MAME MANDIAYE NIANG, LE SÉNÉGALAIS QUI PILOTE LA CPI EN PLEINE TEMPÊTE
L'ancien juge au Rwanda assure l'intérim de Karim Khan depuis que ce dernier s'est mis en retrait suite à des accusations d'inconduite sexuelle. Une responsabilité cruciale en pleine crise institutionnelle

(SenePlus) - Alors que la Cour pénale internationale (CPI) traverse l'une des crises les plus graves de son histoire, c'est un juriste sénégalais de premier plan qui se retrouve aux commandes de cette institution cruciale de la justice internationale. Mame Mandiaye Niang, procureur adjoint depuis mars 2022, assure désormais l'intérim du procureur principal Karim Khan, contraint de se mettre en retrait suite à des accusations d'inconduite sexuelle.
Cette nomination temporaire place le Sénégalais au cœur des enjeux géopolitiques les plus sensibles. Depuis novembre 2024, la CPI fait face à des sanctions américaines après avoir émis des mandats d'arrêt contre des dirigeants israéliens et des responsables du Hamas. L'administration Trump a pris cette décision en représailles, bien que les États-Unis ne soient pas membres de la Cour.
Le profil de Mame Mandiaye Niang force le respect. Diplômé de l'École nationale d'Administration et de Magistrature de Dakar, il a gravi tous les échelons du système judiciaire sénégalais. De juge au Tribunal régional de Dakar à Procureur général près la Cour d'Appel de Saint-Louis, en passant par la direction des Affaires criminelles au ministère de la Justice, il maîtrise parfaitement les rouages de la justice pénale.
Mais c'est surtout son expérience internationale exceptionnelle qui le distingue. Ancien juriste hors classe et chef de cabinet du Greffier au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il a également été juge à la Chambre d'Appel du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie. Son passage comme Représentant régional de l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime pour l'Afrique australe lui a donné une vision continentale des défis judiciaires.
Un tandem pour maintenir le cap
Élu procureur adjoint le 10 décembre 2021 par l'Assemblée des États parties, Niang avait prêté serment quelques mois avant que n'éclatent les premières rumeurs concernant son supérieur hiérarchique.
Mame Mandiaye Niang partage cette responsabilité écrasante avec sa collègue fidjienne Nazhat Khan. Ensemble, ils doivent garantir la continuité des activités de la CPI pendant que l'enquête de l'ONU sur les accusations contre Karim Khan suit son cours. "Le travail de la Cour dans l'intérêt de la justice se poursuivra de manière normale et sans aucune interruption", a assuré la présidente de l'Assemblée des États parties le 18 mai.
Cette situation inédite met en lumière le rôle croissant des juristes africains au sein des institutions internationales. Auteur de plusieurs publications spécialisées et conférencier reconnu dans les universités africaines, Niang incarne cette nouvelle génération de magistrats qui allient expertise locale et vision globale.
L'intérim pourrait durer plusieurs mois, le temps que l'enquête onusienne rende ses conclusions. Pour le juriste sénégalais, membre de l'Union des Magistrats sénégalais et de l'Association internationale de Droit pénal, l'enjeu dépasse la simple gestion administrative : il s'agit de préserver la crédibilité d'une institution déjà fragilisée par les pressions politiques et les critiques récurrentes. Son leadership sera scruté de près, alors que la CPI tente de naviguer entre les écueils diplomatiques et sa mission de justice internationale.