REPENSONS NOTRE SYSTÈME D’ÉVALUATION À L’ÈRE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Pourquoi un élève sénégalais devrait-il attendre systématiquement 18 ans pour passer son bac, alors qu’avec un accompagnement, il peut l’obtenir dès 15 ans ? Il est question de redonner du sens à l’école

L’école sénégalaise traverse une crise de fond. Tricherie aux examens, désorientation massive des élèves, déperdition scolaire, taux d’échec élevés : les signaux sont rouges. Chaque année, le BFEM et le Baccalauréat deviennent non plus des symboles d’excellence, mais des épreuves d’endurance mentale, souvent vidées de leur sens.
Dans ce contexte, il est impératif de remettre à plat notre système d’évaluation. Mieux encore, il est temps de poser un débat courageux : et si, grâce à l’intelligence artificielle (IA) et à une refonte globale du modèle éducatif, nos enfants pouvaient obtenir leur Baccalauréat dès l’âge de 15 ans, dans de meilleures conditions, et avec de meilleures compétences ?
Tricherie, démotivation, exclusion : un système en panne
Le phénomène de la triche est devenu endémique. Il ne s’agit plus d’actes isolés, mais d’un symptôme généralisé d’un mal-être éducatif profond. Les élèves trichent, non pas uniquement par facilité, mais parce qu’ils ne croient plus au système, n’y trouvent plus de sens, et se sentent enfermés dans une logique de sanction plutôt que de valorisation.
Parallèlement, la majorité des élèves est orientée, souvent par défaut, vers les séries littéraires, sans véritable préparation, sans perspective claire. Les séries scientifiques sont désertées, non par manque d’intérêt, mais par peur de l’échec, faute d’accompagnement adapté.
Ce système produit des chômeurs dès le primaire, exclut des talents au collège, et brise des ambitions à l’université. Il est urgent d’inverser la tendance.
Raccourcir le parcours scolaire, sans sacrifier la qualité
Aujourd’hui, la technologie, et en particulier l’intelligence artificielle, permet de transformer en profondeur l’expérience éducative. Des plateformes intelligentes peuvent adapter les contenus pédagogiques au rythme de chaque élève, diagnostiquer les lacunes, recommander des parcours individualisés, et proposer des évaluations plus régulières et plus justes.
Grâce à ces outils, il devient possible de réduire la durée du cursus scolaire sans compromettre la qualité des apprentissages. Pourquoi un élève sénégalais devrait-il attendre systématiquement 18 ans pour passer son Bac, alors qu’avec un accompagnement intelligent, il peut l’obtenir dès 15 ans, avec plus de maturité, plus de compétences et plus de confiance en soi ?
Ce modèle n’est pas une utopie. Il repose sur des principes pédagogiques solides : différenciation, autonomie, maîtrise des compétences fondamentales, accompagnement continu. De nombreux pays testent déjà des parcours accélérés, intégrés à des politiques d’orientation plus souples.
Repenser l’évaluation pour un apprentissage en profondeur
Pour réussir cette mutation, il faut également réformer en profondeur notre approche de l’évaluation. Le système actuel, centré sur un examen final unique et stressant, favorise la récitation, la reproduction mécanique et le bachotage. Il exclut la créativité, la réflexion, l’analyse critique.
Nous devons aller vers une évaluation continue et pluraliste, intégrant les devoirs de classe, les exposés, les projets, les compétences numériques et transversales. L’IA peut jouer un rôle crucial dans l’analyse des performances, le suivi individualisé, et la détection précoce des décrochages.
Pour une école qui révèle, pas qui élimine
Le vrai enjeu, ce n’est pas simplement d’obtenir un Bac à 15 ans. C’est de redonner du sens à l’école, d’en faire un espace de découverte de soi, de développement de compétences utiles à la société, et de construction d’un avenir digne.
Notre système actuel épuise les élèves, désoriente les parents, et frustre les enseignants. Il est temps d’ouvrir une nouvelle ère, où la technologie est au service de l’humain, et où l’évaluation devient un outil de progrès, et non un couperet.
L’heure du courage éducatif
Le Sénégal doit avoir l’audace d’initier une révolution éducative fondée sur la justice, l’innovation, et l’intelligence collective. Une révolution qui considère chaque élève comme un potentiel à révéler, et non comme un problème à résoudre.
Former une génération capable d’obtenir le Bac à 15 ans, ce n’est pas faire de l’élitisme. C’est croire au génie sénégalais, c’est faire confiance à nos enfants, c’est mobiliser les outils du XXIe siècle pour bâtir une école de demain, inclusive, ambitieuse, et centrée sur le bien-être et la réussite.
Le défi est immense, mais il est à notre portée. Le moment est venu d’agir.
Cheikhou Oumar Sy est ancien parlementaire, président de l’OSIDEA.