GOUVERNER, CE N’EST PAS IMPROVISER
EXCLUSIF SENEPLUS - Un plan économique sérieux ne s’annonce pas à travers des conférences de presse. Il se défend devant les élus de la nation. Le Premier ministre ne peut pas être législateur, exécutant et communicant

Monsieur le Premier ministre, vous devez présenter votre plan de relance économique devant l'Assemblée Nationale
Quand le pouvoir s'affranchit des institutions, c’est la République qui prend feu. La Constitution sénégalaise, loin d’être une formalité, constitue notre contrat social et définit des règles claires pour garantir un équilibre des pouvoirs. Un Premier ministre ne peut pas proposer un plan de redressement économique au peuple sans passer par les procédures légales : le Conseil des ministres et l’Assemblée nationale.
Il peut l'annoncer en conférence de presse, sur les réseaux sociaux, ou même dans des interventions publiques. Mais juridiquement, un plan économique majeur, censé répondre à la crise actuelle, ne peut se faire sans un fondement institutionnel. Aucun plan structurant n’a été débattu, voté, ni validé par les règles qui régissent notre démocratie. Cette démarche présente un grand risque : celle de gouverner en dehors du cadre légal, en contournant les garanties nécessaires à une véritable gouvernance républicaine.
Le Premier ministre doit se rappeler que sa mission est de coordonner, mais non de gouverner seul. La Constitution précise que toute initiative majeure doit d'abord passer par le Conseil des ministres, et tout projet structurant doit être débattu et validé par l’Assemblée nationale. Ne pas respecter cette procédure, c'est choisir le raccourci populiste au détriment de la stabilité des institutions et du bon fonctionnement de la République. Cela fragilise l’État de droit, discrédite le processus démocratique et impose un spectacle là où il devrait y avoir une véritable réflexion.
Un plan économique sérieux ne s’annonce pas à travers des conférences de presse ou des lives. Il se défend devant les élus de la nation, il se structure dans les institutions, et surtout, il s’ancre dans le droit. C’est cette démarche que nous exigeons : le respect des règles républicaines, avec une présentation du plan de relance économique devant l’Assemblée nationale, comme cela est prévu par notre Constitution.
Nous réclamons le retour à la procédure formelle, avec un débat parlementaire et un vote sur le plan de relance. Le Premier ministre ne peut pas être législateur, exécutant et communicant à lui seul. Il est impératif que les rôles soient respectés pour préserver la transparence et la responsabilité gouvernementale.
Le gouvernement actuel a levé des fonds importants au niveau international via des Eurobonds (750 milliards) et au sein de l’UEMOA (plus de 984 milliards). Cependant, aucune visibilité n’a été donnée sur l’utilisation de ces ressources. Le manque de clarté et de transparence concernant la gestion de ces fonds soulève de sérieuses préoccupations. Nous demandons que ces ressources soient gérées de manière transparente et en conformité avec les lois et principes démocratiques.
La relance économique ne peut se faire sans un préalable essentiel : la restauration de la confiance avec tous les acteurs clés. Cette confiance doit être rétablie non seulement avec les partenaires techniques et financiers (PTF) tels que le FMI, mais aussi avec le secteur privé, actuellement en grande difficulté et au bord de l'agonie. Elle est également cruciale pour les partenaires sociaux, les juges, les magistrats, la société civile. Il est indispensable de reconstruire cette confiance mutuelle, gage de coopération et de stabilité, avant de pouvoir envisager une véritable relance économique.
La République sénégalaise mérite mieux que cette dérive institutionnelle. Il est grand temps de rétablir les règles du jeu et de respecter le cadre républicain pour garantir la stabilité et le développement du pays.
Ainsi, nous invitons le Premier ministre à respecter les procédures légales, à soumettre son plan de relance économique à l'Assemblée nationale, et à assurer la transparence dans la gestion des fonds publics. Il est temps de restaurer la confiance et de garantir le bon fonctionnement de nos institutions.
L'Assemblée nationale doit être le lieu du débat de l’orientation budgétaire, de la réflexion et de la validation des choix stratégiques. Il est grand temps de remettre de l'ordre dans les institutions et de donner à ce plan de relance la légitimité qu’il mérite.
Cheikhou Oumar Sy et Théodore Chérif Monteil sont des anciens députés à l’Assemblée nationale.