À BONN, DES EXPERTS OUEST-AFRICAINS PLAIDENT POUR L’INTÉGRATION DE L’ÉLEVAGE DANS L’ACTION CLIMATIQUE
Face aux menaces pesant sur les systèmes pastoraux, une feuille de route en six axes a été adoptée, avec le Sénégal en première ligne pour porter cette dynamique continentale.

Réunis à l’occasion de la 62e session du SBSTA, organe scientifique de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), des experts, négociateurs africains, représentants gouvernementaux et chercheurs ont lancé un appel fort : l’élevage, pilier des économies rurales en Afrique de l’Ouest et au Sahel, doit désormais être pleinement pris en compte dans les politiques climatiques.
Organisé en marge de la Conférence climat de Bonn, ce dialogue parallèle a mis en lumière l’urgence de soutenir les systèmes pastoraux, aujourd’hui sous pression du fait du changement climatique, de l’insécurité et de la dégradation des ressources naturelles.
Le Sénégal en éclaireur
Pays très impliqué dans les négociations climatiques, le Sénégal s’est illustré par la voix de Lamine Diatta, négociateur climat au ministère de l’Environnement. Il a insisté sur le lien indissociable entre élevage, forêts et agroforesterie, soulignant leur rôle essentiel dans la préservation des écosystèmes et la recharge des nappes phréatiques. Pour lui, les agro-pasteurs doivent être considérés comme des acteurs clés de la transition climatique, à condition d’être valorisés dans les politiques publiques.
Une initiative régionale portée par l’ILRI
L’événement était coorganisé par l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI), le Bureau interafricain des ressources animales (AU-IBAR), la coopération allemande (GIZ) et le WWF. Plus de 30 participants venus d’Afrique de l’Ouest, de Madagascar et d’Europe ont contribué aux échanges.
Abdrahmane Wane, représentant régional de l’ILRI, a tiré la sonnette d’alarme : sans action rapide, 60 % des pasteurs risquent de perdre leurs moyens de subsistance. Il a présenté le “Livestock and Climate Solutions Hub”, une plateforme visant à coordonner les efforts pour un élevage durable et climato-résilient.
Cheikh Mbow, directeur du Centre de Suivi Écologique (CSE) au Sénégal, a salué cette initiative, y voyant un outil pour combler le fossé entre la science et la décision politique. Même son de cloche du côté de l’AU-IBAR, dont le représentant Patrick Karani a plaidé pour une position africaine unifiée sur la place de l’élevage dans les mécanismes de financement et de gouvernance climatique.
Une feuille de route autour de six priorités
Le dialogue a abouti à une feuille de route structurée autour de six axes majeurs :
Solutions intégrées mêlant santé animale, nutrition, génétique et outils numériques.
Développement des chaînes de valeur pastorales, facteur de stabilité.
Restauration des pâturages et préservation de la biodiversité en valorisant les savoirs locaux.
Renforcement de la coopération transfrontalière pour sécuriser la mobilité du bétail et prévenir les conflits.
Inclusion des jeunes et des femmes, en facilitant leur accès aux opportunités économiques.
Connexion science-politique, pour fournir des données locales utiles au suivi des engagements climatiques.
Et après ?
Les participants ont convenu que l’heure est à la mise en œuvre. L’ILRI prévoit, avec ses partenaires sénégalais (Direction de l’Élevage, ANACIM, ANCAR, ISRA, RESOPP, ADID), de développer un tableau de bord des solutions d’élevage climato-intelligentes, afin d’orienter les décisions politiques et les financements.
Dans une région où l’élevage représente à la fois un mode de vie et un levier économique, l’appel lancé à Bonn vise à inscrire durablement ce secteur dans les priorités de l’action climatique. Car, comme l’a résumé un intervenant : « L’élevage fait partie de la solution, pas du problème. »