UNE CHAIRE ALINE SITOÉ DIATTA DANS LES UNIVERSITÉS
Le recteur de l'université de Ziguinchor propose d'ériger une chaire académique en l'honneur de cette prêtresse devenue symbole de la résistance pacifique contre le colonialisme français

Le recteur de l’Université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz), le Pr Alassane Diédhiou, a plaidé, jeudi dernier, en faveur d’une chaire Aline Sitoé Diatta, dans les universités sénégalaises. C’était à l’occasion d’un colloque tenu à Ziguinchor sur cette héroïne de la résistance coloniale en Casamance.
L’Université Assane Seck de Ziguinchor a abrité, jeudi dernier, un symposium commémoratif à l’occasion des 80 ans de la disparition d’Aline Sitoé Diatta, l’héroïne du « Kassa ». À cette occasion, le recteur de l’institution, le Pr Alassane Diédhiou, a lancé un appel fort : ériger une chaire universitaire à son nom et intégrer des modules spécifiques sur son parcours dans les cursus d’histoire, de sociologie, d’anthropologie et d’études postcoloniales. « Aline Sitoé Diatta est l’un des symboles les plus puissants de la résistance populaire contre le système colonial français », a affirmé le Pr Diédhiou.
Selon lui, cette figure centrale dans l’histoire coloniale de la Casamance incarne un croisement unique entre engagement spirituel, résistance politique et émancipation féminine. Dans un plaidoyer appuyé, et face à une assistance composée essentiellement d’universitaires et d’étudiants, Alassane Diédhiou a rappelé le rôle fondamental des institutions universitaires dans la déconstruction des narrations dominantes. Sur ce point précis, il les invite à « faire émerger des voix longtemps marginalisées ». Le Pr Diédhiou estime que les chercheurs ont la responsabilité de revisiter des figures comme Aline Sitoé Diatta, afin de nourrir un savoir critique enraciné dans les réalités africaines. Militante charismatique, Aline Sitoé Diatta s’est opposée aux réquisitions coloniales et prônait un retour aux pratiques agricoles traditionnelles, tout en incarnant une forte dimension spirituelle.
Ce positionnement original, alliant foi, terre et culture, confère à sa lutte un caractère profondément pacifique, loin des résistances armées, mais non moins déterminé. « Elle portait une critique implicite de l’aliénation coloniale et appelait à une réhabilitation de l’identité casamançaise », a expliqué M. Diédhiou. Née en 1920 à Kabrousse, dans le département d’Oussouye, Aline Sitoé Diatta fut perçue comme une prêtresse et une guide spirituelle dans son village. Sa popularité et son influence lui ont valu l’hostilité des autorités coloniales françaises. Arrêtée, elle fut déportée à Tombouctou, au Mali, où elle mourut en 1944 à l’âge de 24 ans. En ravivant son nom, le recteur invite les universités sénégalaises à reconnaître l’importance des savoirs endogènes, des luttes féminines et de la mémoire africaine dans la construction d’un avenir plus équitable.