POLÉMIQUE AUTOUR D’UN RASSEMBLEMENT MOURIDE À PARIS
Un hommage rendu à Cheikh Ahmadou Bamba, autorisé par les autorités, a été détourné par des figures islamophobes pour alimenter leur rhétorique anti-immigration

(SenePlus) - Le 19 juillet dernier, place de la République à Paris, une centaine de talibés se sont rassemblés pour déclamer des hassaïdes, ces poèmes soufis du guide spirituel sénégalais Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme. Un événement culturel et spirituel parfaitement légal qui a pourtant déclenché une tempête sur les réseaux sociaux, comme le rapporte Jeune Afrique.
L’indignation ne s’est pas fait attendre. Henda Ayari, figure de proue de la “galaxie éradicatrice française”, s’est emparée de l’événement pour alimenter sa rhétorique anti-immigration. “Et après, on s’étonne que de plus en plus de Français se sentent envahis. Qu’ils aient le sentiment qu’il n’y a plus de contrôle”, a-t-elle tweeté, dénonçant ce qu’elle présente comme “la Place de la République, symbole de la République française, recouverte de tapis de prière et transformée en mosquée à ciel ouvert”.
Cette ancienne musulmane salafiste, qui “a vécu pendant dix ans dans l’islam rigoriste avant de s’en détacher dans la douleur”, multiplie les questions rhétoriques : “Pourquoi les autorités ferment-elles les yeux ? La laïcité ne s’applique-t-elle plus quand il s’agit d’islamisme religieux visible dans l’espace public ?”
Pourtant, les faits sont tout autres. “Une association réunissant des Français convertis à l’islam et au mouridisme ainsi que les six antennes régionales de la Fédération nationale des mourides de France (FNMF) se sont donné rendez-vous pour rendre hommage au guide spirituel soufi Cheikh Ahmadou Bamba”, précise le magazine panafricain.
Khadim Guèye, secrétaire général de la FNMF, rétablit les faits : “L’objectif était d’incarner un islam de paix, d’entraide et de solidarité.” Plus important encore, il dément catégoriquement toute prière publique : “Pour la prière de l’Asr, peu après 18 heures, les organisateurs ont bien précisé qu’il n’était pas permis de prier sur la place de la République et qu’il convenait de se rendre dans une mosquée alentour.”
La polémique repose sur une méconnaissance volontaire ou involontaire de la réglementation. Ce rassemblement culturel et spirituel, dont “une précédente édition s’était déroulée sans anicroches au même endroit en 2024, avait en effet été préalablement déclaré auprès de la préfecture de police de Paris”, souligne Jeune Afrique.
Au lendemain de l’événement, comme le relate Le Parisien, la préfecture a confirmé que lors de ces “kourels” (des récitals de hassaïdes déclamés en cercle par une centaine de talibés), “aucun incident ni phénomène de prière de rue n’ont été relevés”.
Plus troublant, la polémique a été alimentée par Sheikh Mahammad Mehdizade, directeur européen du Congrès mondial des imams, qui a condamné ce qu’il présente comme “un acte religieux ostentatoire”. “La Place de la République, symbole des valeurs communes de la Nation, n’est pas un lieu de culte improvisé”, a-t-il écrit sur X, dénonçant une “mosquée à ciel ouvert”.
L’analyse de Jeune Afrique révèle cependant les contradictions de ce personnage. “Affichant des positions pro-américaine et pro-israélienne, et stigmatisant les Frères musulmans, Sheikh Mahammad Mehdizade n’hésite pas, par ailleurs, à retweeter – au premier degré – certains posts du militant et influenceur d’extrême droite Damien Rieu, cofondateur de Génération identitaire.”
Face à cette campagne de dénigrement, la Fédération nationale des mourides de France a publié un communiqué le 23 juillet pour rappeler que cette communauté “se distingue depuis toujours par une doctrine fondée sur le travail, la rigueur, la discipline, la solidarité et le respect des lois et des institutions”.
Elle réaffirme “son attachement indéfectible aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité et laïcité”, indiquant qu’elle “s’inscrit pleinement dans le pacte républicain et œuvre chaque jour à renforcer le vivre-ensemble dans le respect des lois et des principes de la République”.