WASHINGTON VEUT RETIRER SON APPUI À LA BAD
Le soutien américain à la Banque africaine de développement est sur le point de s'effondrer. Donald Trump propose de supprimer la contribution au Fonds africain de développement, dont les États-Unis sont le troisième bailleur bilatéral

(SenePlus) - Dans une décision qui risque d'ébranler profondément le financement du développement en Afrique, l'administration Trump prévoit de mettre fin à la contribution américaine au Fonds africain de développement (FAD), le guichet concessionnel de la Banque africaine de développement (BAD). Cette information, révélée par Jeune Afrique, intervient à quelques jours de l'assemblée annuelle de l'institution à Abidjan, où sera élu un nouveau président.
Cette mesure, qui s'élève à 555 millions de dollars, figure dans le "Fiscal Year 2026 Discretionary Budget Request" transmis le 2 mai au Congrès américain. La Maison-Blanche justifie cette coupe budgétaire par un "réalignement" de l'aide étrangère sur les priorités de l'agenda "America First", comme le rapporte le magazine panafricain.
Si cette proposition est approuvée par les parlementaires américains, elle marquera un tournant historique dans les relations entre Washington et la BAD, que les États-Unis soutiennent depuis plus de quarante ans. Actuellement, l'Amérique est le troisième bailleur bilatéral du FAD-16 (couvrant la période 2023-2025), derrière l'Allemagne (670 millions de dollars) et la France (611 millions de dollars), contribuant à environ 6% du financement du cycle en cours, estimé à 8,9 milliards de dollars.
"La suppression de la contribution de Washington aurait un impact direct sur les capacités d'engagement de la BAD dans une quarantaine de pays africains", indique Jeune Afrique. Le FAD, créé en 1972, est en effet un instrument crucial pour le financement à taux préférentiels de projets dans les domaines essentiels comme la santé, l'éducation, l'électrification rurale ou l'adaptation climatique.
Cette annonce intervient dans un contexte particulièrement délicat pour l'Afrique. Le président sortant de la BAD, Akinwumi Adesina, qui avait notamment appuyé la création d'un nouveau guichet dédié à l'action climatique pour les pays à faible revenu, verra sans doute d'un œil critique cette décision de Donald Trump. Ce dernier a d'ailleurs qualifié l'accord de Paris sur le climat "d'escroquerie injuste et unilatérale" dès son retour au pouvoir, annonçant le retrait des États-Unis de ce pacte international.
La décision américaine reflète une réorientation stratégique dans le financement du développement. Selon Jeune Afrique, "si la Maison-Blanche renonce au FAD, elle prévoit en parallèle de verser 3,2 milliards de dollars à l'IDA-21, le guichet équivalent de la Banque mondiale, et de renforcer la Development Finance Corporation (DFC), bras armé des investissements américains à l'étranger."
Ce choix intervient alors que les besoins de financement du continent africain sont colossaux. La Commission économique pour l'Afrique les estime à plus de 100 milliards de dollars par an pour les infrastructures, tandis que la BAD évoque un montant de 400 milliards d'ici 2030 pour rattraper le retard sur les autres pays en développement.
Pour la BAD, le défi est donc double. D'une part, il lui faudra convaincre d'autres bailleurs de combler le vide laissé par Washington, et d'autre part, elle devra peut-être "redéfinir en profondeur ses modèles de financement", comme le suggère Jeune Afrique. Ce retrait américain confirme en tout cas que, pour l'administration Trump, la solidarité multilatérale n'est plus un pilier de la politique étrangère des États-Unis.