UN DIALOGUE STRATÉGIQUE POUR RÉVOLUTIONNER L'AGRICULTURE À TRAVERS LES SEMENCES
À Dakar, chercheurs, acteurs privés, décideurs publics et partenaires définissent une nouvelle stratégie semencière sous l’égide de l’AALI et du CORAF, avec le soutien du programme TAAT pour renforcer la souveraineté alimentaire.

Le Sénégal a ouvert ce jeudi à Dakar un dialogue national autour de la transformation de son système semencier, pierre angulaire pour l’avenir de l’agriculture. Organisé sur deux jours, cet atelier, placé sous le thème « TAAT en République du Sénégal : pour un système semencier efficace et la mise à l’échelle des technologies performantes pour la transformation de l’agriculture sénégalaise », réunit des chercheurs, des acteurs du secteur privé, des décideurs publics et des partenaires techniques et financiers.
Il est piloté par l’Institut Africain de Leadership Agricole (AALI) en collaboration avec le Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles (CORAF), avec l’appui du ministère sénégalais de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage.
L’objectif principal de cette rencontre est de définir des stratégies concrètes pour améliorer la production et la distribution de semences de qualité, un levier incontournable pour renforcer la souveraineté alimentaire du Sénégal.
L’ouverture des travaux a été marquée par des interventions soulignant les défis et les ambitions du Sénégal. Le pays mise sur la modernisation de son système semencier pour garantir la disponibilité de semences certifiées, adaptées aux conditions locales et capables de mieux résister aux effets du changement climatique.
Dr Emmanuel Njukwe, directeur de la Recherche et de l’Innovation au CORAF, a tenu à rappeler la place stratégique du Sénégal dans cette dynamique régionale : « Le choix du Sénégal n’est pas anodin. Je les ai convaincus que le meilleur système de semences se trouve ici, car ce pays a démontré sa capacité à innover. » Pour lui, la qualité des semences est la pierre angulaire d’une agriculture performante : « Si nous avons accès aux semences de qualité, la production devient rentable et les producteurs bénéficient pleinement de leur travail. C’est ainsi que nous transformerons durablement notre agriculture. »
TAAT, accélérer la dissémination des technologies agricoles
Le dialogue national autour de la transformation du système semencier sénégalais s’inscrit dans le cadre du programme TAAT (Technologies pour la Transformation de l’Agriculture Africaine), une initiative financée par la Banque africaine de développement (BAD). Présent dans 31 pays africains, ce programme vise à disséminer à grande échelle des technologies agricoles éprouvées afin de booster la productivité des cultures stratégiques comme le riz, le maïs, le manioc, le niébé ou encore les productions halieutiques.
Dr Ernest Asiedu, coordonnateur de TAAT-CH pour l'Afrique de l’Ouest, a insisté sur l’importance des semences améliorées : « Les semences sont la base de toute production agricole. Sans semences améliorées, il est impossible de transformer durablement notre agriculture et de garantir la sécurité alimentaire. » Il a salué les efforts du Sénégal tout en appelant à plus d’ambition : « Le Sénégal est un exemple dans la sous-région en matière d’innovation agricole, mais des défis importants restent à relever pour harmoniser les politiques et renforcer les systèmes de certification des semences. »
Selon le représentant du ministre sénégalais de l’Agriculture, Moctar Ndiaye, grâce à la première phase du programme TAAT, et à la collaboration avec des partenaires sous-régionaux tels qu'ICRISAT, plus de 450 tonnes de semences de prébase, base et certifiées (R1 et R2) ont été produites. « Douze technologies agricoles éprouvées ont été déployées, couvrant notamment des céréales à double usage grain et paille -résilientes aux aléas climatiques. En parallèle, près de 200 producteurs ont été formés, bénéficiant à plus de 65 000 exploitants agricoles. »
Un écosystème à bâtir pour des chaînes de valeur durables
Pour David Bugeme, directeur technique de l’AALI, ce dialogue marque une étape cruciale vers une agriculture plus compétitive et inclusive : « Nous voulons créer un véritable écosystème qui soutienne les petits exploitants agricoles grâce à des technologies adaptées, accessibles et durables. » Il a également insisté sur l’importance de la coopération régionale : « Cette rencontre permet de poser les bases d’une collaboration renforcée entre les pays de la sous-région, indispensable pour des chaînes de valeur agricoles solides et résilientes face aux défis climatiques. »
Pour sa part, Modou Thiam, président de l'Union nationale interprofessionnelle des semences du Sénégal, a souligné la pertinence du moment choisi pour organiser cet atelier : « Je remercie d'abord les organisateurs de cet atelier pour avoir réservé ces deux jours au Sénégal, au moment où nous démarrons un nouveau programme dans le pays qui axe tout son focus sur l'agriculture pour développer cette économie. »
Au-delà de la question des semences, M. Thiam a alerté sur les effets du climat : « Le changement climatique constitue un défi majeur, non seulement pour la production de semences, mais aussi pour la production agricole en général. Des politiques fortes doivent être menées pour garantir cette résilience et éviter que le changement climatique n'impacte durablement nos systèmes de production alimentaire. »
Il a également insisté sur la nécessité d’améliorer la productivité : « Nous devons travailler davantage à réunir les meilleurs intrants pour la production agricole et améliorer le système afin de renforcer les capacités des producteurs et booster leur productivité. »
L’engagement de l’État sénégalais
L’État sénégalais, par la voix de Moctar Ndiaye, directeur de l’Agriculture, a réaffirmé son engagement. « Le gouvernement fait de la réforme du système semencier une priorité stratégique pour garantir la souveraineté alimentaire du pays. Nous travaillons à améliorer la disponibilité des semences certifiées et à renforcer la transparence des circuits de distribution », a déclaré le représentant du ministre de l’Agriculture. M. Ndiaye se dit convaincu que dans cette dynamique transformationnelle, le Ministère de l'Agriculture du Sénégal saura renforcer sa collaboration avec l'Institut Africain de Leadership Agricole (AALI), pour bâtir un modèle semencier efficace, structuré et résilient. Car, ajoute-t-il, « sans semences de qualité, adaptées et accessibles, il ne peut y avoir de souveraineté alimentaire durable ».
Tout au long de l’atelier, les participants vont dresser un état des lieux du système semencier national, identifier les contraintes majeures et proposer des solutions concrètes pour améliorer la production, la certification et la distribution des semences. Les discussions portent également sur l’harmonisation des politiques nationales avec les cadres régionaux de la CEDEAO, afin de faciliter la circulation des semences de qualité au sein de l’espace ouest-africain.