AIR SÉNÉGAL ÉTEND SES AILES PAR ALLIANCES
En pleine restructuration, la compagnie mise sur les accords de partage de code pour renforcer sa présence régionale sans alourdir ses coûts. Une stratégie qui lui permet d'offrir davantage de destinations à ses passagers tout en optimisant ses ressources

(SenePlus) - Dans un secteur aérien ouest-africain dominé par les grandes compagnies étrangères, les transporteurs régionaux comme Air Sénégal développent des stratégies innovantes pour s'imposer sur le marché. Face à des moyens limités pour desservir seuls un vaste réseau, le partage de code (code-share) s'impose comme une solution permettant d'étendre leur présence sans multiplier les coûts opérationnels.
Selon Ibra Wane, directeur général d'Avico et expert du secteur aérien basé à Dakar, cette pratique offre aux transporteurs locaux l'opportunité d'être présents sur certaines lignes tout en économisant des ressources précieuses. "C'est une modalité selon laquelle deux ou plusieurs compagnies vendent des billets d'un même vol à leurs passagers. La particularité, c'est que chaque compagnie a son propre numéro de vol, mais au final, les passagers embarquent dans le même avion", explique-t-il.
Actuellement engagée dans une importante restructuration, Air Sénégal cherche à optimiser ses partenariats pour étendre son réseau. "Dans la stratégie de la nouvelle direction générale, il est clair qu'ils vont identifier les compagnies avec lesquelles il y a un intérêt à faire des accord de partage de code", confie Ibra Wane à Jeune Afrique. Cette approche stratégique vise à renforcer la présence de la compagnie sur les lignes régionales, particulièrement en Afrique de l'Ouest, où elle possède déjà une bonne maîtrise du marché.
Depuis 2023, Air Sénégal a notamment conclu une alliance avec Air Côte d'Ivoire, permettant aux deux transporteurs de mutualiser leurs ressources et expertises. Cette collaboration vise une plus grande efficacité opérationnelle dans la région, offrant davantage de flexibilité et de meilleures options de service aux passagers.
Ces accords de partage de code représentent-ils un passage obligé pour les compagnies ouest-africaines? D'après Nowel Ngala, directeur général de NRC Consulting et ancien directeur commercial d'Asky, ces transporteurs pourraient techniquement fonctionner sans de tels partenariats, mais au prix d'une compétitivité réduite. "Cela restreindrait leur performance, leur accessibilité et leur potentiel d'expansion. Ces alliances permettent d'élargir les réseaux sans frais supplémentaires, ce qui est primordial pour les compagnies disposant de flottes restreintes", souligne-t-il.
Toutefois, l'expert met en garde contre les risques inhérents à ces accords pour les entreprises ouest-africaines, qui pourraient perdre leurs parts de marché locales au profit de leurs partenaires. "Il est essentiel de négocier des ententes équitables, car les grandes multinationales peuvent dominer et prendre le dessus assez rapidement", avertit-il.
Ces collaborations ne sont pas toujours faciles à établir. Abderrahmane Berthé, secrétaire général de l'Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), souligne que les grandes compagnies imposent des conditions strictes avant tout partage de code. "Air France ne s'alliera pas avec une compagnie ne disposant pas de cette certification [IOSA]. Il n'est pas question de profit, mais de la sécurité des passagers", précise-t-il.
Pour Air Sénégal, comme pour ses homologues ouest-africains, le défi consiste désormais à équilibrer ces partenariats stratégiques tout en préservant son identité et sa position sur le marché régional. Malgré les risques, l'AFRAA estime que ces accords favorisent avant tout le développement du commerce et du tourisme en Afrique.