LA GBU-57, L'ARME ULTIME CONTRE LE NUCLÉAIRE IRANIEN
Pesant 13,6 tonnes et capable de percer 60 mètres sous terre, la bombe américaine représente la seule arme au monde capable d'atteindre l'installation nucléaire iranienne de Fordo. Elle pourrait changer la donne dans le conflit israélo-iranien

(SenePlus) - Enfouie sous 80 à 90 mètres de roche et de béton dans les montagnes iraniennes, l'installation nucléaire de Fordo représente le défi ultime pour toute force militaire souhaitant neutraliser le programme d'enrichissement d'uranium de Téhéran. Seule une arme américaine pourrait percer cette forteresse souterraine : la bombe GBU-57, spécialement conçue pour cette mission.
Dans l'escalade militaire qui oppose Israël à l'Iran depuis le 13 juin, l'objectif israélien est clairement défini. Comme l'a déclaré Yechiel Leiter, ambassadeur d'Israël aux États-Unis, sur Fox News : « Cette opération doit vraiment être menée à bien avec la destruction de Fordo », rapporte Le Monde. Cette installation, située à 150 kilomètres au sud de Téhéran, constitue le fleuron du programme nucléaire iranien.
Contrairement au site de Natanz, dont l'armée israélienne assure avoir atteint la partie souterraine selon les informations confirmées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Fordo n'a été que « superficiellement touché par les frappes », d'après l'Organisation iranienne de l'énergie atomique citée par Le Monde.
La configuration unique de Fordo en fait un objectif quasi-impossible à atteindre avec des armes conventionnelles. « Enfoui à flanc de montagne sous une couche de roche et de béton de 80 à 90 mètres, le site est hors d'atteinte des armes conventionnelles dont disposent les forces israéliennes », explique au Monde Justin Bronk, expert des systèmes de défense au Royal United Services Institute.
L'expert britannique précise que les bombes pénétrantes israéliennes « pourraient détruire l'entrée et les conduits d'aération, mais seule l'armée de l'air américaine dispose d'une arme capable de percer l'installation principale depuis les airs ». Cette arme, c'est la « Massive Ordnance Penetrator GBU-57/B ».
Cette bombe à guidage de précision impressionnante pèse 13 600 kilogrammes, dont 2 700 pour l'ogive seule. Selon l'armée de l'air américaine, elle peut s'enfoncer de 60 mètres sous la surface avant d'exploser. D'après Justin Bronk, « il en faudrait probablement au moins deux, larguées consécutivement sur le même point d'impact, pour atteindre et détruire les principales installations de Fordo ».
Une forteresse imprenable pour l'arsenal conventionnel
L'histoire de cette arme révèle son objectif spécifique. « La GBU-57 a été spécialement conçue pour Fordo », assure Ali Vaez, directeur des recherches sur l'Iran à l'International Crisis Group, interrogé par Le Monde. Ce développement fait suite à la reconnaissance par le Pentagone en 2012 que les « bunker busters » alors disponibles ne pouvaient pas atteindre les installations souterraines du site iranien.
La version présentée en 2013 aux instances politiques et militaires israéliennes, selon le Wall Street Journal cité par Le Monde, a bénéficié d'améliorations significatives : « fusibles ajustés pour en maximiser les capacités de pénétration, systèmes de guidage plus précis et dispositifs lui permettant d'échapper aux défenses aériennes iraniennes ».
L'utilisation de cette arme soulève une question stratégique majeure : elle nécessite une participation directe des États-Unis. Seul le bombardier furtif B-2, doté d'un rayon d'action de 11 000 kilomètres, est habilité à transporter cette bombe. L'appareil peut en emporter deux selon l'US Air Force.
Justin Bronk souligne dans Le Monde que « avec un ravitaillement en vol, l'un d'eux pourrait même mener des attaques contre Fordo et d'autres cibles iraniennes fortifiées depuis sa base d'origine dans le Missouri ». Cette capacité opérationnelle explique les mouvements observés récemment.
Selon le site AirNav Radar cité par Le Monde, « une trentaine d'avions ravitailleurs ont quitté les États-Unis, dimanche, pour aller se poser notamment sur la base aérienne de Ramstein, dans l'ouest de l'Allemagne, ainsi qu'au Royaume-Uni, en Estonie et en Grèce ». Eric Schouten, directeur général de Dyami Security Intelligence, y voit « un signal clair de préparation stratégique » montrant « que les États-Unis prennent des dispositions dans l'optique d'une escalade rapide ».
Malgré ces préparatifs, la Maison Blanche maintient officiellement que les forces américaines dans la région restent dans une « posture défensive », selon Le Monde. Donald Trump n'a pas exclu une participation directe dimanche, mais celle-ci n'est pas à l'ordre du jour.
Même si cette arme représente le summum de la technologie militaire de pénétration, son efficacité stratégique fait débat. Ali Vaez exprime ses doutes au Monde : « Des armes américaines à fort pouvoir de pénétration ont été utilisées en Afghanistan et au Yémen, mais dans les deux cas, elles n'ont pas permis aux États-Unis d'atteindre leurs objectifs stratégiques ».
Kelsey Davenport, de l'Arms Control Association, partage cette réserve dans les colonnes du journal français : « Il serait difficile pour les États-Unis de détruire le site de Fordo. Si toutefois ils y parvenaient, la destruction de Fordo ne mettrait pas fin au programme d'enrichissement d'uranium iranien ».
L'experte souligne une réalité stratégique fondamentale : « L'Iran a acquis des connaissances précieuses au cours des dernières années et pourrait avoir dissimulé des centrifugeuses sur un site non déclaré. Des frappes pourraient le retarder, mais ce n'est pas une solution pour l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire ».