UN TRIBUNAL AFRICAIN POUR JUGER YAHYA JAMMEH ?
La justice gambienne réclame officiellement des poursuites contre l’ancien président. Charge maintenant à Adama Barrow, son successeur tout juste réélu à la tête du pays, de mettre la machine judiciaire en marche

Ses conclusions étaient très attendues. Le 24 décembre, le ministre de la Justice, Dawda Jallow, a rendu public le rapport de la Commission vérité, réconciliation et réparation (TRRC en anglais) et celui-ci resserre encore l’étau autour de Yahya Jammeh. L’autocrate, qui dirigea le pays pendant 22 ans après avoir conquis le pouvoir par un coup d’État, est cité par la justice gambienne comme le responsable de nombreuses exactions commises pendant son régime. Parmi elles, plusieurs crimes contre l’humanité, imprescriptibles.
« L’ampleur des crimes »
Dans ce rapport remis au président Adama Barrow à la veille de l’élection présidentielle du 4 décembre 2021, la TRRC recommande des poursuites à l’encontre du fantasque Jammeh, qui avait mis en place un système autoritaire basé sur la terreur et l’impunité. Aux côtés de près de 70 personnes, dont deux sont aujourd’hui décédées, il est présenté comme le principal responsable de certains crimes commis entre juillet 1994 et janvier 2017. « Avant même de débuter nos enquêtes, nous savions que Jammeh, en sa qualité de dirigeant, était en grande partie responsable des atrocités perpétrées à cette époque, explique le secrétaire exécutif de la TRRC, Baba Galleh Jallow. Mais nous ignorions l’ampleur des crimes en question. »
Après avoir entendu 393 témoins, victimes et ex-membres des escadrons de la mort au cours d’auditions publiques, et au terme de deux ans et demi d’enquête, la commission a conclu que Yahya Jammeh était responsable de détentions extrajudiciaires, d’actes de torture et d’assassinats visant des opposants ou des journalistes. L’ancien président a également été reconnu coupable du viol de plusieurs personnes, dont l’ancienne reine de beauté Fatou « Toufah » Jallow, qui l’avait cité dans son témoignage.
Celui qui se définissait comme un « dictateur du développement », convaincu d’avoir trouvé le remède contre le sida, a aussi été reconnu coupable de la mort de 41 malades ayant reçu un faux traitement contre le VIH – des actes de violences sexuelles faisaient partie de ce « remède miracle ».