ERAMET GRANDE CÔTE, LE PARI AUDACIEUX D’UN MODÈLE DE RÉHABILITATION MINIÈRE
Alors que les critiques envers les industries extractives se multiplient, l'entreprise mise sur une approche singulière : réhabiliter et restituer les terres exploitées bien avant la fin de sa concession.

Dans un secteur souvent critiqué pour ses impacts durables sur l’environnement et les communautés, la société minière Eramet Grande Côte affirme vouloir faire la différence. En visite sur son site industriel à Diogo, des journalistes membres de l’Association des Journalistes pour la Transparence dans les Ressources Extractives (AJTREPE) ont découvert une approche atypique : réhabiliter et restituer les terres au fil de l’exploitation, bien avant l’épuisement de la concession.
À Diogo, dans la région de Thiès, depuis 2014, Eramet Grande Côte extrait du zircon sur une bande dunaire de 106 km entre Thiès et Louga. Mais au-delà des performances industrielles, c’est sa politique de réhabilitation progressive des terres qui retient l’attention.
« Nous avons déjà réhabilité et restitué 85 hectares à l’État du Sénégal et 1 000 autres hectares sont prêts à être restitués », affirme Frédéric Zanclan, directeur général de GCO. « Et tout est prêt pour en restituer davantage. » Une promesse rare dans un secteur où la remise en état des sites intervient généralement à la fin de l'exploitation, souvent sans garantie de suivi.
Une mine itinérante, un défi constant
Contrairement aux mines à ciel ouvert classiques, Eramet opère une mine mobile, avancée par une drague géante et une usine flottante. « En dix ans, nous avons progressé de 35 km. C’est cette mobilité qui nous oblige à penser la réhabilitation dès maintenant », explique Zanclan. Le sable, une fois lavé des minéraux lourds, est immédiatement remis en place. La végétation suit, parfois même améliorée grâce aux suggestions des communautés locales lors des réunions d'engagement.
Avec 34 réunions publiques tenues en 2025 et plus de 4 000 personnes impliquées, GCO se targue d’un dialogue inclusif : activistes, maires, préfets, chefs de villages, jeunes, femmes. « Chaque engagement est formalisé par un procès-verbal. Ce n’est pas juste des paroles en l’air », insiste le directeur général. Pourtant, sur le terrain, certaines voix discordantes s’élèvent encore. Des riverains affirment ne pas avoir été consultés.
Frédéric Zanclan assume la tension : « Mon rôle, c’est aussi de déconstruire les rumeurs. On peut tout contester, sauf les faits. Les PV sont là, les investissements aussi. »
Des compensations cinq fois supérieures au barème de l’Etat
En matière d’indemnisations, Eramet revendique un dépassement des exigences légales. Un hectare affecté est payé 3,5 millions FCFA, contre 750 000 FCFA selon le barème officiel. Mais la restitution des terres, elle, reste encadrée par la loi : « Ce sont des terres de l’État. Même après réhabilitation, on ne peut les redistribuer aux populations sans réforme juridique », précise M. Zanclan.
Toutefois, la société se dit prête à soutenir un plaidoyer en ce sens. « Si l’État évolue, nous serons les premiers à accompagner cette démarche. »
Pour ce qui concerne le recasement des populations déplacées, l’entreprise parle de "relocalisation améliorée". Eramet défend une approche « humaine » : « Nous ne déguerpissons pas, nous relogeons dans des villages modernes avec des écoles, des points de santé, de l’électricité solaire, des lieux de culte. » Une réponse aux critiques, souvent relayées dans les médias, sur les conditions de relogement dans les projets extractifs.
L’exemple cité par Zanclan : l’ouverture en 2024 d’un poste de santé dans un village de recasement. « À ce jour, plusieurs naissances y ont déjà été enregistrées. C’est une fierté. »
Un poids économique significatif
Avec 3 000 emplois directs et indirects — dont 98 % occupés par des Sénégalais — et une contribution annuelle de 90 à 100 milliards FCFA à l’économie nationale, Eramet Grande Côte revendique sa place dans le top 5 des entreprises minières du pays. En 2024, l’entreprise a injecté 253 milliards FCFA dans l’économie locale via ses achats et sous-traitances.
Et même sur le front de l’eau, sujet sensible, l’entreprise se veut proactive : « Nous ne puisons que 9 millions de m³ sur les 16 autorisés. Et nous recyclons plus de 60 % de cette eau », a assuré le directeur général.
La visite organisée le 23 juillet 2025 par l’Association des Journalistes pour la Transparence dans les Ressources Extractives (AJTREPE) aura permis aux professionnels des médias de mieux cerner les pratiques d’un géant minier qui tente, tant bien que mal, de faire taire les clichés. Si des zones d’ombre subsistent, notamment sur la communication locale, le modèle de réhabilitation anticipée d’Eramet Grande Côte pourrait bien devenir un cas d’école pour le secteur extractif africain.