LE LONG CHEMIN VERS L'AUTOSUFFISANCE EN RIZ
Depuis les émeutes de la faim en 2008, la question de la souveraineté alimentaire fait régulièrement surface, mais de nombreux défis restent à relever pour doper la filière rizicole

Chargé à bloc, le camion peine à se frayer un chemin. En cette saison des pluies au Sénégal, toute manœuvre est périlleuse et il faudra l’aide de plusieurs manutentionnaires pour franchir les passages les plus difficiles de la piste boueuse. L’embourbement évité de justesse, le camion accède à l’entreprise de transformation de riz Aïssatou Gaye, à Ross Béthio, à 50 km au nord-est de Saint-Louis. Très vite, le personnel est à pied d’œuvre pour décharger les sacs dans l’entrepôt déjà partiellement rempli par la première récolte de l’année, celle de la saion sèche chaude, achevée tardivement fin août.
Si cette livraison laisse croire que la production de riz local est enfin au rendez-vous, les chiffres, eux, traduisent une autre réalité. Malgré plus de 300 000 tonnes de riz paddy (non décortiqué) récoltées dans le nord du Sénégal durant cette première campagne, l’autosuffisance semble encore lointaine. Pour que chacun des 16 millions d’habitants puisse consommer ses 80 kg de riz annuels, le Sénégal n’a pour l’heure pas d’autre choix que d’importer massivement. Ainsi, « sur les 110 000 tonnes de riz redistribuées aux ménages les plus vulnérables au printemps, l’écrasante majorité provenait de l’extérieur », renseigne le directeur du commerce intérieur, Ousmane Mbaye, qui précise que les importations avoisinent les 100 000 tonnes chaque mois.
Cette année, le pays a craint la catastrophe... En effet, alors que les émeutes de la faim de 2008 suscitées par la hausse des cours mondiaux du riz sont encore dans toutes les têtes, un arrêt momentané des exportations asiatiques, au cœur de la crise sanitaire, a fait redouter un manque de cette nourriture de base sur les étals. Ce qui a illico relancé le débat sur la souveraineté alimentaire en ceeb (« riz » en wolof), un sujet présent dans les promesses électorales de Macky Sall en 2012, mais un peu oublié depuis.
Problèmes d’accès au crédit
Même si le ministre de l’agriculture, Moussa Baldé, rappelle au Monde Afrique que le secteur connaît « une croissance dynamique, puisque l’année dernière nous avons produit environ 1 million de tonnes de riz paddy », il reconnaît qu’un coup d’accélérateur a été mis ce printemps et qu’avec la pandémie, le chef de l’Etat lui a demandé « de mettre à jour le programme pour accéder à la souveraineté alimentaire dans les meilleurs délais ».