LES ACTEURS DE LA FILIÈRE ARACHIDIÈRE DÉNONCENT UN ABANDON TOTAL
La campagne de commercialisation des noix d’anacarde s’ouvre dans un climat de psychose et d’inquiétude dans la région sud. Acteurs et collecteurs dénoncent une absence totale d’accompagnement de la part de l’État

La campagne de commercialisation des noix d’anacarde s’ouvre dans un climat de psychose et d’inquiétude dans la région sud. Acteurs et collecteurs dénoncent une absence totale d’accompagnement de la part de l’État, et plus particulièrement du ministre du Commerce et de l’Industrie. L’insécurité croissante sur les routes, marquée par des braquages à répétition, met en péril une filière vitale pour l’économie régionale.
«On ne sent pas la présence de l’État à nos côtés… », s’indignent les acteurs de la filière cajou, qui ont entamé une campagne sous haute tension. Le récent braquage perpétré à Boussoloum a fini d’installer la peur. Avant-hier, mardi, entre les villages de Niadio et Boussoloum, dans la commune de Boutoupa Camaracounda (Ziguinchor), des individus armés ont tendu une embuscade à des collecteurs de noix, repartis avec près de 30 millions de francs CFA. L’identité des assaillants reste inconnue : éléments armés ou simples bandits profitant de la campagne ? L’inquiétude est palpable.
Pour Boubacar Konta, président de l’Interprofession Cajou Sénégal, cet incident est la conséquence directe du manque de structuration de la campagne : « Cette année, aucun Conseil régional de développement (CRD) n’a été organisé autour de la filière. Or, cela aurait permis aux forces de l’ordre de connaître les trajets empruntés et d’assurer un accompagnement. » Autre absent noté : le ministre du Commerce, qui devait lancer officiellement la campagne mais tarde toujours à le faire.
Le président de l’interprofession déplore aussi l’absence d’un système d’agrément des collecteurs et exportateurs : « Cela faciliterait leur identification et permettrait de mieux gérer les enjeux de sécurité. Nous avons déposé des propositions sur la table du ministère, mais rien ne bouge. » Le constat est amer : « C’est une filière en détresse. On ne sent pas l’État. C’est un vide total. Résultat : des braquages, des acteurs menacés… »
M. Konta n’épargne pas le gouvernement : « Aucune politique de transformation ni de production n’est soutenue, alors que nous avions placé beaucoup d’espoir en ce gouvernement dirigé par un fils de la région, Ousmane Sonko, qui connaît pourtant les réalités. »
Le tableau qu’il dresse est sombre : « Cette année, c’est le KO total. La filière est à l’agonie. Et pourtant, le Premier ministre avait donné des instructions claires lors du Conseil interministériel pour sécuriser toute la chaîne d’exportation… Mais rien n’a suivi. Seul le ministre de l’Agriculture semble faire un effort avec un programme de développement de la production. »
Il y a quelques jours, les transformateurs de noix sont également montés au créneau, réclamant un stock de sécurité de 7.000 tonnes pour leurs unités installées dans la région. Un appel pressant pour préserver les milliers d’emplois menacés. À cela s’ajoute une chute brutale des prix. En une semaine, le kilo de noix est passé de 800 à 600 francs CFA. Une dégringolade qui risque de faire sombrer les collecteurs endettés auprès des banques. « Ce sera comme en 2022 : des pertes massives, des faillites et des collecteurs en prison. L’État aura laissé la filière s’effondrer », avertit M. Konta, qui parle d’un « désengagement incompréhensible » vis-à-vis d’un secteur qui pèse plus de 100.000 tonnes de production et génère 80 milliards de francs CFA. Une filière stratégique, livrée à elle-même, que ses acteurs appellent à sauver, avant qu’il ne soit trop tard