LE SENEGAL DANS L’ATTENTE DE SON DECRET D’APPLICATION
Alors que la présence d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’agriculture et l’alimentation suscite de vifs débats à l’échelle mondiale, le Sénégal peine toujours à se doter des outils réglementaires nécessaires pour encadrer leur utilisation

Alors que la loi sur la biosécurité est déjà en place depuis plusieurs années, le Sénégal tarde toujours à signer son décret d’application. Une attente qui freine l’action de l’Autorité nationale de biosécurité (ANB), pourtant investie de missions clés pour encadrer les biotechnologies modernes, dont les organismes génétiquement modifiés (OGM).
Alors que la présence potentielle d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’agriculture et l’alimentation suscite de vifs débats à l’échelle mondiale, le Sénégal peine toujours à se doter des outils réglementaires nécessaires pour encadrer leur utilisation. Malgré l’existence d’un cadre législatif voté depuis plusieurs années, notre pays reste aujourd’hui sans moyen réel de contrôle sur l’entrée ou l’expérimentation des OGM, faute de décret d’application. L’annonce est du Pr Alioune Ndiaye, directeur exécutif de l'Autorité nationale de biosécurité (ANB) qui s’exprimait en marge de l’atelier d’information et de sensibilisation sur les biotechnologies modernes et le cadre juridique et institutionnel de biosécurité au Sénégal, organisé en faveur des professionnels des médias. Selon lui, cette situation inquiète d’autant plus que certaines entreprises agricoles, comme la Sodefitex, se montrent déjà prêtes à mener des essais sur des cultures transgéniques. «Une loi, à elle seule, ne suffit pas. Nous avons une loi, mais sans décret, il est difficile d’agir sur le terrain», déplore Pr Aliou Ndiaye.
Ratifiées depuis 1994 pour la Convention sur la Diversité biologique et 2003 pour le Protocole de Cartagena, les conventions internationales encadrant les OGM engagent le Sénégal à se doter de mécanismes de biosécurité efficaces. C’est pour répondre à ces engagements, souligne t-il, que le Sénégal a mis en place l’ANB. Il indique que le décret d’application attendu permettra de mettre en œuvre concrètement la loi, notamment pour autoriser des recherches en milieu confiné, mais aussi des essais en milieu ouvert. Avant d’ajouter que tous les avis des ministères concernés ont été recueillis et intégrés dans le texte.
Revenant en outre sur les difficultés rencontrées par l’ANB, il révèle qu’elle peine à remplir pleinement ses missions faute de moyens suffisants. «Le budget de l’État ne permet pas de couvrir tous nos besoins. Il nous faut aller chercher des financements complémentaires auprès de partenaires, y compris du secteur privé», se désole le Pr Ndiaye. Pour ce qui est de la recherche, l’ANB s’appuie sur le laboratoire de biotechnologie végétale de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, reconnu par l’UEMOA comme laboratoire de référence en biosécurité. Mais l’ambition est d’avoir un laboratoire propre à l’ANB. Le projet étant validé par l’État, souffre de problèmes réels de financement.
UN CONTRÔLE AUX FRONTIÈRES ENCORE THÉORIQUE
En l’état actuel, le Sénégal ne peut pas réellement contrôler l’entrée des OGM sur son territoire. Faute de ressources humaines, logistiques et financières pour assurer une présence effective aux points d’entrée terrestres, maritimes et aériens. Pour contourner cette limite, l’autorité envisage de former les agents des corps habillés (police, douane) à l’utilisation de kits de détection rapide. Des tests qui ne nécessitent pas de compétences scientifiques poussées. Une fois une suspicion détectée, le laboratoire prendra le relais pour une analyse approfondie.
LES OGM COMME REPONSE A DES DEFIS LOCAUX
Contrairement à certaines idées reçues, les OGM ne sont pas fabriqués uniquement à l’étranger ni conçus pour être importés systématiquement. Chaque pays développe ses OGM en fonction de ses propres problématiques. Au Sénégal, l’utilisation des OGM pourrait permettre de développer des variétés de riz tolérantes au stress salin, à la sécheresse par édition génomique, ou des variétés de mangues résistantes à la pourriture. A en croire le Dr Ndiaye, le Sénégal à l’image des pays africains sont obligés d’adopter les biotechnologies, particulièrement les Organismes génétiquement modifiés (OGM), afin de tirer profit de leurs avantages face au changement climatique et aux défis de développement.