DAKAR OUVRE SES PORTES AU PÉTROLE MAROCAIN
Le groupe pétrolier Akwa, propriété de la famille du Premier ministre du Maroc Aziz Akhannouch, vient de décrocher sa licence d'importation au Sénégal, après d'intenses négociations. De quoi renforcer les liens économiques entre les deux pays

(SenePlus) - Le Sénégal vient d'ouvrir une nouvelle page de sa coopération économique avec le Maroc en accordant une licence d'importation de produits pétroliers au groupe Akwa Africa, propriété de la famille du Premier ministre marocain Aziz Akhannouch. Cette autorisation, obtenue après des mois de négociations administratives, marque l'entrée d'un acteur majeur sur le marché énergétique sénégalais.
L'histoire de cette implantation illustre la rigueur des autorités sénégalaises face aux investisseurs étrangers. Le 6 mai 2024, la Sedes SAU, filiale sénégalaise du groupe Akwa créée en 2017, sollicite auprès du ministre de l'Énergie Birame Soulèye Diop une licence d'importation de "produits pétroliers liquides". Mais le Sénégal ne facilite pas la tâche du postulant.
Dix jours après le dépôt, la Commission sénégalaise de régulation du secteur de l'énergie (CRSE) rejette le dossier pour insuffisances. Selon un document du régulateur consulté par Jeune Afrique, "la CRSE, constatant que le dossier est incomplet, a, via une lettre en date du 13 juin 2024, demandé à la Sedes SAU de le compléter par la production d'une attestation bancaire pour justifier sa capacité financière, le renforcement de sa capacité technique, l'assurance en garantie pour la couverture des risques liés à son activité technique et le justificatif du paiement des frais d'instruction".
Cette fermeté initiale du régulateur sénégalais, dirigé par Ibrahima Niane, témoigne de la volonté de Dakar de maintenir des standards élevés dans un secteur stratégique, même face à un géant régional comme Akwa.
Face aux exigences sénégalaises, Akwa a dû revoir sa copie. Il aura fallu trois mois à la Sedes SAU pour consolider son dossier et répondre aux critères imposés par les autorités de Dakar. Dans sa lettre du 10 septembre, la filiale marocaine a fourni "l'engagement écrit d'importation d'un volume annuel minimum de 20 000 mètres cubes de produits pétroliers liquides", rapporte Jeune Afrique.
Le Sénégal a également exigé des garanties financières solides. La société, dotée d'un capital de 6,3 milliards de francs CFA, a dû présenter une attestation de la Banque Atlantique - filiale de la Banque centrale populaire (BCP) - confirmant qu'elle pourrait bénéficier d'une ligne de crédit pour son programme.
Les autorités sénégalaises ont par ailleurs pris en compte les infrastructures déjà existantes, puisque la Sedes SAU dispose "d'un dépôt de produits pétroliers d'une capacité de 80 000 mètres cubes à Bargny-Sendou", situé à une trentaine de kilomètres de Dakar.
Après analyse, le régulateur sénégalais s'est montré convaincu par la solidité du projet. La CRSE estime que "l'analyse du business plan fourni sur une période de cinq ans démontre la rentabilité du projet", selon JA. Le 14 novembre, l'institution a émis un avis favorable, ouvrant officiellement le marché pétrolier sénégalais au groupe Akwa.
Cette validation intervient dans un contexte où le Sénégal cherche à diversifier ses partenaires énergétiques et à attirer des investissements dans un secteur en pleine mutation, notamment avec les découvertes gazières offshore.
Pour le Maroc, cette percée sénégalaise revêt une importance stratégique majeure. Le 15 novembre 2024, soit le lendemain de l'obtention du feu vert, l'ambassadeur marocain au Sénégal Hassan Naciri organisait une visite symbolique au port minéralier de Bargny-Sendou. Accompagné d'Adil Ziady, président du groupe Akwa Africa, et de Youssef Mahir, directeur général de Mass Céréales - filiale sénégalaise du conglomérat marocain Holmarcom -, le diplomate était venu vanter "l'importance de la contribution des opérateurs du royaume à l'économie sénégalaise", à en croire Jeune Afrique.
Cette séquence révèle combien le Sénégal représente un enjeu majeur pour les ambitions économiques marocaines en Afrique de l'Ouest. Le royaume chérifien y voit un marché stable et porteur, contrastant avec d'autres destinations régionales jugées plus risquées.
Le groupe Akwa, filiale créée en 2014 pour porter l'expansion internationale du holding du chef du gouvernement marocain Aziz Akhannouch, avait initialement visé le Burkina Faso après son succès en Mauritanie où il avait acquis les activités de TotalEnergies. Mais face aux "certains risques" burkinabè, selon Jeune Afrique, c'est finalement vers le Sénégal qu'Akwa a réorienté sa stratégie d'expansion.
Pour Dakar, l'arrivée d'Akwa sur son marché énergétique s'inscrit dans une logique de diversification des partenaires et d'attraction d'investissements privés dans un secteur stratégique. Cette implantation pourrait également renforcer les liens économiques entre le Sénégal et le Maroc, deux puissances régionales aux ambitions complémentaires.