EMBALO SOLDE SES COMPTES
Le président bissau-guinéen n’a pas apprécié la position de certains pays de la Cedeao, dont la Guinée-Conakry et la Côte d’Ivoire, sur la présidentielle de décembre 2019. A ses yeux, Condé et Ouattara penchaient trop pour son adversaire du PAIGC

En n’invitant que cinq chefs d’État ouest-africains aux festivités de l’indépendance de son pays, le Président bissau-guinéen règle ses comptes avec certains ses homologues qui avaient «voté» pour son adversaire à la présidentielle de décembre 2019. Aujourd’hui, il semble se chercher de nouveaux alliés ailleurs tout en consolidant son pouvoir.
Légitimé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) après plusieurs mois de polémique liée à son élection controversée à la présidence de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo semble avoir définitivement pris ses repères. Aujourd’hui, il entend occuper toute sa place au sein de l’institution communautaire régionale. Il n’est cependant pas exclu qu’il tire les leçons d’une adversité qui a failli lui faire perdre un scrutin pour lequel la Cour de justice suprême l’a finalement déclaré vainqueur au détriment de Domingo Simoes Pereira du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC).
Les résultats définitifs de la présidentielle de décembre 2019 l’avaient crédité de plus de 53% des suffrages contre 46% pour son adversaire.
«Le Président Embalo n’a pas apprécié la position de certains pays de la Cedeao –dont la Guinée-Conakry et la Côte d’Ivoire– sur l’élection présidentielle de décembre 2019. Pour lui, Alpha Condé et Alassane Ouattara penchaient trop pour son adversaire du PAIGC, Domingo Simoes Pereira. Ceci explique peut-être qu’ils n’aient pas été invités aux côtés des cinq chefs d’État présents à Bissau le 25 septembre dernier pour les festivités du 47e anniversaire de l’indépendance de son pays», explique à Sputnik Maurice Paulin Toupane, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS) à Dakar.
À l’international, une politique de diversification plus affirmée de partenariats tous azimuts sur les plans économique et financier pourrait être engagée pour le reste d’un mandat qui s’achève en 2024. Considérée comme le dixième pays le plus pauvre au monde avec un PIB par habitant de 778 dollars pour une population d’environ 1,7 million d’individus, la Guinée-Bissau a besoin d’investissements étrangers massifs pour relever les défis du développement.
«Embalo pourrait même aller plus loin. Il a constaté que la plupart des États de la CPLP (la Communauté des pays de langue portugaise, qui regroupe neuf États membres, dont six africains) sont restés favorables au PAIGC, le parti historique qui a mené la guerre d’indépendance. Cette perception négative des rapports de forces au sein de la CPLP peut l’inciter à regarder ailleurs, hors du cercle naturel qu’est l’espace ouest-africain, en quête de nouveaux acteurs. Dans ce changement potentiel d’axe de coopération, la Turquie pourrait être un de ces partenaires», pronostique Maurice Paulin Toupane.