BAZOUM, L'OTAGE ENCOMBRANT DES PUTSCHISTES DU NIGER
Séquestré dans un "réduit du palais présidentiel", l'ancien président pose un dilemme insoluble au général Tiani, qui ne sait plus quoi faire de lui. Son prédécesseur Issoufou subit une pression internationale croissante pour obtenir sa libération

(SenePlus) - Deux ans après le coup d'État qui l'a renversé, Mohamed Bazoum croupit toujours dans un "réduit du palais présidentiel de Niamey" sans avoir "vu le jour depuis deux ans", selon Le Figaro. Le président démocratiquement élu en février 2021 est devenu un fardeau pour son geôlier, le général Abdourahamane Tiani, qui ne sait plus "quoi faire de son prisonnier".
Le chef de la junte nigérienne, qui s'est "récemment autopromu général d'armée", vit désormais "dans la crainte permanente d'être renversé à son tour", rapporte le quotidien français. Confiné dans sa résidence présidentielle, Tiani "s'éloigne rarement de son domicile" et "se méfie de ses visiteurs car il est la cible de critiques de plus en plus virulentes sur sa capacité à gouverner".
La situation sécuritaire s'est dramatiquement dégradée depuis le putsch du 26 juillet 2023. Selon un journaliste de Niamey cité par Le Figaro, "quinze villageois sont tués en moyenne chaque jour dans des conditions atroces" par les groupes djihadistes. L'économie s'effondre, les libertés publiques sont bafouées et "tous les partis politiques ont été dissous".
Dans cette impasse, un nom revient avec insistance : Mahamadou Issoufou, prédécesseur de Bazoum à la présidence nigérienne de 2011 à 2021. Salué jadis pour avoir quitté le pouvoir à l'issue de son mandat, l'ancien président "aurait pourtant bien caché son jeu", selon l'enquête du Figaro.
Les cinq enfants de Mohamed Bazoum, réfugiés à l'étranger, sont "persuadés" qu'Issoufou a trahi leur père. L'ancien président "aurait été, le 26 juillet 2023, l'un des architectes du coup d'État d'Abdourahamane Tiani", motivé par la volonté de ne "pas perdre la haute main sur l'exploitation du pétrole du Niger".
L'"effet Marrakech" marque un tournant dans cette affaire. Lors du forum annuel de la Fondation Mo Ibrahim en juin dernier, le milliardaire anglo-soudanais a publiquement humilié Issoufou. Devant "plus d'un millier de personnes, dont des chefs d'État, ministres, diplomates", Mo Ibrahim a "sèchement rabroué" l'ancien président nigérien en lui demandant "d'abord de s'occuper de Bazoum".
"L'humiliation est totale pour celui qui fut le lauréat de la Fondation, quatre ans auparavant", note Le Figaro. Plusieurs membres dirigeants de l'institution ont même réclamé qu'on lui "retire son trophée". Boudé par tous, Issoufou a confié "en aparté, qu'il se sent indésirable".
Un conclave révélateur au palais
L'"effet Marrakech" a été "immédiat". Quinze jours après cette humiliation, le général Tiani convoque "tout ce que le Niger compte d'anciens présidents, premiers ministres" dans un conclave de cinq heures au palais présidentiel. Le putschiste qualifie lui-même la situation de "catastrophique".
Lors de cette réunion tendue, le général Salou Djibo interpelle violemment Issoufou, qu'il qualifie de "plus grand traître du Niger, responsable de tous les malheurs actuels". L'ancien président Mahamane Ousmane exige des preuves des "ingérences occidentales" : "Un État sérieux ne gouverne pas à coups de rumeurs", lance-t-il selon Le Figaro.
Face à l'échec des initiatives officielles de la Cédéao, de l'Union européenne ou de l'ONU, une "diplomatie parallèle" s'active. Le président nigérian, l'Ivoirien Alassane Ouattara qui "n'a jamais relâché la pression", et même "le grand imam de la mosquée Al-Azhar du Caire" multiplient les appels pour la libération de Bazoum.
L'objectif affiché est de faire comprendre à Issoufou que "s'il contribue à la libération de Bazoum, il peut compter sur eux pour redorer son image, sérieusement abîmée", confie Charles Michel, ancien Premier ministre belge, au quotidien français.
Pour l'essayiste nigérien Seidik Abba cité par Le Figaro, Mohamed Bazoum est devenu un "bouclier humain encombrant" pour Tiani. Le putschiste dispose de "trois possibilités" selon un diplomate européen : l'exécuter (mais "son exécution serait l'assurance de mettre le feu aux poudres"), maintenir le statu quo (au risque "de faire du séquestré de Niamey un nouveau Nelson Mandela"), ou "libérer Bazoum, mais sans perdre la face".
Issu d'une minorité arabe, cet "ancien professeur de philosophie, démocrate convaincu" de 65 ans avait un "solide projet" axé sur la "lutte contre la corruption, planning familial, éducation des filles". Aujourd'hui, conclut Le Figaro, "le captif de Niamey croupit dans un placard de l'incompétente dictature nigérienne".