GOUVERNANCE EXTRACTIVE, ÉTAT ET JOURNALISTES POSENT LES BASES D’UN NOUVEAU "PACTE" DE TRANSPARENCE
Journalistes spécialisés, autorités publiques ont renforcé leur collaboration pour faire de l’accès à l’information un pilier de la gouvernance extractive. Une rencontre fondée sur la responsabilité partagée, la transparence active et l’engagement citoyen

Alors que le Sénégal entre dans une phase d’exploitation de ses ressources naturelles, les enjeux liés à la gouvernance extractive prennent une dimension plus aiguë. C’est dans ce contexte que s’est tenu, du 4 au 6 mai 2025, un atelier résidentiel organisé par le Ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines en partenariat avec l’Association des Journalistes pour la Transparence dans les Ressources Extractives et la Préservation de l’Environnement (AJTREPE).
Présent à l’ouverture des travaux, Birame Souleye Diop, ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, a affirmé que : « La richesse naturelle ne vaut que par la manière dont elle est gouvernée. Car si les ressources sont un don, la bonne gouvernance, elle, est un choix. Et ce choix, nous l’avons fait : celui de la transparence, de la responsabilité et du dialogue citoyen »
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Dans une démarche d’ouverture, le ministre a mis à la disposition des journalistes l’ensemble des structures clés du secteur extractif (SENELEC, PETROSEN, SAR, SOMISEN, etc.) afin de favoriser l’accès aux données techniques et économiques, tout en saluant la spécialisation croissante des journalistes sur ces thématiques complexes : « Ce que nous vous offrons, c’est la transparence. À condition que vous choisissiez, en contrepartie, la rigueur, la vérité et l’éthique »
Une presse spécialisée et vigilante
Face aux autorités, le président de l’AJTREPE, Youssouph Bodian, a rappelé l’importance de la presse comme courroie de transmission entre les populations et les institutions. « Notre mission est de rendre lisibles les projets qui transforment nos territoires. Mais pour informer utilement, nous avons besoin d’un accès fluide, systématique, transparent à l’information publique. Ce n’est pas un privilège : c’est une condition de la démocratie », a-t-il déclaré.
Mais cette volonté affichée de transparence s’est heurtée à une réalité décrite sans détour par le président de l’AJTREPE, Youssouph Bodian. Si des efforts notables ont été faits, notamment avec la publication régulière de bulletins mensuels sur la production pétrolière, l’accès aux données publiques reste encore trop aléatoire et dépendant des circonstances.
« Pour accomplir notre mission, nous avons besoin d’un accès plus fluide, plus ouvert, plus systématique à l’information publique », a insisté M. Bodian, regrettant la difficulté persistante à obtenir des documents essentiels comme les études d’impact, les contrats, les plans de gestion environnementale ou encore les chiffres sur la redistribution des revenus. Il a aussi dénoncé la rareté des interlocuteurs institutionnels disponibles pour répondre aux sollicitations de la presse, notamment dans les directions techniques et agences publiques.
Pour y remédier, l’AJTREPE propose la désignation de points focaux presse dans chaque structure dépendant du ministère, afin de garantir un dialogue réactif et crédible avec les journalistes.
Dans un pays où les projets extractifs transforment les territoires, Youssouph Bodian a aussi plaidé pour que les journalistes soient intégrés aux visites de terrain aux côtés des autorités, afin de mieux documenter les réalités locales et les impacts sur les communautés. Il a en outre insisté sur la nécessité de soutenir les journalistes basés en région, en particulier ceux qui travaillent dans les zones d’exploitation minière. « Nos confrères des radios communautaires doivent être formés, équipés et associés à l’effort de transparence. Ils sont en première ligne pour rendre compte de ce que vivent les populations », a-t-il expliqué.
Pour stimuler l’excellence professionnelle, l’AJTREPE a également proposé la création d’un prix national récompensant chaque année les meilleures productions journalistiques dans le secteur extractif. Une manière de reconnaître et d’encourager la rigueur, l’indépendance et la profondeur d’analyse dans le traitement de ces enjeux stratégiques.
Plus de 350 articles de presse se sont appuyés sur les données ITIE
Thialy Faye, président du Comité national ITIE Sénégal, a réaffirmé le rôle de son institution comme garant de l’accès à l’information structurée et vérifiée : « Depuis 2021, plus de 350 articles de presse se sont appuyés sur les données ITIE. Ce n’est pas anodin. Cela témoigne d’une appropriation croissante de nos rapports par les professionnels de l’information »
Il a profité de cette rencontre pour partager le Rapport semestriel ITIE 2024, révélant que les industries extractives ont généré 236,59 milliards FCFA au premier semestre, dont 187,35 milliards provenant du secteur minier. Le secteur des hydrocarbures, lui, a presque doublé ses revenus par rapport à l’année précédente. « Notre objectif est clair : passer à une divulgation systématique, compréhensible et citoyenne. Et cela, nous le construisons avec vous, les journalistes », a fait savoir Thialy Faye.