VIDEOFATOU SOW VUE PAR LA JEUNESSE SÉNÉGALAISE
Cette sociologue née à Dakar, qui a révolutionné les études de genre en Afrique francophone, voit son héritage intellectuel enfin valorisé par une jeunesse sénégalaise qui redécouvre la puissance de sa pensée

Une reconnaissance tardive mais méritée s'opère aujourd'hui au Sénégal autour de l'œuvre de Fatou Sow, considérée comme la pionnière du féminisme dans le pays. Née en 1940 à Dakar, cette sociologue de renommée internationale voit son héritage intellectuel progressivement valorisé par les nouvelles générations.
Formée en sociologie et philosophie à l'Université de Dakar dans les années 1960, Fatou Sow a mené une carrière académique exceptionnelle entre le Sénégal et la France. D'abord chercheuse au CNRS à Dakar, puis rattachée au laboratoire CDET de l'Université Paris jusqu'en 2007, elle a ouvert des perspectives décisives pour les études de genre en Afrique francophone.
Son apport majeur réside dans l'institutionnalisation des études féministes au sein du paysage universitaire africain. En créant à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar le tout premier enseignement consacré aux femmes et aux rapports sociaux de sexe, elle a posé les jalons d'une réflexion scientifique rigoureuse sur les questions de genre dans le contexte africain.
À partir des années 1990, ses travaux prennent une orientation résolument féministe. Elle met alors en lumière les spécificités des luttes des femmes africaines, en articulant genre, culture, religion et politique. Parmi ses publications marquantes figurent des ouvrages collectifs comme "Sexe, genre et société", "Notre corps, notre santé" et "Le sexe de la mondialisation".
L'influence de Fatou Sow dépasse largement les frontières nationales. Pendant 15 ans, elle a coordonné le réseau Dawn pour l'Afrique francophone, et dirigé de 2008 à 2017 le réseau international Women Living Muslim. Son rayonnement lui a valu de prestigieuses distinctions académiques, dont plusieurs doctorats honorifiques des universités de Toronto, Ottawa et Beet.
Si la jeunesse sénégalaise reconnaît aujourd'hui l'importance de sa contribution, beaucoup avouent ne connaître que superficiellement son œuvre. "Je ne la connais pas personnellement, je ne connais pas ses œuvres, mais j'ai entendu dire que c'est elle qui est la précurseure du féminisme au Sénégal", confie une jeune interrogée, illustrant le paradoxe d'une figure intellectuelle respectée mais dont les travaux restent à découvrir.
L'héritage de Fatou Sow incarnerait, selon les spécialistes, une pensée féministe africaine particulièrement précieuse : rigoureuse dans sa méthode, ancrée dans les réalités du terrain, attentive aux contextes socioculturels et engagée en faveur de la justice sociale et de la transformation des savoirs.
À l'heure où les questions de genre prennent une place croissante dans les débats publics africains, redécouvrir l'œuvre pionnière de Fatou Sow apparaît comme une nécessité pour enrichir les réflexions contemporaines sur l'émancipation des femmes dans une perspective proprement africaine.