MENACE SUR LES FONDS DE LA DIASPORA
L’administration Trump s’attaque aux transferts de fonds effectués par les migrants. Cette nouvelle pression fiscale inquiète les pays africains, à commencer par le Sénégal, où les envois d’argent représentent une part essentielle de l’économie

(SenePlus) - L'administration Trump resserre l'étau sur les diasporas africaines. Après avoir suspendu les financements de l'USAID et imposé des droits de douane massifs, Washington s'attaque désormais directement aux envois d'argent des migrants vers leurs familles restées au pays. Une proposition de loi incluse dans le projet budgétaire baptisé « One Big Beautiful Bill » prévoit d'instaurer une taxe fédérale de 3,5 % sur tous les transferts de fonds vers l'étranger effectués par des non-citoyens américains, rapporte le New York Times.
Cette mesure, si elle était adoptée par le Sénat, transformerait les États-Unis en « pays du G7 où les transferts de fonds sont les plus coûteux », selon Jeune Afrique. Pour 100 dollars envoyés, plus de 10 dollars seraient prélevés entre cette nouvelle taxe et les frais de transfert existants, qui s'élèvent déjà « en moyenne à environ 6% ».
Parmi les pays africains les plus exposés à cette offensive fiscale figure le Sénégal, que la Banque mondiale classe « comme l'un des pays les plus dépendants aux transferts de fonds ». Les chiffres révélés par Jeune Afrique sont éloquents : « En 2023, les envois de fonds étrangers ont rapporté environ 3 milliards de dollars au pays, soit plus de 10% de son PIB, faisant du Sénégal le pays d'Afrique francophone le plus touché. »
Cette dépendance structurelle place Dakar dans une position particulièrement vulnérable face aux nouvelles orientations de la politique migratoire américaine. Selon les données du Partenariat mondial pour la connaissance sur la migration et le développement (Knomad) citées par le magazine panafricain, le Sénégal a reçu « 308 millions de dollars » en provenance des États-Unis en 2021, une somme considérable pour l'économie nationale.
L'enjeu dépasse largement le cadre sénégalais. « Sur les 56 milliards de dollars envoyés vers l'Afrique subsaharienne » en 2024, « près de 10 milliards proviennent des États-Unis », précise Jeune Afrique. Cette manne financière irrigue directement les économies locales et constitue souvent la principale source de revenus pour des millions de familles africaines.
Une stratégie assumée de dissuasion
La mesure proposée par l'administration Trump s'inscrit clairement dans « la lignée des politiques anti-immigration actuelles », « visant à décourager l'installation de nouveaux migrants et à inciter ceux déjà présents à quitter le pays », analyse Jeune Afrique. Cette stratégie de pression économique pourrait avoir des répercussions bien au-delà des frontières américaines.
Les pays les plus exposés présentent des profils contrastés. Si le Nigeria domine en valeur absolue avec « 5 711 millions de dollars » reçus des États-Unis, d'autres nations comme « le Liberia (66% du total provenant des États-Unis), la Sierra Leone (40%), le Kenya (34%) ou l'Éthiopie (33%) » révèlent une dépendance critique aux transferts américains.
Le cas du Liberia, « fondé par esclaves américains affranchis en 1847, et où près de 19% du PIB provient des transferts de la diaspora », illustre parfaitement les « conséquences catastrophiques » que pourrait engendrer cette nouvelle réglementation, souligne le New York Times cité par Jeune Afrique.
Cette pression fiscale accrue pourrait pousser les communautés africaines vers des alternatives dangereuses. « Ces difficultés pourraient pousser les Africains à se tourner vers les cryptomonnaies ou vers des moyens peu sûrs pour envoyer de l'argent, comme les coursiers informels, augmentant ainsi les risques de fraude et de pertes financières », avertit Jeune Afrique.
Pour le Sénégal, cette perspective représente un défi majeur. Le pays devra probablement diversifier ses sources de financement extérieur et renforcer ses mécanismes de transfert alternatifs pour préserver cette bouée de sauvetage économique que représentent les envois de sa diaspora. Une course contre la montre s'engage alors que Washington durcit le ton sur tous les fronts de sa politique migratoire.
La bataille pour les transferts de fonds ne fait que commencer, et elle pourrait redessiner durablement les flux financiers entre l'Afrique et les États-Unis.