
En effet « Baamum Nafi » est le premier long métrage de la société « JoyeDidi », une société créée avec mon associé Mamadou Dia. C’est mon premier long métrage en tant que producteur, j’ai fait un long métrage en acteur auparavant qui a été sur Netflix et BET la chaîne américaine. Concernant « Baamum Nafi », c’est une auto production de « JoyeDidi ». Ce film est né dans le cœur de Mamadou Dia, il s’est ouvert honnêtement sur les pages de son screenplay et l’a partagé. Après avoir lu le script, on en a discuté. Mamadou a écrit de manière créative tout en pensant à la production, il l’a fait bien et faisable pour nous sans besoin de beaucoup de financement. Donc, dès qu’on a senti qu’on était prêt, on a foncé sans attendre d’argent de qui que ce soit. Ensuite, le Fopica nous a aidés à la post- production.
Quelle est votre vison sur la société sénégalaise ?
Je l’aime beaucoup, notre société, elle est belle. Habitant à New York depuis une dizaine d’années, la société sénégalaise peut paraitre parfois frustrante. Les choses se passent un peu lentement ou se font à moitié, ce que je trouve dommage car nous avons tellement de potentiels au Sénégal
La politique culturelle du Sénégal comment la jugez-vous ?
J’aimerais que les médias des régions soutiennent plus la Culture. Par exemple, nous avons amené notre propre écran géant et projecteur à Matam, on a eu plus de 400 personnes sur deux nuits d’affilée. Ils ont adoré le film, mais la presse n’était pas présente pour immortaliser ces beaux moments. Le ministère de la Culture de par le Fopica nous a beaucoup aidés et cela prouve que la Culture du cinéma est vivante au Sénégal.
Quelle est votre propre vision du cinéma ?
Pour nous, à « JoyeDidi », on se concentre sur la qualité des images et des histoires racontées. Comme je le dis plus haut, le pouvoir des images montées est un véritable privilège. Nous comptons utiliser ce privilège pour bien montrer nos réalités sans pour autant nous aliéner
Comment percevez le paysage cinématographique du pays avec la prolifération des séries télévisées ?
Avec le boom de Netflix et autres, les séries télé sont devenues plus artistiques et prennent plus de risques. J’espère que nous arriverons à cela avec nos séries sénégalaises bientôt.