PEUT-ON ENCORE SAUVER SAINT-LOUIS ?
L’ancienne capitale du pays, pourtant inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000, se dégrade d’année en année. Un patrimoine d’autant plus difficile à sauvegarder qu’il peut être bien encombrant

Du vieux bâtiment dont la construction remonte au XIXe siècle il ne subsiste que quelques pans de mur menaçant de s’écrouler. Aux pieds de l’édifice en pierre, ou plutôt de ce qu’il en reste, les gravats se mêlent aux tas d’ordures qui débordent sur la rue. À l’angle de la rue Blanchot et du quai Roume, à deux pas des rives paisibles du fleuve Sénégal, Aly Sine, directeur du patrimoine à la mairie de Saint-Louis, lève le doigt pour désigner la tour qui se dresse encore. La légende raconte qu’elle appartenait à une chapelle du XVIIIe. La maison, ancien entrepôt de la compagnie française Maurel & Prom, est restée connue sous le nom de « chapelle oubliée ». Répertorié comme un lieu « de grande valeur architecturale », le bâtiment semble sur le point de s’écrouler. Aly Sine se veut pourtant rassurant : « Les lieux ont été sécurisés. Nous pourrions tout reconstruire en respectant les plans originaux », assure-t-il avec un enthousiasme qui paraît un peu forcé.
Comme près de 720 bâtiments de l’île de Saint-Louis (Nord), capitale du Sénégal jusqu’en 1957, l’église oubliée avait pourtant été classée comme un site à protéger. Un important travail d’inventaire des lieux d’intérêt historique avait été réalisé après la reconnaissance de ce qui fut aussi l’ancienne capitale de l’Afrique-Occidentale française (AOF) comme patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 2000. « Aujourd’hui, 23 ans plus tard, la situation est bien pire. Une grande proportion des bâtiments à l’intérêt architectural et historique n’existent plus, ont été démolis ou transformés », lâche Xavier Ricou.
L’architecte sénégalais avait été missionné en 2005 pour préparer le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la ville, qui, regrette-t-il, a été « mal appliqué ». « Beaucoup de propriétaires n’attendent qu’une chose : que les bâtiments soient totalement détruits pour faire construire des villas ou des immeubles à la place. Ce classement ne les arrange pas. » Les experts estiment qu’au moins un tiers des édifices d’époque ont été « irrémédiablement perdus » depuis 2000.
Un passé ambigu
Créée par les Français, qui y établissent le « comptoir du Fort Saint-Louis » en 1643, l’île de Saint-Louis est une étroite bande de terre de 72 ha, située au beau milieu du fleuve Sénégal et séparée de l’océan Atlantique par la langue de Barbarie. Cette langue de sable a longtemps servi de protection naturelle à l’île, qui est désormais menacée par l’érosion et la montée des eaux. Plusieurs villages ont déjà été engloutis par la mer. Entre 10 000 et 20 000 habitants de Guet Ndar, principalement des pêcheurs, doivent notamment être relogés.