OMAR VICTOR DIOP, L'ART EN MOUVEMENT ENTRE DAKAR ET PARIS
Le photographe sénégalais franchit une nouvelle frontière artistique en créant sa première sculpture baptisée "Touki". Ce terme évoquant le voyage et l'exil, témoigne de son propre parcours d'artiste migrant et de sa réflexion sur "le droit à la mobilité"

(SenePlus) - Le photographe sénégalais Omar Victor Diop, désormais installé à Paris, poursuit son exploration artistique en se lançant dans la sculpture avec la prestigieuse maison Bernardaud. Cette nouvelle création, baptisée "Touki", marque un tournant dans le parcours de cet artiste aux multiples facettes.
"Ce terme sénégalais signifie voyager, cela peut même évoquer l'exil. Je l'ai choisi en hommage à ceux qui, souvent par la contrainte, sont obligés de partir sans être toujours bien accueillis", explique l'artiste dans un entretien accordé aux Échos Week-End. Ce choix fait écho à sa propre trajectoire, lui qui a quitté le Sénégal pour s'installer en France en décembre 2022. "Touki est ma façon poétique de parler du droit à la mobilité", ajoute-t-il.
Cette collaboration avec Bernardaud représente pour Omar Victor Diop la réalisation d'une ambition ancienne : "La rencontre avec Bernardaud m'a permis de réaliser un vieux rêve d'enfant : fabriquer un objet". Sa sculpture s'inspire de "l'imagerie des représentations totémiques nigérianes et égyptiaques des pharaons de la XXVe dynastie (VIIIe-VIIe siècles av. J.-C.)".
Le photographe partage désormais sa vie entre la France et le Sénégal, développant un attachement particulier pour son pays d'adoption : "Si Dakar est ma mère, la France est en train de devenir mon amour", confie-t-il. Installé dans le IXe arrondissement parisien, "au pied de la butte Montmartre, tout près de la Goutte d'or", il apprécie particulièrement ce quartier qu'il qualifie de "petit Dakar" avec ses tailleurs sénégalais qui lui rappellent ceux de son pays natal.
La couleur indigo occupe une place prépondérante dans les créations du photographe. "J'aime beaucoup l'indigo, une des teintes principales des tenues des élégantes dakaroises", précise-t-il, évoquant le bazin, ce tissu "teint selon la technique du 'tie and dye', souvent avec de l'indigo". Cette teinte est chargée de souvenirs personnels : "L'indigo naturel conserve une odeur proche de celle de l'encre. Un souvenir des boubous de ma mère et des caftans de mon père."
Le photographe entretient également un lien particulier avec le Japon, où il a récemment exposé dans le cadre du festival Kyotographie. Sa passion pour les couleurs et les matières s'y épanouit : "La première fois que je suis allé au Japon, j'en ai ramené une valise pleine de coupons d'indigo". Les camélias japonais ornent aujourd'hui son balcon parisien, témoignant de son attachement à la nature, lui qui confiait enfant vouloir devenir jardinier.
"Il n'y a pas de silence dans ma vie. Qu'elle provienne de mon téléphone, ou qu'elle me trotte dans la tête, je vis de musique", avoue Omar Victor Diop, se décrivant comme "agnostique en la matière". Admirateur de Ravel, il confie apprécier le compositeur "aussi bien pour l'œuvre que pour son rapport à la création", une approche qu'il partage : "La création est pleine de doutes et peut être douloureuse par moments."
La sculpture "Touki" d'Omar Victor Diop fait partie d'une édition limitée de têtes en porcelaine réalisées dans les ateliers de Bernardaud à Limoges. L'artiste expose actuellement au festival Kyotographie jusqu'au 12 mai, au Völklinger Hütte Museum à Sarrebruck avec "The True size of Africa" jusqu'au 17 août 2025, et au Musée de l'homme à Paris avec "Wax" jusqu'au 7 septembre.