SANKARA, IBRAHIMA TRAORÉ, SONKO, GUY MARIE SAGNA ET LES PEUPLES AFRICAINS
Le voyage de Sonko est symbolique d’une référence à l’icône Sankara et à cette autre Afrique à faire advenir. Il est question d’un soutien, d’une diagonale de politique de souveraineté

Aujourd’hui, l’impérialisme a deux moyens de reconquête des zones d’influence perdues : les réseaux sociaux (domination par la cybernétique) et la déstabilisation par l’infiltration, le financement des mouvements djihadistes. Les États de l’AES illustrent la vérité de l’hydre impérialiste. La perte des ressources (or, minerais, bases militaires de surveillance géopolitique mondiale et de secours pour et de partenariat avec les régimes affidés), surtout en période de crises et de guerres dans le monde, forcent l’hydre à des renouveaux de déploiement. Par ses deux armes, elle (l’hydre capitaliste) se sert du masque d’invisibilité. L’ennemi est alors indésignable physiquement. Les gouvernements dont Marx disaient qu’ils étaient des fondés de pouvoir du capital invisibilisent les multinationales qui commandent le pillage.
La lutte, disait Gramsci, est bien alors une lutte d’idées, d’opinions, de subjectivités au regard d’un ennemi qui se métamorphose sans cesse pour échapper à sa désignation réelle.
Mais une question centrale est : Existe-t-il une subjectivité politique organisée au sein des peuples par ce réel de la situation en Afrique, des multinationales et de leurs fondés de pouvoir, les gouvernements ?
Les luttes actuelles, réellement structurées, sont pour l’essentiel des luttes d’en haut. Au Burkina, au Tchad, au Mali et au Sénégal (par le départ des bases françaises). Le voyage de Sonko est symbolique d’une référence à l’icône Sankara et à cette autre Afrique à faire advenir. Il est question d’un soutien, d’une diagonale de politique de souveraineté. Le président du Faso est celui qui est monté le plus sur la scène de l’histoire pour débusquer les impérialistes et pour une Afrique plus digne. La dernière manifestation de ce combat est la célébration de la journée des Coutumes et traditions alors que, sous le couvert de l’universalisme de la culture libérale et de consommation, les peuples sont victimes d’un oubli programmé et entretenu de nos riches et féconds imaginaires africains. C’est ainsi qu’Ibrahima Traoré est dans le viseur de ceux qui ont éliminé Lubumba, Sankara et autres pour avoir pensé une Afrique souveraine. Les discours et les luttes et les soutiens sont importants et ne cessent de se déployer.
Ils sont importants mais ne se suffisent pas parce qu’il sont d’ordre étatique. Je cite Sylvain Lazarus : « La politique se fait à distance de l’Etat. » Je crois comprendre qu’il veut dire aussi que même les exerceurs de l‘État doivent la faire à sa distance pour qu’elle n’ait pas pour cible en définitive et essentiellement l’État mais le peuple en plus grande partie.
La destruction des velléités d’indépendance ( Mali-Modibo, Sénégal-Mamadou Dia, Congo-Lumbumba, Burkina-Sankara ) par l’emprisonnement ou l’assassinat est la leçon de l’histoire qui doit être pérenne dans nos consciences.
Il faut donc, en plus, de cette dynamique autre populaire forte dont l’ossature est les organisations panafricaines, anti-impérialistes ( France dégagé par exemple), les clubs Cheikh Anta, la par exemple, Cheikh Anta Diop), les partis politiques etc. qui font de la renaissance d’une Afrique culturellement, économiquement, socialement populaire leur levier. Et cette dernière dynamique est la seule en mesure de contrecarrer les visées de destitution de la première dynamique d’ordre étatique par les forces de reconquête de l’Afrique.
Sankara n’avait-il pas compris, bien après la prise du pouvoir, que seul le peuple organisé est capable de garantir une victoire contre l’hydre par la création des Comités de Défense de la Révolution (CDR) ? Malheureusement, l’ennemi a exécuté Sankara avant leur opérationnalité.
Si la politique n’existe qu’organisée, les vastes mouvements de soutien à Ibrahima Traoré sont justes mais insuffisants pour relever de l’assertion de départ. L’organisation de cette subjectivité doit être la création de lieux et d’actions, de rencontres, de pensées de cette politique en termes de constitution de communautés et de discours permanents. C’est en ce sens que les peuples africains et leurs États indépendants se définiront comme leurs propres sauveurs. Ils se désigneront alliés d’instants (Russie par exemple) mais jamais affidés, jamais vassalisés.
Autrement dit, les peuples doivent, en gros, être porteurs vivants, vigilants et organisateurs de cette subjectivité d’une autre Afrique forte son autorité de « fils aînés du monde » (Césaire).