THIERNO SALL ÉPINGLE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DU PAYS
Le député, patron de la République des Valeurs, met le gouvernement face à ses contradictions : pourquoi les Sénégalais paient-ils leur essence deux fois plus cher que les Nigériens alors que leur pays produit désormais du pétrole ?

(SenePlus) - Le constat est pour le moins paradoxal : alors que le Sénégal est devenu producteur de pétrole et de gaz, ses citoyens continuent de payer l'essence plus cher que leurs voisins de la sous-région. C'est ce que révèle une question écrite adressée le 10 juin 2025 par le député Thierno Alassane Sall au ministre des Énergies, du Pétrole et des Mines, documents à l'appui.
Selon les données présentées par le président de la République des Valeurs, le prix du litre d'essence super au Sénégal s'élève à 990 FCFA en décembre 2024, plaçant le pays en tête du classement régional. Un tarif qui dépasse largement celui de la Côte d'Ivoire (875 FCFA), du Burkina Faso (850 FCFA), du Mali (811 FCFA), ou encore de la Guinée-Bissau (760 FCFA). Plus frappant encore, le Niger, pays enclavé sans ressources pétrolières, affiche un prix de 499 FCFA, soit près de la moitié du tarif sénégalais.
Cette situation interpelle d'autant plus que, théoriquement, la production locale devrait permettre une réduction des coûts. Le député souligne que "ces deux facteurs (la baisse du prix du baril et la dépréciation du dollar) devraient logiquement entraîner une diminution du coût des produits pétroliers importés."
Entre juin 2024 et juin 2025, le cours du Brent a effectivement chuté de 18,09%, passant de 81,96 à 67,13 dollars le baril. Parallèlement, le franc CFA s'est apprécié face au dollar, avec un taux de change évoluant de 607,396 à 574,435 FCFA pour un dollar sur la même période. Ces évolutions favorables des marchés internationaux auraient dû se traduire par une baisse des prix à la pompe dans la sous-région.
C'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans plusieurs pays voisins, comme le montre le tableau comparatif de juin 2025 : la Côte d'Ivoire (-14% par rapport au Sénégal), le Mali (-22%), le Bénin (-31%), le Togo (-29%), et surtout le Niger (-45%). Seul le Sénégal maintient ses prix à 990 FCFA, sans variation depuis décembre 2024.
Cette politique tarifaire n'est pas sans conséquences sur l'économie sénégalaise. Comme le souligne le député dans sa question, "le maintien de ces prix élevés constitue, de fait, un prélèvement indirect sur les ménages et les entreprises sénégalaises avec un impact négatif sur la compétitivité économique."
L'effet se ressent particulièrement dans le secteur des transports, où les opérateurs sénégalais voient leur compétitivité s'éroder face à leurs homologues régionaux. "Les transporteurs sénégalais, confrontés à la concurrence sous-régionale, voient leur part de marché se réduire significativement, en raison de ce différentiel de prix défavorable", précise Thierno Alassane Sall.
Cette situation affecte l'ensemble du tissu productif : transporteurs, boulangers, maraîchers, agriculteurs, pêcheurs... Tous les secteurs qui dépendent étroitement du transport et de l'énergie subissent de plein fouet cette politique de prix élevés.
Face à ce paradoxe, le député pose trois questions cruciales au ministre :
D'abord, quels sont les éléments de politique interne qui justifient cet écart de prix avec les pays voisins ? Cette interrogation va au cœur du système de fixation des prix des carburants au Sénégal.
Ensuite, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il pour alléger le coût du carburant tout en préservant la viabilité du secteur ? Une question d'équilibre entre protection du consommateur et pérennité économique.
Enfin, existe-t-il un mécanisme de révision automatique des prix en fonction des fluctuations internationales du pétrole ? Cette dernière question touche à la transparence et à la réactivité de la politique énergétique nationale.