FAURE GNASSINGBE, MAITRE DU JEU SOUS UNE NOUVELLE CONSTITUTION
Ce virage constitutionnel supprime l’élection du président de la République au suffrage universel direct, instaurant un régime parlementaire où le chef du gouvernement — poste désormais fusionné — doit être le leader du parti majoritaire à l’Assemblée

Dans un nouveau décor institutionnel taillé sur mesure, Faure Gnassingbé a prêté serment le samedi 3 mai 2025, en tant que président du Conseil des ministres, une fonction désormais au sommet de l’exécutif togolais selon les dispositions de la nouvelle Constitution adoptée en avril 2024. À la tête du pays depuis 2005, le chef de l’État opère une mue politique sans perdre une once de pouvoir.
Ce virage constitutionnel supprime l’élection du président de la République au suffrage universel direct, instaurant un régime parlementaire où le chef du gouvernement — poste désormais fusionné — doit être le leader du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Autrement dit, le pouvoir reste concentré dans les mains de Faure Gnassingbé, chef incontesté de l’Union pour la République (UNIR), son parti hégémonique. La veille, la Première ministre Victoire Tomégah-Dogbé et son gouvernement avaient remis leur démission, conformément aux nouvelles règles du jeu institutionnel. Une formalité de la cinquième République, qui s’apparente davantage à une continuité maquillée qu’à une rupture démocratique.
Dans ce contexte, l’élection de Jean-Lucien Savi de Tové au poste honorifique de président de la République par les députés et sénateurs réunis en congrès n’a suscité aucune surprise. Unique candidat, cet opposant historique âgé de 86 ans a prêté serment à son tour. Figure de la vie politique togolaise depuis les années 60, ancien ministre et exilé politique, Savi de Tové représente davantage la mémoire que le pouvoir. Son rôle sera essentiellement protocolaire.
Un simulacre institutionnel ? Pour Nathaniel Olympio, du mouvement citoyen "Touche pas à ma Constitution", la prestation de serment de Faure Gnassingbé marque « l’acte terminal du viol orchestré de la conscience de chaque Togolais ». Il dénonce une transformation de façade destinée à pérenniser un régime familial vieux de plus d’un demi-siècle, dans un pays où l’alternance reste un mirage.
Car derrière le vocabulaire républicain et la rhétorique du renouveau institutionnel, c’est le même homme qui tient les rênes du pouvoir depuis deux décennies, après avoir succédé en 2005 à son père, Gnassingbé Eyadéma, qui avait régné d’une main de fer pendant 38 ans. La dynastie Gnassingbé semble ainsi se renouveler sans se remettre en question. La Cinquième République togolaise, loin d’inaugurer une ère de transparence ou de gouvernance partagée, pourrait bien institutionnaliser davantage le règne sans partage d’un seul homme. Le changement de forme, plus que de fond, laisse sceptique une partie importante de la population, qui redoute une démocratie réduite à sa portion congrue, où les institutions servent d’abord à légitimer l’ordre établi.
HENRIETTENIANG KANDÉ(AVEC FRANCE 24 ET AFP)