«MAINTENIR TOUJOURS L’EXCELLENCE A L’UGB»
Nommé recteur de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, le Pr Ousmane Thiaré avait pris fonction dans une ambiance délétère marquée par la mort de l’étudiant Fallou Sène.

Dans cet entretien, il tire le bilan d’une année de gestion et décline son ambition pour cet établissement d’enseignement supérieur qu’il compte hisser au premier rang.
Monsieur le recteur, il y a presque une année, vous arriviez à la tête de l’Ugb dans une atmosphère un peu tendue. Cela n’a certainement pas été facile pour vous ?
Tout à fait. Je suis arrivé dans une ambiance assez difficile. Un contexte où notre université a connu, pour la première fois de son histoire, une mort d’homme suite aux évènements malheureux de mai 2018. Elle avait enregistré aussi d’importants dégâts matériels. Un contexte caractérisé aussi par un calendrier académique déséquilibré et des tensions budgétaires. C’est pourquoi nos premières actions pour apaiser le climat social ont été d’organiser des rencontres avec tous les acteurs externes, y compris les autorités académiques et coutumières de la région, et les acteurs internes, tels que les étudiants, le personnel enseignant et de recherche, le personnel administratif, technique et de service, les syndicats... Grâce à ces bonnes volontés, un climat serein s’est installé à l’Ugb et les activités pédagogiques ont pu redémarrer.
Quel bilan tirez-vous après près d’une année de gestion ?
Cela fait presque une année que nous sommes en place, et il faut dire que la reconstruction se fait correctement, grâce à l’engagement de toutes les composantes de l’université. Avec le soutien de Promovilles, le réseau routier a été réhabilité sur 4,3 km. Aussi, l’appui de la Société des eaux (Sde) et le dynamisme du directeur du Crous nous ont permis d’entamer la construction d’un château d’eau pour améliorer l’alimentation en eau potable. Pour l’apaisement du climat social, un comité de pilotage des Assises de l’Ugb a été installé et travaille à l’élaboration d’un plan d’actions pour relancer le dialogue social afin de parvenir à des années académiques normales. Concernant la gouvernance, un manuel de procédures administrative, financière et comptable régit maintenant la gestion de l’université. Quant aux enseignements, ils se déroulent normalement et nous pensons pouvoir atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour juillet 2019.
Qu’en est-il du concept de « Cercle de qualité » que vous avez initié ?
Ce sont des rencontres avec les acteurs de notre communauté universitaire. Lors de ces échanges, nous parvenons à prendre des mesures pour remédier à des urgences identifiées. Dès ma prise de fonction, j’ai rencontré chaque composante, qu’il s’agisse du personnel enseignant et des étudiants, pour faire le point sur les préoccupations qui ont été notées et comment j’entends les aborder avec eux au cours de cette année. J’entends, dès la fin du mois de mai, proposer à l’Assemblée de l’université le programme d’activités de l’année en cours, même si nous avons commencé à en dérouler une partie. Le diagnostic institutionnel se poursuit et l’élaboration du plan stratégique 2019-2023 est également en phase de finition. Avec les événements douloureux que notre université a vécus, nous avons décidé d’organiser les Assises de l’Ugb. Ces rencontres seront inclusives et verront la participation de toutes ses composantes. L’Assemblée de l’université, qui est l’instance suprême de décision, a validé leur organisation et un comité a été mis en place. Nous comptons tenir ces assises avant la fin du mois de mai, car notre ambition est de hisser l’Ugb au premier rang des institutions universitaires.
L’Assemblée de l’université avait entériné certaines mesures pour réaménager le calendrier académique. Comment se passe, aujourd’hui, les enseignements ?
L’Assemblée de l’université, instance suprême de décision, a pris certaines mesures lors de sa dernière rencontre tenue au mois d’août dernier, après plusieurs réunions des instances, telles que les conseils d’Ufr. Elle avait pris acte des décisions prises par des instances pédagogiques et exhorté toutes les Ufr à s’engager à tout mettre en œuvre pour une rentrée académique normale à partir du mois d’octobre 2019. Aussi, les Ufr devront solder tous les passifs des années précédentes, au plus tard au mois d’août 2019. L ’Assemblée de l’université a, en outre, invité les responsables pédagogiques à veiller au respect scrupuleux du calendrier universitaire et, au besoin, à produire un rapport circonstancié en cas de manquements ou de difficultés, tout en demandant au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation de répondre favorablement aux mesures d’accompagnement sollicitées par les Ufr. Actuellement, nous pouvons dire que les enseignements se déroulent normalement. Même si quelques soubresauts sont relevés, nous tenons le cap pour maintenir l’excellence dans cette université. Nous faisons, tous les mois, la situation pédagogique, pour anticiper sur les éventuelles difficultés et essayer d’y apporter des solutions. Le personnel enseignant et de recherche s’est également bien comporté lors de la 40ème édition des Comités consultatifs interafricains (Cci) du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (Cames) en 2018. Elle s’est enrichie de 4 nouveaux Professeurs titulaires, 8 Maîtres de conférences et 20 Maîtres assistants, soit un taux de réussite de 89 %.
Sur le plan social, quels sont les mécanismes qui ont été mis en œuvre, de concert avec le Crous, pour accompagner les étudiants ?
Je le dis souvent, le Rectorat et le Crous doivent obligatoirement travailler ensemble pour la préservation de la paix, aussi bien dans les campus social que pédagogique. Il ne faut pas oublier aussi que le recteur est le Pca du Crous. Dès qu’il y a perturbation au niveau social, cela se répercute sur le pédagogique. C’est pour cela que nous devons tous travailler conjointement pour apporter des solutions aux problèmes de nos étudiants.
Le retard de paiement des bourses est souvent l’une des causes des perturbations. Comment cette question est-elle prise en charge à votre niveau ?
C’est vrai que le paiement des bourses crée souvent des perturbations au niveau du campus social. De notre côté, nous essayons toujours de discuter avec les responsables d’Ecobank pour attirer leur attention sur cette question sensible. Je rappelle qu’Ecobank a plutôt signé une convention avec le ministère des Finances et non le ministère de l’Enseignement supérieur. Néanmoins, chaque fois que je les interpelle sur la question des bourses, ils réagissent avec diligence. Nous devons aussi tirer des leçons de ce qui s’est passé l’année dernière. Je voudrais profiter de cette tribune pour demander à cette institution financière de poursuivre les efforts allant dans ce sens.
La réforme de l’enseignement supérieur prône une adéquation entre la formation et l’emploi. L’Ugb dispose, à cet effet, d’un centre d’incubation. Que fait cette structure ?
Les réformes qui ont été faites dans l’enseignement supérieur recommandent une adéquation entre la formation et l’insertion professionnelle de nos étudiants. Cela a poussé l’Ugb à disposer d’un incubateur de référence au Sénégal. C’est un outil qui fait un excellent travail dans la formation en entrepreneuriat. Plus de 5417 personnes, dont 409 issues de la communauté environnante, en ont bénéficié en partenariat avec des structures comme Eqwip Hubs, Anpej, Oim, Fao, Adepme, Africa Rice, entre autres. Nous avons accompagné 107 porteurs de projets de la zone nord sur l’élaboration de plans d’affaires pour le compte d’Africa Rice et de Mon3. Aussi, 25 étudiants ont pu profiter de ce centre d’incubation en 2018. Par ailleurs, il nous a permis de lever plus de 40 millions de FCfa pour financer une vingtaine de jeunes avec la Délégation à l’entrepreneuriat rapide (Der).
Côté Responsabilité sociétale d’entreprise (Rse), que rapporte l’Ugb à ces voisins ?
Nous nous situons entre les villages de Sanar Peulh, Sanar Wolof et plusieurs autres localités environnantes. Naturellement, ces villages doivent ressentir la présence de l’université. Bien que l’Ugb ne dispose pas de beaucoup de moyens, des efforts sont faits en termes d’emploi en faveur des riverains. Une grande partie du personnel habite dans ces villages, et c’est une excellente chose. Toujours par rapport à l’impact socio-économique, ces villages profitent à moindre coût des services offerts par la Direction de la médecine et du travail de l’Ugb.
A quand la réception des infrastructures en construction ?
Il y a encore des infrastructures pédagogiques et sociales en construction. Par contre, le bâtiment du Rectorat n’a pas été réhabilité depuis les évènements malheureux. Nous avions sensibilisé le ministère de tutelle sur ces chantiers et il est prévu l’achèvement de toutes ces constructions dans le courant de l’année 2019. Elles sont importantes aussi bien sur le plan pédagogique que social, car devant contribuer à améliorer les conditions d’enseignement-apprentissage et aussi d’hébergement à travers l’augmentation du nombre de lits au campus social. Nous louons ces efforts de l’Etat et l’exhortons à renforcer son appui pour terminer au plus vite ces chantiers, pour un fonctionnement plus efficient de notre administration et une amélioration des conditions de travail.
Pouvez-vous revenir sur l’importance des projets initiés dans le cadre du partenariat ?
Le label de l’excellence reste en vigueur à l’Ugb. C’est pourquoi de grands projets de recherche, existent aujourd’hui, dans notre université. Cela est dû en partie à l’expertise de nos enseignants-chercheurs. Tous ces projets d’envergure internationale démontrent la confiance que les partenaires accordent à l’institution. Le Cea-Mitic, par exemple, est un projet de la Banque mondiale pour un montant de plus de 4 milliards de FCfa pour sa phase 1. Il est venu pour changer la dynamique de l’accès à l’emploi en formant une main-d’œuvre de qualité dans les domaines des mathématiques, de l’informatique et des Tic.Les bons résultats obtenus dans la première phase nous ont valu la phase 2. Aussi, le Matic est un Master réputé dans le domaine de la traduction et de l’interprétariat avec plusieurs nationalités. C’est le premier Master du genre dans la sous-région. Nous avons obtenu ce projet grâce à l’accompagnement de l’Agence universitaire de la Francophonie (Auf) et de l’Union européenne. Ce Master a fêté sa 5ème promotion il y a quelques semaines. On peut citer aussi le projet Nelga qui est un centre d’excellence sur la gouvernance foncière. Il est venu renforcer les concepts, outils et pratiques innovants en matière de gouvernance foncière. C’est un projet important pour la sous-région parce que le foncier est, aujourd’hui, une grande problématique dans les pays africains. Nous pouvons en citer d’autres financés par l’Union européenne, l’Usaid, la Coopération espagnole, entre autres partenaires. Globalement, tous ces projets sont là pour renforcer nos moyens dans la recherche et permettre à nos chercheurs de réfléchir sur les problématiques de nos Etats. La Banque africaine de développement (Bad) annonce aussi un centre d’excellence sur le numérique à l’Ugb. Dénommé « Codage pour l’emploi », ce centre s’appuiera sur le numérique pour permettre à nos étudiants de mieux s’insérer dans le tissu professionnel.