LA SOCIÉTÉ CIVILE SOUMET À LA COUR AFRICAINE UNE PÉTITION SUR LA JUSTICE CLIMATIQUE
L'bjectif est de demander à la juridiction suprême des droits humains du continent de se prononcer sur les devoirs des États africains face aux impacts du changement climatique.

C’est un tournant pour la justice environnementale sur le continent. Le 2 mai dernier, une large coalition d’organisations issues de la société civile africaine a déposé une requête auprès de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à Arusha, en Tanzanie. Objectif : demander à la juridiction suprême des droits humains du continent de se prononcer sur les devoirs des États africains face aux impacts du changement climatique.
La pétition, portée par la Plateforme africaine pour le climat (ACP), rassemble des acteurs comme Resilient40, Natural Justice, la Pan African Lawyers Union (PALU) ou encore l’Environmental Lawyers Collective for Africa. Elle s’appuie sur la Charte africaine des droits de l’homme, mais aussi sur d’autres instruments régionaux comme le Protocole de Maputo ou la Convention de Kampala, pour défendre une lecture des droits humains intégrant les enjeux climatiques.
« Les pauvres d’Afrique ne DOIVENT pas payer pour le mode de vie des plus gros émetteurs historiques », déclare Alfred Brownell, responsable de la campagne ACP, soulignant que l’Afrique, bien que peu responsable des émissions mondiales, est en première ligne face aux catastrophes climatiques.
Un cadre juridique pour des droits menacés
La pétition aborde plusieurs points cruciaux : le droit à la vie, à la santé, à un environnement sain, à l’eau et à l’alimentation ; la responsabilité des grandes entreprises polluantes ; la protection des populations vulnérables — notamment les femmes, les enfants, les peuples autochtones — ainsi que la nécessité d’une transition énergétique juste.
Pour June Cynthia Okelo, de la PALU, il s’agit d’un appel à la justice : « L’Afrique n’est pas un amortisseur pour les pollueurs. Le temps est venu pour nos tribunaux d’affirmer que les atteintes à l’environnement sont aussi une urgence en matière de droits humains. »
Les voix recueillies à Arusha lors du dépôt de la requête témoignent de la diversité et de la gravité des impacts. De l’Afrique du Nord à l’Afrique australe, en passant par l’Ouest et l’Est, les militants décrivent une réalité de plus en plus insoutenable.
En Afrique du Nord, Ahmad Abdallah, militant égyptien, évoque « une crise actuelle des droits humains, visible à travers la pénurie d’eau, les déplacements et l’instabilité économique ». Plus au sud, Lucien Limacher (Natural Justice, Afrique du Sud) décrit « la pire sécheresse depuis un siècle », qui compromet la sécurité alimentaire de millions de personnes.
En Afrique centrale, Dorcas Faida (RDC) pointe « une triple crise d’inondations, de sécheresse et de conflits », tandis qu’en Afrique de l’Ouest, Peter Quaqua (Liberia) alerte sur « l’effondrement des rendements agricoles » et ses conséquences économiques et sociales.
Les femmes et les jeunes sont parmi les plus exposés. Shahinaz Adel, militante égyptienne, rappelle que « les traditions renforcent la vulnérabilité des femmes face à la crise climatique », tandis que Inna Maria Shikongo, influenceuse et artiste namibienne, affirme : « Il est temps de faire face aux inégalités et aux injustices que les femmes et les jeunes subissent chaque jour sur le continent. »
Vers une jurisprudence climatique africaine
Cette saisine, la première du genre, pourrait ouvrir la voie à une jurisprudence continentale en matière de justice climatique. Pour les initiateurs, l'enjeu est clair : faire reconnaître que la crise écologique est aussi une crise des droits humains, et que les États ont l’obligation d’agir dans l’intérêt des générations présentes et futures.
« En défendant ces maximes fondamentales, nous cherchons à promouvoir un nouveau cadre juridique basé sur la responsabilité intergénérationnelle », conclut Alfred Brownell.