L'UE BRANDIT LA MENACE DE SANCTIONS CONTRE ISRAËL
Après des mois d'hésitation, l'Europe a décidé mardi de réexaminer son accord d'association avec l'État hébreu, estimant que les violations des droits humains à Gaza ne peuvent plus être ignorées. Un tournant dans la diplomatie européenne

(SenePlus) - Face à l'aggravation de la situation humanitaire dans la bande de Gaza, l'Union européenne a franchi un pas significatif en annonçant le réexamen de son accord d'association avec Israël, un texte fondamental qui régit depuis 1995 les relations politiques et commerciales entre les deux partenaires.
Cette décision, annoncée le mardi 20 mai 2025 à Bruxelles par Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, intervient dans un contexte particulièrement tendu. Comme le rapporte Le Monde, Gaza subit actuellement "un blocus humanitaire depuis onze semaines" et "le bilan humain dépasse désormais les 52 000 victimes, pour la plupart civiles", dans un territoire "désormais réduit en ruine et, en partie, réoccupé".
La démarche actuelle n'est pas sans précédent. Dès février 2024, quatre mois après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, Pedro Sanchez, Premier ministre espagnol, et son homologue irlandais Leo Varadkar avaient sollicité un "examen urgent pour déterminer si Israël respecte ses obligations, y compris dans le cadre de l'accord d'association UE-Israël". À l'époque, face aux 28 000 victimes palestiniennes comptabilisées et aux violations du droit humanitaire documentées par les ONG, la Commission européenne avait ignoré leur requête.
Mais la donne a changé. Selon Le Monde, "depuis plusieurs semaines, la pression diplomatique n'a cessé de monter, notamment avec les prises de position de Paris et de nombreuses capitales européennes pour dénoncer les 'actions scandaleuses' de l'armée israélienne dans l'enclave côtière et le 'niveau de souffrance intolérable' des civils".
Une position européenne qui évolue
Le changement de posture est notable même chez les alliés traditionnels d'Israël. Le président tchèque Petr Pavel, représentant l'un des soutiens habituellement indéfectibles d'Israël, a reconnu que "la situation humanitaire à Gaza devient intenable" et qu'il fallait désormais "séparer le soutien général à Israël du soutien aux actions de son gouvernement".
Xavier Bettel, chef de la diplomatie luxembourgeoise, s'est exprimé en des termes particulièrement forts : "On ne peut rester inactif. Il y a des situations où l'on ne trouve plus de mots ou d'excuses [...] On ne peut plus fermer les yeux ! Si les gens ne meurent pas à Gaza d'une bombe, ils meurent de faim".
Au sein des 27, la décision n'a pas fait l'unanimité mais a recueilli un soutien significatif. "Dix-sept pays ont soutenu la proposition d'examen, dont la France, la Belgique, l'Espagne, l'Irlande ou la Roumanie, alors que l'Italie, la Croatie ou l'Allemagne s'y refusaient", précise Le Monde. Ce qui semble avoir fait basculer la position de Kaja Kallas, initialement prudente, c'est de constater que "des pays comme l'Autriche, la Slovaquie et la Pologne soutenaient cette mesure".
Désormais, c'est à la Commission européenne et au Service européen d'action extérieure qu'il revient de "vérifier la compatibilité de la politique du gouvernement de Benyamin Nétanyahou avec le respect des droits fondamentaux". L'enjeu porte spécifiquement sur l'article 2 de l'accord, qui stipule que les signataires s'obligent au "respect des droits de l'homme et des principes démocratiques".
Si la Commission estime qu'Israël ne respecte pas ses engagements, elle devra proposer des mesures qui "peuvent aller jusqu'au gel ou à la suspension" de l'accord. Ces mesures devront ensuite être validées par les États membres, selon des modalités de vote différentes en fonction de leur nature : unanimité pour les mesures politiques et majorité qualifiée pour les mesures commerciales.
Des violations documentées
Pour cette analyse, la Commission pourra s'appuyer sur une note existante du représentant spécial de l'UE pour les droits de l'homme, datant de juillet 2024. Ce document, que Le Monde dit s'être procuré, liste déjà de manière précise les violations du droit international par Israël : "usage excessif de la force, punition collective, déplacement de masse répété, destructions massives, attaques contre les hôpitaux, détentions arbitraires".
Maxime Prévot, chef de la diplomatie belge, a d'ailleurs exprimé son "sentiment personnel que la violation des droits humains ne fait aucun doute", tout en précisant qu'il ne voulait pas "préempter la décision" de la Commission.
La réaction israélienne ne s'est pas fait attendre. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien, Oren Marmorstein, a déclaré dans un communiqué : "Nous rejetons totalement l'orientation" de Kaja Kallas, "qui reflète une incompréhension totale de la réalité complexe à laquelle Israël est confronté" et "encourage le Hamas à rester sur ses positions".
Cette décision de l'UE marque ainsi un tournant significatif dans les relations euro-israéliennes, dans un contexte où la pression internationale s'accentue pour mettre fin au conflit à Gaza et soulager une population civile en situation de détresse extrême.